1 - Les choses deviennent plus claires et il est intéressant de constater que les entreprises politiques et leurs franchisés ou animateurs cessent d’utiliser ou de se cacher derrière les vieux produits politiques de toujours : « République», « intérêt général », « intérêt de classe », « intérêt collectif », « émancipation », « progressisme », « laïcité » etc. A quelques exceptions près, seul l’intérêt personnel de chaque entrepreneur apparait en pleine lumière. De quoi éloigner un peu plus le citoyen.
2 - L’utilisation du terme « gouvernement de droite » dans une France droitisée n’a guère de sens et révèle simplement la perte des repères. L’entreprise politique RN dite « d’extrême droite » est difficilement qualifiable dans la mesure où elle met en avant des produits politiques réputés de gauche parmi des produits politiques réputés de droite. L’éloignement du signifiant vis-à-vis du signifié risque de rendre peu prévisible les stratégies de motions de censure de ce lourd passager clandestin qu’est le RN.
3 - On notera la grande rationalité des entrepreneurs politiques de premier rang, qui déjà dans la lumière n’ont pas envie de la perdre dans un gouvernement qui risque de les enfermer dans un trou noir. Ces entrepreneurs, aux prises avec de grandes ambitions personnelles, sont même prêts à attendre voire à contribuer à l’aggravation du réel pour se positionner sur le marché de l’élection présidentielle. L’intérêt privé se préserve, voire se nourrit de la poursuite de la dégradation collective.
4 - Cette réalité est particulièrement vérifiée pour l’entrepreneur politique central qu’est le Président de la République.
5 - Au-delà de quelques exceptions notables, le gouvernement est constitué de franchisés qui, vivant jusqu’à présent dans l’ombre, espèrent prendre un minimum de lumière dans ce qui est le trou noir. D’où un grand nombre d’inconnus et de franchisés démunis qui font le pari risqué de gagner quelque chose.
6 - Les entreprises politiques qui se nichent dans les rangs de l’Assemblée nationale constituent des oligopoles de moins en moins coordonnés. En particulier, l’oligopole central - parce que constitué de franchisés dépendant d’entrepreneurs politiques restés à l’extérieur - ne peut que très difficilement devenir oligopole coordonné, ce que les politistes aimeraient appeler « coalition ». En effet les branches de l’oligopole central sont constituées de marionnettes n’obéissant qu’à leur marionnettiste qui, lui, appartient au groupe des entrepreneurs politiques extérieurs… lesquels sont en concurrence sur le marché de l’élection présidentielle.
7 - La multiplication des situations d’incoordination à l’intérieur des oligopoles politiques et en particulier l’oligopole central ne développe pas comme sur les marchés économiques une concurrence saine. Dans ces derniers la multiplication des acteurs peut créer un marché fait d’un tissu solide à l’instar de celui d’une Italie devenue quatrième exportateur mondial. A l’inverse, la multiplication des entreprises politiques n’enfante qu’un marché fait d’un tissu désordonné. Alors que le marché économique de pleine concurrence peut être un guide, les marchés politiques de pleine concurrence deviennent un danger. Le marché politique français s’enkyste probablement dans cette situation de désordre et de blocage.
8 - Il est difficile dans un tel contexte de voir le premier ministre se substituer aux marionnettistes et se transformer lui-même en marionnettiste. Ce type de stratégie se heurterait à l’opposition des marionnettistes reconnus de l’oligopole gouvernemental et surtout devrait affronter avec radicalité l’oligopole NFP et le duopole RN. La stratégie dominante du premier ministre est donc de tenter d’assurer sa simple survie.
9 - Les stratégies de censure vont s’organiser à partir de l’évaluation de leurs coûts d’opportunité. Sachant qu’une censure entrainerait le risque d’une pression croissante sur le départ du Président de la République, quel avantage -pour l’un et l’autre des oligopoles - retirer d’une élection présidentielle anticipée ? Sachant en outre que le président ne renoncera en aucune façon à son intérêt personnel : Quel paysage gouvernemental ? Nous entrons ici dans un espace particulièrement complexe.
10 - L’asymétrie de la relation entre l’oligopole NFP et le duopole RN perturbe la logique de cartellisation. Il y a asymétrie en ce sens que NFP est moins passager clandestin que RN : le premier ne peut qu’observer les produits politiques lancés par l’oligopole central et ne peut bénéficier d’une offre de censure qu’avec l’accord de RN. En pratique, l’occurrence de la cartellisation sera très contenue par l’oligopole gouvernemental qui évitera au maximum les produits engendrant la cartellisation : réformes dites structurelles touchant l’économie, entrées de la réglementation européenne dans l’espace national, modernisation/rationalisation des services publics, etc. En revanche, la règlementation accumulée depuis 2017 sera autant que possible vigoureusement protégée par l’évincement de la loi au profit du décret.
11 - Le RN, en sa qualité de gros passager clandestin sortant visiblement de sa clandestinité, doit logiquement choisir une stratégie de déstructuration des 2 grands oligopoles qui lui font face. Le passage à la fragmentation puis à l’émiettement de ce qu’on appelle encore les partis sera pour le RN le plus sûr moyen de mener à la victoire. L’outil de la fragmentation est la multiplication de « lignes rouges » sur les produits politiques proposés par l’oligopole gouvernemental : plus une proposition est tenue (par le RN) de monter vers des exigences élevées et plus la dislocation est assurée. Tel le travail des bucherons il s’agit pour le RN d’enfoncer des coins dans l’oligopole pour obtenir sa dislocation. Cette stratégie suppose évidemment la mobilisation de nouveaux franchisés qu’il faudra former.