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26 août 2014 2 26 /08 /août /2014 17:11

Le Président de la République vient de choisir plus ouvertement la dévaluation interne étudiée dans notre article du 20 Août dernier(1). Les réformes structurelles vont donc l'emporter comme autant de tentatives de remèdes à la croissance disparue. Au delà des considérations économiques largement développées sur ce blog, il serait intéressant de réfléchir au mode de vivre ensemble qu'elles induisent.

La régulation fordiste mise en place à l'issue de la seconde guerre mondiale s'est aussi nourrie de réformes structurelles capables de participer à une formidable croissance que la crise de 1929 avait fait disparaitre.

Cependant, ces réformes étaient socialement inclusives, incorporaient l'idée de progrès continu, et consolidaient l'idée de communauté souveraine, maitresse d'un destin démocratiquement négocié.

Bien évidemment, elles étaient aussi et surtout un procédé de réevaluation interne du travail, un travail désormais mieux rémunéré et surtout protégé. La liste des réformes structurelles de l'époque est trop considérable pour la mentionner en quelques lignes ; disons simplement qu'elles provenaient notamment, directement ou indirectement, des idées du Conseil National de la Résistance.

Le fordisme finissant des années 70 avait déjà épuisé l'apport des réformes structurelles de l'après guerre - lesquelles devenaient contre-productives- lorsque ce même fordisme s'est mis à vivre par d'autres moyens : celui de la mondialisation(2). Parce que l'appareil de production du fordisme s'est fondamentalement transformé, la lente démonétisation des réformes structurelles s'est aussi déroulée sans l'hostilité décisive de ceux qui en bénéficient encore, parfois sur la base d'une dette publique croissante....donc à crédit...

Le salarié qui était aussi consommateur et citoyen, devient un être beaucoup plus éparpillé: sa citoyenneté s'évanouit dans la fin de la souveraineté de l'Etat-Nation et son intérêt de consommateur l'amène à fragiliser son emploi. Devenu "individu désirant", il consomme des droits liberté et s'illusionne dans l'économie mondialisée et numérisée(3).

Il est donc aujourd'hui politiquement possible d'aller plus loin et de proposer des réformes structurelles d'une toute autre nature : la loi dans sa rigidité n'est plus exigée, elle ne libère plus. Le contrat dans sa flexibilité lui est préféré. Dérégulation, simplification, ouverture, libre choix, fluidification, deviendront l'axiomatique du nouveau vivre ensemble.

Le prix économique de ces transformations est considérable et nous ne cessons de montrer sur ce blog qu'il est le principe explicatif de la grande crise des années 2010(4). Ce prix est pourtant jusqu'ici globalement accepté : le progrès ayant disparu avec l'effacement de la nation qui lui donnait du sens, il semble que les contraintes et efforts collectifs qu'il imposait, sont rejetés au profit de toujours plus de liberté formelle.

La voie est libre pour des réformes structurelles d'une toute autre nature. La France, qui était l'un des derniers pays à résister, accepte avec son nouveau gouvernement, toutes les conséquences de la dévaluation interne porteuses de l'ajustement à la mondialisation.

Désormais, les réformes structurelles ne seront plus inclusives mais chargées de poursuivre la déliaison sociale.

Désormais, les réformes structurelles ne seront plus porteuses d'un progrès continu et le temps bien orienté, devient futur écrasé par la gestion du présent (5).

Enfin, désormais, les réformes structurelles pousées par l'exigence des marchés, effaceront davantage encore l'idée de nation souveraine encadrant une démocratie.

La France dans son exceptionnalité avait jusqu'ici mieux résisté à la crise, ce qui faisait dire qu'elle ne connaissait pas les plans d'austérité. Absence à partir de laquelle les autres pays de la zone euro pouvaient soulager les douleurs de leur propre dévaluation interne par des exportations vers la France...protocole médical qui va s'achever.

Désormais elle va  entrer dans l'austérité et va profondément transformer son vivre ensemble. Ce dernier - historiquement toujours diffcile à construire(1789,1830,1848,1970,1940,1958,) - va se défaire de façon plus accélérée.....sans qu'une solution soit aujourd'hui repérable. C'est que, jadis, les mesures structurelles rassemblaient, alors qu'aujourd'hui elles éparpillent dans une joyeuse noyade collective. Et les "candidats" à la noyade sont nombreux, tant l'ignorance de la réalité économique et sociale est grande. Quand les repères s'effondrent, la raison s'efface. Bien sûr, la prétendue liberté de la presse apporte sa pierre dans l'édification du brouillard intellectuel et la joyeuse noyade.

Les entrepreneurs politiques qui ont la malchance d'exercer le pouvoir ne peuvent même plus brandir l'idéologie de l'intérêt général et  risquent de comprendre qu'ils ne sont plus que les marionettes de la "surclasse" chère à Jacques Attali. Les représentants de cette dernière,  à l'abri de la noyade collective,  marionettistes des premiers, peuvent exercer partout un lobbyisme prétendu vertueux : le logiciel intellectuel de formation qui leur a été proposé dans les écoles de commerce ne leur permet pas de déchiffrer "le monde tel qu'il est" (6).

Les réformes structurelles à venir : une gigantesque automutilation.

 

Note: Pour un approfondissement de ce billet nous invitons les lecteurs, à lire avec attention les textes évoqués en notes de bas de page.

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(1)http://www.lacrisedesannees2010.com/2014/08/fin-de-l-euro-et-fin-de-la-privatisation-des-monnaies.html

(2)Cf. Jean Claude Werrebrouck;"Banques centrales, Indépendance ou soumission, un formidable enjeu de société"; Editions Yves Michel, 2012.

(3) Pour l'explication de la grande crise nous renvoyons à nombre d'articles du blog "Lacrisedesannees2010.com". Le lecteur intéressé en trouvera la liste à partir de son moteur de recherche.

(4) Les lecteurs interéssés par le processus correspondant pourront trouver des éléments de réflexion dans le texte suivant que nous recommandons:http://www.lacrisedesannees2010.com/article-grande-crise-printemps-francais-theorie-du-genre-122562078.html

(5)http://www.lacrisedesannees2010.com/article-un-futur-ecrase-par-le-present-ou-l-actualite-d-un-texte-ancien-114031997.html

(6)http://www.lacrisedesannees2010.com/article-le-monde-tel-qu-il-est-78572081.html

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commentaires

H
La fin du vivre ensemble (pour tous), c'est le coeur même (en fait, la clef de voute) de toute l'économie néoclassique (qui se veut la &quot;justification&quot; scientifique du néolibéralisme), d'où mon effort pour en démystifier le contenu.<br /> Je simplifie ici encore un coup, en résumant (et complétant) la formulation:<br /> -<br /> <br /> L'ÉCONOMIE NÉOCLASSIQUE se veut la modelisation idoine de tous nos échanges de biens et services, y compris le travail (donc, production et consommation).<br /> Pour cela, elle se fonde sur le postulat (pas trop déraisonnable... à première vue) que chaque agent économique y maximise son intérêt (i.e. sa &quot;fonction d'utilité&quot;, comme ils disent). Dans cette formulation, chacune d'entre elles est évidemment conflictuelle avec les autres: l'acquéreur de quoi que ce soit (la demande) le souhaite au meilleur prix, alors que, pour le vendeur (l'offre), c'est l'inverse.<br /> En ce sens, l'économie est un réseau d'agents tous liés par l'optimisation de leur &quot;fonction d'utilité&quot; propre (qui possède autant d'arguments comme variables que les biens et services qui le concernent).<br /> La dite &quot;optimisation multicritères&quot; par rapport à ces variables indépendantes donne autant d'équations que d'inconnues.<br /> La solution de ce système, si elle existe, donne l'équilibre économique !<br /> <br /> C'est en fait une trivialité..., du même genre que &quot;la lutte pour la vie&quot; qui fournit l'équilibre primitif des espèces.<br /> Mais c'est aussi pour cette raison que saute aux yeux son insuffisance: c'est nous ramèner à l'âge de pierre !<br /> Quid de 10 000 ans de civilisation depuis le néolythique qui nous ont peu à peu appris à sortir de cet état par la loi (droit), la division du travail dans la coopération (agriculture et élevage antiques), etc.<br /> En fait, la réponse est évidente: Les &quot;utilitaristes&quot; évoqués, du siècle des lumières, avaient déjà tous posé qu'il n'y a en fait qu'un seul critère pour la société organisée: c'est l' &quot;utilité commune&quot;, obtenue comme somme des utilités individuelles !<br /> Il semble que nos économistes &quot;néoclassiques&quot; n'en soient pas encore arrivés là, bien qu'on leur ait donné maints &quot;prix Nobel&quot; pour avoir fait la description (ce que certain ont cru devoir traduire en apologie) de l' &quot;état sauvage&quot; en économie !<br /> -<br /> <br /> L' &quot;OPTIMUM DE PARETO&quot; (prétendue clef de voute) n'est là que pour noyer le poisson, et ceci en deux temps:<br /> <br /> 1/ Il sert à éviter des situations de blocage du type dit &quot;dilemne des deux prisonniers&quot;, où chacun des agents s'enferme, par principe même du jeu conflictuel, dans un choix qui pourrait être amélioré pour chacun des deux !<br /> Ce &quot;gaspillage&quot; incongru avait sauté aux yeux de Pareto, qui en a déduit le principe qu'un optimum (conflictuel) ne saurait être atteint que &quot;lorsqu'aucun des agents ne peut améliorer sa situation sans défavoriser celle d'un autre&quot;.<br /> On dit dans ce cas que toutes les ressources sont utilisées, c'est à dire sans le gaspillage précédent.<br /> On notera au passage qu'obtenir cela n'est pas évident: Il y faut un &quot;régulateur&quot;, comme l'arbitre pour deux lutteurs, car les deux agents ne peuvent le faire d'eux-même (le &quot;dilemne des prisonniers&quot; est tel que le premier qui essaie seul dans ce sens offre alors l'occasion à l'autre d'y gagner, à ses dépens).<br /> Même si cette amélioration est obtenue, ça reste dans un contexte... d'équilibre conflictuel par ailleurs (i.e. qui ne maximise pas l'utilité commune, en général) !<br /> <br /> 2/ Le glissement sémantique est apparu lorsque l'on a (avec quelqu'arrière pensée, sans doute) appelé cette amélioration &quot;optimum&quot; de Pareto, alors que la sémantique latine correcte aurait dû imposer le terme &quot;melior&quot;.<br /> Ce glissement sémantique a permis l'escroquerie fondamentale de l'économie néoclassique:<br /> Ainsi a-t-on pu entendre Michel Rocard (inaverti de la chose, comme tous les ENA, HEC, etc.) dire sur nos antennes avec le plus grand aplomb et son amphase habituelle:<br /> L'économieee nous enseeeigne... que l'on ne saurait intervenir dans l'équilibre des marchès sans nuire gravement à l'optimalité du résultat !<br /> Mais l'&quot;optimalité&quot; de Pareto, on l'a vu, n'a pas vocation à maximiser l'utilité commune, c'est à dire la somme globale...<br /> Cela ne s'obtient que si les deux agents remettent alors entièrement leur sort au régulateur central (l'arbitre), qui calcule l'optimum global auquel ils doivent se conformer.<br /> <br /> Dans ce dernier cas, c'est bien &quot;doivent&quot; car il ne s'agit plus d'abandonner les agents à leur jeu conflictuel, avec tous ses biais (dotations initiales, atouts structurels, rôles et situations respectives dans le jeu, etc.).<br /> On notera que l'on obtient alors une situation comparable en Économie à ce qu'elle est depuis longtemps en Droit: la justice n'est -elle pas une institution d'intérêt général, à laquelle on doit tous se conformer ?<br /> Mais il ne s'agit pas non plus de prétendre calculer, comme les (premiers) planificateurs soviétiques... le volume exact de la production de tomates sur le marché de Tachkent, pour toute la durée du plan quinquenal. (Pour avoir vu ce marché moi-même, libéré de telles considérations, déjà sous l'URSS et heureusement, c'est toute la variété des couleurs du Sud et de l'Orient soviétiques qui vous sautait au visage!)<br /> En revanche, c'est bien ce genre de planification globale qui devient nécessaire lorsque, commme on le fit sous les Trente Glorieuses (cf Pierre Massé), il s'agit de mettre en chantier notre programme aerospatial, nucléaire ou même ferroviaire... et, plus généralement toute notre grande industrie !<br /> Malheureusement les apprentis-sorciers (Balladur, Chirac, Juppé, Jospin / Strauss-Kahn) ont tout vendu au privé, nonobstant l'intérêt public, la vision globale et le &quot;temps long&quot; que ces activités requièrent (Recherche et développement, notamment, dixit JLM)<br /> <br /> C’est toute cette escroquerie intellectuelle qui est dénoncée plus en détails dans le billet &quot;invité&quot; référencé plus haut, de façon un peu plus complète:<br /> http://www.pauljorion.com/blog/?p=3...<br /> dont on peut également lire les précisions utiles et compléments nécessaires, apportés dans les réponses aux 197 commentaires…
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