A plusieurs reprises nous avons précisé, que l’utopie mondialiste déstabiliserait les marchés politiques locaux, et faciliterait la naissance, ou le renouvellement d’entreprises politiques, faisant elle-même émerger d’autres produits, au sein d’un nouveau marché de la loi. De façon plus précise encore, nous indiquions que le produit « équilibre des échanges extérieurs » devait devenir un produit phare sur les marchés politiques ( °).
Le présent texte tente de préciser, le possible mécanisme juridique assurant l’inéluctable dé mondialisation, dans un cadre autorisant encore le libre échange. Et mécanisme qui pourra se substituer, au caractère dangereux, et surtout sans avenir, de la guerre des monnaies, qui aujourd’hui semble monter en puissance.
Parce qu’en Occident, la schizophrénie des acteurs exige à la fois, plus de rentes de protection qui enferment, et davantage de « droits liberté » qui autorisent une autonomie toujours croissante, il est clair que l’exigence d’équilibre des balances extérieures ( protection contre le siphonage de la demande globale) ne peut passer par des mesures autoritaires concernant les importations. Et encore une fois, renoncer à l’utopie mondialiste, ne saurait correspondre au repliement sur le seul espace national.
La mise en place d’un marché de droits à importer, émis privativement par les exportateurs, est un possible équilibre entre les exigences contradictoires du couple (protection/liberté).
Concrètement, le fait d’exporter donne lieu, à émission d’un droit à importer pour un même montant, droit librement négociable sur un marché. Symétriquement, tout porteur de droit à importer jouit de la liberté d’importer les marchandises de son choix, en provenance de son choix.
Formellement, un tel marché serait assez comparable à celui du « Blue Next » où se négocie des droits à polluer. Sur ce dernier marché, les entreprises sont soumises à des normes en matière de volumes de carbone émis, normes qui peuvent être dépassées par achat de droits à polluer, émis par d’autres entreprises, qui polluent moins que la norme autorisée.
Mais la comparaison s’arrête vite dans la mesure où les inconvénients bien connus du « Blue Next », pourraient ne pas exister dans le cadre d’un marché de droits à importer. Les effets pervers du « Blue Next » sont clairement identifiés : existence d’un double marché (spot et à terme) se matérialisant par une forte volatilité, bouchant la visibilité des investisseurs en matériels de dépollution. Mais surtout, prime à la délocalisation des pollueurs qui peuvent fuir ( ce qu’on appelle la « fuite carbone ») ou baisse de compétitivité, de ceux qui ne peuvent quitter le territoire, (centrales thermiques par exemple) , tout en étant victimes d’importations moins coûteuses .
Le marché des droits à importer, pourrait en effet bénéficier d’un puissant régulateur, l’Etat, qui lui aussi, aurait la possibilité d’émettre des droits à importer, et qui pourrait par sa présence sur le marché, assurer une stabilisation des prix. Les spéculateurs seraient interdits, aussi en raison du fait que la très grande multiplicité des acteurs, procure la liquidité nécessaire du marché, sans passer par la présence des seuls parieurs non importateurs et non exportateurs. Bien évidemment, si la propension à importer est plus élevée que la propension à exporter, il en résulte une tension sur les prix, mais tension stabilisatrice. Le coût des importations étant croissant, le mécanisme de l’élasticité- prix devrait permettre le rétablissement progressif de l’équilibre.
Tout aussi évidemment, l’ancrage d’un tel système, serait d’autant mieux fondé, qu’il résulterait d’une négociation internationale, avec accords d’étapes, sur l’objectif d’équilibre multilatéral des échanges. Les droits à importer relatifs à chaque pays, pourraient ainsi être internationalement négociés. Sans doute les exportateurs étrangers pourraient- ils délivrer à leurs clients importateurs, des droits afin de garantir ou fidéliser la clientèle, toutefois les droits étant nationaux et inconvertibles, de telles opérations seraient sans effets pervers sur l’objectif d’équilibre. Egalement, il va de soi que les Etats ne pourraient émettre que leurs propres droits à importer, faute de quoi, les Etats mercantiles ne se priveraient pas d’émettre de grandes quantités de droits étrangers, au bénéfice de leurs exportateurs nationaux.
Le marché des droits à importer ne serait pas d’essence malthusienne, et n’aurait pas le caractère de « licence d’importation » titre regardé avec méfiance par l’OMC. A l’inverse de cette dernière, le droit à importer, est d’abord une monnaie privée, émise au premier chef par des acteurs privés : les entreprises exportatrices. C’est dire que si l’Etat peut émettre des droits, c’est à tire accessoire, et qu’en revanche, il lui est juridiquement interdit d’en retirer de la circulation, pour éventuellement s’engager dans une politique de limitation des importations. En clair, les Etats pourraient émettre des titres, sans possibilité d’en acheter.
C’est dire aussi, que ne se cache derrière le dispositif, aucun contingentement : le droit à importer est un titre non spécialisé. C’est aussi remarquer, qu’il n’est pas l’équivalent d’un droit de douane, dont le prix est fixé par l’autorité administrative, alors que le prix du droit à importer serait fixé par le marché, et sa hauteur très largement déterminée par le dynamisme des exportations. Sans doute, ces dernières sont elles dépendantes, du prix des droits à importer qui se fixent à l’étranger, mais ces mêmes droits, se fixent aussi sur les exportations de ces mêmes pays étrangers. On est donc très loin de la fermeture tant redoutée par les adeptes du mondialisme : la dé mondialisation n’est pas la fin du libre échange.
Nul ne connait la hauteur des bouleversements politiques qui interviendront sous la pression des déséquilibres croissants des balances des paiements, et de leurs conséquences sur les acteurs directs, toutefois, le recours au marché des droits à importer, tel qu’évoqué ci-dessus, est la solution élégante, qui permet de quitter- très progressivement- le mythe de la mondialisation, sans dangers extrêmes.
(°) les textes qui s’intéressaient à ces question sont : « Paradigmes d’entrée et de sortie de crise »5-07-10 ; « Crise et renouvellement de l’offre politique » 16-09-10 ; « L’équilibre extérieur comme produit politique émergent » 28-09-10 ; et « Mondialisation ou libre échange » 19-10-10.