A la lumière des présentes négociations entre la Grèce et les institutions de l'ex Troïka, nous voudrions reprendre les scénarios établis dans le présent blog dans son article du 10 mars dernier.
Rappelons les brièvement, dans leurs développements, leurs conséquences et la situation d'arrivée tels qu'imaginés à la date du 6 mars:
1) Décision d’aider la Grèce :
- Contestation de la coalition au pouvoir en Allemagne (AFD notamment)
- Montée des populismes dans le sud, notamment en Espagne
- Fin des politiques d’austérité
- Monétisation massive de la part de la BCE
- Décision très consensuelle - mais dramatique- d’une sortie de l’euro par les entrepreneurs politiques allemands.
2) Décision de ne pas aider la Grèce :
- Maintien de la coalition au pouvoir en Allemagne.
- Maintien des politiques de dévaluation interne dans les autres pays.
- Aggravation continue des disparités intra européennes
- Dépression à l'échelle continentale
Il semble donc évident - encore une fois toutes choses égales par ailleurs- que le choix de ne pas aider la Grèce domine celui de l’aider. L’Allemagne choisira donc de rester dans l’euro le plus longtemps possible en restant très soucieuse du respect des règles. Ce n’est qu’avec l’aggravation de la crise sociale dans le sud et la perte de contrôle de ses entrepreneurs politiques que la décision très lourde et très difficile mais consensuelle de sortie de l’euro serait prise par les entreprises politiques allemandes.
Ce second scénario doit être étudié en fonction des choix à court terme du gouvernement grec :
Choix 1:La Grèce fait défaut et décide de sortir de l’Euro :
- Rétablissement du contrôle des changes et des mouvements de capitaux
- Dévaluation de 20 à 30% de la nouvelle monnaie nationale.
- Mise en place du programme gouvernemental dans les conditions d’un équilibre budgétaire retrouvé (fin de la rente de la dette et utilisation de la marge du solde primaire 2014)
- Investissements étrangers confortés sur la base de la compétitivité retrouvée.
Variante possible : réquisition de la banque centrale avec monétisation permettant de rembourser toutes les dettes sur la base du nouveau taux de change. Dans ce cas, les contrats sont formellement respectés
Choix 2 : La Grèce réquisitionne sa Banque centrale et conserve l’euro :
- La banque centrale monétise et fait face à l’ensemble de ses créanciers
- Le marché de la dette publique disparait au profit du financement direct par la Banque centrale.
- Mise en place aisée du programme gouvernemental annoncé.
- Mise en place le cas échéant d’un « 100% monnaie ».
- La BCE met fin au dispositif TARGET 2 jouant pour la Grèce.
- Le marché interbancaire se ferme et les banques étrangères disparaissent.
Ce scénario aboutit à la marginalisation complète de la Grèce. On en déduit que la stratégie correspondante est dominée par celle du choix 1.
On peut donc penser que le gouvernement grec choisira la première stratégie : celle d’une sortie de l’euro.
Voilà donc ce que concluait notre analyse du 10 mars dernier.
Qu'est devenue cette analyse prospective quelques 2 mois plus tard?
Il est clair que la décision de ne pas aider la Grèce est toujours clairement retenue, même si, ici ou là, des concessions marginales viendraient limiter une trop apparente capitulation des entrepreneurs politiques grecs.
Par contre, on peut s'étonner que ces mêmes entrepreneurs politiques n'aient pas fait le choix proposé dans notre scénario du 10 mars.
Certes les entrepreneurs politiques grecs au pouvoir craignent les "effets de second tour" analysés dans notre article :
- effet bombe atomique de 14 années de règne de l'euro,
- difficulté de concevoir une authentique substitution des importations par des productions nationales,
- pénurie massive de devises que le tourisme ne peut réellement juguler, etc.
Au-delà il existe aussi une raison majeure : nous avons sous-estimé l'attachement des grecs au modèle européen, attachement qui est aussi le rejet de ce qui relève de l'Est: monde Ottoman et ex-monde soviétique. En sorte que, au moins à court terme, les entrepreneurs politiques grecs au pouvoir doivent choisir entre 2 maux: entrer en servitude volontaire avec l'Allemagne ou partir, ce qui serait vécu comme un inacceptable éloignement de l'Occident.
A court terme, ces mêmes entrepreneurs politiques au pouvoir, auront démontré qu'ils ont beaucoup œuvré pour sortir le pays du bourbier dans lequel d'autres entrepreneurs politiques l'ont plongé. Ils ne prendront donc que des risques limités en s'appuyant sur un peuple qui rejette massivement la Troïka, mais finalement la préfère à ce qu'il croit être l'inacceptable séparation d'avec l'Occident.
Bien évidemment, ce scénario corrigé serait encore un choix de court terme tant il est vrai que fondamentalement nous maintenons, comme dans le texte du 10 mars, qu'il n'existe pas d'espace de négociation mutuellement avantageux entre l'Allemagne et la Grèce.
Le monstre euro n'a pas fini de détruire les peuples européens.