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17 mars 2024 7 17 /03 /mars /2024 09:01

Le conflit à l’Est de l’Europe est très probablement amené à se prolonger et à s’intensifier. Au-delà des drames humains qui vont lui correspondre la question est, pour les nouveaux belligérants potentiels, de savoir si l’intendance suivra.

Au vingtième siècle l’intendance a toujours suivi et  des ressources monétaires illimitées  furent aisément mobilisées notamment au cours des deux guerres mondiales.

Ainsi la France entre 1914 et 1918 a consacré plus de 70% de son PIB à l’effort de guerre. Comment ne pas comparer cette mobilisation avec les doutes politiques concernant la loi de programmation militaire 2024-2030, et doutes portant sur la crédibilité d’une stratégie mise en lumière par comparaison avec la dérive  du poids des intérêts de la dette globale du pays ? Un poids de service, dèjà plus lourd que le budget militaire (54 milliards d’euros pour le paiement des intérêts contre 47 milliards de dépenses militaires) et croissant plus rapidement que ce dernier. Aujourd’hui, simplement parvenir à respecter un volume de 2% de PIB pour les armées à venir semble difficile alors que régulièrement, entre 1914 et 1918,  il fut possible de mobiliser jusqu’à 70% du PIB. On connait avec précision le mécanisme de la mise en œuvre  de « l’intendance » : sur 100 de dépenses il n’y eu que 15 d’impôts mais 57 de dettes et 11 de pure création monétaire. L’intendance fut donc une répression financière considérable avec une inflation très supérieure au taux de l’intérêt et finalement une appropriation publique de ressources monétaires accaparées sur le secteur privé. D’une certaine façon l’Etat refuse de passer par des créanciers ( création monétaire) ou s’ils les mobilise (dette publique) c’est dans la perspective de les anéantir. De quoi ne pas se pose la question d’un endettement. A l’époque personne ne se pose la question du « qui paiera les obus ?», mais plus simplement de comment les produire.

Un autre exemple de mobilisation de ressources monétaires illimitées sans endettement fut celui du réarmement allemand dans les années 30. Là aussi il était question de construire une économie de guerre avec la contrainte supplémentaire que cela était juridiquement interdit aux termes du traité de Versailles de 1919. Le mécanisme est passé- bien sûr frauduleusement- par la création d’une société financière appelée MEFO (Metallurgische Forschungsgesellschaft m.b.H.), coquille vide émettant des effets reconnus par le Trésor allemand. Ces derniers devenaient des garanties  pour de grosses entreprises (Messerschmitt, Krupp, Siemens, IG Farben, etc.) qui, les recevant, pouvaient produire, avec leurs fournisseurs,  du matériel de guerre théoriquement payable par le Trésor mais plus réellement  escomptables sans limite  à la banque centrale (Reichsbank). Ici, à l’inverse des billets de banques de la France de la première guerre mondiale, les effets MEFO ne vont pas circuler comme monnaie et resteront cachés aux yeux des autorités internationales chargées de surveiller le respect des contraintes du traité de Versailles. Ils ne circuleront qu’entre les grandes entreprises de l’armement et la banque centrale. Au total nous sommes encore en présence du passage à une économie de guerre sans s’exposer à un quelconque endettement. Mieux, les dépenses militaires induiront un multiplicateur keynésien (non calculé à l’époque) mais- dans le contexte d’ aujourd’hui- estimé à 1,8 si l’on devait effectivement passer à une économie de guerre. Chiffre à priori très élevé, provoqué par une Base Industrielle et Technologique de la Défense française (BITD) très auto-centrée sur le pays, donc non délocalisable.

Aujourd’hui, Le véritable problème qui va se poser est celui de l’effacement des contraintes posées par la monnaie unique, contraintes qui sont un peu celles d’un traité de Versailles à l’encontre de l’Allemagne des années 30. Cela passe bien évidemment par une rupture épistémologique chez les décideurs et leurs conseillers économistes. Et d’une certaine façon les choses sont plus difficiles : naguère, France démocratique et Allemagne…hélas nazie… savaient qu’il fallait se libérer de la dette, alors qu’aujourd’hui nous sommes incapables de penser la réalité autrement.

La question est d’autant plus centrale que les pays qui pourraient plus ou moins passer en économie de guerre, par exemple l’Allemagne, qui dispose encore d’importantes ressources, sont idéologiquement les plus éloignés de toute volonté de retour à une stratégie de puissance. Et il est vrai que c’est le pays- de toute l’Union européenne le plus endetté et le plus en difficulté, la France-  qui souhaite se livrer aux efforts les plus importants. La France, compte tenu des vastes transformations anthropologiques qu’elle connait, aura-t-elle le courage, ou a-t-elle la possibilité, d’entrer dans une logique de dépassement ou de redéfinition des contraintes de la monnaie unique ? Anéantir une logique d’endettement est plus aisé dans une société encore animée dans un cadre holistique narratif d’un avenir, que dans un monde simplement peuplé d’individus déliés et sans projets.

                                                 Jean- Claude Werrebrouck ( 12 mars 2024).

 

 

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commentaires

M
Pour que la France retrouve ses marges de manoeuvre,, Il faut non pas sortir de l'euro mais sortir l'euro, monnaie funeste promue par le prestidigitateur Mitterrand, trop forte pour les économies faibles, trop faible pour les économies fortes, ce lit de Procuste des nations appartenant à l'euro-land qui génère artificiellement, et ce d'ailleurs en enfreignant la règlementation de l'UE, des déficits structurels du commerce extérieur et du budget en deçà du Rhin (pays cigales du "Club Med") ,des excédents structurels au-delà (pays frugaux de la "Nouvelle Ligue hanséatique"). La France est-elle capable de le décider, ce pays dont les habitants forment de moins en moins un tout mais de plus en plus un tas, pour reprendre l'heureuse métaphore de Régis Debray.
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J
Excellente analyse. Avons -nous des nouvelles de Régis Debray?

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