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21 avril 2021 3 21 /04 /avril /2021 07:42

A moins d’une année de l’échéance, les rapports de force semblent bien établis et le second tour de l’élection offrira à l’électeur un choix entre 2 forces très minoritaires. Résultat plus serré qu’en 2017 avec néanmoins prime pour le sortant.

Vu l’extrême fatigue de la population, la campagne devrait être assez plate et les joueurs joueront le jeu sans jamais débattre d’un changement de règles. Certes, l’idée de souveraineté sera beaucoup évoquée mais aucun joueur ne se risquera d'en discuter avec le sérieux indispensable. Sachant  que le souverain est celui qui se donne la possibilité de dépasser un cadre, chacun se  dira prêt  à en dépasser les limites tout en veillant scrupuleusement à rester à l’intérieur du périmètre  du terrain de jeu.  Même le RN respectera strictement le terrain de jeu actuel et tentera d’arracher plus de compétitivité en devenant un parti comme les autres. C’est ainsi que le combat entre joueurs sera celui d’échange de slogans souvent vides de sens : « capitalisme responsable avec objectifs sociaux », « performance ESG » (environnement/social/gouvernance), « fin de la logique du « fair value » dans les normes financières et comptables », « réglementation souple sur la commande publique », « pouvoir d’adaptation de la réglementation », « création d’ une agence des technologies de rupture », « rationalisation des aides à l’investissement », « abolition de l’extra territorialisation du droit américain » etc.

Les élections législatives qui suivront vont voir disparaitre les quelques centaines de députés type « ancien étudiant d’école de commerce et de communication ». Leur remplacement se fera par une très large majorité de députés type « Assureur de Saint Quentin ». D’où une cohabitation plus difficile que celle des années 1974/ 1981.

Le résultat de l’élection présidentielle étant assez resserré ( type 54/46), et l’élection législative ne laissant que peu de place à la gauche (quelques dizaines de députés) et peut-être encore  moins au RN (20/30 députés ?), le conflit entre  légalité et  légitimité deviendra trop visible.

Le grand écart entre légitimité et légalité déjà fort présent dans le quinquennat avait pu être contenu dans ses effets par une pandémie providentielle. Ce sera beaucoup plus difficile à partir de septembre 2022.

La déglobalisation fonctionnera ainsi comme discours hors sol dans un monde davantage numérisé grâce à la pandémie. La fin de l’entreprise comme organisme vivant, processus accéléré par la numérisation des plus petits acteurs, devrait développer une accélération de l’effondrement de l’architecture sociale présente : progression de la  fin du salariat  ? émigration de télétravailleurs renforçant celle des cadres existants ? accélération de l’émigration d’une élite davantage numérisée ? effacement d’une culture d’entreprise ? fin du syndicalisme ? capitalisme de surveillance ? etc. Le développement de l’Intelligence artificielle devrait lui-même accélérer la taylorisation de l’encadrement jusqu’aux niveaux les plus élevés. Moins de cadres réels et davantage « d’exécutants de l’encadrement »,  isolés, mais très surveillés et assignés au reporting permanent. L’énorme décalage entre niveau de formation et réalité du travail devrait s’accroître considérablement avec les  frustrations correspondantes. La numérisation sans retenue du management ruine l’entreprise vivante au profit du ruissellement bureaucratique.

Le capitalisme financier de l’après pandémie sera - ruse de la raison ?- adossé à un keynésianisme de grande dimension en provenance des USA. Cela posera avant même l’élection présidentielle la question du dimensionnement des plans de relance en France et, ultérieurement, favorisera les conflits à l’intérieur d’une cohabitation gouvernementale dont l’illégitimité sera clairement perçue par la population. Le retour d’un keynésianisme venu d’Amérique, théoriquement et juridiquement impossible dans le cadre bruxellois, favorisera d’énormes conflits dans un attelage gouvernemental où l’idéologie européiste confrontée à la dure réalité fera  l’objet de grands débats. Rapidement, le plan européen de relance se verra contesté dans son caractère de processus invasif d’une part et de monstruosité bureaucratique d’autre part. Parallèlement les énormes dettes garanties durant la pandémie deviendront un problème majeur pour l’attelage gouvernemental : continuer la zombification d’une partie de l’outil de production ? annulation des dettes correspondantes ? Quelles modalités pour l’affrontement avec Bruxelles ?

La société ne se vivra plus en termes de classes ou de groupes mais davantage en termes de tribus ou de bandes. Au final,  n’étant plus faite que d’individus disjoints, désormais incapables de s’organiser dans un milieu lui-même désorganisé, sans repères, et finalement inquiétant, la guerre civile de basse intensité devrait se pérenniser et grossir sous l’aide de « l’effet de loupe » de médias eux-mêmes numérisés.  Forte de composantes multiples et difficile à relier ( conflits culturels devenus indépassables, irréductible conflit entre développement auto-centré et extraversion mondialiste, conflits sur la très difficile intégration de l’environnement dans un projet humain, etc. ) la guerre civile sera de moins en moins idéologique et de plus en plus de type « guerre de tous contre tous ». Parce qu’au terme de la pandémie et de l’élection présidentielle la société se sentira davantage fissurée, elle connaitra  quelque peine à prendre conscience que sa fonction traditionnelle  de  « containment » de la violence est en voie d’épuisement.

L’enjeu de l’élection présidentielle n’est pas de sélectionner et laisser s’épanouir un projet clair et rassembleur. Parce que les acteurs sont trop fatigués et frappés de cécité, il s’agira modestement d’assurer la gestion des affaires courantes en évitant de  se poser de vraies questions.

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