Philippe Waechter :
Ces réflexions peuvent éclairer les choix qui sont faits en zone euro actuellement. Si les économies sont contraintes, vouloir allez vite dans la réduction des déséquilibres des finances publiques est prendre le pari que tous les autres déséquilibres se sont estompés. C'est une hypothèse forte et elle l'est d'autant plus que l'ampleur des ajustements budgétaires programmés est élevée.
La question est alors de s'interroger sur "pourquoi si vite et avec une telle ampleur"? Si l'on suit le raisonnement de Blanchard et Leigh sur la période très récente, l'impact des restrictions budgétaires à venir en zone euro pourrait être plus fort que ce qui est actuellement anticipé. C'est pour cela aussi que certains s'interrogent sur la nécessité de rallonger la période durant laquelle les budgets doivent tendre vers l'équilibre. Si l'impact était fortement négatif comme le laisse suggérer le document du FMI cela aurait une incidence forte sur la croissance et surtout sur l'emploi. Or, ce dernier point est le facteur de fragilité de la zone euro avec un taux de chômage à 11.8% à la fin du mois de novembre.
L'enjeu du papier du FMI est de dire : dans les conditions financières actuelles caractérisées par des taux d'intérêt très bas, adopter des stratégies budgétaires trop restrictives trop rapidement c'est prendre le risque de peser fortement sur l'emploi et la croissance. Il faut certainement aller plus lentement et trouver des moyens pour renforcer la croissance via des politiques structurelles pour redonner la capacité à davantage d'autonomie pour l'économie de la zone euro. Tant que les perspectives de croissance restent faibles, il sera probablement préférable d'être moins restrictif sur la politique budgétaire et d'être plus incisif dans les réformes structurelles afin d'améliorer l'autonomie de croissance de la zone euro. Or c'est aussi un des enjeux actuels forts.
Jean-Claude Werrebrouck :
Non, la situation n’est pas normale sur le plan financier. La crise financière est l’aboutissement de la mise en place d’une économie Monde- pour parler comme Fernand Braudel - où le décalage entre offre mondiale excédentaire et demande mondiale insuffisante ne fût historiquement compensée que par de la dette privée et publique. Parce que la mondialisation crée une dichotomie dans un salaire qui était jusqu’alors coût et débouché et qui ne devient plus qu’un coût à comprimer, la demande mondiale ne suit plus une offre, laquelle n’est vendable dans sa totalité- à l’échelle planétaire- qu’en ayant recours à la dette privée et publique et une création monétaire conquise de haute lutte par le système bancaire.
Parce que la machine à fabriquer de la dette reste en place, le fardeau correspondant ne fait que s’alourdir. Comment se féliciter du dernier placement de dette souveraine en Espagne (jeudi 10 janvier) alors que le taux, certes plus bas ( moins de 5%) ne peut être payé par une richesse produite déclinante (recul de 1,4 points de PIB en 2013)? Il n’y aura évidemment pas de reprise en 2013, voire en 2014. Seul un changement radical des règles du jeu à l’échelle planétaire peut changer les choses.