14 juin 2013
5
14
/06
/juin
/2013
09:07
On trouvera çi-dessous les 4 réponses aux 4 questions qui me furent posées:
1- Le Nikkei, l'indice phare de la bourse de Tokyo, au Japon, a chuté de plus de 6% en début de séance jeudi matin. Le rôle des banques centrales américaine et japonaise, qui mènent des politiques beaucoup plus accommodantes que la Banque centrale européenne, sont en cause. Faut-il voir dans cette chute du Nikkei une inquiétude quant aux politiques monétaires menées ? Avec des taux directeurs à zéro ou quasi-nuls et le fonctionnement de la planche à billet à plein régime, les banques centrales ont-elles épuisé toutes leurs cartes pour contrecarrer la crise ?
Il faut d’abord reconnaitre que la gestion présente- qui peut choquer les partisans de l’ordo-libéralisme notamment allemand- n’est que la conséquences des erreurs ou politiques passées en matière de dérégulation économique et financière. Si la spéculation et la dette publique et privée se sont emballées c’est bien en raison de règles du jeu et de choix dont nous sommes tous responsables.Et il est vrai que sans dette toujours croissante on ne voit pas comment dans “l’économie monde” l’offre globale de marchandises pourrait être absorbée par une demande équivalente. C’est bien avec des montagnes de dettes publiques et privées qu’on a pu trouver des clients pour construire des logements aux USA, en Irlande , en Espagne etc., qu’on a pu trouver des clients pour des infrastructures civiles et militaires,notamment en Chine et aux USA, qu’on a pu trouver des clients pour l’industrie de la santé ,notamment en France, etc.... Si donc il existe aujourd’hui un état quasi planétaire d’insolvabilité, c’ est bien en raison d’un déséquilibre d’abord économique qui s’est traduit dans un déséquilibre financier. Une montagne de dettes qui apparait dans les bilans et qui bloque l’activité.
Dans ce contexte les banques centrales sont aujourd’hui à la manœuvre et vont jusqu’au bout de ce qui est possible en facilitant la création de nouvelles dettes, avec évidemment de nouveaux risques puisque l’on combat la dette avec de nouvelles dettes. Nous avons là le cas du Japon avec des marchés financiers qui s’interrogent sur l’avenir de la dette publique que l’on accroit, et qui déstabilise l’indice Nikkei. Les plus optimistes répondront simplement que la montée des taux sur la dette publique japonaise est finalement une excellente chose en ce qu’elle anticipe le développement d’une inflation recherchée par la banque centrale. Donc la nouvelle politique japonaise serait la bonne...Mais ce débat sur la remontée des taux sur la dette publique masque une autre réalité: les banques centrales cherchent, sauf pour la BCE , à faciliter la baisse des taux de change en vue de relancer les machines économiques nationales. Il s’agit toujours comme dans les années 30 d’exporter les difficultés nationales avec la mise en place d’une guerre des monnaies. De ce point de vue la BCE “ordo-libérale” est la banque centrale la plus mal placée et l’industrie allemande a du soucis à se faire avec une baisse du Yen de près de 25% depuis le début de l’hiver dernier. Et de ce point de vue aussi, la mise en cause du Q3E aux USA n’est probablement pas à l’ordre du jour malgré les rumeurs. Il faudra toujours plus d’eau pour continuer à se noyer.
2- Taux d'intérêt directeurs négatifs, taux de dépôts bancaire négatifs, acceptation d'une plus large palette d'actifs en contrepartie de prêts... Quels autres outils le banques centrales peuvent-elles utiliser pour stimuler l'économie ?
Les taux d’intérêt négatifs sont la nouvelle idée pour laquelle les banquiers centraux s’interrogent. Monsieur Draghi s’est déjà déclaré fort inquiet à propos de telles idées. Il faut en effet comprendre qu’un taux négatif est un défaut qui ne dit pas son nom puisque le prêteur n’est pas remboursé sur la totalité du prêt consenti. commencer à parler de taux négatifs c’est déjà aborder la question du non remboursement.
Maintenant accepter en collatéral des actifs plus douteux en échange de monnaie centrale fraiche, c’est aussi reconnaitre un défaut- au moins potentiel- avec des banques centrales qui deviennent de fait d’énormes Bad-Banks. C’est déjà largement le cas avec de précédents dispositifs mis en place ( LTRO, OMT, ELA) par la BCE.
Mais on comprend que ces outils peu orthodoxes sont plus faciles à mettre en place dans des banques centrales non contraintes culturellement et juridiquement par l’ ordo-libéralisme allemand. Ces Banques centrales obéissent à la norme planétaire d’indépendance mais prennent des libertés aux seules fins de sauver les banques et aussi l’économie réelle.
Ce n’est évidemment pas le cas de la BCE qui fut historiquement construite sur la base de l’ordo-libéralisme allemand. C’est dans ce cadre d’un très strict respect des règles du jeu que la cour constitutionnelle de Karlsruhe s’inquiète du comportement de la BCE qui- prête à tout pour sauver l’euro- franchit le rubicon et en arrive à mettre en difficulté la banques centrale allemande par rapport aux règles constitutionnelles. Concrètement le QE à l’européenne est juridiquement interdit en ce que les règles de l’euro-système pourrait engager les finance publiques allemandes et donc le contribuable allemand qui doit être protégé contre les dérives financières.Jens Weidmann gouverneur de la Banque centrale allemande, se fixe d’abord comme objectif le respect de la contrainte monétaire avant de s’intéresser à la relance de l’économie. Il est en cela un gouverneur d’exception dans le monde et se bat contre le gouverneur de la BCE accusé de laxisme monétaire. L’Europe ne peut pas aisément compter sur sa banque centrale pour relancer l’économie, et si les difficultés et conflits s’accumulent, il n’est pas impossible que l’Allemagne quitte la zone euro.
.
3- Finalement, la Banque centrale européenne, en refusant de céder rapidement à la planche à billet et à des taux directeurs à zéro comme ses homologues américaine et japonaise, s'est-elle gardée des marges de manœuvres pour la suite ?
De fait la planche à billets a déjà commencé comme vu plus haut. Par ailleurs il faut aussi dire que si la planche à billets publique est contrainte par la règle ordo-libérale, elle ne l’est an aucune façon au niveau privé. Le considérable accroissement des bilans des banques – 4 fois le PIB de la France pour les 4 plus grandes banques françaises- n’est rien d’autre que la création monétaire par les banques elles mêmes. Ce qui veut dire que la liquidité ne manque pas et qu’elle est simplement investie dans la spéculation beaucoup rentable que les investissements dans l’économie réelle. Le vrai problème du financement de l’économie est celui de la spéculation financière qu’il faudrait à tout le moins limiter par des règles nouvelles. Et, de ce point de vue une quelconque loi de séparation des activités au sein des banques dites universelles est de peu d’utilité. Il faudrait dans l’idéal pouvoir interdire nombre d’activités financières – purement spéculatives- très éloignée de l’économie réelle. Quand va t’on se rendre compte qu’il y a moins de trente ans il était possible de financer l’économie sans passer par la multitude de dérivés aujourd’hui proposés.?
Aujourd’hui la BCE est à cheval sur 2 groupes d’intérêt ou de conception du monde. D’un côté elle aimerait être beaucoup plus active, en sauvant les banques et les Etats insolvables, ce qu’elle fait partiellement avec les dispositifs mis en place par son gouverneur. Elle aimerait aussi sauver la zone Euro en luttant contre la balkanisation des bilans bancaires que l’on constate partout et en tentant d’homogénéiser les taux d’intérêt sur les crédits dans l’ensemble de la zone. Mais, d’un autre côté elle n’ignore pas qu’il lui faut impérativement respecter l’ordo -libéralisme allemand, qui lui, veut imposer les réformes dites structurelles et pourra en dernière instance recourir à la cour européenne de justice pour sanctionner son prétendu laxisme. Elle ne dispose par conséquent que de peu de marges de manœuvres.
4- Quels bilans pouvons-nous tirer des différentes politiques monétaires menées par les différentes banques centrales ? Leurs effets arrivent-ils à bout ?
Tout cela se soldera d’abord très probablement par la rupture du maillon le plus faible c’est à dire la zone-euro, rupture dont les modalités sont infiniment variables et que nul ne peut anticiper. Tout au plus peut-on monter des scenarios dont celui du départ de l’Allemagne comme étant l’un des plus probables. Au delà arrivera la question du défaut général et du redémarrage sur de toutes autres bases. Mais il est toujours très difficile de sauter par dessus sont temps. Avec toutefois une quasi certitude: le temps de l’idéologie de l’indépendance des banques centrales s’achève.