La réponse de chat GPT à la question de la nature de l’entrepreneuriat politique que l’on trouve dans la première partie de la présente note était très intéressante. On peut en reprendre les termes :
Les entrepreneurs politiques sont des individus ou des groupes qui cherchent à influencer le processus politique pour atteindre des objectifs spécifiques, comme l’adoption de lois ou des politiques publiques favorables à leurs intérêts. Ils peuvent utiliser des stratégies de lobbying, de plaidoyer ou de campagnes pour atteindre leurs objectifs.
Cette réponse qui est dans la « tête de Chat GPT » ne fait que refléter la culture ambiante du moment. Ainsi, on est surpris de constater que le personnel politique n’est pas directement mentionné, que le mot « démocratie » est absent et surtout qu’il n’est guère question de l’idée d’un « intérêt général » comme horizon du « processus politique ». Cet oubli de l’IA se vérifie naturellement dans les faits. Quels sont, au-delà de l’intérêt privé très légitime, les objectifs globaux d’une entreprise politique, « démocrate chrétienne », « centre-droit », « gaulliste », etc. ? Bien sûr on ne saurait contester la réalité de « l’utilisation de la puissance publique à des fins privées » donc la réalité d’une « capture de ladite puissance » mais il est aujourd’hui surprenant que les idées des entrepreneurs politiques aient disparu au profit de l’affichage de la simple compétence technocratique et de ses outils. Alors que naguère l’entrepreneur politique était porteur d’un idéal rassembleur, parfois grandiose comme le marxisme, il est aujourd’hui simple émetteur d’une pensée vide. Le plein – parfois trop plein- est devenu le vide.
Ce passage du plein vers le vide n’est que le respect de la congruence avec celui d’une économie qui s’est complètement transformée. Proposition à démontrer.
Nous n’allons pas reprendre toutes les circonstances qui ont entrainé la fin de l’entreprise fordienne de naguère. Elles sont longuement argumentées sur le Blog : émergence d’un capitalisme spéculatif à partir de la fin de Bretton Woods, fin des taux de change fixes, liberté de circulation du capital, dérèglementation généralisée, boursouflure financière, développement de la concurrence, fin de l’entreprise institution sécurisée et sécurisante, fin de la complémentarité organisée par les entrepreneurs politiques entre capital et travail et « troisième voie gaullienne », prise du pouvoir par les actionnaires qui vont transformer l’entreprise institution en simple objet de paris financiers, abandon de la production de richesse au profit de la simple valeur, rémunération du capital par rachats d’actions et simple hausse des cours, développement sans limite des indicateurs et du reporting transformant le travail d’un encadrement devenu taylorisé, priorité du court terme sur l’investissement de long terme etc. Toute cette mutation fut accompagnée par les entrepreneurs politiques de l’époque qui, par effet d’imitation, vont se concurrencer pour avancer plus vite vers le marché généralisé, ce que nous avons appelé le passage de l’âge institutionnel de l’Etat à son âge relationnel. Courses entre entrepreneurs politiques qui, au final, fera que la gauche sera de droite et la droite sera de gauche, d’où ultérieurement- 2017- l’arrivée d’une cartellisation/rachat dite « macroniste ».
Les entrepreneurs politiques, prenant la tête de la course à la grande transformation souhaitée par les entrepreneurs économiques, se concurrencent non plus par des idées mais des pratiques technocratiques tels les « nudges » censés faciliter le bon graissage des rouages du marché. Le tout n’étant plus guidé par des grands principes sur l’ordre du monde à construire mais par la seule théorie économique qui devient la nouvelle théologie de l’humanité en voie de mondialisation. L’entreprise fordienne se liquéfie dans le grand marché et donc la société elle-même doit se dissoudre dans ledit marché.
Il appartiendra aux entrepreneurs politiques de faciliter la révolution anthropologique impulsée par les nouvelles réalités économiques. Exercice difficile dans un pays comme la France qui reste attachée à la valeur égalité et à la puissance d’un Etat s’étant construit sur plus de 1000 ans et Etat devenu enfin sécurisant. Une sécurité qui, tel un lego, s’emboitait dans l’entreprise fordienne
Depuis plusieurs dizaines d’années, les entrepreneurs politiques français se sont épuisés à tenter de remédier aux effets dont ils chérissaient les causes. Et parce que baignant dans la rationalité de la théorie économique propre à produire l’adhésion au nouveau monde, ils se sont attachés à réguler les aspects accessoires, à savoir ce qui est de l’ordre du sociétal. Parce qu’il était devenu impossible dans l’entrepris nouvelle - trop tournée vers son élite actionnariale mondialisée sécessionniste - de produire de l’émancipation économique et sociale, les mêmes entrepreneurs politiques se sont tournés vers l’émancipation sociétale. D'où une nouvelle classe de produits politiques à offrir sur le marché. L’égalité ne pouvant plus passer par un combat central sur l’économie, il faudra passer par des combats secondaires tel le genre, ou la couleur de la peau. Le paradigme peut rester le même mais l’égalité ne passe plus dans la transformation des « rapports sociaux de production », mais dans celle de la fin de discriminations, d’injustices sociétales, de mépris réels ou supposés, la quête de libertés nouvelles, etc. Ce faisant ils travaillent pour un changement culturel et aident la culture narcissique qui est le complément de la spéculation généralisée : l’attention extrême du marketing aux singularités et à la mise en avant du moi.
L’entrepreneur politique du marché mondialisé n’a plus la hauteur de celui qui naguère pouvait produire un intérêt général. Certes, il était comme tout entrepreneur animé par l’intérêt, ici le pouvoir et ses avantages essentiellement symboliques, mais il pouvait se cacher derrière un intérêt général, reconnu comme tel car consacré par le résultat du marché politique. Parce que le collectif semble avoir disparu avec la puissance du moi, l’entrepreneur politique perd l’essentiel de sa légitimité : son discours est celui du vide, et sa position est au mieux rentière. Curieusement, sur plusieurs dizaines d’années il fut amené à scier la branche sur laquelle il était assis. Sa réalité bancale est désormais en pleine lumière. Et si demain devait émerger une nouvelle réalité anthropologique il serait balayé.
En attendant les entrepreneurs politiques de l'âge de la mondialisation se concurrencent non plus en construisant et en développant un projet commun, mais en fragmentant toujours un peu ce qui reste de société par la multiplication de produits politiques dérisoires et aux effets délétères sur les anciens citoyens devenus simples consommateurs. Il suffit de jeter un regard sur l'industreie de la publicité et des produits qui y sont engendrés pour s'en rendre compte. De quoi faire exploser les violences mimétiques chères à René Girard et répandre une culture de la haine prenant la place de l'ancien conflit de classes.
Le Président de la République française est hélas le modèle le plus parfait de ce type d’entrepreneurs politiques.