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18 novembre 2013 1 18 /11 /novembre /2013 07:11

 

On sait que dans un monde où l’échange marchand l’emporte sur l’échange de dons, La monnaie est une cellule incorporant  2 forces, celui de la finance d’une part, celui du politique d’autre part[1]. En très longue période, parce qu’immortel, la violence d’Etat l’a toujours emportée sur la puissance financière.

Toutefois, la période qui commence au début des années 70 et continue aujourd’hui, est celle d’un dérèglement qui  fera de l’œuvre des entrepreneurs de la finance une machine à paralyser les entrepreneurs politiques et les entrepreneurs économiques. La présent texte s'attache à en faire la démonstration.

 Il faut suivre le « top modèle »

 

Le dérèglement est d’abord le fruit d’un nouveau paradigme intellectuel portant tout entier sur la défiance envers les Etats. Le monétarisme des années, 50 qui ne prône pas encore l’idée d’indépendance des banques centrales, est suivi dans les années 60 et 70 de théories plus normatives, et plus ouvertement hostiles aux Etats et à son entrepreneuriat politique : Ecole des choix publics avec J. Buchanan et G. Tullock ;  nouvelle économie classique avec J. Muth, R. Lucas, T. Sargent ; économie de l’offre avec G. Gilder et A. Laffer, efficience des marché avec Eugène Fama et son aboutissement sur la formule ou plus exactement le modèle   de Black- Sholes; Etc.

Il est très difficile d’expliquer avec assurance l’origine ou la résurgence de mouvements paradigmatiques, toutefois il est clair que les théories correspondantes ont été utilisées comme arme par les lobbys économiques et financiers pour exiger la construction des autoroutes de la mondialisation. Plus encore, les entrepreneurs politiques seront progressivement invités à mettre en place le dispositif institutionnel qui se rapprochera le plus des hypothèses des modèles correspondants. Ainsi faudra-il se rapprocher en finance des hypothèses de la construction d’Eugène Fama afin qu’effectivement, selon le modèle, les marchés réels deviennent efficients.

 Le modèle devient ainsi comme dans la mode, le « top modèle » à partir de quoi il faudra se conformer et faire apparaitre une réalité qui est ici la fin des Etats nations et la mondialisation. Les nouveaux modèles sont d’abord des injonctions adressées aux entrepreneurs politiques, injonctions qui une fois acceptées permettent l’auto réalisation de la nouvelle réalité. Exactement comme dans la mode vestimentaire où il « faudra » respecter, c’est-à-dire imiter le « top modèle », et ainsi aboutir à la nouvelle norme vestimentaire. Dans cette perspective, on comprend mieux le déferlement de l’économie comportementale, en particulier la théorie des incitations[2] dans le monde universitaire : par des mesures incitatives empruntées au paradigme nouveau, les agents vont valoriser les comportements attendus par le modèle et vont ainsi « se mettre à la mode ».

Dans les années 70, les entrepreneurs politiques de la plupart des Etats-Nations vont ainsi se démettre de leurs prérogatives monétaires de toujours pour les transférer aux banques et à leur propre banque centrale. Cette fin de la « répression financière » - expression très à la mode dans les années 70- 80 pour critiquer les Etats – s’accompagne de la soumission de ces derniers puisqu’ils leur devient interdit de se financer auprès  de la banque – la banque centrale- dont ils sont le plus souvent les propriétaires. Il serait à cet égard plus correct de parler « d’auto expropriation ». Avec ce grand basculement, désormais toute création monétaire sera soumis à la production d’une dette, ce que certains ont appelé « la machine à fabriquer de la dette », et de la rente pour ceux qui vont monopoliser la dite machine. D’où l’hypothèse suivante : les entrepreneurs de la finance n’auraient-ils pas mieux réussi que les « fabricants de Chandelles » dont se moquait Fréderic Bastiat au XIXème siècle?

 Le nouveau Frédéric Bastiat ou la réussite «d’une pétition  des fabricants de finances »

 

La fin du système de Bretton-woods constitue un évènement qui va renforcer la crédibilité du nouveau paradigme. En quelques années, à partir de 1971, taux de change et taux d’intérêt vont devenir des prix de marché dont le mouvement sera mis sous la responsabilité du système financier.

Dès la fin des années 60 -marquées par les difficultés de la convertibilité du dollar en or et ses conséquences en matière de spéculation sur le marché libre de l’or de Londres- un débat universitaire apparait : Faut-il mettre fin au régime du taux de change fixe initié à Bretton-woods ?

L’idée répandue était que la fixité entrainait en matière de spéculation sur les monnaies une asymétrie : le spéculateur ne prend jamais de risque sur une monnaie puisqu’il ne peut tout au plus que ne pas gagner en cas de maintien de parité. D’où l’idée qu’un vrai prix de marché de la monnaie –taux de change libre- serait préférable en ce que la spéculation deviendrait plus risquée. Sous la pression des financiers de la City, ce dernier point de vue l’emportera dès 1973, et sera officiellement actée dans les conclusions de la conférence de la JamaÏque les 7 et 8 janvier 1976.

Passer d’une monnaie politique (taux de change fixe) à une « marchandise monnaie » (taux de change libre) revient à construire par le règlement (il a fallu un accord politique) un colossal marché qu’on appelle aujourd’hui le « FOREX » sur lequel sera greffé un non moins gigantesque « commerce des promesses ». Notons bien cet extraordinaire paradoxe où l’on voit le lobby financier, adopter la position des marchands de chandelles chère à  Fréderic Bastiat, qui exigeaient de l’Etat, un dispositif masquant le soleil afin de prolonger le marché de la lumière[3]. Ici il s’agit d’exproprier une seconde fois l’Etat – la première étant celle de sa séparation avec sa banque centrale- afin d’élargir les marchés financiers.

 Jusqu’ici les entrepreneurs classiques de l’économie bénéficiaient d’une relative sécurité des transactions et ne s’armaient contre les risques de change que de façon résiduelle : la stabilité était la norme et les risques de parité des changes étaient très limités et relativement prévisibles. En organisant – encore une fois, politiquement- l’instabilité on crée un gigantesque marché de l’achat et de la vente de protection. Ainsi les entrepreneurs de la finance n’ont pas répondu à un besoin du marché mais, à l’inverse,  ils ont créé artificiellement de nouveaux besoins- comme les marchands de chandelles de 1845 - pour les entrepreneurs économiques. Alors que la monnaie était un bien public relativement sécurisé et quasi gratuit- comme la lumière du soleil évoquée par Bastiat- elle deviendra un bien privé achetable sur le tout nouveau marché de la sécurité, marché construit avec la complicité des entrepreneurs politiques.

Maintenant si la monnaie devient une marchandise monnaie échangeable contre toutes les autres marchandises monnaie (suppression des contrôles de change et liberté de circulation du capital), alors le périmètre du marché de la sécurité pourra s’étendre à toute la planète.

La pétition des fabricants de chandelles devient planétaire

 

Il faut bien comprendre le lien entre taux de change devenu prix de marché et l’extension planétaire de la finance.

Quand on déclare à la conférence de la Jamaïque que désormais les taux de change deviennent un prix de marché, on condamne de fait- au moins à terme-  l’intervention des Etats et celle de ce qui est encore leur main souveraine à savoir les banques centrales sur le marché des changes, et ce avec toutes les conséquences qu’il faudra progressivement en tirer. Désormais il n’y a plus à intervenir au quotidien – de fait banque centrale et Etat associé, qui par exemple en France était le travail du  Fonds de Stabilisation des Changes crée en 1936 - sur les marchés pour maintenir un cours. Parce que le maintien de la parité supposait aussi de la fermeté, il y avait parfois double marché, celui des transactions courantes et celui des transactions en capital, ce qui supposait un contrôle des changes et donc un contrôle de la circulation des capitaux. Chacun se souvient de la signification de ces dispositifs : il s’agissait d’écluses protectrices des Etats nations qui sur le plan économique tentaient d’imaginer le noircissement des matrices d’échanges interindustriels.

Mais il s’agit bien dans l’esprit des lobbyistes de la City à la Jamaïque, de faire disparaitre à terme toute présence publique sur les marchés des changes, car en effet, l’Hypothèse d’efficience des marchés (théorie HEM) ne peut donner lieu à son auto réalisation que si les marchés ne sont pas manipulés. Un marché des changes libre est donc un élément déterminant dans la conquête du pouvoir par les entrepreneurs financiers.

Maintenant cette liberté n’est complète et réelle qu’à 2 conditions :

-Elle doit être  planétaire (il ne faut pas de « grumeaux » dans le liquide financier), c’est la condition spatiale, qui suppose la pleine convertibilité de toutes les monnaies et la pleine liberté de circulation des capitaux, et circulation assurant le succès des opérations de «carry trade »;

- Elle doit s’étendre sur la totalité du temps disponible c’est-à-dire 24H/24, c’est la condition temporelle de la conquête du pouvoir de la finance. Condition qui s’affirmera notamment dans le  principe de la cotation en continu lequel va se généraliser dans les années 80.

Ces deux conditions constitutives des autoroutes de la finance ,supposent évidemment un encadrement technologique de pointe, lui-même consommateur d’énormes moyens informatiques. De ce point de vue l’apparition d’INTERNET dans les années 90 devait grandement faciliter le pouvoir de domination de la finance.

Les achats/ventes de protection se matérialisent dans des produits financiers nouveaux appelés « dérivés », produits censés garantir les acteurs contre les risques de change. Il s’agit donc de produits de couverture émis par ce qui va devenir les « méga banque».

Parce qu’il y a eu expropriation des Etats au regard de leurs banques centrales, il y a désormais un prix de marché de la dette publique qui devient un « taux d’intérêt marchandise », taux exprimant lui aussi par contagion la hiérarchie de tous les taux. Ces taux, exprimant  la valeur « d’actifs marchandises » (des obligations par exemple), doivent aussi faire l’objet de garanties donc de commerce des promesses avec aussi des produits financiers dérivés. Là encore, il y a organisation politique d’un marché, et élargissement colossal de ce marché à l’ensemble de la planète. Ce que n’ont pas réussi les fabricants de chandelles de 1845 en n’ayant pas trouvé de gouvernement acceptant de masquer la lumière du soleil.

L’industrie financière devient ainsi une industrie qui ayant politiquement crée sa demande va pouvoir se livrer à de continuelles innovations d’offre, ce qu’on appelle la « créativité financière ».

Cette industrie, très exigeante en compétence a très vite édifié des barrières à l’entrée y compris sous la forme d’un oligopole dont le caractère  « coordonné » commence à éclater au grand jour sous la forme de scandales financiers planétaires ( LIBOR, FOREX, CDO empoisonnés, etc.[4]). Oligopole qui rappelle l’oligopole coordonné pétrolier du siècle dernier. Avec toutefois deux grandes différences :

- l’oligopole financier a construit simultanément une offre et une demande desquelles il extrait une rente, alors que l’oligopole pétrolier ne pouvait jouer que sur un contrôle coordonné de l’offre pour construire sa propre rente. Clairement, l’oligopole pétrolier n’a jamais signé la pétition des marchands de chandelles[5].

- Surtout l’oligopole financier en raison de l’interconnexion des bilans et de l’intérêt qu’il a à développer la dette est beaucoup plus risqué que l’activité de l’ex oligopole pétrolier.

A l’échelle planétaire existe ainsi 29 banques systémiques dont 8 américaines, 17 européennes (dont 5 françaises et 1 allemande), 3 japonaises et une chinoise. Avec bien entendu des bilans qui n’ont rien à voir avec ceux de l’oligopole pétrolier puisque totalisant l’équivalent du PIB planétaire (approximativement 50000 milliards de dollars), avec néanmoins des capitaux propres dont la faiblesse est inimaginable dans le monde de l’énergie.

A l’intérieur  cet oligopole semble être composé  de sous-oligopoles spécialisés. Ainsi, le FOREX voyait en 2012  55% de ses transactions (environs 5500miliards de dollars/jour) assuré par seulement 5 banques. Ainsi, le LIBOR d’où émerge au quotidien 155 taux d’intérêt, qui déterminent par ricochet les taux  quotidiens de 450000 milliards de dollars de titres financiers – environ 10 fois le PIB planétaire- est contrôlé et manipulé par 16 banques qui s’accordent entre elles. Ainsi, 5 banques américaines sont émettrices de 97% des CDS, tandis que selon Andrew Huszar O,2% des banques du même pays contrôlent 70% des actifs bancaires[6]. On pourrait multiplier les exemples.

Maintenant, l’efficacité financière nouvelle, en raison de sa conquête du pouvoir et de ses capacités d’innovation va, par contagion, s’imposer à de nombreuses autres activités. Tel est le cas des matières premières agricoles, des métaux précieux, de l’énergie et des métaux de base. Sans doute existait-il - à l’exception notable du pétrole dont le prix fut bloqué pendant plusieurs dizaines d’année par entente des « sept sœurs » -  depuis fort longtemps un marché à terme pour ces différents biens. Toutefois ces marchés vont prendre une extension démesurée avec la présence quasi-hégémonique d’acteurs étrangers aux activités matérielles correspondants à ces produits. Il s’agit bien sûr des spéculateurs et de quelques banques spécialisées qui, à l’instar de ce qui se passe sur le « London Metal Exchange », sont elles aussi en situation d’oligopole coordonné.

La cohorte des nouveaux  prédateurs et autres  improductifs

 

Afin de bien construire dans la réalité les hypothèses sur lesquelles s’appuient la théorie des marchés efficients, notamment celui de la non intervention publique et celui de la complète information, il va falloir accompagner la grande transformation des années 70-80 , par la mise en place ou le renforcement de régulateurs privés, fonctionnant selon le principe de l’auto organisation, et la multiplication spontanée d’organismes d’informations sur les marchés et les produits. Les classiques agences de notation, certes anciennes, vont également connaitre un développement spectaculaire de leur périmètre d’activité, avec surveillance  pour les 2 plus anciennes de près de 160 pays. Enfin les produits issus de l’ingénierie financière, parce qu’eux-mêmes issus de modèles complexes, fonctionnant dans des conditions elles- mêmes complexes, devront faire l’objet d’une attention juridique extraordinairement précise, d’où le développement fantastique des activités juridiques à l’ombre de la finance.

Autant de dispositifs sensés encadrer, outre les méga banques devenues oligopole coordonné planétaire, les très nombreuses « entreprises » dont le métier relève de la seule spéculation sur les fluctuations de prix, ce que certains appellent plus justement des "paris". Assurant une « production de valeur » à partir de consommations intermédiaires achetées au dispositif précité, elles font parfois « la richesse » et l’emploi de certaines régions : City de Londres, Genève  (400 sociétés de trading "produisant" 9% du PIB de la ville), Singapore, etc. Ces très nombreuses « entreprises», souvent prisées pour la liquidité qu’elles apportent (quand tout va bien) aux divers marchés, bénéficient parfois de ce que ne peuvent rêver les joueurs des casinos : le très lucratif délit d’initié, mal combattu par les régulateurs toujours en retard sur la dernière innovation financière[7].

 Toutes ces activités fortement consommatrices de ressources rares notamment en termes de capital humain de très haut niveau[8], sont également prédatrices de valeur ajoutée, car tels les ouvriers de Keynes payés pour creuser des trous bouchés par d’autres ouvriers, il n’y a pas de création de valeur mais simplement captation. Il n’y avait pas à créer un marché de la dette publique dont les Etats n’avaient nul besoin avec une banque centrale qu’ils maitrisaient, et il n’y avait pas à créer des marchés de dérivés pour assurer des transactions privées jusqu’ici relativement sécurisés avec des taux politiquement déterminés.

 En termes directs, cette captation se fait au détriment des entrepreneurs politiques qui devront envisager de nouveaux produits politiques pour assurer leur propre reproduction au pouvoir : transfert des charges financières sur la fiscalité, mais cadeaux fiscaux aux épargnants, afin de bien assurer une bonne commercialisation de la dette publique et des taux avantageux, etc. Mais finalement, au-delà du brouillard des mesures fiscales qui peut maintenir le mythe d’un intérêt général, c’est bien à des degrés divers l’ensemble des citoyens qui paieront la rente financière. Et quand nous disons degrés divers, il faut quand même préciser que certains groupes sociaux seront lourdement pénalisés (les non épargnants), tandis que d’autres groupes seront ouvertement bénéficiaires (les gros épargnants qui vont au-delà d’une rémunération attractive d’une épargne sans risque vont être fiscalement avantagés… participant ainsi à l’approfondissement d’une dette publique sur laquelle ils se rémunèrent).

Mais cette captation se fait aussi au détriment de l’économie réelle qui ne bénéficie nullement des innovations de l’industrie financière : il n’y avait pas (ou peu) à acheter de  sécurité transactionnelle, les prix de la monnaie étant d’ordinaire stables. Lorsque les Etats et leurs entrepreneurs politiques étaient maitre chez –eux, la souveraineté monétaire pouvait générer à prix proches de zéro les investissements de l’économie réelle. Désormais les taux seront positifs et vaudront captation de valeur ajoutée sur l’économie réelle.

Cette double captation est aujourd’hui devenue plus scandaleuse car la crise et sa gestion est venue apporter lui apporter une visibilité que nul ne peut contester. Au-delà des énormes plans d’aide publique au système financier, les gigantesques Quantitative Easing, des banques centrales- un QE qui  atteint  la BCE sous une forme plus discrète- commencent à poser de légitimes questions à certains entrepreneurs politiques et économiques.

 Pourquoi tant de cadeaux aux banques et rien pour les Etats et les entreprises ? Et surtout, pourquoi les cadeaux aux banques produisent-ils un résultat si modeste ?

A titre de simple exemple, si les QE américains (4000 milliards de dollars, soit 25% du PIB US) avaient été orientés vers l’Etat Fédéral, voire les entreprises de l’économie réelle, de gigantesques investissements publics et privés auraient pu être programmés avec les résultats classiques du multiplicateur keynésien. La réalité fût autre : en déversant le QE vers les bilans bancaires, rien ne s’est produit en terme d’activité réelle et les estimations s’accordent à reconnaitre qu’un dollar imprimé par la FED au titre du QE n’a engendré  qu’un centime d’activité économique[9]. Le reste est devenu activité spéculative, maintenant simplement, ou gonflant des titres devenus illiquides.

Les entrepreneurs de la finance ont réussi au-delà de ce que pouvaient  espérer les fabricants de chandelles avec leur pétition de 1845 aux entrepreneurs politiques de l’époque. Ils ont en effet réussi à produire une grande nuit intellectuelle et la plupart des acteurs du nouveau jeu, qu’ils soient entrepreneurs économiques ou politiques, qu’ils soient simples salariés, chômeurs, retraités, épargnants, journalistes, etc. ont maintenant peur des marchés financiers et de leurs réactions aussi imprévisibles que la météo.

Et il n’y a pas à espérer que l’usage de la raison puisse transformer l’obscurité en lumière, car la réalité est difficile à transformer. Ainsi l’épargne des ménages, parfois très importante comme en France ou en Allemagne, transforme ces derniers en « boucliers humains »[10]protégeant le pouvoir des entrepreneurs de la finance, et exposant des entrepreneurs politiques qui se paralysent. Ainsi les résultats des entreprises économiques réelles sont souvent un mix de valeur ajoutée réelle et de valeur financière, mix qu’il est souvent difficile de partager. En sorte que nombre d’entrepreneurs économiques préfèrent défendre le modèle financier et ce même contre leur propre intérêt.

A l’inverse des fabricants de chandelles, les entrepreneurs de la finance ont gagné et les autres acteurs du monde, victimes d’une véritable fascination, sont simplement spectateurs de leur grande paralysie.

Le libéralisme financier, mis en place à la fin du siècle dernier, est une  innovation majeure dans l’utilisation de la contrainte publique à des fins privées. Si Bastiat était encore vivant, il y verrait une insupportable atteinte à la liberté et à la propriété.

 

 

 

 



[1] Cf Jean Claude Werrebrouck : « Regard sur les banques centrales : essence, naissance, métamorphose et avenir » in Economie Appliquée, tome LXVI, 2013, n°3,p.151-177.

[2]Introduite dans les années 60 par Leonid Hurwicz, cette théorie s’est très largement développée par la suite, avec en France des auteurs comme Jean Jacques Laffont et Jean Tirole fondateurs de l’école d’Economie de Toulouse. Elle devait donner lieu  à une distinction reconnue celle du prix Nobel 2007 décerné à Leonid Hurwicz, Eric Maskin et Roger Myerson.

[3] Cf la lettre aux députés de 1945 que l’on trouve dans les « Sophismes économiques » de Fréderic Bastiat

[4] Certains membres de l’oligopole connaissent désormais un début de sanction. Tel est le cas de JP Morgan qui après avoir payé une amende d’un milliard de dollar pour l’affaire dite de la « baleine de Londres », s’apprête à payer 4,5 milliards de dollars à ses clients lésés par les subprimes. D'autres affaires sont en cours pour cette même banque affaires pour lesquelles 23 millards de dollars ont été provisionné....soit 40% du budget français de la défense. Bank of America a de son côté versé 8,5 milliards de dollars à ses propres clients. Les affaires du LIBOR et du FOREX ne font que commencer. La question du hasard moral n’est,  elle, toujours pas réglé comme en témoigne les débats dans les parlements nationaux avec s’agissant de la France l’épineuse question de l’article 60 de la loi de finances pour 2014.

[5] Il s’est seulement contenté d’une coordination, certes très précise- Accords de la ligne rouge, accords d’Achnacarry, etc. - mais n’a jamais exigé des Etats la construction publique du marché pétrolier, par exemple en exigeant la fin des énergies  alternatives. Par contre il est vrai que les pétroliers ont souvent crée une communauté d’intérêts avec les Etats.

[6] Wall Street Journal du 11 novembre 2013. L’auteur est ancien fonctionnaire de la FED chargé du Quantitative Easing .

[7] Délit d’initié qui parfois peut atteindre les instances dirigeantes des banques centrales dont le secret des délibérations est parfois mal gardé. C’est l’hypothése émise à propos des dernières décisions de la FED qui paraissent avoir été trop bien anticipées par certains acteurs du Trading à haute fréquence. les délits d'initiés s'accompagnent souvent de conflits d'intérêts, comme en témoigne par exemple le cas de  Tim Geithner, qui aprés avoir validé les fonctions de Secrétaire au Trésor américian, devient responsable d'un fonds d'investissement dont la régulation a été optimisée par la loi Dodd- Frank elle-même portant la trace des activités du Secrétaire au Trésor.

[8] Il faut ici penser à la mobilisation du capital humain produit par les très grandes écoles d’ingénieurs, capital qui s’est tourné vers la finance, délaissant ainsi l’industrie. De quoi penser que l’allocation des ressources rares est probablement très loin d’être optimale.

[9] Point de vue d’Andreuw Huszar dans l’article précité.

[10]Expression  empruntée à Emmanuel Todd.

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commentaires

B
Vendredi 8 février 2013 : les 27 chefs d'Etat et de gouvernement européens imposent UNE BAISSE de 3,5 % du budget de l'Union Européenne pour la période 2014-2020.<br /> <br /> Ils imposent UNE BAISSE, alors que la Commission européenne et le parlement européen avaient demandé une hausse du budget.<br /> <br /> Lisez l'article à pleurer de rire qu'écrivait le bisounours européiste Jean Quatremer, toujours aussi aveugle, toujours aussi éloigné du monde réel, le vendredi 8 février 2013 :<br /> <br /> Martin Schulz, le résistant.<br /> <br /> Mais l’accord péniblement arraché vendredi est peut-être mort-né. Car le président du Parlement européen, le socialiste allemand Martin Schulz, a immédiatement annoncé que l’accord serait rejeté<br /> par les eurodéputés. C’est en juillet 2013 que, pour la première fois, le Parlement aura un droit de veto sur le budget pluriannuel de l’UE, en vertu du traité de Lisbonne. Face aux égoïsmes<br /> nationaux, l’hémicycle européen se présente comme ultime rempart de l’intérêt général européen, le président de la Commission, José Manuel Barroso, ayant abdiqué face aux gouvernements. Dans un<br /> communiqué commun, les leaders des quatre groupes politiques PPE (conservateurs), PSE (socialistes), ALDE (libéraux) et Verts ont donc annoncé leur rejet de ce budget d’austérité.<br /> <br /> http://www.liberation.fr/economie/2013/02/08/budget-de-l-ue-peze-perdu-pour-hollande_880574<br /> <br /> Vous avez bien lu cet article hilarant : selon le bisounours européiste Jean Quatremer, le Parlement européen allait "résister" !<br /> <br /> Le Parlement européen allait dire "non" à la baisse du budget de l'Union Européenne !<br /> <br /> Mais ça, c'était dans le monde merveilleux des bisounours européistes.<br /> <br /> Et puis, comme d'habitude, le monde réel a détruit les rêves des bisounours européistes :<br /> <br /> Mardi 19 novembre 2013 :<br /> <br /> Le Parlement européen adopte le budget UE 2014-2020 après une longue bataille.<br /> <br /> Le parlement européen a adopté mardi le budget de l'UE pour 2014-2020, raboté pour la première fois par rapport au précédent cadre pluriannuel, épilogue de longues et difficiles négociations au<br /> sein de l'Union.<br /> <br /> Le texte a été voté à une large majorité de 537 voix - sur les 682 eurodéputés présents - émanant de la droite et des socialistes. Il prévoit 908 milliards d'euros en crédits de paiement et 960<br /> milliards en crédits d'engagement, soit respectivement 3,7% de moins et 3,5% de moins que pour le budget 2007-2013.<br /> <br /> http://www.romandie.com/news/n/_Le_Parlement_europeen_adopte_le_budget_UE_2014_2020_apres_une_longue_bataille81191120131355.asp
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A
Ou comment montrer que les idées libérales ne sont qu'un rideau de fumée face à la recherche de puissance des acteurs privés. Ce qui choquerais en effet les théologiens anciens tels que<br /> Bastiat.<br /> <br /> En quelque sorte, vous reformulez John Kenneth Galbraith pour qui la théorie économique dominante était l'art de faire plier la réalité aux intérêts des plus puissants.
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