Les élections, qu’elles soient régionales ou nationales ne changeront rien tant que les partis politiques seront dans l’incapacité de prendre en compte les bases d’une réelle refondation. Hélas, ces bases ne peuvent facilement émerger comme produits politiques autorisant démocratiquement une prise du pouvoir. Le rejet européen de l’européisme s’étend et les partis traditionnels sont bien évidemment incapables de proposer une solution. Le questionnement fait de plus en plus place à l’inquiétude : si rien de sérieux ne peut être entrepris, l’approfondissement permanent de la crise économique et sociale risque de conduire, en France, mais aussi dans beaucoup d’autres pays, à des dégradations importantes du vivre-ensemble[1]. Une situation de rupture sociale avec, non pas une guerre civile, mais davantage une guerre de tous contre tous, n’est peut-être plus à exclure.
Nous proposons dans le canevas ci-dessous les grandes lignes de ce qui nous semble indispensable pour la renaissance d’un vivre-ensemble désirable.
Liste des réformes structurelles à envisager
-Détruire les racines de l'énorme « économie casino »[2] en :
- interdisant la planche à billets -« Quantitative Easing »- de ne fonctionner qu’au bénéfice exclusif des banques et des Etats[3]
- reprenant le contrôle de la Banque centrale,
- reprenant le contrôle de la monnaie,
- reprenant le contrôle du taux de change,
- reprenant le contrôle des mouvements de capitaux.
Conséquences :
- suppression de dizaines de milliers d’emplois de haut niveau et néanmoins parasitaires (moins de 7% des échanges sur les marchés financiers concernent l’économie réelle)
- suppression de la prédation correspondante et ses « effets de démonstration »[4] ravageurs sur le vivre –ensemble
- suppression des bulles spéculatives et risques systémiques associés
- suppression de l’inutile marché de la dette publique[5]
- rétablissement de l’idée que l’on ne peut s’enrichir sans travailler productivement ou sans investir dans l’économie réelle.
-Rétablir les racines de l’économie réelle en :
- confiant au parlement la décision d’une création monétaire annuellement exécutée par la Banque centrale[6]
- fixant au système bancaire des objectifs d’enveloppes d’investissements privés et publics décidés par le parlement et exécutés sous le contrôle de la banque centrale
- réorientant l’épargne et le « shadow banking » vers le seul investissement productif
- offrant, sous contrôle parlementaire, des garanties publiques sur opérations risquées
- déplaçant progressivement la fiscalité pesant sur les entreprises vers celle pesant sur la consommation et le revenu des ménages (les entreprises doivent être des chevaux de courses)
- fiscalisant les revenus du capital sur le critère de la durée de l’investissement (la spéculation est étrangère à l’investissement)
- fixant les revenus de la « dirigeance » des entreprises sur des critères économiques et non seulement financiers ;
- favorisant le rétrécissement des chaines de la valeur et la fin du démembrement à l’échelle planétaire des entreprises
- favorisant une « authentique » concurrence entre partenaires égaux remplaçant la destructrice « concurrence libre et non faussée »
- interdisant toutes les formes de « capture » de la dépense publique.
- programmant la fin des régulations bureaucratiques et autres Autorités Administratives dites « Indépendantes ».
Conséquences :
- augmentation considérable de l’investissement privé et public
- mise en place des voies d’une amélioration de la qualité de l’offre globale
- fin des dispositifs d’austérité destructeurs économiquement, socialement, et politiquement
- surplus assuré de l’activité et de l’emploi
- fin du processus de développement vertigineux des inégalités sociales[7].
- Rétablir l’efficience de l’Etat- providence en :
- évaluant chaque type de dépense sociale à partir d’une analyse coût/avantage effectuée par un organisme authentiquement indépendant
- plaçant les organisations en charge dans un milieu concurrentiel sur la base du critère de l’efficience
- luttant contre toutes les formes de clientélisme et de captation de rentes.
Conséquences :
- diminution substantielle des dépenses sociales
- responsabilisation croissante de tous les acteurs
- amélioration des services rendus aux usagers.
- relégitimer les dépenses sociales en tant qu’outils du vivre ensemble
- Rétablir l’efficience de l’Etat régalien en :
- rétablissant l’idée centrale de souveraineté, seul cadre possible de déploiement d’une authentique démocratie
- renégociant l’ensemble des traités européens qui ont entamé la souveraineté
- investissant dans les dépenses militaires, pièces centrales du « ruissellement » du haut de gamme technologique vers toutes les branches de l’industrie
- augmentant la productivité de l’appareil juridique et judiciaire
- investissant dans l’éducation, la formation et la recherche
- rétablissant les valeurs de la République
Conséquences :
- rétablissement d’un vivre ensemble aujourd’hui compromis
- montée qualitative de l’offre globale avec ses effets sur la compétitivité
- bien placer le pays dans le mouvement planétaire de naissance/renaissance des nations;
- mise en situation pour proposer un nouveau système de régulation (politique/ économique/ monétaire) planétaire. (nouveau Bretton-Woods ?)
- Rétablir la confiance en :
- interdisant la professionnalisation des « entrepreneurs politiques » (limitation des mandats dans le temps et l’espace)
- favorisant le développement des initiatives partant de la base : référendums d’initiative populaire, surveillance étroite des mandats avec possible destitution, etc.
- développant un statut de l’élu
- organisant la transparence sur le lobbying, la négociation des Traités internationaux, etc.
- organisant la fin de l’oligopole médiatique
- organisant la formation à la citoyenneté de la jeunesse.
Conséquences :
- renouer avec la tradition démocratique
- abandonner l’idéologie gestionnaire et renouer avec le politique
- rétablir un vivre-ensemble, ouvert sur le monde, délibérable et désirable.
Ces quelques réformes n’ont évidemment que peu de rapport avec celles avancées et proposées à grand bruit par le système politico-médiatique actuel. Chaque point n’est qu’une ébauche ou un squelette qui doit être considérablement enrichi pour donner lieu à un dispositif programmatique sérieux. En revanche il s’agit d’un système articulé et les différents blocs (économie Casino ; économie réelle ; Etat providence ; Etat régalien ; confiance) sont dans la congruence de ce qui permettra de refaire nation et goût du vivre–ensemble dans un monde ouvert.
[1] « Un monde de violence, l’économie mondiale 2016-2030 »,Jean Hervé Lorenzi et Mickaël Berrebi, Eyrolles, 2015.
[2] Sans reprendre cette expression, l’ouvrage de Gaël Giraud ( « Illusion financière », les Editions de l’Atelier,2015 ), permet de bien comprendre les méfaits de ce que nous appelons « la boursoufflure" de la finance sur notre blog.
[3] Il est ici intéressant de se référer à un article de Flas Eco Natixis du 11 décembre 2015 : finanhttp://cib.natixis.com/flushdoc.aspx?id=88551cière ».
[4] Au sens de Thorstein Veblen et de qu’il appelait la « consommation ostentatoire ».
[5] « Banques Centrales, Indépendance ou soumission, un formidable enjeu de société », Jean Claude Werrebrouck, Editions Y Michel, 2012.
[6] http://www.lacrisedesannees2010.com/2015/11/front-national-comment-proposer-la-fin-de-l-euro-sans-perdre-les-elections-fin.html
[7] Au-delà de l’ouvrage de Jean Hervé Lorenzi et Mickaël Berrebi déjà cité, et bien sûr au-delà de Piketty, on pourra se référer à celui de Anthony Atkinson : « Inegality What can be done ? », Harvard University Press, 2015.