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4 novembre 2016 5 04 /11 /novembre /2016 10:32
Banques Centrales : Indépendance ou soumission ???

 

A titre de complément ou de justification théorique de l'article que nous avons publié ce 31 octobre (  Candidats à l'élection présidentielle: Saisir les premières clés permettant la reconstruction de la France)
Je rappelle ici un livre que j'avais publié en 2012. Les faits - au delà de la petite guerre entre le gouverneur de la BoE et la première ministre Britannique - semblent nous donner raison et il parait impensable, que longtemps encore, les peuples accepteront une politique économique entièrement dictée par l'impératif de sauver la Finance planétaire.

Les élections présidentielles sont l'occasion de se saisir du dossier. Certes, nous avons toujours pensé qu'on ne peut devenir Président de la République avec pour programme la fin de l'euro. La raison en est simple et repose sur la peur d'un monde de l'après euro que les grands bénéficiaires de la monnaie unique construisent inlassablement avec des termes creux, tel celui consistant à dire que "la monnaie unique protège", ou que l'on ne peut plus vivre en dehors de "grands ensembles intégrés". l'ordre actuel repose donc sur la peur et il est vrai -  ainsi que le soulignait notre dernier article- que l'ennemi dispose d'une puissance inouïe, d'où nos conseils pour l'affronter là où il ne s'y attend pas. Le Livre conseille simplement à ces candidats qui ont eux-mêmes peur de la peur du peuple de prévoir la réquisition du gouverneur de la banque centrale. Il ne faut pas s'attaquer frontalement à ce qui est devenu un Talisman: on ne peut que l'étouffer en attaquant son support, c'est à dire le fait d'accepter qu'une banque centrale puisse être indépendante du pouvoir.

Bien évidemment les autres candidats, tous les autres, sont dans l'incapacité radicale de proposer quoi que ce soit en matière d'objectif de reconstruction du pays, à partir du moment où ils refusent de quitter le logiciel de l'UE.

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31 octobre 2016 1 31 /10 /octobre /2016 13:46

Il existe des candidats courageux qui engageront le débat sur une réelle reconfiguration des institutions européennes. Ces candidats doivent savoir qu’ils se heurteront à des forces d’une puissance inouïe. Face à cela il faut savoir engager une guerre éclair : attaquer l’ennemi là où il ne s’y attend pas et frapper avec la force de l’instantanéité et une puissance de destruction que l’ennemi ne sera pas en mesure de contenir.

Le contenu de la campagne :

  • Il doit tourner sur l’impossibilité de reconstruire le « vivre ensemble » et l’économie du pays sur la base des règles du jeu de l’UE.
  • Il doit insister sur l’impasse dans laquelle se trouvent tous les pays partenaires au bénéfice de la seule Allemagne laquelle jouit d’une compétitivité artificielle.
  • Il faudra insister lourdement sur la Finance qui fabrique de la fausse monnaie pour « se sauver », pour spéculer, avec effets de détruire les entreprises et rendre insupportables les inégalités, et finalement pour ne plus assurer sa fonction première qui est l’investissement.
  • Ne pas hésiter à mettre en avant notre prix Nobel : Maurice Allais.
  • Repérer, sélectionner, responsabiliser et former les hauts fonctionnaires chargés de rendre  exécutoires les « décisions » prévues dans la rubrique « Après l’élection ».  

L’engagement :

  • Engagement sur l’honneur que les Traités seront renégociés.
  • Que La France s’engage à bloquer tout « approfondissement » de l’UE et ce quelle qu’en soit la forme, tant que ses revendications essentielles sur la monnaie et la finance, ne seront pas prises en considération.
  • Parmi ces revendications il y a la mise à l’index de la finance folle, le retour de la souveraineté budgétaire et le contrôle de la banque centrale par les citoyens.
  • Pas de référendum sur l’appartenance à L’UE pour ne pas donner d’armes à une spéculation amie des représentants des institutions bruxelloises. (On ne s’attaque à l’ennemi que lorsqu’on est sûr de remporter la victoire).

Après l’élection :

  • Attendre de pied ferme le déclenchement de la spéculation. On peut même habilement la précipiter.
  • Frapper très fort en décidant de l’utilisation de l’article 16 de la Constitution aux seules fins de réquisitionner le gouverneur de la banque centrale et tous les dirigeants du système financier. (Après inventaire il n’existe pas d’autre outil juridique que l’article 16, en particulier l’utilisation du principe de respect de « l’identité constitutionnelle » n’a aucune portée).
  • Proposition de texte : « Attendu que la spéculation sur les marchés financiers menace gravement l’indépendance de la France et fait obstacle au fonctionnement régulier des pouvoirs publics, le président de la République active l’article 16 de la Constitution. A cet effet il prend toutes dispositions pour mettre fin aux activités financières nuisibles à la France. Dans ce cadre une série de « Décisions » portant sur les prérogatives du gouverneur de la banque de France , celles des responsables des grandes institutions financières et des hauts fonctionnaires chargés de l’application desdites décisions  est prise. Leurs effets sont immédiats ».
  • La protection de l’épargne nationale constitue l’un des objectifs principaux des Décisions prises par le Président de la République. Cette volonté doit figurer dans les attendus de chacune des Décisions.
  • Il n’est pas nécessaire d’attendre les élections législatives pour agir.
  • Attendre, par « exportation » de la spéculation, la grande dislocation de la zone en laissant à l’Allemagne le soin de retrouver sa monnaie si tel est son désir.
  • Entrer concrètement dans la phase de reconstruction globale (institutionnelle, sociale, économique, etc.) notamment par le caractère massif de l’investissement autorisé par une architecture financière nouvelle.

Nous n’avons là que les premières clés de la porte d’entrée d’une alternance, qui ne peut être comme les autres, et doit devenir une phase historique nouvelle pour le pays. Elles sont nécessaires mais non suffisantes. Les autres clés très nombreuses qui doivent figurer dans un programme véritable ne sont pas concevables sans le sursaut autorisé par les premières.

 

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22 octobre 2016 6 22 /10 /octobre /2016 09:26

 

Les Echos du 20 octobre soulignent le cri d’alarme du Trésor américain qui s’insurge contre les pays qui - bien au-delà des infractions classiques au sacro-saint libre échange -  ne respectent pas le jeu en manipulant leur monnaie. Dans la liste publiée par ledit Trésor on notera la présence de l’Allemagne dont l’adhésion à la zone euro lui permet de jouir d’un taux de change inférieur de 15% à ce qu’il serait si ce pays avait conservé le mark. Bien évidemment, ce taux n’étonnera aucun économiste sérieux et chacun sait que le gigantesque excédent allemand s’affaisserait  si les exportations étaient assorties de prix plus élevés, résultants eux-mêmes d’un taux de change plus élevé.

Le Trésor américain, dans le document qu’il vient de publier n’affiche  – en dehors de celle du libre-échange - aucune doctrine ni aucune  règle quelconque en matière de commerce international.  Pour autant, les critères qu'il fixe pour dénoncer les fraudeurs, permettent de découvrir la règle cachée. Trois critères de reconnaissance des « coupables » sont mis  en avant :   importance du surplus commercial sur les USA, importance du surplus des paiements extérieurs du pays incriminé, importance de l’achat de devises étrangères pour affaiblir la monnaie. Ces trois critères permettent de trouver la solution d’une « devinette » facile : le Trésor US considère que les échanges entre nations doivent être équilibrés et que c’est cet équilibre qui doit assurer le positionnement des taux de change. Pour autant, bien évidemment, le Trésor américain ne nous renvoie pas à Keynes ni à la Conférence de La Havane : il ne fait que mettre en avant les intérêts des USA.

On sait que le gouvernement américain n’a jamais accepté l’idée d’un tel équilibre qui mécaniquement aurait placé le dollar dans le droit commun des monnaies. On sait aussi qu’il va, avec la fin du système de Bretton-Woods en 1971, rapidement accepter l’idée de la fin des taux de change fixes, idée consacrée à la Conférence de la Jamaïque en 1978. A partir de là, le processus de privatisation des monnaies s’enclenche rapidement : la monnaie devient une marchandise comme les autres marchandises et, une dizaine d’années plus tard, ce processus sera scellé par l’indépendance de la plupart des banques centrales du monde.

Les habitudes sont aujourd’hui prises et pour un pays, fixer le « coefficient » qui tenterait d’établir le mode d’insertion que ce pays souhaite construire au sein de la communauté internationale, c’est-à-dire un taux de change, devient un acte délictueux. Qui ose encore parler de souveraineté ?

Le monde est ainsi complètement renversé : un bien public, la monnaie, est l’objet de toutes les enchères et son accès, approximativement sécurisé par la multitude des contrats et produits dérivés, est payé au prix fort par les entreprises de l’économie réelle, et ce au bénéfice de l’économie spéculative. Qui est le délinquant ?

Les entreprises de l’économie réelle déjà malmenées par des prélèvements fisco-sociaux importants doivent dans le cadre de leurs activités, notamment internationales, payer le service monétaire que l’Etat a cédé à des spéculateurs. Le service, de coût proche de zéro, était aussi presque gratuit . Il est maintenant l'objet d'un péage accaparé par des spéculateurs. Comme quoi, la mondialisation est aussi le retour du féodalisme et de ses seigneuries. Voilà un sujet central pour les débats politiques de l’élection présidentielle. Réformer c’est comme balayer un escalier : il ne faut jamais commencer par le bas.

 

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20 octobre 2016 4 20 /10 /octobre /2016 14:40
l'Euro est -il mort? (version 2)

L'Editeur corrige la page de garde en faisant figurer l'ensemble des auteurs. On trouvera donc en librairie 2 versions.....Une seconde édition interviendra prochainement.

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20 octobre 2016 4 20 /10 /octobre /2016 13:03
L'euro est-il mort?

L'euro est-il mort ? c'est le titre de l'ouvrage que nous publions aujourd'hui. Rédigé avec quelques collègues européens qui se rencontrent souvent pour enrichir le débat sur ce qui est devenu le drame de l'Europe et peut-être du monde, il aborde les questions essentielles de la désindustrialisation, de la divergence croissante entre les pays de la zone, de l'impossible réforme de la monnaie unique, et de ses conséquences catastrophiques sur une démocratie désormais largement disparue.

En finir avec l'euro, c'est la possibilité de soustraire les monnaies à l'empire mondial de la finance. C'est aussi le possible rétablissement des souverainetés disparues avec la fin de la privatisation des monnaies. C'est enfin le possible cheminement vers une forme moderne de l'Etat-Nation....avec l'espoir d'un renouveau démocratique.

Bonne lecture à toutes et à tous!

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19 octobre 2016 3 19 /10 /octobre /2016 14:29

 

Pour comprendre le rapport de forces qui se noue dans la problématique du démantèlement de l’euro, il est important de voir quels acteurs furent gagnants et quels autres furent les grands perdants au moment de sa naissance. Cependant la réflexion doit aussi tourner autour de la mondialisation puisque l’UE est de fait devenue le modèle réduit et l’acteur le plus actif dans la globalisation néolibérale.

La fin de l’interventionnisme sérieux

En supprimant toute possibilité de modification du taux de change, il était évident que le politique allait faire le choix du renoncement à toute forme d’interventionnisme sérieux. La fin de toute définition d’un cours, signifiait mécaniquement la totale libre circulation des capitaux et la fin de tout lien hiérarchique entre Trésor et Banques centrales. Donc la fin des politiques monétaires.

Tout aussi mécaniquement la fin de tout lien entre Trésor et Banques centrales signifie aussi ce que nous avons appelé le « mode marchand »[1] de la dette publique avec ses conséquences sur la politique budgétaire. Tout aussi mécaniquement la libre circulation impose aussi la fin de politiques fiscales et sociales réellement autonomes. En clair, c’est toute la politique macroéconomique qui très largement disparait.

L’économie réelle redéployée

En contrepartie le champ de la micro-économie se redéploye en épousant les nouvelles libertés issues du nouveau cadre.

La disparition du risque de taux diminue les coûts de transaction ce qui permet aux entreprises de choisir librement et en totale sécurité les lieux de production, la taille des unités correspondantes et les espaces de distribution. Mieux, la disparition des taux de change met en concurrence les prélèvements publics obligatoires et les règles sociales. D’une certaine façon la monnaie unique crée 2 mouvements qui se contredisent : homogénéisation d’une part et hétérogénéisation d’autre part. L’espace de circulation des capitaux, des marchandises et des personnes, est soumis à la règle commune et se déploie sur un territoire plus vaste. En retour, l’espace de la production reste soumis aux conditions particulières de ce qui reste des vieux Etats-nations. A ce titre, il se reconfigure, se concentre ou s’évapore, selon les lieux, entrainant l’approfondissement des divergences.

 Pour être plus concret prenons l’exemple de 2 appartements contigus dans un même immeuble. Abattre la cloison les séparant permet de mieux circuler, de recevoir davantage, etc. mais ne change pas la réalité des lieux, sauf à reconfigurer le plan de chacun d’entre eux pour arriver à un ensemble unique. Dans les faits, si aucune reconfiguration n’intervient, nous irons vers davantage d’hétérogénéité avec probablement une cuisine sous utilisée dans l’un des deux appartements, une spécialisation bureau dans l’un, un espace à vivre dans l’autre, etc. Cet exemple nous suggère les conséquences liées à la suppression des frontières dans l’UE et de ses effets en matière économique.

Reconfiguration matérielle de l’entreprise

Parce que la circulation bénéficie désormais de coûts plus faibles (transactions, transports, règlementation, normes, etc.) les économies d’échelles peuvent se déployer. Plutôt que de disposer d’une usine dans plusieurs pays, il devient avantageux d’envisager une usine géante dans un seul pays. La production peut ainsi s’agglomérer dans des lieux où la somme des différents coûts est plus faible. Comme la production est nécessairement hétérogène ( degré de technicité, type de consommations intermédiaires, qualification du travail, etc.) et qu’elle se déploie dans des espaces eux-mêmes hétérogènes ( législation du travail, qualité des services publics, fiscalité, etc .) on comprend que l’entreprise dans ce qui était le vieil Etat-nation se disperse sur un vaste territoire avec des zones consacrées à la recherche développement, des zones consacrées à l’élaboration des composants, voire des composants de composants, et des zones d’assemblages d’un produit final qui lui-même sera destiné à être exporté en partie voire en totalité.

Reconfiguration managériale de l’entreprise.

Mieux ce grand déménagement ou ce nomadisme ou même ce démembrement sera facilité par la financiarisation qui, mécaniquement, accompagne la monnaie unique. Les économies d’échelle renforcent les besoins de capitaux et facilitent évidemment le passage d’un capitalisme familial à un capitalisme actionnarial. Mais la libéralisation financière permet, elle, la dénationalisation de l’actionnariat et le renforcement du passage à la « corporate governance » et à la « shareholder-value ». D’où des dirigeants de plus en plus « hors sol » car situés dans la mondialisation. Le « démembrement » correspond aussi du point de vue des salariés à un effacement du sentiment d’appartenance à ce qui était « l’institution entreprise », une institution en voie de dévalorisation. Et une dévalorisation qui se mesure aussi en termes d’actionnariat : complètement hors-sol, il est aussi fugace et irrepérable que des particules cosmiques. Comment voir un patron responsable dans le propriètaire d’une action qui passe de main en main en moyenne toutes les 21 secondes, et comment ne pas voir en lui un simple spéculateur ? Comment dans ces conditions accorder une réelle confiance au manageur ?

Bien sûr la monnaie unique a permis une augmentation des échanges entre pays de la zone, mais ce qui importe de noter c’est qu’elle a permis d’allonger de façon importante les chaines de la valeur. Dans le même geste elle permet aussi d’enkyster des productions spécifiques sur des zones spécialisées constituant ainsi des écosystèmes reliés entre eux.

 Démantèlement de la zone euro et désenkystement des nations

C’est cette idée de productions spécifiques formant écosystème qui permet de mieux comprendre pourquoi aujourd’hui les élasticités-prix, notamment celles liées à l’importation sont devenues si faibles[2]. Elles se sont de fait affaiblies avec la construction des écosystèmes nouveaux. La fin de la monnaie unique est ainsi le début d’une reconfiguration considérable des chaines de la valeur, une reconfiguration qui ne pourra pas s’effectuer en l’absence des Etats.

Quand - à propos du démantèlement de la monnaie unique- se trouve évoqué – et nous savons que c’est à tort[3] - la grande question des dettes, le débat laisse de côté un fait important, à savoir le redéploiement de l’ensemble du secteur exposé, lequel est constitué de toutes les entreprises françaises produisant des biens et services nomades en France ou à l’étranger, ou étrangères produisant en France.

L’ensemble du territoire devient compétitif en raison de l’ajustement monétaire. D’abord compétitif du point de vue de la production avec  les entreprises exportatrices ou non, nationales ou étrangères, produisant sur le territoire. Mais aussi compétitif du point de vue capitalistique puisque désormais l’implantation sur le territoire national par rachat ou investissement direct devient moins coûteux pour les non-résidents. En contrepartie, les capitaux investis par les non-résidents reçoivent une incitation à leur enracinement, laquelle se trouve augmentée d’une attractivité nouvelle pour le territoire  national.

Symétriquement les territoires étrangers deviennent moins compétitifs, avec une incitation au rapatriement des capitaux nationaux investis, soit au titre de la production de composants exportés vers la France, soit au titre de l’exportation de produits finis vers la France. Mais aussi, corrélativement, avec une incitation au renoncement à des délocalisations que la monnaie unique avait rendu facile.

Ainsi la fin de la monnaie unique est une forte incitation au raccourcissement des chaines de la valeur et donc une incitation au remembrement des entreprises. Avec des conséquences en termes d’identité et de management dont l’aspect hors-sol se trouve ou se trouvera contesté.

Mais le travail de reconfiguration est nécessairement inscrit dans une durée qui dépasse le court terme. Il s’agit de revenir sur un démembrement très matériel lequel suppose de réunir des hommes et des capitaux, de reconfigurer des outils de production, aussi bien dans l’industrie que dans l’agriculture, de revoir des circuits de distribution, etc. Tout un ensemble de travaux, protégés d’une certaine façon, par les élasticités- prix encore proches de zéro et que le remembrement entrainera à la hausse.

Brexit  et désenkystement britannique.

De ce point de vue, le Brexit et ses conséquences constitue une première expérimentation de ce qui devrait se matérialiser avec le démantèlement de l’euro. Certes, la Grande Bretagne n’était pas dans la zone mais y participait largement avec un taux de change aux variations limitées. Le Brexit s’est surtout matérialisé par une chute de près de 20% du taux de change. Avec une élasticité-prix des importations proche de zéro, la conséquence est directement une hausse des prix et une baisse du pouvoir d’achat : il n’existe pas de substituts aux importations. Comme l’élasticité – prix aux exportations est très largement le reflet de celles liées aux importations de tous les partenaires (Toutes choses égales par ailleurs, les flux d’exportations britanniques dépendent des exigences d’importations des partenaires enkystés dans des spécialités productives) la grande Bretagne ne peut compter sur une hausse considérable de ses exportations.

La hausse importante des importations en valeur n’est pas compensée par celle des exportations et donc le taux de croissance ne peut que faiblir. D’où les discours paniqués sur l’irrationalité du brexit. Dès lors, la seule possibilité, dans un contexte de mise en cause de l’industrie financière, est l’émergence d’une politique de réindustrialisation avec en ligne de mire des productions substitutives d’importations.

Le présent gouvernement semble s’y attacher. Si tel est le cas la nation Britannique renaîtra.

 

 

 

 

 

 

[1]  Jean Claude Werrebrouck : Banques centrales , Indépendance ou soumission ? Un formidable enjeu de société ; Yves Michel ; 2013.

[2] Elles sont  très proches de zéro dans l’ensemble de la zone et proches de zéro pour l’ensemble des pays baignant dans la mondialisation. Elle est strictement égale à zéro pour la France.

[3] Cf notre livree collectif : L’euro est-ll mort ?; Editions du Rocher ; octobre 2016.

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27 septembre 2016 2 27 /09 /septembre /2016 14:11

 

Les programmes des candidats classiques à l’élection présidentielle placent en « tête de gondole » la baisse de la pression fiscale. Ils ont sans doute raison puisque le produit politique qui en résulte est électoralement plus attractif que la réduction du déficit budgétaire ou la baisse de la dépense publique. La course au moins-disant fiscal est ainsi l’effet du fonctionnement normal de la concurrence sur les marchés politiques.

Les modèles économétriques qui devraient sous-tendre et justifier les propositions correspondantes brillent par leur discrétion et il est vrai que le raisonnement économique est absent des programmes proposés.

Tentons de briser cette carence et envisageons de façon précise et argumentée les effets d’une forte diminution de la pression fiscale dans la France d’aujourd’hui.

 

LE CARACTERE IRRATIONNEL DES PROPOSITIONS DE DIMINUTION DES PRELEVEMENTS PUBLICS OBLIGATOIRES.

 

La diminution des prélèvements fiscaux peut se porter soit sur les ménages, soit sur les entreprises.

 1 -  Diminution du prélèvement sur les ménages.

Dans le cas des ménages[1] il en résulte mécaniquement une hausse des revenus avec interrogation sur leur répartition entre consommation additionnelle et épargne additionnelle. La consommation additionnelle peut entrainer une relance freinée par la propension marginale à importer. C’est effectivement le cas puisque, selon Natixis, 1 euro de hausse de demande intérieure génère 70 centimes d’importations supplémentaires[2]. Quant à l’épargne supplémentaire, elle reste largement accumulée[3] et ne génère aucune demande supplémentaire sous la forme d’investissements. La baisse de la fiscalité profite en retour aux pays fournisseurs de la France.

Effets très faibles mais prix très élevé puisqu’une telle baisse correspond mécaniquement à un déficit public accru d’un même montant. Sans doute pourrait-on financer la baisse de la pression fiscale par une diminution de la dépense publique pour un même montant, mais cela aurait pour effet de diminuer la demande globale et donc les débouchés pour d’éventuels investissements additionnels.

Le résultat est donc globalement négatif : choisir la baisse de la pression fiscale sur les ménages est avantageux car populaire sur le marché politique et désastreuse pour un pays qui n’a cessé de se désindustrialiser.

2 -  Diminution du prélèvement sur les entreprises.

Une première façon d’affaisser les prélèvements est de continuer à diminuer les charges sociales sur les bas salaires. Sachant que ces charges déjà rabotées par les dispositifs « Fillon » et « CICE » ne représentent plus que 7,3% au niveau du SMIG, il y a peu à gagner en terme de marge, le prix à payer étant, là aussi, la hausse du déficit ou la baisse de la dépense publique. Dans cette dernière hypothèse la hausse de marge ne se transforme pas aisément en investissements puisque les débouchés se raréfient du même montant. Certes, la marge nouvelle pourrait-elle être utilisée à des investissements de productivité renforçant la compétitivité. Toutefois, la mesure proposée favorise plutôt les productions bas de gamme et n’est pas une incitation à la robotisation : le coût relatif du travail par rapport au capital diminue et n’incite pas à la réallocation des facteurs vers une utilisation plus massive de capital.

Une telle mesure n’est donc pas souhaitable du point de vue de l’intérêt du pays.

Une façon plus intelligente de baisser les prélèvements est de les cibler sur les emplois plus productifs des activités exposées à la concurrence internationale. Il existe là une opportunité en raison de la relative bonne élasticité-prix des exportations françaises.[4] A déficit public inchangé il y aurait donc à comparer la hausse de la demande internationale et la baisse de la dépense publique. Le calcul révèle pourtant que l’élasticité est insuffisante pour obtenir un accroissement net de la demande. Et une élasticité beaucoup plus élevée ne serait rencontrée que si la France était beaucoup mieux placée dans l’échelle de la compétitivité coût …. Soit celle de l’Europe du sud. Clairement, il faudrait une diminution radicale du coût du travail….Notons, ce qui n’arrange pas les choses, qu’une baisse des prélèvements sur les salaires pourrait aussi bien se matérialiser par une hausse des salaires nets[5] et donc une hausse des revenus avec les effets négatifs déjà exposés.

Une dernière façon d’envisager la baisse de la pression sur les entreprises est de diminuer l’ensemble des autres impôts. Dans ce dernier cas de figure, il y a bien augmentation de la rentabilité des entreprises….payée par un déficit accru ou une dépense publique plus faible. La question est donc de savoir si la rentabilité accrue sera à l’origine d’un investissement plus élevé avec effets multiplicateurs sur la demande globale.

En théorie, il s’agit d’une solution efficiente si la hausse de la rentabilité ne se trouve pas minée par de nouvelles exigences salariales ou actionnariales. Mais un autre facteur vient limiter drastiquement l’efficience de la baisse de la pression fiscale sur les entreprises : le comportement des pays qui peuvent jouer sur le taux de change d’une part, et celui des pays dont les modèles sociaux parce que plus fragiles sont socialement plus facilement démontables que celui de la France. Natixis nous rappelle ainsi que les efforts de compétitivité de la France ont en très peu de temps été largement effacés par la baisse de la livre sterling et l’effort de compétitivité coût de l’Espagne[6].

Vers un effondrement civilisationnel ?

Plutôt que de regarder le doigt, il vaut mieux regarder la lune et les candidats à l’élection présidentielle feraient bien de poser le vrai problème : les règles du jeu imposées par la monnaie unique développent une concurrence qui, privée de l’arme du taux de change, se reporte sur les seuls coûts. Bien évidemment ces règles sont éminemment favorables aux gagnants de la mondialisation qui au nom de la concurrence en veulent plus et exigent le démantèlement de tout ce qui fait la nation. Il faut en effet comprendre que la baisse des prélèvements publics (cotisations sociales diverses et impôts de toute nature) est devenue le grand moteur de la concurrence destructrice du vivre ensemble : il génère un double déséquilibre : économique et social aux conséquences politiques dramatiques.

Le déséquilibre économique est simple à comprendre puisque la baisse des coûts a pour contrepartie une baisse de la consommation globale non compensée par une élévation de la proprension à investir. Ce déséquilibre pourrait se colmater par une montée du déficit public….lequel est interdit et par les règles …et par le marché de la dette publique effrayé par une montée de spreads de taux. Ce même déséquilibre devient l’avantage compétitif de ceux qui veulent se sortir du naufrage collectif : L’Espagne rogne sa demande interne pour être compétitive et obliger la France à entrer dans la danse de la diminution de sa demande globale interne. La concurrence agonistique, ou à tout le moins non coopérative, aboutit ainsi à l’impossible réduction d’un chômage qu’on ne peut plus financer par un Etat social qui perd progressivement ses ressources. Si dans les premiers temps de la crise il était possible de financer les dépenses sociales croissantes par une dette croissante, cela n’est évidemment plus le cas aujourd’hui.

Les règles du jeu de l’euro et au-delà de la mondialisation sont de par leur fonctionnement propre, consommatrices de « moins-disance » de prélèvements et, conséquemment, destructrices des anciennes formes de l’Etat social. Jadis, dans le cadre des espaces nationaux, la concurrence était à l’inverse déployée dans un contexte de montée homogène des prélèvements publics obligatoires eux-mêmes assis sur les gains de productivité. Dans un cas, une concurrence organisatrice de la construction d’un Etat social, et dans l’autre cas une concurrence destructrice de ce même Etat. Jadis la montée des prélèvements publics obligatoires, certes contestée par les dirigeants d’entreprises, n’affectait pas les conditions de la concurrence, puisque les mêmes règles s’imposaient à tous. Désormais l’unicité de la monnaie met à nu des règles inégales dans le jeu économique. La solution devient ainsi spontanément une course à l’éradication progressive des prélèvements…un peu comme la foule qui, prise dans un incendie, se dirige vers une porte de sortie trop étroite dans un mouvement de panique aux conséquences catastrophiques.

Et ce catastrophisme est amplifié par l’apparition de raisonnements délirants : à la « surface des faits » il apparait que l’Etat n’a plus les moyens de jadis (« on ne peut plus payer et il faut abandonner l’assistanat », message répété en boucle…[7]) alors que réellement les règles européistes interdisent – de façon bien sûr involontaire- l’épanouissement d’une croissance possible, un marché de l’emploi plus dynamique et un recul du périmètre (ou du « marché ») de l’Etat social.

Le déséquilibre social est tout aussi simple à comprendre et n’est que la conséquence du déséquilibre économique. Ce déséquilibre correspond à de multiples réalités qui touchent plus particulièrement la société française[8] : développement vertigineux des inégalités de revenus et surtout de patrimoine[9], apparition des « winer-take-all », stagnation du niveau des salaires des classes moyennes, rendements décroissants des études et dévalorisation sociale des diplômes, insécurisation croissante des contrats de travail et des supports sociaux qui leur correspondent, mobilité descendante, déclassement résidentiel, fin de la croyance à l’idée de progrès, fin de l’enracinement dans les organisations politiques ou syndicales,  prise de conscience de la perte de contrôle des institutions démocratiques, communautarisation de la société, etc.

Mais la sortie de la toile d’araignée  des  « règles » est très difficile.

Il est probable que les différents candidats n’ignorent pas le caractère irrationnel de leurs programmes. Mais ils savent peut-être aussi que le rejet des règles européennes reste impopulaire et éminemment dangereux. Parce que l’Euro est un Talisman, et à ce titre objet de vénération, on ne peut s’en séparer. Parce que la mondialisation est l’épanouissement de la liberté, on ne saurait la museler. Le produit politique « fin de l’euro » ou « rupture avec la mondialisation » ne dispose pas encore d’un solide marché.

Au-delà, il est d’une certaine façon déjà trop tard et le retour à la maitrise du taux de change ne peut donner de résultats immédiats en raison de l’état de déliquescence du tissu économique. Nous avons souvent signalé que les élasticité-prix aussi bien à l’exportation qu’à l’importation étaient devenues trop faibles en raison d’un euro qui les rabote depuis maintenant plus de 10 ans[10]. Dévaluer avec une élasticité-prix à l’importation strictement égale à zéro n’entraine qu’une baisse de la demande globale, tandis que les exportations additionnelles attendues sont limitées par la hausse des prix des consommations intermédiaires importées. Reconstruire des élasticité-prix efficaces suppose une recomposition des chaines de la valeur, donc un moyen ou long terme incompatible avec le court termisme des marchés politiques.

Il en résulte un risque de « collapsologie »[11] qui ne se déduit pas nécessairement de la question écologique mais à l’inverse de choix macroéconomiques désastreux.

L’euro fut d’abord une libération allant dans le sens de la « mondialisation heureuse ». Il permettait de ne plus subir la contrainte des échanges extérieurs et des ajustements douloureux sur le marché des changes. Il permettait aussi des taux sages sur le marché de la dette publique. Il permettait également une croissance facile pour les moins avancés (Espagne, Grèce, etc.) Il permettait enfin à l’Allemagne non seulement de ne plus être victime des ajustements monétaires de ses voisins, mais surtout de profiter du déficit sans pleurs des cigales dont elle favorisait la naissance et l’épanouissement[12]. Cet outil générant le bonheur de tous, devait logiquement se transformer en objet de culte, ce que nous avons appelé « l’euro Talisman »[13].

Avec le temps, pour les cigales mécaniquement engendrées par le simple fonctionnement de la zone, y compris la France, l’inflation de dettes s’est nourrie tout aussi mécaniquement de la perte d’activités : parce que la compétitivité est lourdement handicapée par un taux de change irréaliste, et que l’importation est facile, des pans entiers de productions nationales disparaissent aves les emplois correspondants. En retour, la base productive plus étriquée réduit la masse des prélèvements publics et aggrave le flux de dettes.

D’année en année, l’écart entre les nouveaux besoins sociaux issus du démantèlement de l’outil de production et l’offre possible de services sociaux se creuse. Un écart qui deviendra abîme lorsque les politiques restrictives se mettront en place et qu’elles viendront rogner les investissements constructeurs de l’avenir. Petit à petit la spirale du déclassement se met en place et la soutenabilité générationnelle du modèle socio-économique n’est plus assurée. L’aveuglement politique débouche ainsi sur un monde socialement inacceptable. Le modèle socio-économique de l’ile de pâques générant le monde des « Moaï » pouvant ainsi être comparé à celui de la zone euro : Ici une aliénation politico/monétaire, là une aliénation politico/religieuse, deux variantes parmi d’autres susceptibles de produire les mêmes effets, c’est-à-dire un effondrement civilisationnel.

Les candidats à l’élection présidentielle de 2017 feraient bien de ne plus s’intéresser au sexe des anges.

 


[1] Cotisations sociales des ménages+ impôts directs des ménages + TVA. On pourrait aussi ajouter les hausses de revenus procurées par la suppression des cotisations sociales sur les services à la personne que l’on trouve dans certains programmes.

[2] Flash Economie du 19 septembre 2016- 936.

[3] Les baisses ciblées d’impôts telles celles frappant les revenus d’actifs risqués étant d’effet peu significatifs.

[4] 0,8 selon Natixis.

[5] Hypothèse qui s’est déjà historiquement matérialisée et qui n’est pas irrationnelle : la hausse du salaire net ne vient pas rogner les marges si la dite hausse se trouve financée par la baisse des charges. Mais on peut aussi penser que la baisse des prélèvements entraine une hausse des dividendes.

[6] Flash Economie du 16 septembre 2016- 939. Parce que partenaires importants de la France les comportements de la Grande Bretagne (baisse de 10 points de taux de change) et de l’Espagne (baisse considérable des coûts salariaux) ont annulé 50% de l’amélioration de la compétitivité-coût de la France. Sur le plan microéconomique il peut y avoir des exceptions et par exemple une entreprise comme Valeo dont les sites français exportent 72% de leur production, supporte  avec 17% des effectifs mondiaux 50% de ses charges sociales mondiales. Son Président, Jacques Aschenbroich, considère qu'il faut évidemment réduire ce poids pour perenniser la compétitivité de l'entreprise. Ce même président pourrait se rendre compte qu'un  changement de parité monétaire permettrait sans réelle douleur d'assurer la compétitivité de l'entreprise, voire de relocaliser des sites sur le territoire français.

[7] Ce qui est visible est l’assistanat, ce qui est invisible est la réalité : un choix de règles dont le fonctionnement concret déclasse puis marginalise d’abord les individus les plus fragiles, puis d’autres pourtant mieux armés. Parce que le processus est l’inverse de ce qui s’était historiquement produit (trente glorieuses) il n’est pas socialement admis et, assistés et Etat social, deviennent des irresponsables et des coupables.

[8] On pourra ici se reporter à l’ouvrage de louis Chauvel : « la spirale du déclassement – Esai sur la société des illusions » Seuil – 2016.

[9] On parle aujourd’hui d’une repatrimonialisation que les 30 glorieuses avaient largement estompé.

[10] S’agissant de la France les modèles économétriques donnent les chiffres suivants ; O,8 pour l’élasticité-prix à l’exportation et zéro pour l’élasticité-prix à l’importation.

[11] Cf l’ouvrage de Pablo Servigne et Raphaël Stevens : « Comment tout peut s’effondrer. Petit manuel de collapsologie à l’usage des générations présentes »- Seuil- 2015.

[12] Comprenons en effet que ceux qui allaient entrer dans ce qu’on appelait « pays du club med » vont devenir victimes d’un taux de change immuable et surtout inapproprié, taux devant dévaster l’industrie manufacturière locale au profit d’importations massives financées par la délocalisation des banques du Nord et facilitées par la Grande Distribution elle-même déjà mondialisée. La Grèce restera de ce point de vue un cas d’école.

[13] http://www.lacrisedesannees2010.com/2016/08/l-euro-le-talisman-qui-a-bientot-fini-de-detruire-l-union-europeenne.html

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16 septembre 2016 5 16 /09 /septembre /2016 12:53

 

Il est curieux de constater que, pour nombre de candidats, on puisse parler en matière économique d’un renouveau, d’un changement, d’une refondation, d’une transformation, etc…. sans évoquer la clé de liaison de la France au reste du monde. Ces candidats évoquent volontiers l’adaptation de la maison France à la mondialisation, au libre-échange, à la globalisation, etc. sans jamais évoquer cette clé… comme si elle était inutile ou inexistante. De fait, elle existe mais devenue pense-t-on inutile : oui il existe une monnaie qui nous articule au reste du monde, mais elle codifie notre liaison sans jamais pouvoir la changer. La gamme infinie des taux de change est devenue inaccessible et un euro français est censé être un euro allemand, italien, espagnol, etc. Dans un monde qui se veut flexible l’articulation de tous les pays de la zone euro est complètement figée. Et un gel pluridimensionnel car si on pouvait concevoir jadis un taux de change fixe, on pouvait aussi hérisser la monnaie correspondante de règles spécifiques : libertés variables sur le marché des changes, taux spécialisés en fonction du type d’échanges, degrés variables de liberté de circulation du capital, etc. Bref une vraie flexibilité qu’on a fait disparaitre.

Jadis, il fallait se livrer à des choix politiques nationaux tenant compte de la réalité du monde…mais sans en être toutefois complètement esclave…. la réalité du dit-monde devant en retour prendre en compte l’autonomie relative des décisions de la nation et une autonomie engendrée par une relative  maitrise politique de la monnaie nationale. La clé d’un éventuel bien vivre ensemble passait ainsi par la monnaie comme condition nécessaire si pas condition suffisante. Parce qu’il fut politiquement décidé de dépolitiser la monnaie, la nation a perdu la clé de son mode d’articulation au reste du monde et de son possible bien vivre ensemble.

Ainsi la plupart des candidats, dans la nuit de la crise, proposent de retrouver la clé du possible bien vivre ensemble par la prospérité, en se proposant d’en forger une autre celle ouvrant la porte des réformes structurelles. Les débats politiques, les innovations, la créativité, l’audace, etc. se déploient ainsi dans un autre monde, celui où l’on a perdu la clé de l’articulation de la France au reste du monde et une clé que l’on ne veut pas retrouver.

Certes, on peut proposer bien des choses…mais il faut pouvoir aborder les vrais problèmes….

On pourrait, et on le fera, aborder cette question fondamentale du mode d’articulation de la nation au reste du monde, mais des « experts » sérieux viendraient rapidement clore un éventuel débat. C’est qu’en effet on peut reparler de la monnaie unique pour rapidement démontrer que tout retour à la monnaie nationale, au-delà des sempiternelles questions concernant la dette publique qu’il faudrait rembourser, signifierait la dégradation des conditions de vie des classes moyennes.

Natixis, dans une note du 30 août[1] révèle ainsi les derniers chiffres concernant l’élasticité/prix des importations : Zéro pour la plupart des pays de la zone. Cela signifie que la dévaluation issue d’un abandon de la monnaie unique n’aurait aucun effet sur les volumes importés, les conséquences se reportant sur l’élévation des prix intérieurs et la diminution du pouvoir d’achat correspondant.

Les mêmes experts sont évidemment prêts à expliquer qu’un tel phénomène résulte  planétairement de la spécialisation et de l’allongement vertigineux des chaines de la valeur : il n’existe plus de capacités inemployées de production nationale substitutive des importations. Les experts ont raison : la production des biens de consommation avec les savoir-faire associés est très largement absente du territoire national. C’est dire que le débat sur l’euro est peu agréable puisqu’il consiste à dire qu’il faudra reconstruire nombre de branches industrielles : d’abord des larmes et de la sueur… sur probablement un nombre d’années supérieur à celui réservé aux mandats politiques. On comprend par conséquent que le produit politique « fin de l’euro » ait quelque peine à émerger sur le marché.

 Et plus le débat tarde et plus la difficulté d’en finir avec la monnaie unique est grande. Comprenons en effet qu’avant l’allongement démesuré des chaines de la valeur, l’élasticité/prix des importations était beaucoup plus élevée et qu’à ce titre une dévaluation signifiait une chute des volumes importés. Par exemple, antérieurement à la naissance de la monnaie unique, les productions nationales étaient concurrencées par les premières délocalisations et les exportations des ex-pays du tiers-monde, mais une dévaluation rendait immédiatement plus compétitive les productions nationales. Ainsi la masse salariale distribuée dans les   vieux pays développés pouvait augmenter en raison d’une hausse de la production, même si en contrepartie le pouvoir d’achat unitaire pouvait diminuer en raison de prix plus élevés. En faisant disparaitre la possibilité de jouer sur un taux de change, la monnaie unique va ainsi travailler à la ruine progressive des productions nationales les moins compétitives. D’où une désindustrialisation puissamment renforcée par la monnaie unique et une chaine de la valeur reconfigurée par cette même monnaie. La monnaie unique rabote et ruine les activités des pays du sud y compris la France et plus on attend et plus la reconstruction sera difficile. De fait, elle est aujourd’hui avec une élasticité/prix des importations égale à zéro, devenue très difficile.

Et donc, le plus logiquement du monde, les présidentielles françaises vont à nouveau aborder tous les sujets sauf celui du taux de change qui articule la plupart de nos entreprises sur le marché national et les marchés étrangers.

Une toute petite minorité abordera la question de façon elliptique (Arnaud Montebourg, Jean Luc Mélanchon, Henri Guaino) et encore moins de façon ouverte (Marine Lepen, Nicolas Dupont Aignan).

Les choses sont pourtant simples et les électeurs pourraient comprendre le message suivant :

        1 -Ce qu’on appelle taux de change n’est qu’un coefficient qui exprime le prix des marchandises nationales à l’étranger et des marchandises étrangères sur le territoire national.

        2 - Le taux de change, affectant tous les prix, est donc l’élément fondamental de tout système de prix. Il affecte les coûts de revient de presque toutes les marchandises, les prix de vente de la plupart des marchandises, et donc, tous les revenus de tous les électeurs.

        3 -  Parler fiscalité, charges sociales, emploi, etc…au cours de la campagne présidentielle  est sans doute important, mais bien moins important que ce qui conditionne l’essentiel du mouvement économique c’est-à-dire ce coefficient, et donc cette clé de l’articulation du pays au reste du monde.

       4 - Le présent coefficient développe un système de prix qui atrophie la plupart des économies européennes, en particulier la France, sauf l’Allemagne.

Les partis souverainistes – souvent taxés de populistes par tous les gagnants de la mondialisation libérale- doivent travailler ensemble pour expliquer ces 4 points très simples et développer la pédagogie nécessaire pour extirper les électeurs de cette méconnaissance. Une méconnaissance entretenue par tous les gagnants de la mondialisation et leurs représentants.

La suite, c’est-à-dire la façon de retrouver la clé de l’articulation au reste du monde peut faire débat : inviter l’Allemagne à quitter la zone euro, inviter l’Allemagne à ne plus ponctionner ses partenaires et accepter les transferts propres à toute union monétaire, sortir de L’UE par référendum, réécrire un nouveau Traité avec quelques pays volontaires, réquisitionner la Banque Centrale française, utiliser la voie de l’article 16 de la Constitution, etc. Mais au moins un minimum de lumière pourra être apporté et pourra ainsi resituer les projets des grands candidats dans leur cruelle réalité : l’insignifiance ou la duplicité.

 

 

 

[1] Flash économie 864 : « Le protectionnisme ou la dépréciation du change ne redresseront pas la situation de la classe moyenne »

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12 septembre 2016 1 12 /09 /septembre /2016 13:52


Deux études viennent confirmer l’inadéquation du taux de change de la France vis-à-vis de l’ensemble de ses partenaires européens ou non.

La première, issue du Think Tank « La fabrique de l’industrie »  réalisée par Pierre Noël Giraud et Philippe Frocrain révèle que lorsque 100 emplois exposés à la concurrence internationale apparaissent dans un bassin d’emplois de France métropolitaine, 64 emplois abrités supplémentaires apparaissent dans la zone. L’inverse étant approximativement constaté, cela signifie que le secteur exportateur ayant perdu 200000 postes entre 1999 et 2013, il a entrainé derrière lui la fermeture d’un nombre considérable de postes abrités. Les variations de l’emploi du secteur exposé développent donc des externalités sur l’emploi abrité et des liens qui sont pour partie des liens mécaniques mais pour partie aussi des déversements de revenus d’autant plus importants que les rémunérations du secteur exposés sont plus élevées  et traduisent des gains de productivité eux-mêmes plus élevés.

Vu de plus haut cette première étude révèle par conséquent qu’un taux de change trop élevé affaiblit la compétitivité du secteur exposé avec toutes ses conséquences sur l’emploi du secteur abrité. Mais aussi avec toutes ses conséquences sur la croissance puisque c’est le secteur exposé qui génère, le plus,  les gains de productivité et donc la croissance.

La seconde étude est celle de de 2 chercheurs, Pierre-André Buigues et Denis lacoste, de la Toulouse Business School qui se sont intéressés aux modalités de développement des entreprises multinationales allemandes et françaises. Deux paramètres parmi d’autres sont ainsi livrés à une analyse comparative du processus d’internationalisation :

Le déploiement international s’opère davantage par des exportations côté allemand et davantage par investissements directs à l’étranger côté français. Le stock d’investissements directs à l’étranger des entreprises françaises représentant 59,1% du PIB français, tandis que ce même stock ne représente que 43,3% du PIB côté Allemagne. Les deux chercheurs en déduisent que ces stratégies différenciées sont à rapprocher des évolutions du commerce extérieur des 2 pays, défavorable côté français et favorable côté allemand.

Le déploiement international des entreprises allemandes obéit à un modèle de division du travail assez clair : R§D non délocalisé, assemblage sur territoire national, composants délocalisés. Le même déploiement français aboutit plutôt à lé délocalisation de la plupart des maillons de la chaine de la valeur avec réimportation de la production finale. Ainsi en 2011,  74% des importations françaises de la branche automobile étaient constituées de voitures (59% dans le cas de L’Allemagne) et 26% de pièces détachées ( 41% dans le cas de L’Allemagne).

La stratégie française de redéploiement prend parfois des proportions inquiétantes avec notamment l’implantation à l’étranger de toute une branche. Tel est le cas de Renault et PSA au Maroc avec un déménagement quasi complet transformant peu à peu le pays en futur « Grand » de l’automobile. Il est ainsi prévu qu’en 2020 la production du pays sera de 1 million de véhicules produits par 175 000 salariés[1].

Cette seconde étude n’aborde que de façon elliptique les causes profondes de la stratégie différenciée de l’internalisation en mentionnant qu’il s’agit probablement d’un problème de compétitivité. Effectivement l’Allemagne disposant d’un taux de change favorable n’est pas pénalisée par le maintien des pièces centrales de la chaine de la valeur sur le territoire national, ce qui n’est pas le cas de la France dont le taux de change est trop élevé.

La première étude fort différente aboutit toutefois à la même conclusion : le secteur exposé qui représentait en 1999 30% du total des emplois, n’en représente plus que 26,8% en 2013 en raison de la compétitivité faible du pays.

Plus globalement avec un taux de change faible pour une production haut de gamme, l’Allemagne voit ses exportations garanties et peut même constater une baisse de son élasticité-prix des exportations en volume (0,40 sur la période 2002/2016, mais seulement 0,28 sur la période 2006/2016)[2]. A l’inverse, la France, avec un taux de change trop élevé par rapport à sa production plus orientée moyenne gamme, voit ses exportations à la peine et peut constater un maintien de son élasticité-prix à l’exportation (0,75) un chiffre plus élevé témoignant de sa plus grande sensibilité à l’effet prix.

Compte tenu de ses deux études et sachant que du point de vue des importations l’ élasticité correspondante est pour la France strictement égale à zéro[3], Quelles sont les priorités d’une politique industrielle libérée de la gangue de la monnaie unique ?

Logiquement, la politique industrielle d’un pouvoir libéré devrait obéir aux priorités suivantes :

1 - Mettre tout en œuvre pour générer des activités substitutives des importations afin de lutter contre les effets catastrophiques de l’élasticité/ prix des importations qui reviendrait à une augmentation importante des prix et donc des revenus correspondants. Avec des effets de second tour sur la demande globale. Cela passe aussi par des incitations puissantes à la relocalisation avec par exemple une aide égale aux charges sociales nouvelles générées par les nouveaux emplois relocalisés…donc une aide signifiant l’équivalent d’un zéro charges sociales pour tout emploi créé dans une activité de substitution.

L’aide à la relocalisation se doit de concerner toutes les activités c’est-à-dire les unités d’assemblage, mais aussi les unités de fabrication des composants. Il est en effet évident que c’est l’ensemble d’une chaine de valeur qui est concernée,  faute de quoi une unité d’assemblage relocalisée serait quand même pénalisée malgré l’aide en raison des surcoûts des intrants frappés par la baisse du taux de change. Un tel processus bien mené doit donc logiquement aboutir à un raccourcissement important des chaines de valeur[4]. Dans la pratique cela peut signifier des « contrats de relocalisation » avec préfinancement couvrant les coûts du redéploiement.[5] A terme la compétitivité nouvelle n’est plus assurée par un quelconque CICE budgétairement très coûteux mais par un changement de parité, lui-même accompagné d’investissements de capacité et de productivité.

Pour les branches dont l’élasticité/prix à l’importation n’est pas nulle mais reste très faible, le contrat de relocalisation se transforme en contrat de développement et se trouve assorti d’une aide. Il s’agit ici de dynamiser une activité en l’incitant - non pas à élever les prix et donc les marges et de capter les bénéfices de la dévaluation- mais à répondre à la demande et à embaucher. Là encore,  l’aide se fixe à la hauteur des nouvelles cotisations sociales résultant de l’embauche. Et Là encore le coût budgétaire est nul.

Resteraient à envisager les substitutions d’importations non pas par relocalisation mais par création d’activités nouvelles interdites jusqu’alors par l’inadaptation du taux de change. Il s’agit du cas le plus difficile, difficulté allant jusqu’à l’impossibilité temporaire de rassembler les compétences nécessaires issues de métiers disparus ou de métiers non validés sur le territoire.

Globalement,  il reste toutefois que le processus n’est pas simple, qu’il exige du temps, et qu’il n’est pleinement efficace que si les prix internes des nouvelles productions nationales rejoignent les prix des anciennes marchandises substituées. A défaut la demande globale interne restera affectée par le retour à la monnaie nationale.[6]

2- C’est la raison pour laquelle la seconde priorité sera de choisir délibérément l’industrie -et l’industrie haut de gamme- pour anticiper sur les gains de productivité à venir. Le haut de gamme ou tout simplement la modernisation de l’appareil productif doit en effet permettre d’assurer l’ancien pouvoir d’achat qui résultait de la force de l’euro. Il s’agit d’abord comme objectif prioritaire d’assurer le nivellement entre les productivités générant les anciennes importations et celles générant les nouvelles productions nationales. Cela passe évidemment par des investissements massifs publics et privés. Et cela passe par des investissements à classer en fonction de l’importance des externalités positives qu’ils sont capables d’engendrer. Clairement cela passe par ce qu'on appelle le "manufacturing 4-0", avec les robots collaboratifs, les dispositifs de réalité augmentée, l'Internet industriel, etc. le tout facilitant la "customisation de masse" et souvent la production locale au profit de débouchés locaux.

Auparavant, et à titre conservatoire, cela suppose la multiplication de contrats d’innovation qui permettront pour les usines installées de ne plus être menacées de perdre leur stock d’apprentissage par la financiarisation de leurs activités[7] .

Les investissements publics doivent d’abord assurer la qualité de la liaison entre les maillons des chaines de la valeur en voie de reconstitution. Ils doivent donc assurer la qualité et la fluidité des infrastructures de base. Ils permettent aussi de mobiliser massivement les chômeurs éloignés des compétences exigées par l’industrie et les services haut de gamme. Il faut en effet préciser que la réussite c’est aussi la rapidité et donc la diminution très rapide du chômage. Ces investissements publics sont aussi liés au domaine de la recherche développement dans le sens de la construction d’un Etat Stratège, qui permet de donner de la visibilité et une demande solvable aux investissements privés.

3 -  Le caractère massif de l’investissement pose évidemment la question de la nouvelle organisation financière. Il est évidemment impossible de reconstruire dans le long terme en restant victime de la tyrannie du court terme. Parce que les investissements doivent être massifs et porteurs de résultats immédiats et importants en termes de réduction du chômage, il est nécessaire de reconfigurer dans sa totalité le système bancaire et financier.

Le passage urgent et rapide à une économie décarbonée suppose des crédits qui ne se limitent pas à l’épargne constituée, et donc exige une émission monétaire à la hauteur des moyens techniques et humains mobilisables au titre de la décarbonisation. Cela suppose, en reprenant le schéma proposé par Michel Aglietta[8], la sélection et la certification des investissements bas carbone, leur financement par des banques avec la certitude de pouvoir les céder à la banque centrale pour la valeur inscrite. Au total,  le bilan de la Banque centrale s’accroit en actifs carbone, actifs dont la contrepartie au passif est l’augmentation de la réserve monétaire des banques. Il est possible d’envisager des procédures semblables pour les infrastructures et autres investissements moteurs de la relocalisation.

On comprend immédiatement que de tels schémas supposent la stricte obéissance de la Banque centrale envers les décideurs de l’Etat Stratège. On comprend aussi que le système bancaire doit être largement contraint par ce même Etat[9]. On comprend enfin que nous entrons dans une véritable économie de l’offre qui,  par la hauteur de l’investissement nouveau financé par création monétaire,  génère un flux de revenus  propre à réanimer la croissance.

4 -  Cette politique proactive suppose la mobilisation d’une main d’œuvre nouvelle devant s’adapter aux métiers correspondants. Pour cela le premier impératif porte sur la réquisition de l’ensemble des fonds de la formation professionnelle, 35 milliards d’euros, souvent improductivement dépensés. La réallocation autoritaire des ressources devra devenir l’outil au service des investissements industriels et de protection de l’environnement. En particulier cela passe par moins de légéreté au profit de formations de complaisance et la mise en place immédiate de filières industrielles d'excellence.  Cela passera aussi par des contrats de formation et d’emploi avec sanction lourde en cas de non-respect par les parties signataires. Il est en effet urgent de mettre fin au gaspillage de la formation continue Cela passera enfin par la modération des nouvelles dépenses aux services à la personne dont le fonctionnement ne génère pas de rendements croissants.

 


 

[1] Les Echos du 10 septembre 2016.

[2] Selon Natixis.

[3] Toujours selon Natixis.

[4] Raccourcissement et renationalisation des chaines de la valeur permet aussi de diminuer l’évaporation fiscale qui résulte notamment des prix de transferts toujours contestables, et des facilités offertes par les paradis fiscaux.

[5] Il s’agirait bien d’un préfinancement donc un crédit puisque les sommes avancées au titre du redéploiement ne seront de fait remboursées que sous la forme des cotisations sociales nouvelles entrainées par la relocalisation.

[6] Précisons toutefois qu’avec une élasticité/prix à l’exportation d’environ 0,75, le changement de parité devrait entrainer un gain d’exportation développant la demande globale.

[7] Nous pensons ici en particulier au cas d’Alstom, mais aussi à toutes les industries de l’armement.

[8] « La monnaie entre dettes et souveraineté »- Odile Jacob- 2016.

[9] A cet égard on pourrait aller beaucoup plus loin et imposer une renationalisation complète de la monnaie dans le cadre de ce qu’on appelle le 100% monnaie. Dans une telle hypothèse la monnaie créée par la banque centrale est créditée au compte du Trésor qui revend et répartit ladite monnaie au sein du système bancaire.

 

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29 août 2016 1 29 /08 /août /2016 17:39

 

En réaction aux réflexions de nos collègues qui travaillent sur les questions monétaires dans le cadre du Programme de Nicola Dupont Aignan[1], je souligne les points suivants qui me paraissent fondamentaux :

1 On ne peut gagner des élections en affichant ouvertement la volonté de quitter l’euro. On peut le regretter mais c’est ainsi.

2 La « désobéissance » à l’UE par réquisition de la banque centrale inclut de facto l’évanouissement de l’article 123 du traité de Lisbonne.

3 La réquisition de la banque centrale française fait naturellement sauter l’Euro, mais ce n’est pas la France qui le fait sauter et c’est politiquement fondamental[2].

4 La barrière de la Lex Monetae sera naturellement contestée par des milliers de juristes, et c’est la raison pour laquelle je propose que la France s’engage sur un total respect des contrats, respect ancré sur un nouveau taux de change fixe[3].

5 Le respect des contrats supposera un financement par le Trésor, lui-même nourri par la banque centrale, au titre du dédommagement des non- résidents, lesquels seront payés en monnaie nationale.

6 Ce respect des contrats crée des « balances francs » contribuant à la diffusion de la monnaie nationale.

7 les non -résidents se trouvent ainsi protégés des éventuelles spéculations à la baisse de la devise française. Le maintien de la valeur ne passe pas par la vente de Francs mais par l’achat de marchandises françaises (consommation ou capital)

8 Le respect de tous les contrats doit logiquement permettre au taux de change fixe de « tenir », maintien bien évidemment aussi appuyé par un contrôle des changes et donc la fin de la liberté absolue de circulation du capital.

9 Le changement majeur ainsi engendré n’est crédible que si l’investissement appuyé par la réquisition de la banque centrale augmente dans des proportions immédiatement visibles par la population. La dette publique est sans importance, la hauteur de l’investissement est politiquement la seule variable fondamentale.

10 La création monétaire correspondante ne peut être fixée bureaucratiquement ( X milliards) mais dans les seules limites du possible déterminé par le plein emploi des facteurs, plein emploi à rétablir plutôt en termes de mois que d’années.

11 La France souveraine doit redevenir très rapidement la première puissance européenne.

Le premier point concernant la position des candidats sur l’euro est de loin le plus important et il faut avoir conscience que la monnaie européenne est anthropologiquement beaucoup plus qu’une monnaie, et qu’elle rejoint, dans l’imaginaire de nos sociétés, la position très enviable de Talisman[4].

C’est peut-être ce qu’à compris un candidat qui vient de se déclarer, Arnaud Montebourg, à Frangy le 21 Aout dernier. En liant son élection éventuelle à la présidence de la République à celui d’un « mandat non négociable, inflexible et irréfragable de dépassement des traités »[5] l’intéressé place la France dans une posture de désobéissance. Précisons d’ailleurs qu’il s’agit d’une posture de désobéissance y compris par rapport à la Constitution française laquelle dans son article 55 stipule que les Traités jouissent d’une autorité supérieure à celle des lois.

L’Euro n’est pas encore attaqué, pourtant, plus loin Arnaud Montebourg évoque un gouvernement économique de la zone euro, gouvernement sous contrôle d’un parlement démocratique pouvant contrôler les décisions de la BCE.

Bien évidemment le candidat n’entre pas dans les détails qui fâchent : Dans un parlement démocratique l’Allemagne deviendrait rapidement minoritaire, démograhie oblige, et donc elle serait amenée à céder sur le terrain de l’ordolibéralisme ce qui lui est constitutionnellement interdit et bien au-delà ce qu’elle ne peut politiquement accepter. Plus précisément on sait aussi que l’homogénéisation débouchant avec ce gouvernement économique ne saurait se contenter d’harmonisation sociale et fiscale, qu’en particulier la question des transferts[6] vers le sud sur une longue période resterait la condition nécessaire d’une authentique homogénéisation. Or ces transferts exigés par un taux de change complètement inadapté sont politiquement impossibles et surtout économiquement inenvisageables pour l’Allemagne.

Arnaud Montebourg ne peut évidemment parler de taux de change à l’intérieur de la zone sans bien sûr mettre en question la monnaie unique. Il est un candidat qui sans proposer la fin de l’Euro, propose des  mesures qui en tracent le chemin. Avec l’espérance que face à ces mesures l’Allemagne prenne la courageuse décision de claquer la porte….et de payer le prix – certes très élevé - d’une forte réévaluation de ce qui serait le Mark. On peut toutefois douter d’un tel schéma car l’éventuelle perspective de succès d’un tel candidat souverainiste serait probablement marquée par une spéculation gigantesque notamment sur la dette publique….qui ferait que les marchés engendrant la panique consacreraient aussi la débâcle électorale du candidat…..Il sera très difficile de sortir de la prison par voie démocratique.

De fait tous les candidats souverainistes à l'élection présidentielle; Nicolas Dupont Aignan, Marine Le Pen , Arnaud montebourg, Jean- Luc mélenchon, et sans doute d'autres encore se trouvent confrontés à la difficulté de s'attaquer frontalement aux vrais sujets.

On croyait jusqu’ici la démocratie porteuse le plus souvent d’un progrès. Il restera hélas à apprendre que dans la configuration de la monnaie unique elle est davantage porteuse de régression historique. Comment l’Europe saignée par l’euro pourra t’elle s’en débarrasser ? La question reste ouverte.

 

 

 

 

[1] Pensons en particulier à André-jacques Holbeke et Philippe Laurier

[2] http://www.lacrisedesannees2010.com/2016/05/une-requisition-de-la-bce-au-service-des-zones-devastees-par-l-euro.html

[3] http://www.lacrisedesannees2010.com/article-les-conditions-d-un-demantelement-reussi-de-la-zone-euro-92063917.html

[4] http://www.lacrisedesannees2010.com/2016/08/l-euro-le-talisman-qui-a-bientot-fini-de-detruire-l-union-europeenne.html

[5] Discours d’Arnaud Montebourg, Fête de Frangy-en Bresse- 21 aout 2016.

[6] http://www.lacrisedesannees2010.com/2016/02/bien-comprendre-la-logique-devastatrice-de-l-euro.html

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