Les statistiques chinoises nous laissent parfois dans l’interrogation. La courte note qui suit, est consacrée au taux de croissance pour lequel les autorités chinoises parient encore sur le chiffre de 5% de hausse pour l’année 2023. Un pari intenable… et durablement intenable.
La croissance du PIB d’un pays dépend de beaucoup de paramètres dont 2 sont déterminants : l‘évolution de la population active et l’efficacité de l’outil de production, c’est-à-dire ce qu’on appelle les gains de productivité. De ces deux paramètres - qu’il nous faut examiner- dépend la croissance attendue pour 2023.
Ce que l’on annonce à grands cris, est bien évidemment la question de la démographie chinoise qui fait que le pays voit désormais sa population globale diminuer, une diminution estimée à plus d’un million de personnes pour 2023 et qui va prendre, mécaniquement, une ampleur croissante dans l’avenir. Le taux de reproduction - autour de 1- est aujourd’hui l’un des plus faibles du monde. Ce que l’on sait moins est qu’en conséquence la population en âge de travailler diminue elle aussi. En la matière, on trouve dans la littérature beaucoup de chiffres fantaisistes ou des estimations qui ont beaucoup changé au cours du temps. Ce que l’on sait est que depuis plusieurs années les villes chinoises ne voient plus leur taille augmenter par l’afflux de paysans. Cela signifie que l’exode rural se termine, avec pour conséquence une grande quantité de logements inoccupés… et des usines qui ne peuvent plus recruter comme par le passé. Les estimations les plus fiables évoquent le chiffre de 770 millions de travailleurs actifs pour 2022. Avec toutefois une perspective très négative : le stock de population active devrait diminuer de 40 millions de travailleurs d’ici 2030. Jadis les taux de croissance très élevés correspondaient à un exode rural considérable et donc au passage d’activités de faible productivité ( celles des campagnes) vers des activités plus productives de valeur ( celle des usines au sein de villes nouvelles). Aujourd’hui, les flux d’entrée dans les villes sont taris et les départs en retraite gonflent. Alors que l’exode rural dopait la croissance, les départs massifs à la retraite vont dégonfler cette même croissance.
Sans efficacité croissante de l’outil de production, le PIB chinois ne peut donc que diminuer. Clairement, pour maintenir un taux de 5% de croissance, un taux qui permettrait mécaniquement de dépasser les USA et faire de la Chine la première puissance du monde, il faudrait que l’outil de production assure une croissance de la valeur produite supérieure à 5%. Un chiffre qui permettrait aussi de gommer la diminution inexorable et durable de la population active.
Hélas cette croissance de l’efficience ne sera pas au rendez-vous. Plusieurs arguments majeurs peuvent être invoqués.
Tout d’abord - nous venons de le voir - il n’y a plus à espérer les gains de modernisation entrainés par le passage d’une agriculture traditionnelle faiblement productive vers une industrie beaucoup plus productive : l’exode rural se termine.
Ensuite les transferts de technologie par imitation, par copiage, ou par non-respect de contrats avec les entreprises occidentales, sont eux-mêmes entrés en phase descendante. La marque première de ce déclin se lit dans les flux d’IDE ( Investissements Directs à l’Etranger) qui s’effacent rapidement de l’espace Chinois. Les entreprises occidentales, volontairement ou de façon plus contrainte quittent la chine. Si en longue période les flux entrants d’IDE furent croissants et vont culminer en 2022 (189 milliards de dollars ), l’année 2023 sera catastrophique avec seulement 4, 9 milliards de dollars pour le second trimestre.
Au-delà, la politique d’un développement beaucoup plus autocentré, imposé par le pouvoir va aggraver les tendances lourdes d’un management centralisé et structurellement peu ouvert à l’innovation. Concrètement dans les grandes entreprises chinoises, qu’elles soient sur le territoire national ou implantées à l’étranger, le groupe des décideurs est peuplé de nationaux et le nombre de cadres étrangers ouverts aux autres cultures reste limité. Le conservatisme managérial bloque le progrès et il est plus difficile de développer une créativité qui suppose une ouverture maximale dans le groupe des décideurs. De ce point de vue, la Chine se contente de développer de coûteuses routes de la soie alors que les entreprise occidentales se nourrissent des différences apportées par un multiculturalisme savamment cultivé. De petits pays, sans grands débouchés nationaux, (Suisse par exemple) peuvent ainsi disposer d’entreprises planétaires à forte croissance en bénéficiant d’une politique d’ouverture maximale dans un encadrement qui a cessé d’être national depuis de longues années (Nestlé par exemple). De ce point de vue la Chine, malgré de solides réussites, reste mal classée dans l’indice mondial de l’innovation (Onzième rang mondial et seulement troisième rang au niveau du continent asiatique selon le « Global Innovation Index » de 2022).
Pour ces trois raisons susvisées, il est clair que le taux de 5% de croissance pour 2023 est inatteignable. Au-delà, la Chine se dirige au mieux vers la stagnation et plus vraisemblablement vers un affaissement durable de son PIB