Les Objectifs fondamentaux
1 – Dans un cadre expurgé des stratégies de « capture de l’Etat » par des groupes en concurrence, le but ultime de l’action politique est la contribution de cette dernière à la qualité du « vivre ensemble » dans la société.
2- Parmi les facteurs fondamentaux du bien vivre ensemble, il y a l’importance de la classe moyenne. Plus cette dernière est large, en position quasi hégémonique, et plus l’ensemble est apaisé : confiance entre agents, confiance en l’avenir, confiance et respect dans la démocratie, émancipation visible, recul du communautarisme, avec au final entropie faible et « capital social » élevé (Ce qui ne veut pas dire bien sûr que tout soit réglé).
3 - Le dirigeant politique idéal serait donc au service des outils de la puissance publique, outils choisis en vue de la reconstruction d’une classe moyenne aujourd’hui en déshérence. Cela concerne la France et au-delà l’ensemble de l’Occident, mais aussi l’ensemble des pays « émergés » victimes de ce qu’on appelle aujourd’hui l’impossible « moyennisation ».
4 - L’immense classe moyenne à reconstruire n’est pas celle d’hier. Celle-ci doit pouvoir ancrer ses nouvelles aspirations - autonomie radicale, inventivité, dynamisme, etc.- sur une nouvelle manière jugée positive du vivre-ensemble.
5- L’objectif de reconstruction d’une immense classe moyenne doit tenir compte de ce nouveau logiciel dans lequel le futur ne s’enracine plus dans les grands paradigmes narratifs, se contente de quête de bien-être matériel, et ne devient valeur ascendante que lorsqu’on le conçoit dans sa dimension environnementale. Il doit aussi tenir compte d’une valeur liberté qui ne souhaite plus s’exercer dans un cadre protecteur et cherche à s’affranchir parfois de tout cadre (fin de la modernité, fin des pyramides hiérarchiques, corrosion de toutes les institutions, développement du « pair à pair » radical et rejet des « tiers »). Redonner du sens au vivre ensemble est ainsi un travail politique difficile dans un monde qui transforme ce dernier en croyance indisponible. Restons néanmoins optimistes…
Les moyens principaux
1 - Les outils de la puissance publique doivent tout d’abord être maitrisables, ce qui passe par le retour de la pleine souveraineté, sans laquelle le « Démos » se trouve contesté et emprisonné. Contestée aussi bien par l’extérieur (Union européenne) que par l’intérieur (haine de la Nation) ce retour pourtant essentiel n’est guère facile à établir.
2 - Considérant que le revenu de citoyenneté est peu engendreur de lien social (risque d’entropie élevée et capital social faible), il faut admettre que la valeur travail - même revisitée par des aspirations nouvelles (autonomie, réalisation de soi, etc.) - reste aujourd’hui encore l’instrument fondamental de la socialisation. La reconstruction d’une immense classe moyenne passe par le rétablissement d’un plein emploi productif de qualité. Plein emploi autorisant une croissance inclusive forte et la fin du déséquilibre extérieur du pays.
3 - Dans une réalité qui confirme que le monde restera celui de la cohabitation concurrentielle entre Etats- Nations, l’arme monétaire, dans sa dimension « taux de change », est un outil indispensable au rétablissement du plein emploi : elle est un filtre entre un dedans maitrisable et un dehors à maitriser. La maitrise relative d’un taux de change est ainsi la clé qui permet l’ajustement entre des mondes différents et ouverts à la cohabitation concurrentielle.
4 - Parce que la cohabitation entre Etats- Nations est fondamentalement concurrentielle, l’arme monétaire permet d’éviter les catastrophiques dévaluations internes pratiquées par les pays du sud de la zone euro (reculs du salaire réel, de la demande interne et de l’emploi, et pratique non généralisable en raison de ses effets externes négatifs sur les autres pays). Le rétablissement à court terme de la compétitivité passe donc par le taux de change et jamais par la baisse des salaires.
5 – A moyen et à long terme la compétitivité porteuse du rétablissement des classes moyennes et du bien vivre ensemble passe aussi par des choix privilégiés en termes de branches d’activité. Toutes les activités porteuses de croissance régulière de la productivité et aux effets externes positifs sont à privilégier. Il faut ainsi privilégier l’industrie, mais aussi l’agriculture, l’écologie, les technologies numériques, toutes activités qui de par leur nature peuvent concourir au rétablissement de l’équilibre extérieur. Les activités non porteuses de rendements potentiellement croissants -celles imaginées aux fins du soulagement du poids de la crise, non susceptibles de contribuer à l’équilibre extérieur- ne sont plus à privilégier.
6 - Le rétablissement de la souveraineté monétaire est d’abord un coût élevé (dévaluation) pesant sur les classes moyennes dont on veut, pourtant, rétablir la place centrale. Le maintien de la confiance durant la difficile phase de reconstruction suppose une dimension spectaculaire, celle de la promptitude et de la non-limitation des moyens de l’investissement.
7- La non limitation de l’investissement est ce qui permet de sortir à moyen terme du plafond très bas de la croissance potentielle (à peine 1% aujourd’hui), plafond bloquant la création d’emplois et donc le rétablissement de la classe moyenne. Il est donc fondamental d’élever rapidement les taux d’activités dans toutes les classes d’âge par une embauche massive et rapide autour des moyens investis (environnement, SNCF, Energie, infrastructures, etc.). Non seulement le chômage apparent doit disparaitre mais la population en activité doit croître dans d’importantes proportions (importance du critère du taux d’activité en équivalent temps plein comme seul outil de mesure du chômage réel).
7- Le risque de fuite considérable des investissements sous la forme d’importations massives doit être combattu par leur sélection : d’abord la requalification la plus rapide possible de ceux qui étaient devenus des « inutiles au monde » parfois depuis plusieurs générations (requalification d’abord sociale puis professionnelle), ensuite adoption d’un processus sélectif de l’investissement limitant la forte pression sur les importations.
8- Les contraintes de requalifications et de fuite vers les importations sont les seules pouvant être qualifiées d’objectives. Tel n’est pas le cas des moyens financiers. A ce titre la mise sous tutelle de l’ensemble des institutions monétaires et financières est requise et il est mis fin à l’indépendance de la banque de France.
9 - Une arme privilégiée de l’investissement est le rachat de dette publique à échéance par la Banque de France. Le cas échéant cette arme peut aussi être celle de l’émission directe par la banque de France, émission rétablissant le seigneuriage sur l’ensemble de la monnaie scripturale émise par les banques. (Principe de la « monnaie pleine » ou du « 100% monnaie »).
Les moyens correspondants sont redistribués :
- aux banques chargées d’une mission de service public,
- aux agents économiques sous la forme d’une baisse des prélèvements publics obligatoires,
- à la puissance publique elle-même,
- aux éventuels litiges avec les victimes (non-résidents) de la perte de change résultant de la fin de l’euro.
10 - La mission de service public du système bancaire concerne notamment l’aide au rétablissement de l’équilibre extérieur : relocalisations, investissements substitutifs d’importations, agriculture de proximité privilégiant l’autosuffisance alimentaire, dé-carbonisation etc.
11 - Les moyens nouveaux de la puissance publique doivent privilégier l’avenir : formation, recherche, coopération inter-étatique -en particulier européenne- sur grands projets, investissements stratégiques, etc.
12 - La méthodologie du retour à la souveraineté monétaire passe par une habile négociation ne portant au départ que sur le questionnement du caractère non approprié de « l’ordo-libéralisme » allemand : la responsabilité de la fin de l’euro doit reposer sur l’Allemagne et non sur la France.
Conclusion : La fin du QE de l’actuelle BCE - qui a augmenté la base monétaire et non le crédit et donc l’investissement - et son remplacement par l’achat direct de dette publique participe à une véritable économie de l’offre rétablissant la confiance : l’aisance monétaire renoue avec des investissements massifs, eux-mêmes encouragés par la baisse des prélèvements publics obligatoires. Parallèlement, les banques et en particulier, celles dites « Spécialistes en Valeurs du Trésors » (« SVT »), sont mécaniquement invitées à construire des produits financiers dont la contrepartie correspond à un investissement réel. (et non plus une dette publique dont la contrepartie est une dépense publique courante). Une croissance forte reconstructrice d’une classe moyenne large est ainsi enclenchée.
Au final la seule contrainte réelle qui peut bloquer le retour d’une classe moyenne très large est d’ordre idéologique : l’époque est-elle disponible à la croyance en un démos et en une indispensable solidarité ?