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19 janvier 2012 4 19 /01 /janvier /2012 15:39

Il n’est pas nécessaire d’être économiste pour prendre clairement conscience que le déséquilibre des finances publiques est probablement apparenté au déséquilibre extérieur, et en particulier à celui correspondant à l’échange des biens et des services. Si les 4 points de PIB du déficit commercial français de 2011 se transformaient en production nationale, il en résulterait davantage de prélèvements sociaux  et fiscaux, et aussi moins de dépenses publiques, orientées vers la gestion du sous emploi et des problèmes qui lui sont attachés. Pour l’année 2011, un équilibre des échanges extérieurs aurait aisément fait entrer la France, sous le seuil réglementaire des 3% de déficit des administrations publiques. Il est donc inutile d’insister sur un fait qui est largement intervenu dans la  récente dégradation de la note de la France.

Par contre, ce qui est moins connu et fort peu évoqué, est le fait que le déficit extérieur nourrit des déséquilibres financiers, qui à l’intérieur de la zone euro deviennent difficilement contrôlables. Jadis, c'est-à-dire avant l’introduction de la monnaie commune, et plus encore avant l’introduction de taux de change flottants,  un déficit commercial non compensé par des mouvements de capitaux, se soldait par une sortie nette de devises, et- à terme - par une possible dévaluation rééquilibrant la balance. La monnaie unique supprime – en théorie- la contrainte extérieure et l’on se trouve dans la question énoncée il y a si longtemps par Jacques Rueff à propos des USA, à savoir la question du « déficit sans pleurs ». D’où le terme pleinement justifié  de grecs disposant d’une « monnaie de réserve à l’américaine ». Eric Dor dans une intéressante étude sur le fonctionnement du dispositif « Target 2 » de l’euro système révèle clairement le problème. 'http://my.ieseg.fr/bienvenue/DownloadDoc.asp?Fich=303790470_2011-ECO-07_Dor.pdf

« Target 2 » fonctionne au niveau européen, comme pouvait le faire, et peut encore le faire, un marché interbancaire. Dans un système monétaire national, l’échange interbancaire se soldait par des excédents et déficits journaliers, que l’on pouvait aussi repérer au niveau des comptes des banques au passif de la banque centrale. Si durablement la banque A voyait sa monnaie fuir vers la banque B, les choses se soldaient momentanément par son endettement auprès de B, le cas échéant avec une aide de la banque centrale. Mais la fuite n’était guère durable, et si A était en permanence victime d’une fuite de monnaie (part de marché trop réduite, qualité de service insuffisante, méfiance, etc.) il en résultait généralement sa disparition, et une plus grande concentration du système bancaire. « Target 2 » reproduit d’une certaine façon ce schéma, mais entre pays différents. De fait, le dispositif technique retenu pour la compensation interbancaire, fait intervenir les banques centrales des pays de la zone. En sorte que désormais,  ce sont les anciennes banques centrales qui se trouvent dans la position de la banque A et de la banque B. En termes concrets, les pays qui connaissent un déficit extérieur, sont des pays dont la monnaie fuit vers les pays excédentaires, ce qui se traduit par un endettement de la banque centrale du pays débiteur, et une position créancière de la banque centrale du pays excédentaire. En termes encore plus concrets, la banque centrale de Grèce, devient de plus en plus débitrice de la banque centrale d’Allemagne. Et le « bank run » qui peut exister en Grèce, peut n’avoir d’autres conséquences que l’accroissement vertigineux d’actifs de la banque centrale d’Allemagne sur la banque centrale de Grèce. Ce fait constitue l’un des aspects les plus magiques de la « drogue euro » : la fuite peut théoriquement devenir infinie, et les grecs peuvent débarquer dans les aéroports des pays excédentaires avec des valises d’euros sans affecter réellement les banques grecques.

L’Europe reproduit ainsi à une échelle plus modeste ce qui se passe à une échelle plus  considérable entre les USA et la Chine. Les USA empruntent à la Chine, ce qui permet de faire fonctionner les usines chinoises. Dans l’euro zone les grecs, mais aussi d’autres pays déficitaires, empruntent à l’Allemagne de quoi faire fonctionner les usines allemandes.

Les dettes publiques « roulent » grâce au fonctionnement des agences et des banques, ces dernières étant elles mêmes incitées par la BCE à se livrer à du « sarko trade ». Ce plus ou moins bon roulement de la dette, en permet un autre plus discret, car seulement lisible dans les comptes des banques centrales : celui d’une accumulation croissante, des moyens de payer les importations en provenance d’Allemagne, pays qui est ainsi amené à financer par le crédit, ses propres exportations. Tout comme la chine, qui paie ses exportations vers les USA en achetant des bons du Trésor américain. Le gonflement du bilan de la banque centrale allemande est une nécessité, et les entrepreneurs politiques allemands n’ont pas les moyens de s’y opposer. Une éventuelle sortie de la zone euro des pays  les plus débiteurs au titre de leurs échanges extérieurs, n’est pas une menace pour la Bundesbank, et encore moins pour l’Etat allemand, qui n’aurait pas nécessairement à recapitaliser - à raison de son poids dans l’euro système , c'est-à-dire 30%- sa banque centrale: Il peut en effet être décidé de monétiser. Par contre,  le vrai danger serait la très vive chute des exportations allemandes.

La dette publique n’est donc que l’apparence d’une autre plus fondamentale, celle engendrée par des déséquilibres extérieurs, les largesses et facilités  de cette dernière  venant nourrir la première plus visible et aussi plus dénoncée. Parce que plus visible, beaucoup d’entrepreneurs politiques évoquent une règle d’or sur les budgets publics. Il serait pourtant plus judicieux d’envisager une telle règle sur les échanges extérieurs. Règle évidemment inacceptable aux yeux des croyants de la mondialisation et des groupes d’intérêts qu’ils représentent.

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commentaires

C
Voir mon blog(fermaton.over-blog.com),No-6. - THÉORÈME du DESTIN. - Il frappe à nos portes ?
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S
à propos de target2 et de la bundesbank :<br /> <br /> http://www.telegraph.co.uk/finance/financialcrisis/9055142/Bundesbank-sinks-deeper-into-debt-saving-Europe.html
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J
<br /> <br /> merci<br /> <br /> <br /> <br />
B
L'élite mondiale à Davos loin des tumultes d'un monde "épuisé".<br /> <br /> Les dirigeants de l'élite politique, économique et financière de la planète se retrouvent mercredi à Davos (est) pour leur grand rendez-vous annuel, loin des tumultes d'un monde "épuisé" par la<br /> crise et des incertitudes entourant son avenir économique.<br /> <br /> La Grèce n'en finit pas de s'enfoncer dans la crise, les négociations qu'elle mène avec ses créanciers privés (banques, fonds d'investissement, etc) ne sont toujours pas bouclées, et même si les<br /> marchés accordent depuis le début de l'année un moment de répit aux Européens, la crise est encore loin d'être réglée.<br /> <br /> Une fois encore, tous les regards sont tournés vers l'Allemagne dont beaucoup attendent, en Europe et ailleurs, un geste pour rassurer durablement les marchés.<br /> <br /> "Le monde est dans un état de burn out (épuisement) total", avait déclaré fin décembre le fondateur et président du Forump, Klaus Schwab. "Nous avons échoué à retenir les leçons de la crise<br /> financière de 2009. Une transformation mondiale doit avoir lieu d'urgence et cela doit commencer en rétablissant une forme de responsabilité sociale", a-t-il renchéri il y a quelques jours.<br /> <br /> Les thèmes retenus pour cette édition 2012 du Forum en disent long sur l'inquiétude de ses organisateurs : "Le capitalisme du XXème siècle est-il en train de flouer la société du XXIème siècle ?",<br /> "Risques globaux en 2012 : les graines de la désillusion", ou encore "Réparer le capitalisme".<br /> <br /> http://www.boursorama.com/actualites/l-elite-mondiale-a-davos-loin-des-tumultes-d-un-monde-epuise-ed64fe2306bc7c20ada691562acd850f
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B
Mardi 24 janvier 2012 :<br /> <br /> Standard & Poor's va probablement abaisser la note souveraine de Grèce en catégorie "défaut sélectif" lorsqu'Athènes finalisera la restructuration de sa dette, a annoncé mardi John Chambers,<br /> président du comité des notations souveraines de S&P.<br /> <br /> Il a toutefois précisé qu'un défaut grec ne détruirait pas nécessairement la crédibilité de l'Union européenne.<br /> <br /> "Il n'est pas dit qu'un défaut grec ait un effet domino dans la zone euro", a déclaré John Chambers lors d'une rencontre organisée par Bloomberg Link.<br /> <br /> http://www.lefigaro.fr/flash-eco/2012/01/24/97002-20120124FILWWW00492-grece-menaces-sur-la-note-par-sp.php
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B
Lundi 23 janvier 2012 :<br /> <br /> Les ministres des Finances de la zone euro ont rejeté lundi l'offre faite ce week-end par le secteur privé sur sa participation au deuxième plan d'aide à la Grèce, ont indiqué plusieurs sources au<br /> sein de la zone euro.<br /> <br /> Dimanche 22 janvier, le représentant des créanciers privés de la Grèce avait déclaré que ces derniers avaient atteint les limites des pertes qu'ils étaient prêts à concéder dans le cadre d'un<br /> échange de dette "volontaire", ajoutant que la balle était désormais dans le camp des bailleurs de fonds internationaux d'Athènes.<br /> <br /> "Les ministres ont renvoyé l'offre sur la table des négociations", a déclaré l'une des sources, avant de préciser qu'ils avaient spécifiquement demandé aux négociateurs de s'entendre sur un taux<br /> d'intérêt inférieur à 4 % pour les nouvelles obligations grecques.<br /> <br /> La Grèce négocie depuis des mois avec ses créanciers les modalités de l'effacement d'une partie de sa dette, condition essentielle à la mise en place d'un deuxième plan d'aide de 130 milliards de<br /> la part de ses partenaires de la zone euro.<br /> <br /> Du fait de longues formalités d'application, le pays a besoin d'un accord sur ce plan de participation du secteur privé (PSI) dans les tout prochains jours, sous peine de faire défaut dès la fin du<br /> mois de mars.<br /> <br /> http://fr.reuters.com/article/businessNews/idFRPAE80M0FV20120123
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S
le détail des comptes courants et financiers<br /> <br /> http://sdw.ecb.europa.eu/reports.do?node=100000210
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B
- Au début, les bisounours disaient : "Ne vous inquiétez pas. La Grèce pourra rembourser toute sa dette."<br /> <br /> - Ensuite, les bisounours ont dit : "Ne vous inquiétez pas. La Grèce pourra rembourser PRESQUE toute sa dette."<br /> <br /> - Ensuite, les bisounours ont dit : "Ne vous inquiétez pas. La Grèce pourra rembourser une grande partie de sa dette. Les banques et les assureurs européens ne subiront qu'une petite décote de<br /> seulement 21 %."<br /> <br /> Les dirigeants de la zone euro se sont mis d'accord le 21 juillet sur un deuxième plan d'aide à la Grèce d'un montant total de 109 milliards d'euros. Le secteur privé, détenteur d'obligations<br /> souveraines grecques, sera mis à contribution à hauteur de 37 milliards d'euros. L'accord prévoit que les banques et assureurs européens subiront une décote de 21 % sur la dette grecque qu'ils<br /> détiennent.<br /> <br /> http://www.lefigaro.fr/flash-eco/2011/07/28/97002-20110728FILWWW00455-grece-les-banques-proposent-15mds-d.php<br /> <br /> - Ensuite, les bisounours ont dit : "Ne vous inquiétez pas. Les banques et les assureurs européens ne subiront qu'une décote de 40 %."<br /> <br /> - Ensuite, les bisounours ont dit : "Ne vous inquiétez pas. Les banques et les assureurs européens ne subiront qu'une décote de 50 %."<br /> <br /> - Aujourd'hui, les bisounours ne savent pas de combien sera la décote.
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S
voir les non euros operations<br /> <br /> http://www.ecb.int/mopo/implement/omo/html/index.en.html<br /> <br /> on peut aussi voir dans le bilan de la BCE les rubriques<br /> <br /> engagements en euro envers des non résidents<br /> <br /> et engagements en devises envers des non résidents (de la zone euro)<br /> <br /> ce n'est pas pour rien que les accords d'échanges de devises ont été rétablis précipitamment il y a quelques semaines<br /> <br /> jusqu'à il y a quelques mois l'euroland dans son ensemble était en très leger excédent commercial<br /> <br /> j'ignore ce qu'il en est maintenant, le fait que la BCE emprunte des dollars peut aussi provenir du déséquilibre entre investissements en euroland de non résidents et investissements hors euroland<br /> de résidents<br /> <br /> ce qui somme toute parait logique : les capitaux fuient l'euroland en direction de la zone dollar ou de la suisse<br /> à tel point que celle ci est obligée de "pegger" à l'euro pour éviter l'envolée du franc suisse
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J
<br /> <br /> merci et bonn week-end<br /> <br /> <br /> <br />
S
euroland sous perfusion de dollars<br /> <br /> les excédents allemands ne suffisent visiblement plus à équilibrer les déficits du club mèd depuis quelques temps : voir les accords de prêts de devises<br /> <br /> concrètement l'allemagne ne rentre plus assez de dollars pour que l'euroland puisse payer ses importations<br /> <br /> <br /> le château de cartes euroland ne tient désormais plus que grâce aux US qui trouvent avantage à prolonger l'agonie....
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J
<br /> <br /> Est-ce à dire que la zone euro est globalement déficitaire? Avez-vous des infirmations précises à ce sujet?<br /> <br /> <br /> <br />
B
Vendredi 20 janvier 2012 :<br /> <br /> Portugal : taux des obligations à 2 ans : 15,271 %.<br /> Portugal : taux des obligations à 5 ans : 18,350 %.<br /> Portugal : taux des obligations à 10 ans : 14,617 %.<br /> <br /> http://www.bloomberg.com/apps/quote?ticker=GSPT10YR:IND<br /> <br /> Le Portugal traverse "un moment réellement critique."<br /> <br /> Le Premier ministre portugais a admis vendredi que son pays, sous assistance financière, traversait "un moment réellement critique", espérant toutefois qu'il pourrait enregistrer en 2012 un<br /> excédent commercial alors qu'il mise sur les exportations pour relancer son économie.<br /> "Nous traversons un moment critique, qui entraîne un climat d'instabilité et d'insécurité sur l'avenir de l'Europe et par conséquent du Portugal", a dit Pedro Passos Coelho lors d'un débat au<br /> parlement.<br /> Le Premier ministre a évoqué en particulier des "nouvelles problématiques" venues "de Grèce ou d'une agence de notation".<br /> L'agence américaine Standard and Poor's a dégradé récemment la note de neuf pays européens, ramenant celle du Portugal au niveau des investissements spéculatifs, une décision jugée "infondée" par<br /> le gouvernement portugais.<br /> <br /> (Dépêche AFP)
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G
@Werrebrouck<br /> Le déséquilibre des finances publiques, c'est la dette de l’État. L’État est endetté, car il a dépensé plus qu'il n'avait reçu par l’impôt. Le déséquilibre extérieur est le déficit de la balance<br /> commerciale. Il signifie que les français ont acheté plus de marchandises étrangères qu'ils n'en ont vendues. Parmi ces marchandises vendues à l'étranger, sont incluses des Bons du Trésor de l’État<br /> français, c'est à dire les obligations émises par l’État français. Les investissements des étrangers en France apparaissent ici comme des ventes à des étrangers.<br /> <br /> Si les français produisaient 4% de plus, l’État français recevrait plus d’impôts et la Sécu recevrait plus de cotisations. Mais, amha, pas assez pour combler le déficit du budget.<br /> <br /> Lorsque un pays a une monnaie propre, l'étranger qui détient cette monnaie est contraint d'acheter dans le pays pour utiliser cette monnaie. Sinon, cela lui coute cher de conserver cette monnaie.<br /> Il existe alors un mécanisme automatique d'ajustement des marchandises achetables avec cette monnaie. Éventuellement, la dévaluation de la monnaie est alors une solution pour ajuster l'offre et la<br /> demande.<br /> <br /> Avec l'euro, ce mécanisme automatique ne joue pas. On se limite à constater dans chaque pays des déséquilibres entre la production de marchandises et les achats de marchandises. En effet,<br /> auparavant, l'étranger qui détenait des francs était obligé d'acheter des marchandises libellées en francs. Mais l'étranger qui détient des euros peut acheter tout dans un autre pays de<br /> l'eurozone.<br /> <br /> L'Etat grec est trop endetté pour rester dans l'euro. Des mécanismes auto correcteurs existent lorsque le pays a son propre système monétaire. Mais ils n'existent pas dans l'eurozone. Je ne<br /> comprend pas pourquoi l’État grec ne s'est pas retiré de l'euro. La question de la dette de l’État grecques est, amha, un problème plus facile à traiter si la Grèce sort de l'euro.<br /> <br /> Je ne suis pas sur que l'analogie avec les USA et la Chine convienne ici. Certes, l’État chinois détient une part importante de la dette des l’État US. Mais c'est l’État chinois qui la détient. Ce<br /> ne sont pas les agents économiques chinois. Les décisions d'achats chinois de marchandises US dépendent largement des autorités politiques chinoises. C'est du moins ce que j'ai compris de la<br /> politique monétaire chinoise.<br /> <br /> J'ai le sentiment que c'est la dette de l’État qui induirait une augmentation du déséquilibre de la balance commerciale. L’État dépense plus que les habitants n'ont produit. L'argent de cette<br /> dépense se retrouve naturellement, majoritairement à l'étranger. Vous faites une référence à des droits à importer. Une telle innovation ne me semble pas utile. Une monnaie nationale est un moyen<br /> suffisant d'une régulation automatique des exportations et des importations.
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