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27 décembre 2016 2 27 /12 /décembre /2016 13:23

 

Dans un article des Echos du 27 décembre dernier Patrick Artus évoque 4 vérités économiques dont tous les programmes de politique économique, en particulier ceux dits populistes, devraient tenir compte. Ces 4 vérités sont l’impossibilité de sortir de l’euro, la non substituabilité des importations par des productions domestiques, la difficulté des appareils productifs à répondre à une hausse de la demande, et une austérité qui ne correspond pas à la réalité.

L’impossible disparition de l’Euro

L’impossible sortie de l’euro se ramène à nier l’Histoire humaine qui, de tout temps, édifie des institutions pour ensuite les voir s’étioler et disparaitre. L’euro est une institution humaine qui comme toutes les autres disparaitra un jour. Toutefois, au-delà de cette maladresse dans l’affirmation, il existe chez Artus un argument de fond, à savoir l’importance de la dette au bénéfice de non- résidents qui s’accroitrait avec la dévaluation et ce, au détriment de l’Etat, des entreprises et des banques. Le raisonnement est bien sûr biaisé par l’importance des actifs en compensation des passifs, mais surtout par le fait que le retour à la souveraineté monétaire passerait par une monétisation massive soucieuse de respecter tous les contrats et de ne nuire à aucun acteur[1]. Nous venons du reste d’avoir une petite idée de ce que signifie le respect des contrats en observant ce que vient de décider le parlement italien : en apportant 20 milliards d’euros aux banques incapables de faire face aux légitimes demandes de remboursements des petits créanciers, 20 milliards que l’Etat italien ne possède pas. Par ce geste, Il est implicitement décidé de respecter les engagements bancaires et ce quelle que soit la situation. Bien évidemment il n’y a pas encore monétisation puisque l’Italie reste dans la zone euro. Mais un départ faciliterait les choses et l’institut d’émission et non l’Etat serait mis à contribution pour une hauteur qui ne souffre aucune limite.

La non substituabilité des importations par des productions domestiques.

Patrick Artus a parfaitement raison d’affirmer que la monnaie unique a entrainé un allongement des chaines de la valeur. D’où des élasticités/prix proches de zéro pour les importations comme pour les exportations. Cela signifie simplement que les premiers temps de la fin de l’euro seront une période difficile. Par contre, à moyen terme, il n’est pas pensable que, face à une augmentation considérable du prix des intrants et à une compétitivité élevée des productions domestiques, il n’y ait pas une redéfinition des chaines de la valeur. L’insensibilité aux prix est une donnée qui ne tient pas sur le moyen terme. Rappelons que cette redéfinition peut aussi être accompagnée par une politique industrielle, mais qui, elle aussi, pourrait être longue à mettre en place tant les experts en la matière sont devenus espèce rare dans les appareils d’Etat.

L’impossible réponse de l’offre à une demande accrue.

Là aussi, Patrick Artus a raison de souligner que la hausse de la demande se solde par une hausse des importations et ce dans de considérables proportions. L’expérience du début de l’année 2016 est à cet égard révélateur : la hausse du pouvoir d’achat français résultant de la baise conjuguée du prix du pétrole, de l’euro et des taux de l’intérêt s’est soldée par une fuite vers les importations au rythme de 80 centimes par euro supplémentaire. Mais là encore il n’en tire pas les conclusions selon lesquelles, c’est l’euro qui a détruit la compétitivité de la France. Lorsque la souveraineté monétaire existe la compétitivité peut en toute circonstance être maintenue ce qui passe aussi par des investissements porteurs de gains de productivité. Aujourd’hui l’investissement n’est pas justifié en raison du mur de la sous compétitivité qui s’est construit tout au long de l’existence d’une monnaie unique dont le taux de change était complètement inadapté et le sera encore davantage tous les jours.

L’absence d’austérité.

L’argument selon lequel d’une part la politique monétaire de la BCE est ultra expansionniste et d’autre part la Commission européenne est laxiste au regard des politiques budgétaires ne tient pas. Les pays du sud sont en situation de sous- investissement public et privé majeur. Ce que refuse de voir Patrick Artus est le creusement de l’hétérogénéité croissante entre les pays du Nord et ceux du sud, avec globalement un excédent extérieur de plus de 3 points de PIB qui fait que globalement la zone se devrait d’envisager une politique d’expansion, une politique interdite en raison de l’architecture retenue pour la construire. Jamais l’Allemagne ne pourra accepter les nécessaires transferts vers le sud.

Au total oui il existe des vérités économiques, mais ces dernières apparaissent dans un cadre construit complètement inadapté. Et la vraie question des programmes politiques est celle du changement de cadre, lequel doit avoir pour base la réappropriation de la souveraineté.

 

[1] Nous avons déjà longuement abordé cette question dans plusieurs articles et sur le blog. Cf notamment : http://www.lacrisedesannees2010.com/article-les-conditions-d-un-demantelement-reussi-de-la-zone-euro-92063917.html

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23 décembre 2016 5 23 /12 /décembre /2016 10:11

 

Henri Guaino utilise abondamment les matières premières de son excellent ouvrage[1] pour critiquer le programme de François Fillon dans le monde du 21 Décembre 2016[2].

Cherchant à en souligner les défauts récessionnistes que nous avons-nous-mêmes mis en évidence[3], il se livre à quelques comparaisons historiques intéressantes notamment le plan Laval de 1935. Le contexte des années 30 est certes différent de celui d’aujourd’hui. Il existe toutefois des points de rapprochement tels que la compétitivité et le déficit budgétaire. Ainsi la France se trouve- t-elle exposée dans le contexte de la crise planétaire à une question d’équilibre extérieur aussi aggravée par les fortes dévaluations de la Livre en 1931 et du dollar en 1933. Une situation qui, dans un environnement de baisse du PIB de 10% entre 1929 et 1935, fera passer les exportations de 15 à seulement 6 points de PIB entre 1929 et 1935. Autre point de rapprochement, la question du déficit budgétaire qui représente environ 5 point de PIB en 1932[4].

A l’époque, le système monétaire est encore celui du « bloc-or » et le Franc est évidemment attaqué en raison de la compétitivité trop faible et surtout un déficit budgétaire menaçant, de par son poids, le système financier. Le raisonnement est simple : si le Trésor fait appel trop lourdement au marché financier, dans un contexte où l’épargne se dirige plus volontiers vers la terre et la pierre, le risque de taux se manifeste. Pour les fonctionnaires du « Mouvement Général des Fonds » (le Bercy de l’époque) et déjà Jacques Rueff, la solution passait par l’austérité et donc la tentative d’une politique déflationniste permettant une baisse du niveau général des prix. Une telle baisse serait de nature à rétablir la compétitivité. Cette déflation passait bien sûr par une diminution de la dépense publique.

Dans le cadre d’un panel de décrets-lois qui va se développer par un premier ensemble de 29 textes publiés le 14 juillet 1935, la totalité des services de l’Etat réduit son flux de dépenses de 10%, et ceci quelle que soit la nature de la dépense. En particulier le service de la dette est lui-même concerné et donc la rente sur titres publics est écrémée de 10%. Compte tenu du poids de l’Etat à cette époque, cette baisse représentait environ 2 points de PIB, soit un choc plus important que celui prévu dans le programme Fillon[5].Ultérieurement d’autres textes interviendront (près de 400 au total) pour obtenir une baisse générale de tous les prix y compris celui des loyers. Chaque prix ayant pour contrepartie un revenu, on comprend la puissance de l’effet déflationniste, et donc en principe récessionniste, comme nous l’avons déjà montré dans le blog. Et à priori, une puissance austéritaire beaucoup plus importante que celle prévue par le plan Fillon qui, lui, ne peut  dans le cadre de la réglementation européenne intervenir sur l’ensemble des prix de marché. En revanche, nous n’avons aucune idée de la valeur du multiplicateur budgétaire de l’époque[6].

Outre qu’il soit techniquement difficile d’effectuer des comparaisons, le travail doit s’arrêter sur le paysage monétaire complètement différent entre la France des années 30 et celle d’aujourd’hui.

De fait, la déflation Laval est devenue dans la réalité concrète une « inflation Laval » car loin de voir les dépenses publiques se réduire, ces dernières se sont accrues malgré les décrets-lois. Bien sûr il était logique de constater qu’un déficit budgétaire nouveau se manifeste par le biais de moins -values sur recettes : les décrets portant sur les prix ont eu des effets revenus source de réduction des assiettes fiscales. Par contre et sans doute assez curieusement les dépenses, mal évaluées vont augmenter sur un certain nombre de postes très lourds dont celles liées à l’interventionnisme en matière agricole, aux travaux civils engagés et plus encore l’abondement du « Fonds spécial d’outillage et d’armement » de l’époque. Cet alourdissement de la dette fût très largement monétisé. Une monétisation d’abord directe, avec l’achat de bons du trésor par la banque de France, mais aussi de façon plus indirecte en plaçant en position intermédiaire ces acteurs dévoués qu’étaient les banques de second degré et la Caisse de Dépôts et Consignation. Très clairement les bons achetés étaient escomptables dans un délai de trente jours directement auprès de la Banque de France. Des outils bien commodes qui vont faire naitre ce qu’on a appelé la « croissance paradoxale ». Bien évidemment la compétitivité n’était guère rétablie et il appartiendra au Front Populaire, l’année suivante, de tenter le retour à la compétitivité par un franche dévaluation, d’abord en octobre (35%) puis en décembre (25%).

Monsieur Fillon peut tenter une austérité Laval telle qu’enseignée dans les universités. Hélas il ne fera qu’imposer de nouveaux malheurs au pays car, Président de la République, il restera complètement sous équipé en matière de souveraineté monétaire. L’étau de l’euro se refermera sur lui et le pays.

 

 


 

[1] « En finir avec l’économie du sacrifice », Odile Jacob, 2016.

[2] « Non,M.Fillon, l’austérité n’est pas la solution » , Feuillet « Débats et analyses », page 23.

[3] http://www.lacrisedesannees2010.com/2016/12/programme-fillon-une-economie-de-l-offre-embourbee-dans-l-euro.html

[4] Nous extrayons ces chiffres et ceux de la suite du présent texte de la thèse de Michel Margairaz : « L’Etat, les finances et l’économie, Histoire d’une conversion 1932-1952 », thèse publiée par l’Institut de la gestion publique et du développement en 1991.

[5] Moins de 1 point de PIB, mais répété tout au long du sptennat.

[6] Rappelons qu’il est estimé à environ 2,6 pour la France d’aujourd’hui. (Cf article déjà cité sur le blog).

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10 décembre 2016 6 10 /12 /décembre /2016 13:54

    

But ultime de tout programme républicain : porter au plus haut les valeurs de responsabilité, de solidarité, de tolérance et de confiance dans la fierté d’appartenir à une grande nation ouverte sur le monde.

Remontée de la chaine des moyens adaptés à la finalité :

Moyens de niveau 1 :

* Restaurer la liberté de choix des citoyens à l’intérieur du cadre républicain

* Reprendre le travail de construction d’une classe moyenne très large.

Moyens de niveau 2 :

* Proposer une conférence refondatrice de l’Europe avec comme objectifs de forger les moyens de niveau 1 en particulier le respect des identités nationales et de souveraineté, mais aussi des ambitions en termes de sens donné à l’Europe et aux peuples qui la composent.

Moyens de niveau 3 :

* Construire des relations économiques internationales qui interdisent le développement illimité des inégalités à l’intérieur des nations et entre nations.

Moyens de niveau 4 :

* Rétablir les souverainetés monétaires à l’intérieur d’un cadre coopératif visant à l’équilibre extérieur de chaque nation.

 * Assurer la correspondance entre le nombre des emplois et les effectifs de la population active.

  * Redéfinir et rééquilibrer   les rapports salariés/manageurs/actionnaires

Moyens de niveau 5 :  

  *  Définir un projet industriel et agricole pour le pays en accord avec ses atouts (Créativité/capacités scientifiques/technologiques/managériales) et ses contraintes (vieillissement/moyens limités/immensité du territoire à valoriser et à protéger).                  

  *  Rétablissement des gains de productivité et de la croissance potentielle.

Moyens de niveau 6 :   

  * Rétablissement d’une grande capacité d’investissement qualitatif et quantitatif dans la formation et la Recherche publique et privée.

   * Augmentation considérable de la productivité de l’Etat par redéfinition de son    périmètre, de sa centralité et de ses moyens d’action.

Moyens de niveau 7 :   

  * Etablir une politique budgétaire sans baisse de la dépense sociale frappant les couches moyennes ou défavorisées.

  * Eviter les effets dépressifs de la diminution  de la dépense publique.

* Diminuer considérablement la pression fiscale sur les entreprises et les              

ménages et bénéficier de ses effets d’expansion sur la demande globale.

Moyens de niveau 8 : 

  * Fin de l’indépendance de la Banque de France et réquisition au profit du Trésor et des entreprises.            

   * Réquisition de l’ensemble du système financier avec fin de la libre circulation du capital.

    *  Contenir la financiarisation des activités humaines dans d’étroites limites

     *  Utilisation massive de la monétisation pour des investissements eux-mêmes massifs dans la       reconstruction des grandes infrastructures (Energie/Transport/Armée/Transition écologique).

    *  Utilisation massive de la monétisation pour un Crédit National au profit des   entreprises notamment    dans la relocalisation et la réduction de la longueur des chaines de la valeur.

    *  Diminution de l’activité normative, de la présence de l’Etat dans le capital des     entreprises, et  éloignement  du souci de politique industrielle au profit d’une veille sur la gestion des externalités.

 

 

 

              

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5 décembre 2016 1 05 /12 /décembre /2016 16:49

Le contexte général de la mise en œuvre du programme.

Au-delà du chômage de masse, la dette publique ne cesse d’augmenter pour atteindre 97% du PIB l’an prochain. Il s’agit au surplus d’une mauvaise dette chargée essentiellement d’alimenter la consommation au détriment de l’investissement. Cette dette - de maturité moyenne (7 années et 128 jours)  et toujours détenue à 60% par des non- résidents-  porte le risque d’une remontée des taux. Ce scénario semble se mettre en place pour diverses raisons : élections américaines, hausse du prix du pétrole, questionnement sur l’efficacité des QE, risques italiens, etc. Ce scénario affecte déjà le porte-feuilles d’actifs de certaines institutions financières. Aujourd’hui la croissance nominale est faiblement supérieure au taux de l’intérêt, mais le déficit public n’a toujours pas rejoint le point (2% du PIB) permettant la stabilisation de la dette.

La croissance potentielle (1,2% selon l’OCDE) reste faible aussi en raison d’un contexte mondial de ralentissement des gains de productivité. Il faut également noter la fin de la croissance du commerce international avec un début de rétrécissement des chaines de la valeur. L’étroitesse de la croissance mondiale - mal nourrie par la faiblesse des gains de productivité - renforce des stratégies planétaires  non coopératives centrées sur des dévaluations internes (salaires, fiscalité) ou externes (début de guerre des taux de change, début de protectionnisme dans un contexte de difficile substituabilité entre production domestique et importations) . Dans ce cadre, la France reste mal placée avec une balance commerciale extrêmement déficitaire résultant pour partie de la gamme moyenne de ses produits et services exportables. De fait,  le pays est confronté au haut de gamme allemand mais aussi aux productions espagnoles favorisées par la stratégie de dévaluation interne du pays. Le déséquilibre extérieur de la France est d’abord un déséquilibre avec ses partenaires de la zone euro.

Côté humain, les inégalités générationnelles et spatiales ne font que s’accroitre avec confirmation de ce que Chauvel[1] appelle la spirale du déclassement : mobilité descendante, écrasement du pouvoir d’achat des salaires relativement aux prix de l’immobilier, paupérisation de nombreux surdiplômés etc. d’où un climat de grande frustration et de malaise dans les classes moyennes.

Les choix budgétaires du programme.

Compte tenu des choix budgétaires que l’on trouve dans le programme de François Fillon nous avons une baisse de la dépense publique associée à une baisse partielle de la fiscalité.

 La baisse de la dépense publique devrait s’effectuer au rythme annoncé de 20 milliards l’an . Cette baisse devrait se répartir comme suit : 33% pour l’Etat, 20% pour les collectivités territoriales, et environ 47% pour les administrations de sécurité sociale. Dans ce dernier cadre, il est prévu une baisse de la dépense sur les divers régimes de retraite, les soins médicaux et les allocations de chômage  devenues fortement régressives et plafonnées. Dans ce contexte il est difficile de repérer où se trouve affectée la part des réductions de dépenses (15 milliards d’euros ?) liées à la suppression de 500000 emplois dans la fonction publique.

Cette dépense publique plus faible alimentée par des gains de productivité (dont l’arme du passage aux 39 heures), des transferts plus limités et des reports de charge sur les ménages (essentiellement sur la santé), est compensée par des hausses de la dépense régalienne. Si le passage à 2% de PIB pour la défense n’est pas autrement précisé, il en est de même des nouvelles dépenses en faveur de la Justice et la gendarmerie. L’ensemble représenterait 12 milliards d’euros l’an.

Sauf erreur, la force récessive se monterait ainsi à 20- 12= 8 milliards d’euro l’an.

Côté prélèvements publics obligatoires, nous avons une baisse immédiate ( fin de l’année 2017) de 40 milliards de charges et impôts sur les entreprises. Certaines données restent imprécises mais l’IS serait ramené au taux de 25% .

Côté ménages ou salariés se trouvent également envisagés une disparition de l’ISF, une diminution de l’IRPP avec forte incitation à l’investissement en PME, et la disparition de la cotisation salariale maladie (5,5 milliards d’euros). En contre- partie une hausse de 2 points de la TVA est envisagée, soit environ 20 milliards d’euros.

Si l’on dresse un bilan nous avons pour l’année 2018 : une baisse de 8 milliards de la dépense et une baisse de la fiscalité de 40+ 10 – 20= 30 milliards d’euros.

S’agissant de la dépense et compte tenu du multiplicateur budgétaire estimé à 2,6[2], cela signifie un potentiel de recul du PIB d’environ 0,9% pour l’année 2018. De quoi faire quasiment disparaitre la croissance de l’année.

 La baisse des prélèvements fiscaux est assortie d’un multiplicateur plus faible estimé à O,4. Cela signifie, en estimant la baisse de la pression fiscale à 30 milliards en 2018, une croissance supplémentaire de 0,5% de PIB. Cet effet d’expansion cesse l’année suivante si l’économie de l’offre qui est le vrai espoir du projet ne s’épanouit pas concrètement au terme de cet important effort.

L’effet dépressif est ainsi plus élevé que l’effet d’expansion pour la première année de la mise en place du programme. Dans ces conditions l’objectif de 1,5% de croissance en 2018 prévue par le programme parait hors de portée, tandis que les objectifs plus lointains ( jusqu’à 2,3% en 2022) semblent se heurter à la chute des gains de productivité.

Pourquoi ces multiplicateurs, 2,6 pour la dépense publique et O,4 pour la baisse de la pression fiscale, sont-ils si contrariants ?

Inégalités sociales croissantes dans la dépression

Démontrons en premier lieu qu’une baisse de la dépense publique affectera plutôt les classes populaires et moyennes que les classes aisées.

On peut certes envisager, ce qui n’est pas prévu dans le programme, un accès plus difficile aux services publics pour les classes aisées, espérer que les revenus moindres qui en découleraient (il faut par exemple payer davantage pour se soigner) donneraient lieu à une baisse de l’épargne et donc à un effet relance compensant l’effet contraction, mais il s’agirait de montants relativement faibles et sans impacts macroéconomiques. Il est donc assuré qu’une diminution importante de la dépense publique frapperait essentiellement, directement ou indirectement, les classes moyennes et populaires.  Directement en s’attaquant aux dépenses sociales, par exemple la diminution de revenus de transferts (allocations au titre du chômage, retraites, RSA, logement, etc.) Tout cela est bien prévu dans le programme avec en particulier un massif report des soins sur les ménages (15 milliards d’euros selon la Mutualité française).

Pour ces couches sociales il n’est pas question de compenser la chute des revenus associés à la diminution de la dépense publique par une diminution de l’épargne, celle-ci étant trop faible. En contrepartie, une diminution du prélèvement fiscal n’affecte que fort peu ces mêmes couches sociales.

De tout ceci, il résulte que la diminution des dépenses publiques affecte massivement et rapidement le reste de l’économie : les acteurs de ces couches sociales moyennes et inférieures ne pouvant plus dépenser ce qu’ils n’ont plus. Dit très brutalement, la diminution des dépenses sociales est directement une mauvaise affaire pour les entreprises livrant des biens et services aux ménages. Elle peut même entrainer la disparition de celles d’entre-elles qui se situent dans des bassins où les revenus de substitution sont très importants, avec, par conséquent, aggravation de la situation dans les banlieues et ses risques politiques, ce qu’on appelle depuis la dernière élection américaine « les banlieues des métropoles mondialistes ». Plus concrètement encore il est des zones en France où la somme des prélèvements qui frappent les entreprisses est beaucoup plus faible que la partie du chiffre d’affaires acquise sur les dépenses elles-mêmes assises sur des revenus de transferts. Les entreprises de ces zones -essentiellement la Grande Distribution - sont nourries par la dépense publique. On comprend ainsi l’importance numérique et l’enjeu de ce multiplicateur contrariant.

Par contre, pour les couches sociales aisées si la diminution de la dépense publique est d’impact faible, la baisse de la pression fiscale connait un impact non négligeable sur le chiffre d’affaires des entreprises leur livrant des biens et des services. Avec toutefois un très fort amortissement de cet impact provoqué par une épargne supplémentaire et des importations plus élevées dans un contexte de compétitivité faible des entreprises. Cela signifie concrètement que la baisse de l’impôt est de faible rendement sur des ménages habitués à des consommations haut de gamme que le pays importe. D’où ce multiplicateur faible, fort contrariant.

On comprend ainsi mieux le poids de ces multiplicateurs annoncés plus haut avec globalement un effet dépressif très lourd et aussi des effets très mal répartis entre les différentes couches de la société et les espaces de vies correspondants : la fracture sociale ne peut que s’aggraver. Avec un mouvement auto entretenu : Parce que l’effet dépressif est puissant, on ne peut qu’accélérer le processus enclenché si l’on veut maintenir les objectifs, de quoi entrainer la ruine économique et sociale du pays avec ses conséquences politiques. Ajoutons que l’effet baisse de l’impôt en principe très favorable, ne joue qu’une fois (ce qui suppose un relais très rapide des entreprises dans les projets d’investissements) alors que l’effet baisse de la dépense est reconduit pour 5 années. Ce chemin, très difficile ne sera pas emprunté par le nouveau Président de la République.

Occulter l’avenir

Il est possible d’aller plus loin dans l’analyse.

Quand on veut diminuer la dépense publique de 20 milliards par an, on s’aperçoit vite que le chantier n’est guère aisé pour celles des dépenses liées aux rémunérations. Sauf à licencier sans indemnités des fonctionnaires, hypothèse peu réaliste et exclue du programme, la suppression de postes ne signifie pas  une diminution de la masse salariale distribuée. La raison en est simple : il faudra continuer à supporter le poids des retraites. Ne pas remplacer un fonctionnaire n’entraine une diminution de la dépense publique que par la mort, à attendre, de fonctionnaires retraités. La baisse de la masse salariale, sauf affrontement direct non inscrit dans le programme, ne peut aller plus vite que ce qui est autorisé par les « sorties naturelles » des fonctionnaires. Et de ce point de vue le programme qui envisage une économie de seulement 15 milliards sur 5 ans parait raisonnable.  Par contre sans relance de l’offre par le secteur privé, ce scénario est aussi 120000 emplois non crées en 2018 et donc une aggravation importante du chômage.

Sachant que les dépenses publiques sont massivement des rémunérations (environ 75% du total de la dépense) on comprendra  mieux que le respect de la règle de la diminution annuelle de 20 milliards de dépenses passe soit par la baisse des consommations intermédiaires des services publics produits (baisse du chauffage dans les ministères et autres bâtiments publics, baisse de la consommation de papier, de seringues dans les hôpitaux, etc.) , soit par la baisse de l’investissement public ( non renouvellement ou non-modernisation des infrastructures publiques, participation peu active à l’effort de recherche, etc. ), soit la baisse des transferts directs aux ménages et aux entreprises ( soins médicaux, retraites, RSA, CICE, etc.)

On comprend ainsi que le respect d’un tel programme de diminution des dépenses éclipsera largement le souci de l’avenir et frappera lourdement les services et transferts directs : soins, revenus de substitution. On comprend aussi que face à cette difficulté, des poches de dépenses publiques seront sanctuarisées (ensemble du secteur médico-social par exemple) au détriment de l’investissement public et donc de la construction de l’avenir. Qu’en sera-t-il de la branche énergie, des investissements dans la protection de l’environnement, etc. ?

Le difficile épanouissement d’une économie de l’offre pourtant à la base du programme.

Bien évidemment, il est possible de renverser le raisonnement et dire que la diminution des dépenses publiques n’est pas la volonté d’occulter l’avenir mais au contraire de le préparer en extirpant de la sphère publique les poches de sous-productivité et autres activités inutiles. En termes gestionnaires, il est d’ailleurs possible d’affirmer que si l’on ne peut aisément diminuer la masse salariale, on peut élever la productivité du travail direct (produire autant de services avec moins de fonctionnaires), par exemple en augmentant le temps de travail, en le réorganisant, en luttant contre l’absentéisme, en supprimant les compétences multiples, etc. Ce que le programme prévoit très correctement.

Globalement, un tel scénario serait satisfaisant si les emplois de fonctionnaires libérés par des gains de productivité dans la sphère publique devenaient emplois nouveaux plus productifs dans la sphère marchande. Au fond, le choix d’une diminution de la dépense publique serait aussi celui de faciliter voire impulser une meilleure affectation des ressources. Encore faut-il se poser la question de savoir si cette contraction de la dépense publique autorise l’épanouissement du marché conduisant à cette meilleure affectation, ce que semble suggérer le programme avec un taux de chômage ramené à 7 % en 2022. Or la réponse est loin d’être évidente puisque l’effet dépressif relativement lourd est d’abord une contraction de la demande globale, donc des marchés dont l’encombrement global ne peut être vaincu que sur la base de l’innovation (HUBER remplace les taxis), ou de gains de compétitivité acquis sur une productivité fausse (baisse des salaires), ou réelle (progrès technique). Le résultat global de cette tentative de passage à plus d’économie de l’offre est loin d’être évident.

Il résulte tout d’abord de l’orientation de contenu de ces nouvelles offres. Si la digitalisation est massive, cela pose le problème de la répartition mondiale des gains de productivité en corrélation avec le risque du « winner take all ». Si la compétitivité résulte uniquement des effets mécaniques de la baisse de la dépense publique (charges sur salaires favorables à l’échelle micro mais aggravant le déficit de demande globale), aucun gain de productivité n’est enregistré. Seul le progrès technique, par ses effets revenus, permettrait dans ce cas de figure un soulagement à la contraction de la demande globale. Or ce progrès technique, que l’on peut imaginer facilité par la nouvelle politique (aucune preuve ne peut être apportée), exige un temps long en contradiction avec le temps court de la machine dépressive.

Au total, si personne ne peut militer pour le maintien des poches de sous-productivité de la sphère étatique, il est évident que la stratégie générale proposée est douloureuse.

Un véritable programme de reconstruction passe par des moyens complémentaires. Parce qu’il est très difficile de libérer l’offre globale en déprimant la demande globale, il faut changer de paradigme et libérer massivement l’offre dans un contexte de demande garantie.

Bruxelles peut-il dans ce contexte apporter une solution ?

L’oubli de l’Europe.

Le programme Fillon est ici beaucoup plus discret. Evacuant toute volonté de renégocier les Traités, le volet Politique Industrielle de l’Europe n’existe pas vraiment et se contente d’exhortations sur le numérique, la médecine, les transports ou l’énergie, autant de branches dont on aimerait qu’elle se transforment en « nouveaux AIRBUS ». Les paragraphes consacrés aux normes et la volonté de ne pas accepter le projet de libre-échange avec les USA sont plus crédibles

Beaucoup de discrétion, voire d’erreurs concernent l’Euro.

Ainsi on parle d’un Euro qui deviendrait monnaie de réserve sans savoir que le statut de monnaie de réserve repose aussi sur des réalités qui sont loin d’exister en Europe : domination politique et militaire avec déficit extérieur constitutifs de balances euros.

On évoque aussi des souhaits ou utopies : création d’une direction politique de l’euro, avec un secrétariat général de la zone qui serait indépendante de la Commission ; coordination à imaginer avec la BCE en vue d’une stratégie économique globale ; mise en commun des dettes couronnant l’achèvement d’une convergence fiscale ; etc.

Il n’y a donc aucune prise de conscience de taux de change entre pays dont l’inadaptation s’aggrave avec le temps. On ne parle pas du passager clandestin allemand qui bénéficie d’un taux de 25% inférieur à ce qu’il devrait être. On ne parle pas non plus de l’armée d’occupation qui accompagne nécessairement le paquebot euro : finance dérégulée, Banque centrale Indépendante, liberté de circulation des capitaux, etc. On ne prend pas conscience que le rétablissement de la compétitivité passe plus facilement par une dévaluation (baisse de prix externes) que par une attaque frontale du coût complet du travail (baisse des prix internes) et ce même si durablement les élasticités prix ont été anéanties par l’allongement des chaines de la valeur.

Libérer authentiquement l’offre

Libérer l’offre passe par un premier non-respect de la réglementation européenne en réquisitionnant le gouverneur de la banque de France[3]. Ce dernier aura pour mission de monétiser la dette et de permettre  les investissements massifs donnant accès  dans un premier temps au rétablissement du bon fonctionnement des infrastructures de base ( 55milliards d’euros pour EDF, 30 milliards pour le rail, etc.,  mais aussi l’équipement militaire, et surtout la lutte contre le dérèglement climatique) . Simultanément le reprise en mains du système financier dont les dirigeants seront aussi réquisitionnés, permettrait avec la monétisation assurée par la banque centrale d’envisager des investissements eux-mêmes massifs pour la mise à niveau d’un système productif (surtout industriel et agricole) devenu très en retard en termes de productivité, de diversité, ou de simple adaptation aux demandes nouvelles. C’est dans ce cadre porteur que l’offre nouvelle pourra se libérer et assurer ce qu’on appelle la montée en gamme du système productif français.

Maintenant parce qu’il faut que les investissements gigantesques capables de redresser le pays ne débouchent pas sur un non moins gigantesque accroissement des importations[4]….assurant la relance à l’étranger….il faudra profiter de la probable disparition de l’euro, (dont le fonctionnement était lié à l’indépendance de la banque centrale….devenue organe financier dirigé par un gouverneur réquisitionné), pour procéder à une dévaluation massive.

Bien évidemment, tout cela ne pourra se déployer sans effets pervers qu’il faudra savoir maitriser : élasticités/prix à l’importation et à l’exportation beaucoup trop faibles, contrôle des mouvements de capitaux, risques d’inflation, pénurie de devises, etc. Et bien au-delà l’exigence d’une certaine patience, le rétablissement de la puissance du pays ne pouvant s’opérer que dans le cadre d’une dizaine d’années.

 

[1] La Spirale du déclassement, Essai sur la société des illusions ; Seuil ; 2016.

[2] Chiffres du FMI confirmés par l’OFCE. http://www.ofce.sciences-po.fr/blog/une-revue-recente-de-la-litterature-sur-les-multiplicateurs-budgetaires-la-taille-compte/

[3] http://www.lacrisedesannees2010.com/2016/10/candidats-a-l-election-presidentielle-saisir-les-premieres-cles-permetant-la-reconstruction-de-la-france.html

[4] Même sans croissance réelle le commerce extérieur français ne cesse de se dégrader avec un déficit de 48,7 milliards d’euros entre septembre 2015 et septembre 2016 , contre « seulement » 45,4 milliards un an plus tôt.

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29 novembre 2016 2 29 /11 /novembre /2016 16:06

 

L’élection présidentielle américaine et les prochains rendez-vous électoraux en Italie, en Autriche, puis en Hollande, en France et en Allemagne créent un nouveau climat de tension sur les marchés. Les taux longs américains sont ainsi passés de 2,2% fin juin 2016 à plus de 3% aujourd’hui. Par contagion, le phénomène se déploie en Europe et en particulier chez les plus fragiles. L’Italie connait maintenant une courbe des taux dont les valeurs (jusqu’à 3,5% pour les obligations à 50 ans) dépassent largement une croissance économique de seulement 0,8% pour la présente année.

 Mécaniquement le cours des dettes publique s’affaisse et le risque de taux augmente avec celui de la maturité. Ainsi les obligations italiennes à 50 ans ont perdu 11% de leur valeur 6 semaines après leur lancement à la fin de l’été. Il en est déjà de même pour la plupart des titres publics de la partie sud de la zone Euro. Globalement on peut estimer que 1% de hausse entraine une baisse de 20% pour les titres à maturité très longue.

Les conséquences sont évidemment sévères pour les investisseurs et surtout pour La BCE qui, gavée de dette publique, devient une structure de défaisance avec- si l’on reste dans l’idéologie allemande- évaporation de ses capitaux propres et recapitalisation par les divers pays actionnaires. De quoi développer une nouvelle crise de la zone euro.

Dans un tel contexte on est amené à se poser la question d’une possible fin de « l’exposition à la dette » des différents Etats, c’est-à-dire la suppression d’un marché primaire de la dette dont les aléas mettent clairement en évidence ce que certains appellent le caractère inachevé de la construction de la monnaie unique.

Et il est vrai que si l’on se tourne vers l’histoire financière – sans même aborder ce qu’on appelle le « mode hiérarchique du financement de la dette publique »[1] - on se rend compte que les siècles passés avaient engendré l’idée de dette perpétuelle et un monde à priori beaucoup plus stable. Pourquoi une dette publique perpétuelle et comment expliquer sa disparition ?

L’origine en est simple : la volonté de contourner l’interdit du prêt à intérêt par l’église. Ce qu’on appelle rente était un moyen commode de céder un bien contre le versement d’une annuité régulière derrière laquelle se cachait un véritable taux d’intérêt. Inaugurée en 1535 en France avec François 1ER , elle devait se développer massivement en Grande Bretagne après la révolution anti Stuart (1688) et devenir hégémonique pour nombre d’Etats au 19ième siècle.

Si le principe est simple le prix reste élevé. Le capital étant durablement aliéné, le risque souverain non exclu et l’inflation toujours possible, il faut comprendre que le taux de l’intérêt est logiquement plus élevé que sur une dette de courte maturité, ce que confirme la classique courbe des taux. C’est la raison pour laquelle nombre d’Etats ont essayé d’en limiter le surcout par des clauses juridiques plus ou moins contestables. Ainsi celle de l’intervention sur un marché secondaire de la rente avec, en particulier, une clause de rachat à la discrétion du Trésor. Le prix étant jugé trop élevé le Trésor rachète de la dette, en fait monter le cours et fait baisser le prix des rentes futures. Stratégie douteuse qui pourra éloigner les rentiers et maintenir le prix, et stratégie qui ne sera jamais, à ce titre, utilisée par le Trésor britannique jusqu’à la fin du 19ième siècle. Notons aussi que la rente perpétuelle devient un outil privilégié de l’épargne avec constitution de l’équivalent d’un véritable système de retraite avant l’heure.

Ce sont essentiellement les immenses besoins de la première guerre mondiale qui, par le biais de l’inflation, vont faire disparaitre progressivement la rente perpétuelle. L’apparition ultérieure du keynésianisme avec des taux qui ne sont plus des prix de marché, ce que l’on a appelé la répression financière, confirmera la disparition.

Le retour en force de la finance à partir des années 80, la fin des liens entre Trésors et Banques centrales, la généralisation des taux de change flexibles avec libre circulation du capital, etc. ont remis au premier plan le mode marché de l’endettement public. A la fin des années 90 le mode marché est généralisé et tous les grands pays du monde disposent à côté du Trésor d’une agence spécialisée dans la vente de dette publique.[2] Dans la plupart des Etats, sauf peut-être en Grande Bretagne, la bonne gestion de la dette publique consiste bien évidemment à la rendre la moins couteuse possible, ce qui passe par la volonté de mettre en concurrence la totalité des épargnes mondiales et donc de bénéficier de la profondeur d’un marché planétaire[3], mais qui passe aussi par des maturités relativement courtes[4]. Internationalisation de la dette et court-termisme sont ainsi devenus les outils d’un taux et donc d’un prix peu élevé, Mondialisation d’une dette à court terme, « low cost », mais volatile, constituent les caractéristiques principales de la dette publique moderne.

Avec la crise financière qui fait d’un euro  (mal construit parce que de fait politiquement inconstructible - une proie) les déficits budgétaires ont surdimensionné les appels au marché de la dette publique avec, s’agissant de la France, près de 10% de son PIB annuel[5]. De quoi donner des sueurs froides aux responsables de l’AFT lorsque les taux montent.

C’est ce qui fait penser à certains que le retour de la rente perpétuelle permettrait de mettre fin à l’exposition des dettes par transformation de la dette publique, en rente perpétuelle[6]. Il s’agirait de financer les amortissements annuels de la dette publique par émission de dette perpétuelle. Cela entrainerait en quelques années l’asséchement du marché de la dette publique avec disparition progressive du risque de spéculation…si toutefois il y a retour à l’équilibre budgétaire. Signalons que les Etats à fort excédent d’épargne- essentiellement Allemagne, Hollande et Luxembourg -  n’ont en aucune façon intérêt à une renaissance de la dette perpétuelle plus couteuse que l’actuelle dette publique.

Resterait donc les Etats à déficit d’épargne cherchant aussi à renationaliser une dette publique devenue trop dangereuse. Pour autant une renationalisation de la dette serait un projet difficile car il faudrait une mobilisation beaucoup plus grande de l’épargne nationale, une épargne attirée par des taux plus élevés, mais qui serait aussi affectée à la seule sécurisation d’un Etat, et une sécurisation chèrement payée. Concrètement il s’agirait d’un effet d’éviction au détriment d’investissements dans l’économie réelle. Cela signifie un effet dépressif d’autant plus important que le rythme fixé à la transformation de la dette est lui-même rapide. Si tous les pays à fort besoin de financement s’acheminaient vers un tel processus, il en découlerait une contraction de l’activité avec contagion sur l’ensemble de la zone. En particulier si la France, seconde économie de la zone, devait amortir le flux annuel de dette étrangère échue, soit environ 100 milliards, on peut imaginer la puissance de la dépression, qui en retour il est vrai, aboutirait à la renationalisation complète de la dette au bout d’un peu plus de 7années.

Au-delà, il est clair que l’effet dépressif serait plus important là où la rente serait la plus couteuse c’est-à-dire dans les pays du sud. Il faut donc en conclure que le passage à la rente perpétuelle ne peut être l’occasion d’une renationalisation des dettes.

De tout ceci il résulte que le retour de la dette perpétuelle ne peut s’envisager sans un fort appui parallèle de la monétisation directe, une monétisation interdite,  ou trop limitée dans le cadre sans doute très surveillé par l’Allemagne, de l’application de l’article 132.1 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne.

Il sera décidément très difficile d’échapper au processus de dislocation violente de la zone euro.

 

[1] Cf l’article : http://www.lacrisedesannees2010.com/article-statut-des-banques-centrales-et-etats-du-monde-85259345.html

[2] En France l’AFP située dans les locaux de Bercy.

[3] La dette publique française est aujourd’hui vendue à 17 Spécialistes en valeurs du Trésor (SVT) pour l’essentiel des banques dont de nombreuses sont étrangères.

[4] A fin septembre 2016, la dette publique était à 60% dans des mains étrangères. Dans le même temps elle était d’une maturité moyenne de 7 ans et 124 jours.

[5] 198,5 milliards d’euros pour l’année 2016.

[6] On trouvera un tel point de vue chez Michaël Berrebi et Jean Hervé Lorenzi. Cf : « Un Monde de violence, l’Economie mondiale 2016-2030 » ; Eyrolles ;2015. Cette idée se retrouve également dans nombre de groupes de réflexion.

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26 novembre 2016 6 26 /11 /novembre /2016 15:16
Kindle Edition, 2016, 448 pages.

Kindle Edition, 2016, 448 pages.

L’euro ou la bataille des idées

Un nouveau livre sur l’euro vient d’être publié par 2 universitaires de la London School of Economics , (Markus K Brunnermeier et Harold Jame) et un ancien haut fonctionnaire français qui fut aussi second sous gouverneur de la banque de France  (Jean Pierre landau).

Son mérite est d’explique la gestion des crises successives de la monnaie unique à partir d’une opposition idéologique fondamentale entre l’Allemagne et la France. Les auteurs resituent bien les clés fondamentales de cette opposition, le respect ou la dictature des règles d’un côté et le pouvoir discrétionnaire du politique de l’autre. Avec toutes ses conséquences sur les pratiques concrètes de la gestion : le principe de responsabilité avec la question de l’aléa moral , le « no bail out clause » et le souci de la solvabilité de long terme, d’un côté ; et de l’autre, le principe de solidarité , avec ses conséquences sur l’aléa moral, le possible « bail out » et l’idée que le vrai risque est celui de l’illiquidité. Les pays du sud et en particulier la Grèce auraient été victimes de cette opposition avec l’autorisation d’une survie sans avenir dans la zone euro[1].

Il est bon de rappeler cette opposition doctrinale fondamentale. Il eut été plus satisfaisant d’aller plus loin dans l’explication en rappelant aussi que l’univers de la règle intangible était fondamentale pour accoucher sans trop de difficultés des traités de Westphalie[2] et de leur application convenable dans un monde fort complexe – celui des allemands de l’époque - exigeant le partage strict des responsabilités entre un centre et des Etats membres. Une posture de responsabilité que l’Allemagne d’aujourd’hui aimerait imposer avec radicalité dans l’Europe d’aujourd’hui.

Il eut été aussi bon de préciser que ce qu’on appelle règle n’est qu’un contrat dont l’incomplétude est une donnée objective. Une règle parce que générale ne peut embrasser toute la richesse de l’histoire concrète de l’interaction sociale, et c’est la raison pour laquelle même les Traités, même les Constitutions se déployant dans l’incertitude radicale restent fondamentalement révisables.

Mais la critique la plus importante que l’on peut adresser à ce livre est qu’il oublie la logique des intérêts qui s’affrontent autour d’un prix désormais exclu du marché : le taux de change. L’Allemagne veut préserver l’euro dans son incomplétude car elle bénéficie d’un taux de change irréaliste. La France à l’inverse est victime d’un taux de change qui la  détruit et risquerait de la faire disparaitre, même en temps que puissance moyenne, si elle devait avec le pouvoir d’un nouveau président de la république se lancer dans le précipice de la dévaluation interne.

 

 

[1] Nous nous sommes intéressés à cette question à plusieurs reprises et notamment dans : http://www.lacrisedesannees2010.com/article-regard-sur-les-banques-centrales-naissance-metamorphoses-essence-avenir-partie-1-117917128.html

[2] Ces traités signés le 24 octobre 1648 fixent les règles de fonctionnement de l’empire allemand et les règles internationales qui en découlent avec les autres signataires.

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12 novembre 2016 6 12 /11 /novembre /2016 15:23

 

Les candidats à la primaire de la droite et du centre proposent en moyenne une baisse de 100 milliards de dépenses publiques sur 5 années. Cela représente 1% du Pib chaque année et 1,6% du montant total des dépenses publiques.

Compte tenu du multiplicateur budgétaire estimé à 2,6[1], cela signifie un potentiel de recul du PIB de 2,6% l’an. Bien évidemment d’autres facteurs interviennent, notamment la baisse de l’impôt associée dont le montant est plus difficilement détectable dans les programmes avec parfois de simples transferts entre classes d’impôts, en particulier baisse de la fiscalité directe contre hausse de la TVA. Cette baisse est assortie d’un multiplicateur plus faible estimé à O,4. Cela signifie, en estimant la baisse de la pression fiscale à 10 milliards d’euros l’an, une croissance de 0,002% de PIB. Valeur quasi négligeable. Il faut aussi comprendre que les programmes de baisse de la dépense publique sont beaucoup plus lourds que ceux de la baisse de la pression fiscale puisque l’un des objectifs de ces programmes est aussi la diminution du poids de la dette publique.

L’effet dépressif est ainsi nettement plus élevé que l’effet d’expansion. Il est important de préciser concrètement le phénomène en proposant d’expliquer le pourquoi de ces multiplicateurs jamais évoqués dans les débats publics.

Inégalités sociales croissantes dans la dépression

Démontrons en premier lieu qu’une baisse de la dépense publique affectera plutôt les classes populaires et moyennes que les classes aisées.

On peut certes envisager, et de façon assez irréaliste, un accès plus difficile aux services publics pour les classes aisées, espérer que les revenus moindres qui en découleraient donneraient lieu à une baisse de l’épargne et donc à un effet relance compensant l’effet contraction, mais il s’agirait de montants relativement faibles et sans impact macroéconomique. Il est donc assuré qu’une diminution importante de la dépense publique frapperait essentiellement, directement ou indirectement, les classes moyennes et populaires : Indirectement, s’il s’agit de s’attaquer aux dépenses plus ou moins régaliennes, en supprimant des postes ou en licenciant des instituteurs, des militaires, des policiers, etc. Directement en s’attaquant aux dépenses sociales, par exemple la diminution de revenus de transferts (allocations au titre du chômage, retraites, RSA, logement, etc.)

Pour ces couches sociales il n’est pas question de compenser la chute des revenus associés à la diminution de la dépense publique par une diminution de l’épargne, celle-ci étant trop faible. En contrepartie, une diminution du prélèvement fiscal n’affecte que fort peu ces mêmes couches sociales.

De tout ceci, il résulte que la diminution des dépenses publiques affecte massivement et rapidement le reste de l’économie : les acteurs de ces couches sociales moyennes et inférieures ne pouvant plus dépenser ce qu’ils n’ont plus. Dit très brutalement, la diminution des dépenses sociales est directement une mauvaise affaire pour les entreprises livrant des biens et services aux ménages. Elle peut même entrainer la disparition de celles d’entre-elles qui se situent dans des bassins où les revenus de substitution sont très importants, avec, par conséquent, aggravation de la situation dans les banlieues et ses risques politiques ce qu’on appelle depuis la dernière élection américaine « les banlieues des métropoles mondialistes ».

Par contre, pour les couches sociales aisées si la diminution de la dépense publique est d’impact faible, la baisse de la pression fiscale connait un impact non négligeable sur le chiffre d’affaires des entreprises leur livrant des biens et des services. Avec toutefois un très fort amortissement de cet impact provoqué par une épargne supplémentaire et des importations plus élevées.

On comprend ainsi mieux le poids de ces multiplicateurs annoncés plus haut avec globalement un effet dépressif très lourd et aussi des effets très mal répartis entre les différentes couches de la société et les espaces de vies correspondants : la fracture sociale ne peut que s’aggraver. Avec un mouvement auto-entretenu : Parce que l’effet dépressif est puissant, on ne peut qu’accélérer le processus enclenché si l’on veut maintenir les objectifs, de quoi entrainer la ruine économique et sociale du pays avec ses conséquences politiques.

Occulter l’avenir

Il est possible d’aller plus loin dans l’analyse.

Quand on veut diminuer la dépense publique de 20 milliards par an, on s’aperçoit vite que le chantier n’est guère aisé pour celles des dépenses liées aux rémunérations. Sauf à licencier sans indemnités des fonctionnaires, hypothèse peu réaliste, la suppression de postes ne signifie en aucune façon une diminution de la masse salariales distribuée. La raison en est simple, il faudra continuer à supporter le poids des retraites. Ne pas remplacer un fonctionnaire n’entraine une diminution de la dépense publique que par la mort, à attendre, de fonctionnaires retraités. La baisse de la masse salariale, sauf affrontement direct non inscrit dans les programmes, ne peut aller plus vite que ce qui est autorisé par les « sorties naturelles » des fonctionnaires.

Sachant que les dépenses publiques sont massivement des rémunérations (environ 75% du total de la dépense) on comprendra  mieux que le respect de la règle de la diminution annuelle de 20 milliards de dépenses passe soit par la baisse des consommations intermédiaires des services publics produits (baisse du chauffage dans les ministères et autres bâtiments publics, baisse de la consommation de papier, de seringues dans les hôpitaux, etc.) , soit par la baisse de l’investissement public ( non-renouvellement ou non-modernisation des infrastructures publiques, non-renouvellement ou non-modernisation des équipements militaires ou de sécurité, etc.), soit la baisse des transferts directs aux ménages et aux entreprises ( soins médicaux, retraites, RSA, CICE, etc.)

On comprend ainsi que le respect d’un tel programme de diminution des dépenses éclipsera largement le souci de l’avenir et frappera lourdement les services et transferts directs : soins, revenus de substitution. On comprend aussi que face à cette difficulté, des poches de dépenses publiques seront sanctuarisées (ensemble du secteur médico-social par exemple) au détriment de l’investissement public et donc de la construction de l’avenir. Qu’en sera-t-il de la branche énergie, des industries de la Défense, etc… ?

L’impossible épanouissement d’une économie de l’offre qu’ils souhaitent pourtant.

Bien évidemment, il est possible de renverser le raisonnement et dire que la diminution des dépenses publiques n’est pas la volonté d’occulter l’avenir mais au contraire de le préparer en extirpant de la sphère publique les poches de sous-productivité et autres activités inutiles. En termes gestionnaires, il est d’ailleurs possible d’affirmer que si l’on ne peut aisément diminuer la masse salariale, on peut élever la productivité du travail direct (produire autant de services avec moins de fonctionnaires), par exemple en augmentant le temps de travail, en le réorganisant, en luttant contre l’absentéisme, en supprimant les compétences multiples, etc.

Globalement, un tel scénario serait satisfaisant si les emplois de fonctionnaires libérés par des gains de productivité dans la sphère publique devenaient emplois nouveaux plus productifs dans la sphère marchande. Au fond, le choix d’une diminution de la dépense publique serait aussi celui de faciliter voire impulser une meilleure affectation des ressources. Encore faut-il se poser la question de savoir si cette contraction de la dépense publique autorise l’épanouissement du marché conduisant à cette meilleure affectation. Or la réponse est loin d’être évidente puisque l’effet dépressif lourd est d’abord une contraction de la demande globale, donc des marchés dont l’encombrement global ne peut être vaincu que sur la base de l’innovation (HUBER remplace les taxis), ou de gains de compétitivité acquis sur une productivité fausse (baisse des salaires), ou réelle (progrès technique). Le résultat global de cette tentative de passage à plus d’économie de l’offre est loin d’être évident.

Il résulte tout d’abord de l’orientation de contenu de ces nouvelles offres. Si la digitalisation est massive, cela pose le problème de la répartition mondiale des gains de productivité en corrélation avec le risque du « winner take all ». Si la compétitivité résulte uniquement des effets mécaniques de la baisse de la dépense publique (charges sur salaires), aucun gain de productivité n’est enregistré. Seul le progrès technique permettrait dans ce cas de figure un soulagement à la contraction de la demande globale. Or ce progrès technique, que l’on peut imaginer facilité par la nouvelle politique (aucune preuve ne peut être apportée), exige un temps long en contradiction avec le temps court de la machine dépressive.

Au total, si personne ne peut militer pour le maintien des poches de sous-productivité de la sphère étatique, il est évident que la stratégie générale proposée mène à l’impasse.

Un véritable programme de reconstruction passe par de tous autres moyens. Parce qu’il est très difficile de libérer l’offre globale en déprimant la demande globale, il faut changer de paradigme et libérer massivement l’offre dans un contexte de demande garantie.

Libérer l’offre passe par un premier non-respect de la réglementation européenne en réquisitionnant le gouverneur de la banque de France[2]. Ce dernier aura pour mission de monétiser la dette et de permettre  les investissements massifs donnant accès  dans un premier temps au rétablissement du bon fonctionnement des infrastructures de base ( 55milliards d’euros pour EDF, 30 milliards pour le rail, etc.,  mais aussi l’équipement militaire, et surtout la lutte contre le dérèglement climatique) . Simultanément la reprise en mains du système financier dont les dirigeants seront aussi réquisitionnés, permettra avec la monétisation assurée par la banque centrale d’envisager des investissements eux-mêmes massifs pour la mise à niveau d’un système productif (surtout industriel et agricole) devenu très en retard en termes de compétitivité. C’est dans ce cadre porteur que l’offre nouvelle pourra se libérer et assurer ce qu’on appelle la montée en gamme du système productif français.

Maintenant parce qu’il faut que les investissements gigantesques capables de redresser le pays ne débouchent pas sur un non moins gigantesque accroissement des importations[3]….assurant la relance à l’étranger….il faudra profiter de la probable disparition de l’euro, (dont le fonctionnement était lié à l’indépendance de la banque centrale….devenue organe financier dirigé par un gouverneur réquisitionné), pour procéder à une dévaluation massive.

Bien évidemment, tout cela ne pourra se déployer sans effets pervers qu’il faudra savoir maitriser : élasticités/prix à l’importation et à l’exportation beaucoup trop faibles, contrôle des mouvements de capitaux, risques d’inflation, pénurie de devises, etc. Et bien au-delà l’exigence d’une certaine patience, le rétablissement ne pouvant s’opérer que dans le cadre d’une dizaine d’années.

 

 

 

 

 

 

 

[2] http://www.lacrisedesannees2010.com/2016/10/candidats-a-l-election-presidentielle-saisir-les-premieres-cles-permetant-la-reconstruction-de-la-france.html

[3] Même sans croissance réelle le commerce extérieur français ne cesse de se dégrader avec un déficit de 48,7 milliards d’euros entre septembre 2015 et septembre 2016 , contre « seulement » 45,4 milliards un an plus tôt.

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4 novembre 2016 5 04 /11 /novembre /2016 10:32
Banques Centrales : Indépendance ou soumission ???

 

A titre de complément ou de justification théorique de l'article que nous avons publié ce 31 octobre (  Candidats à l'élection présidentielle: Saisir les premières clés permettant la reconstruction de la France)
Je rappelle ici un livre que j'avais publié en 2012. Les faits - au delà de la petite guerre entre le gouverneur de la BoE et la première ministre Britannique - semblent nous donner raison et il parait impensable, que longtemps encore, les peuples accepteront une politique économique entièrement dictée par l'impératif de sauver la Finance planétaire.

Les élections présidentielles sont l'occasion de se saisir du dossier. Certes, nous avons toujours pensé qu'on ne peut devenir Président de la République avec pour programme la fin de l'euro. La raison en est simple et repose sur la peur d'un monde de l'après euro que les grands bénéficiaires de la monnaie unique construisent inlassablement avec des termes creux, tel celui consistant à dire que "la monnaie unique protège", ou que l'on ne peut plus vivre en dehors de "grands ensembles intégrés". l'ordre actuel repose donc sur la peur et il est vrai -  ainsi que le soulignait notre dernier article- que l'ennemi dispose d'une puissance inouïe, d'où nos conseils pour l'affronter là où il ne s'y attend pas. Le Livre conseille simplement à ces candidats qui ont eux-mêmes peur de la peur du peuple de prévoir la réquisition du gouverneur de la banque centrale. Il ne faut pas s'attaquer frontalement à ce qui est devenu un Talisman: on ne peut que l'étouffer en attaquant son support, c'est à dire le fait d'accepter qu'une banque centrale puisse être indépendante du pouvoir.

Bien évidemment les autres candidats, tous les autres, sont dans l'incapacité radicale de proposer quoi que ce soit en matière d'objectif de reconstruction du pays, à partir du moment où ils refusent de quitter le logiciel de l'UE.

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31 octobre 2016 1 31 /10 /octobre /2016 13:46

Il existe des candidats courageux qui engageront le débat sur une réelle reconfiguration des institutions européennes. Ces candidats doivent savoir qu’ils se heurteront à des forces d’une puissance inouïe. Face à cela il faut savoir engager une guerre éclair : attaquer l’ennemi là où il ne s’y attend pas et frapper avec la force de l’instantanéité et une puissance de destruction que l’ennemi ne sera pas en mesure de contenir.

Le contenu de la campagne :

  • Il doit tourner sur l’impossibilité de reconstruire le « vivre ensemble » et l’économie du pays sur la base des règles du jeu de l’UE.
  • Il doit insister sur l’impasse dans laquelle se trouvent tous les pays partenaires au bénéfice de la seule Allemagne laquelle jouit d’une compétitivité artificielle.
  • Il faudra insister lourdement sur la Finance qui fabrique de la fausse monnaie pour « se sauver », pour spéculer, avec effets de détruire les entreprises et rendre insupportables les inégalités, et finalement pour ne plus assurer sa fonction première qui est l’investissement.
  • Ne pas hésiter à mettre en avant notre prix Nobel : Maurice Allais.
  • Repérer, sélectionner, responsabiliser et former les hauts fonctionnaires chargés de rendre  exécutoires les « décisions » prévues dans la rubrique « Après l’élection ».  

L’engagement :

  • Engagement sur l’honneur que les Traités seront renégociés.
  • Que La France s’engage à bloquer tout « approfondissement » de l’UE et ce quelle qu’en soit la forme, tant que ses revendications essentielles sur la monnaie et la finance, ne seront pas prises en considération.
  • Parmi ces revendications il y a la mise à l’index de la finance folle, le retour de la souveraineté budgétaire et le contrôle de la banque centrale par les citoyens.
  • Pas de référendum sur l’appartenance à L’UE pour ne pas donner d’armes à une spéculation amie des représentants des institutions bruxelloises. (On ne s’attaque à l’ennemi que lorsqu’on est sûr de remporter la victoire).

Après l’élection :

  • Attendre de pied ferme le déclenchement de la spéculation. On peut même habilement la précipiter.
  • Frapper très fort en décidant de l’utilisation de l’article 16 de la Constitution aux seules fins de réquisitionner le gouverneur de la banque centrale et tous les dirigeants du système financier. (Après inventaire il n’existe pas d’autre outil juridique que l’article 16, en particulier l’utilisation du principe de respect de « l’identité constitutionnelle » n’a aucune portée).
  • Proposition de texte : « Attendu que la spéculation sur les marchés financiers menace gravement l’indépendance de la France et fait obstacle au fonctionnement régulier des pouvoirs publics, le président de la République active l’article 16 de la Constitution. A cet effet il prend toutes dispositions pour mettre fin aux activités financières nuisibles à la France. Dans ce cadre une série de « Décisions » portant sur les prérogatives du gouverneur de la banque de France , celles des responsables des grandes institutions financières et des hauts fonctionnaires chargés de l’application desdites décisions  est prise. Leurs effets sont immédiats ».
  • La protection de l’épargne nationale constitue l’un des objectifs principaux des Décisions prises par le Président de la République. Cette volonté doit figurer dans les attendus de chacune des Décisions.
  • Il n’est pas nécessaire d’attendre les élections législatives pour agir.
  • Attendre, par « exportation » de la spéculation, la grande dislocation de la zone en laissant à l’Allemagne le soin de retrouver sa monnaie si tel est son désir.
  • Entrer concrètement dans la phase de reconstruction globale (institutionnelle, sociale, économique, etc.) notamment par le caractère massif de l’investissement autorisé par une architecture financière nouvelle.

Nous n’avons là que les premières clés de la porte d’entrée d’une alternance, qui ne peut être comme les autres, et doit devenir une phase historique nouvelle pour le pays. Elles sont nécessaires mais non suffisantes. Les autres clés très nombreuses qui doivent figurer dans un programme véritable ne sont pas concevables sans le sursaut autorisé par les premières.

 

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22 octobre 2016 6 22 /10 /octobre /2016 09:26

 

Les Echos du 20 octobre soulignent le cri d’alarme du Trésor américain qui s’insurge contre les pays qui - bien au-delà des infractions classiques au sacro-saint libre échange -  ne respectent pas le jeu en manipulant leur monnaie. Dans la liste publiée par ledit Trésor on notera la présence de l’Allemagne dont l’adhésion à la zone euro lui permet de jouir d’un taux de change inférieur de 15% à ce qu’il serait si ce pays avait conservé le mark. Bien évidemment, ce taux n’étonnera aucun économiste sérieux et chacun sait que le gigantesque excédent allemand s’affaisserait  si les exportations étaient assorties de prix plus élevés, résultants eux-mêmes d’un taux de change plus élevé.

Le Trésor américain, dans le document qu’il vient de publier n’affiche  – en dehors de celle du libre-échange - aucune doctrine ni aucune  règle quelconque en matière de commerce international.  Pour autant, les critères qu'il fixe pour dénoncer les fraudeurs, permettent de découvrir la règle cachée. Trois critères de reconnaissance des « coupables » sont mis  en avant :   importance du surplus commercial sur les USA, importance du surplus des paiements extérieurs du pays incriminé, importance de l’achat de devises étrangères pour affaiblir la monnaie. Ces trois critères permettent de trouver la solution d’une « devinette » facile : le Trésor US considère que les échanges entre nations doivent être équilibrés et que c’est cet équilibre qui doit assurer le positionnement des taux de change. Pour autant, bien évidemment, le Trésor américain ne nous renvoie pas à Keynes ni à la Conférence de La Havane : il ne fait que mettre en avant les intérêts des USA.

On sait que le gouvernement américain n’a jamais accepté l’idée d’un tel équilibre qui mécaniquement aurait placé le dollar dans le droit commun des monnaies. On sait aussi qu’il va, avec la fin du système de Bretton-Woods en 1971, rapidement accepter l’idée de la fin des taux de change fixes, idée consacrée à la Conférence de la Jamaïque en 1978. A partir de là, le processus de privatisation des monnaies s’enclenche rapidement : la monnaie devient une marchandise comme les autres marchandises et, une dizaine d’années plus tard, ce processus sera scellé par l’indépendance de la plupart des banques centrales du monde.

Les habitudes sont aujourd’hui prises et pour un pays, fixer le « coefficient » qui tenterait d’établir le mode d’insertion que ce pays souhaite construire au sein de la communauté internationale, c’est-à-dire un taux de change, devient un acte délictueux. Qui ose encore parler de souveraineté ?

Le monde est ainsi complètement renversé : un bien public, la monnaie, est l’objet de toutes les enchères et son accès, approximativement sécurisé par la multitude des contrats et produits dérivés, est payé au prix fort par les entreprises de l’économie réelle, et ce au bénéfice de l’économie spéculative. Qui est le délinquant ?

Les entreprises de l’économie réelle déjà malmenées par des prélèvements fisco-sociaux importants doivent dans le cadre de leurs activités, notamment internationales, payer le service monétaire que l’Etat a cédé à des spéculateurs. Le service, de coût proche de zéro, était aussi presque gratuit . Il est maintenant l'objet d'un péage accaparé par des spéculateurs. Comme quoi, la mondialisation est aussi le retour du féodalisme et de ses seigneuries. Voilà un sujet central pour les débats politiques de l’élection présidentielle. Réformer c’est comme balayer un escalier : il ne faut jamais commencer par le bas.

 

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