Mes lecteurs trouveront dans le présent texte, le résumé et les conclusions provisoires d'un travail que je mène par ailleurs, et qui va donner lieu à une publication "papier". les habitués du Blog comprendront assez facilement, et ce malgré l'extrême contraction du texte. les autres, devront s'armer de patience, en lisant beaucoup de mes articles publiés au cours de ces derniers mois.
L’idée de dette accompagne l’humanité tout au long de son histoire. Ses réalités matérielles peuvent varier : dette de vie, de sang, de travail, obligations diverses, monnaie. Son socle institutionnel aussi : endettement collectif ou individuel, caractère ,public ou simplement privé. Réalités matérielles et socle institutionnel qui sont l’un des moteurs les plus puissants de l’histoire. Lorsque la dette prend la forme monétaire, elle reste tout aussi primitive que la dette de vie envers les dieux. Et cette primitivité provient du fait que la monnaie aussi bien que les dieux n’est pas une construction humaine consciente et utilitaire, mais un fait social « dépassant » chaque individu , et fait social que nous avons appelé : « extériorité ». Pour autant, parce que l’histoire est un processus de privatisation et d’occupation de l’extériorité par des entrepreneurs politiques, la monnaie est devenue un enjeu majeur : celui qui peut la fabriquer peut, dans un même geste, fabriquer de la dette, et se désendetter. Historiquement, la monnaie fabriquée par le despote servira à se désendetter vis-à-vis des mercenaires qu’il emploie, et à produire la dette fiscale que les sujets auront à lui payer à partir des dépenses courantes des mêmes mercenaires. Le « circuit du Trésor » à la française est ainsi vieux de 5000 ans. Durant la plus grande partie du vingtième siècle, l’Etat français , par la soumission imposée à sa banque centrale, a pu dans un même geste, augmenter considérablement la dette fiscale de citoyens désormais pleinement monétarisés par la montée de l’économie et par la dépense publique, et se désendetter de sommes pharaoniques résultants des 2 guerres mondiales. Les despotes de l’antiquité savaient déjà cela.
Mais, la grande différence, est que durant une partie du vingtième siècle, celle qui va s’achever avec la loi du 3 janvier 1973, la loi d’airain de la monnaie a pu être fort intelligemment abandonnée. Ce qui était souvent très difficile aux époques antérieures où le métal, or ou argent, était aussi aliénant que les dieux. Avec les catastrophes financières déjà décrites, et que l’on analyse à tort comme de simples crises de finances publiques. De fait, s’affranchir de la loi d’airain de la monnaie, était socialement aussi difficile, que de s’affranchir des croyances religieuses. Ce que ne voient pas suffisamment Reinhart et Rogoff.
La loi de 1973 est ainsi le retour d’un monde « enchanté par les dieux » : la loi d’airain de la monnaie rétablie, rétablit aussi l’ordre antérieur. C’est que l’aliénation monétaire est intéressante pour au moins un groupe d’agents, ceux que nous avons appelé les rentiers. Aliénation toute relative, puisque de fait imposée aux seuls Etats, le secteur financier restant mécréant, et intéressé par les délices de la multiplication des signes monétaires produits par le dispositif LTRO de notre Banque Centrale Européenne. Avec néanmoins de possibles effets de contagion en boucle: les entrepreneurs politiques allemands, spectateurs de la noyade de leur propre banque centrale par le dispositif TARGET2, pourront ils maintenir la loi d'airain de la monnaie? Question pour l'avenir.
En attendant, et pout le présent, restons justes : rentiers et financiers n’ont pu rétablir seuls la loi d’airain de la monnaie, et le monde tel qu’il est devenu. De fait, la grande transformation du monde correspondait aussi à la volonté de repousser les murs du fordisme, et de s’acheminer vers de nouvelles solutions, et solutions qui ont aussi bénéficié de nouvelles grappes technologiques. Les entrepreneurs politiques qui vont construire les nouvelles banques centrales et les « états du monde » correspondants, furent donc sollicités par de nombreux groupes d’agents pleinement acheteurs de l’indépendance des banques centrales, et du retour de la loi d’airain de la monnaie. Le basculement d’un monde vers un autre, n’est pas une affaire simple à expliquer, et nous avons montré qu’il fallait se garder de tout travers moniste.