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23 novembre 2023 4 23 /11 /novembre /2023 09:00

Le débat sur l’annulation de la dette publique se concentre essentiellement sur la partie de la dette achetée par les banques centrales. Et précisément c’est parce que cette dernière est devenue importante dans le total de la dette (30% pour la zone euro et 60% de son accroissement depuis 2008) que le regard s’est porté sur les banques centrales. L’idée consiste à considérer que ces dernières pourraient d’elles-mêmes ne pas présenter au Trésor les bons à échéances qu’elles détiennent et d’accepter l’effacement de leur valeur.

Ce débat déjà abordé dans un article précédent[1] prend de l’ampleur avec la montée des taux sur le marché obligataire dans un moment où l’inflation semble reculer. La croissance en valeur du PIB (croissance calculée sur la base des prix courants, donc compte tenu de l’inflation) restera faible dans le futur en raison d’une possible récession. Dans le même temps les taux sur la dette publique demeurent élevés ( environ 3,5% sur la période 2022-2027), et deviennent possiblement supérieurs à la croissance économique. Cela signifiera qu’il faudra faire face à un service de la dette croissant plus rapidement que la croissance réelle. De quoi aboutir à un étranglement budgétaire et donc des dépenses publiques qu’il faudra museler au risque d’aboutir à la chute de la demande globale et donc aggraver les tendances sécessionnistes.

Face à ce constat le débat sur l’annulation est relancé et l’on voit le monde de la finance se lever pour une fois de plus considérer que les banques centrales ne doivent pas  être la béquille des Etats. A ce titre on en déduirait que l’annulation de la dette publique signifierait nécessairement la recapitalisation des banques centrales. Tel est en particulier ce qu’on peut lire dans les Echos du 18 novembre dernier[2]. Curieusement l’article cité prend appui sur l’idée que les banques centrales sont des filiales des Etats et qu’il faut considérer la consolidation des comptes : ce que les Etats vont gagner en s’allégeant de leur dette envers les banques centrales, ils  vont le perdre en recapitalisant les dites banques et ce pour un même montant.

Il est amusant de voir que les adeptes de l’indépendance des banques centrales considèrent ces dernières comme de simples filiales. Ce fût certes historiquement le cas et ce fût la solution au financement des guerres du vingtième siècle, sans le souci d’une recapitalisation. Ainsi personne ne se posait la question de la recapitalisation de la Banque de France entre 1914 et 1918 lorsque celle-ci finançait directement un Trésor dépensant chaque année 30 mois de recettes fiscales du temps de paix. Le déficit était un actif de la banque de France et sa contrepartie -  après les dépenses publiques, notamment celles permettant de fabriquer des armes -  se retrouvait au passif de la même banque de France sous la forme de monnaie fiduciaire. Donc pas de passif exigible… les porteurs de billets ne demandant pas le remboursement en billets… Pas de déséquilibre comptable pas de pertes et bien sûr pas de recapitalisation au demeurant impossible.

Beaucoup plus tard, notamment  avec les dividendes de la paix,  le modèle métastatique du système financier avait besoin de l’indépendance des banques centrales, pour faire de la dette publique une dette de marché garantissant l’envol d’une finance devenue débridée. Désormais la dette publique devient une opportunité de marché, d’abord par la rente offerte sur un actif sans risque, ensuite par le caractère de collatéral du dit actif. Nous renvoyons encore ici à l’article précédent[3].

Quand va-t-on enfin admettre et déclarer haut et fort que les banques centrales sont des institutions bénéficiant d’une situation de non exigence de passif ? Déclarer l’inverse et utiliser la grande presse pour évoquer une menace inexistante n’est probablement pas une erreur, mais bien plus certainement un délit consistant à profiter de la méconnaissance des personnes pour pérenniser un système éthiquement condamnable.


[2] Cf l’article d’Olivier Klein : « Annulation de la dette publique : fausse solution et vrai danger » page 12.

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commentaires

M
Vous avez mille fois raison. : l'Etat souverain a le monopole de la violence légitime et accessoirement de l'émission de monnaie grâce à sa planche à billets figurant à l'actif de la Banque centrale (prêts - jamais remboursés - et avances au Trésor Public) et au passif du Trésor. A la thèse des tenants et partisans du capital privé, il faut opposer la formule de de Gaulle : " La politique de la France ne se fait pas à la corbeille".
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