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3 février 2016 3 03 /02 /février /2016 09:12

On parle à nouveau beaucoup de la chute du prix du pétrole et de ses effets sur les principaux acteurs économiques. A ce titre nous republions un article paru sur le blog le 20 janvier 2015 : « Les USA et la nouvelle géopolitique du pétrole ». De notre point de vue, il n’a pas pris une ride : l’offre de brut américain ne baisse que très peu et l’administration américaine se permet même de supprimer le vieil interdit d’exportations de produits pétroliers. Natixis[1] n’a sans doute pas tort d’imaginer l’émergence d’un cycle de prix…mais sur la base de la nouvelle structure des coûts américains. Bien évidemment nous restons dans l’incertitude radicale sur les conséquences ultimes de ce changement, aussi bien en termes économiques que politiques et sociaux.

 

Résumé: Contrairement à ce qui est trop rapidement affirmé, le nouveau pétrole américain n'est pas menacé par la chute des prix du brut. A l'inverse, les USA vont redevenir le "faiseur de prix" à l'instar de ce qui existait au beau milieu du 20ème siècle. Parallèlement L'Arabie Saoudite risque de perdre définitivement sa place de "swing producer".

La littérature concernant l'évolution du marché pétrolier à moyen terme ne permet pas de s'appuyer sur des conclusions convergentes quant aux prix futurs. Certains voient un effondrement rapide de la production américaine et donc une hausse des prix dès l'été prochain, hausse qui résulterait d'une chute de l'offre. D'autres pensent que la production américaine pourrait se maintenir et ainsi contribuer au maintien de prix faibles.

Il est temps de reconsidérer les raisonnements à partir d'une analyse des coûts de production.

Depuis la naissance de l'industrie pétrolière en Pennsylvanie dans les années 1870/1880 jusqu'au début des années 2000, nous étions dans une configuration où au niveau de chaque puits, les charges fixes étaient importantes et le coût marginal proche de zéro. Il en était ainsi car l'ouverture plus grande de la tête de puits est une opération de coût nul générant un flux plus important d'huile. S'Il est vrai que lorsque furent entrepris -au cours de la seconde partie du vingtième siècle- les opérations de récupération assistée le coût marginal cessa d'être nul, il était pour autant très faible.

Cette caractéristique fût celle qui devait expliquer la stucture fortement oligopolistique de l'industrie correspondante. C'est que, dans un tel modèle, les rendements étant sans cesse croissants, la concurrence devient rapidement catastrophique. Par exemple les petits producteurs américains des années 1880, endettés au titre de l'achat des appareils de forage optimisaient leur gestion par l'ouverture maximale des têtes de puits, d'où une offre rapidement croissante, une baisse brutale de prix, et la ruine, elle-même souvent accompagnée d'une pollution de la nature puisqu'il devenait avantageuc de jeter l'huile dans les rivières.

La suite est historiquement connue avec la fin de la concurrence au profit de la naissance de la Standard Oil qui devait réguler l'offre et stabiliser le marché. Une histoire qui se pousuivra par une régulation par les "sept soeurs", un "posted price" unique et mondial, des "frets fantômes", des accords secrets entre compagnies, etc ; mais aussi la naisssance de l'OPEP et des compagnies nationales de pays producteurs. De quoi construire à partir de coûts marginaux nuls ou proches de zéro une immense rente pétrolière.

Dans cet état du monde, les schistes bitumineux et autres sables asphaltiques étaient tout simplement hors-jeu, tant les coûts d'accès étaient incomparablement plus élevés qu'au Moyen Orient.

Depuis le milieu des années 2000, nous nous dirigeons vers une structure de coûts complètement différente.

S'agissant des nouvelles huiles extraites, notamment aux Etats-Unis, nous rencontrons une structure de coûts beaucoup plus classique. Les coûts de forage sont très faibles comparés aux nouveaux coûts de forage pour les pétroles classiques. Il est difficile de pénétrer dans le secret des coûts, mais l'on croit savoir qu'ils sont incomparablement plus faibles que les coûts d'accès aux grandes profondeurs au large du Brésil voire en Sibérie ou en Alaska. Par contre, les forages ont un rendement qui diminue rapidement (division par 2 au bout de 6 mois d'exploitation) alors que le forage sur gisement classique peut produire pendant 30 ans. Cela signifie une multiplication régulière du nombre de forages sur un gisement (jusqu'à 50 fois plus que sur un gisement classique).

Par ailleurs, les coûts d'exploitation -même instantanés- ne sont plus proches de zéro, car il s'agit toujours d'une récupération très assistée par l'injection de  grandes quantités  de produits et de liquides divers pour obtenir l'extraction.

La période 2005-2015 est ainsi très différente de celle des années 1880. Il n'y a pas de concurrence catastrophique et nombre de producteurs américains sont nouveaux et de petite taille, ce qui n'a pas débouché sur de catastrophiques rendements croissants impliquant leur élimination, comme ce fut le cas en Pennsylvanie.

Au delà, la technologie qui correspond à cette nouvelle structure de coûts est aussi celle qui permet d'introduire dans l'industrie des réserves naturelles jusqu'alors inexploitables. Shistes bitumineux et sables asphaltiques ne sont plus en dehors du théatre pétrolier et vont prendre une place décisive.

Et c'est ici qu'il convient de proposer ce que nous croyons être le scénario d'une très nouvelle géopolitique du pétrole.

Beaucoup de choses ont été dites -sans apporter de preuves- sur des accords entre Russie et Arabie Saoudite, ou entre ce dernier pays et les USA, dans un cas pour géner les USA et dans l'autre pour géner la Russie. Avec des conséquences secondaires lourdes pour d'autres pays: Vénézuela, Algérie, Nigéria, Iran,etc.

De fait, nous pensons que les Etats-Unis vont conquérir seuls, une place déterminante leur conférant un poids géopolitique nouveau.

Tout d'abord, l'offre américaine ( près  de 10 millions de barils/jour) est devenue majeure et anéantit l'efficience de l'OPEP, lequel voit sa part de marché passer de 55% en 1973 à 35% aujourd'hui. Cela signifie que l'OPEP n'a plus les moyens de fixer le prix. A l'intérieur de l'OPEP, l'Arabie Saoudite perd aussi son statut de "swing producer" qui lui allait si bien en diminuant ou en augmentant voire en doublant sa production en quelques jours - ce qu'elle fit lors de la première guerre du Golfe - grâce à la vertue des rendements croisssants sur chaque puits.

Face à l'offre américaine nouvelle, l'Arabie Saoudite a fait le choix du maintien relatif de sa part de marché au détriment des prix : sa production s'est maintenue. Elle espère que ce choix, très coûteux en terme de rente pétrolière,  va éliminer les producteurs marginaux américains.

Il est possible que les coûts unitaires totaux du baril américain soient trop élevés (60/70 dollars?), d'où la très forte diminution -en quelques semaines- des investissements de forage dans certaines zones du territoire américain. Coûts trop élevés jusqu'ici protégés par des couvertures à termes, y compris des CDS, qui seront  (on parle de plusieurs centaines de milliards de dollars) peut-être une lourde perte pour le système financier américain dès la fin du printemps 2015. Lourde perte aussi de débouchés pour l'ensemble des fournisseurs de l'industrie pétrolière, y compris les sidérurgistes.

Pour autant, la continuîté de l'offre de pétrole américain ne peut plus être entamée.

Lors des révolutions pétrolières des années 70 qui vont porter le "posted price" d'environ 2 dollars le baril à quelque  40 dollars, l'écart des coûts avec les huiles potentielles était beaucoup trop important: les USA, sans offre nationale alternative, devaient simplement payer. Tout au plus pouvait -on maintenir les routes de l'approvisionnement grâce à l'outil militaire.

Le paysage est aujourd'hui très différent. Parce que les technologies de production nouvelles le permettent, il existe désormais une solution de continuïté entre les différents pétroles, et le gouvernement fédéral américain pourra décrêter des mesures protectionnistes sur la nouvelle industrie du pétrole. Il s'agira de protéger une " industrie dans l'enfance", alors qu'il s'agissait de protéger des routes maritimes avec la flotte.

De fait, sans retrouver le vieux "posted price" à prétention planétaire des ports américains du golfe du Mexique, les USA vont devenir faiseurs de prix. Si le prix de marché détruit des producteurs marginaux américains, il est probable qu'une taxation sur huiles importées interviendra, taxe flottante puisqu'au nom du libre échange elle pourra disparaitre si les prix permettent aux producteurs marginaux de vivre.

Le coût en développement de la nouvelle industrie pétrolière américaine devient ainsi le pivot du prix mondial du pétrole. Notons enfin que ce  coût est probablement inférieur au prix du pétrole, garantissant la plus ou moins grande stabilité sociale de nombre d'Etats pétroliers. Le prix du pétrole assurant la paix sociale en Algérie, au Nigéria, etc. (80, 100 dollars le baril?) est de loin supérieur au coût en développement de l'huile américaine. De quoi donner aux USA , dans le domaine pétrolier, un poids géopolitique qu'ils n'avaient pas au 20ème siècle. Avec une nuance importante : les gisements de nouvelle huile seront-ils  capables d'envisager des plans de production de long terme ? Concrètement, le poids nouveau des USA sera-il durable?

 

 

[1] Flash économie du 2 février 2016, N° 107.

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29 janvier 2016 5 29 /01 /janvier /2016 11:12

Les conclusions des parties 1 et  2  de notre article montraient que la souveraineté empêchait l'émergence d'une dette incontrôlée et qu'à l'inverse c'était la perte de souverainté qui était porteuse de dette non maitrisable. Plus simplement, ce n'est pas la dette qui fixe les limites de la souverainete, mais la souveraineté qui fixe les limites de la dette.

De ce point de vue les "quantitative easing" entretiennent beaucoup de confusions et  ne permettent pas d'en finir avec la nouvelle loi d'airain de la monnaie.

Les QE classiques: ou le cataplasme sur une jambe de bois.

En première approximation on pourrait penser que les QE sont un contournement astucieux pour anéantir la nouvelle loi d’airain de la monnaie. En effet, l’achat massif de titres publics permet de maintenir les cours de la dette publique et donc les taux. C’est ainsi que certaines émissions de dette souveraine se font aujourd’hui à taux nul voir négatif. Une telle réalité signifie que les créanciers louent de fait un « service de coffre-fort » dans un monde incertain et que les souverains s’approvisionnent -comme au beau milieu du siècle passé-  à prix nul.

Mieux, le QE semble déguiser le « souverain comprador » en lui prêtant les vieux habits de l'antique  souverain créancier détenteur de mines métalliques et « d’ateliers des monnaies ». C’est ainsi que la FED est devenue, depuis la fin de l’année 2008, un gigantesque fonds d’investissements venu grossir de 4000 milliards de dollars le bilan de la Banque centrale et, qu’à ce titre, elle a engrangé au profit du Trésor 536 milliards de dollars…. De quoi, comme au bon vieux temps, nourrir des investissements fédéraux[1]…. Et si cette réalité devait s’épanouir, imaginons avec quelle aisance le parc électronucléaire d’EDF pourrait être reconstitué, alors que cette perspective est aujourd’hui, dans un monde financiarisé, complètement impossible… et pose un énorme problème pour l’avenir[2]…..

La réalité est bien sur  différente. Les QE ne sont que les béquilles d’une dette qui continue de croitre. S’agissant de la BCE les objectifs de lutte contre la déflation et de soutien à la croissance ne sont pas atteints. Il y a même aggravation. Le QE de la BCE ne semble pas non plus développer des effets de richesses sur les cours boursiers et l’immobilier. Le taux de change abaissé par le QE n’a pas non plus – probablement en raison d’une élasticité faible - entrainé un fort développement des exportations

 Par ailleurs l’analyse fine de l’évolution de la masse monétaire et de ses composantes permet de constater plusieurs phénomènes :

- La vitesse de circulation de la monnaie diminue et traduit le peu d’attrait pour la consommation et l’investissement.

- Les réserves excédentaires des banques devenues considérables avec le QE restent très largement de la monnaie centrale malgré la taxation des réserves par la BCE. C’est dire que le QE ne débouche pas sur les investissements recherchés. C’est dire aussi que la création monétaire par les  banques reste – quoiqu’il arrive -  un phénomène endogène reposant sur la demande de crédit. Ainsi le QE se heurte au mur de la demande, d’où le maintien des réserves excédentaires.

- Les taux de l’intérêt proposés par les banques ne suivent pas les taux directeurs de la banque centrale en raison de la mauvaise santé du système bancaire : les « Non  performing loans » représentent encore en 2014 9% de PIB de l’euro zone ….et parait-il 200 milliards de dollars pour les seules banques italiennes[3]….banques qu’il faut aujourd’hui sauver avec de nouvelles dettes publiques…

Au-delà, la conjonction des QI fait qu’aujourd’hui les liquidités émises, représentant 30% du PIB mondial[4], sont à la recherche de rendements que les banques centrales ont muselé. D’où des déplacements considérables de capitaux déstabilisants pour l’ensemble des taux de change, avec aujourd’hui des effets inquiétants sur la dette des pays émergents, laquelle a été multipliée par 10 depuis 2009 sous l’impact de la conjonction mondiale des QE. D’où aussi la recherche de « high yields » enfermés dans des marchés étroits, donc soumis à l’illiquidité potentielle[5]. D’où des produits de couverture – tel le « fixed income »- de plus en plus importants et de plus en plus couteux. D’où aussi des montages incorporant des leviers de plus en  plus risqués.

Cet ensemble de circonstances crée finalement un environnement peu propice à l’investissement réel des entreprises lesquelles ne souhaitent pas prendre de décisions de long terme dans un environnement de plus en plus instable... et un environnement... de fait provoqué par la banque centrale....

Au final les  QE, tels qu’ils sont jusqu’ici conçus, ne sont pas l’instrument miracle permettant la stabilisation du monde. Ils ne font qu’engendrer des bulles et une volatilité généralisée des cours boursiers, indices et taux de change.

Le QE réel ou « helicopter money»: autre cataplasme sur une jambe de bois

La solution consisterait à passer par un QE finançant directement l’économie réelle : donner aux gouvernements, aux entreprises, aux ménages. Cette solution[6] n’est pour autant pas réaliste et ce à plusieurs titres :

- En premier lieu, s’agissant des Etats, cela reviendrait à l’achat de titres sur le marché primaire de la dette ce qui est interdit par les traités. On peut d’ailleurs observer l’opposition des autorités allemandes qui voient dans l’actuel QE de la BCE, une tentative de mutualisation de la dette publique et donc de « fédéralisme souterrain » métamorphosant les dettes publiques secondaires en « eurobonds ». Il est donc clair que l’Allemagne interdira avec radicalité tout QE finançant directement les Etats.

- En second lieu le déséquilibre externe des pays de l’Europe du sud n’est pas corrigé. Il aurait même tendance, au moins dans un premier temps à s’accroitre avec l’augmentation de la demande globale. Sans l’arme du taux de change permettant de reconstituer une aire de production dans le sud, le QE réel renforcera le décalage entre la production locale et l’absorption correspondante…et donc le tant décrié positionnement « club-med » des pays correspondants… Historiquement, il serait important de se rappeler que le plan Marshall de l’après seconde guerre mondiale  ne fut une réussite que par le biais d’un taux de change parfaitement maitrisé et ajustable.[7]

Le « vrai » QE : celui du souverain décidé d’en finir avec la dette.

Il passe par le retour des banques centrales nationales dans le giron des souverainetés.

La fin de l’indépendance de la Banque centrale est d’abord un geste refondateur qui détruit l’Etat de Droit en vigueur - celui des traités validés par le parlement-  par une décision. Le souverain est celui qui nie un ordre –ici  le chaos de la crise- pour  redéfinir un autre ordre public[8].

Cet autre ordre défini par un acte  souverain doit changer la grille de lecture des faits et permettre de contester, le plus simplement du monde, des affirmations erronées que l’on enseigne dans les universités et que tout le monde accepte encore dans l’ordre épistémologique dominant :

- Il est possible d’émettre de la monnaie sans achat d’actifs,

- une banque centrale n’a pas besoin de fonds propres,

-  l’idée de fonds propres négatifs n’a aucun sens,

- le passif d’une banque centrale n’est pas exigible,

- la nécessaire recapitalisation d’une banque centrale n’existe que dans la tête des ordo-libéraux allemands,

- il n’existe un marché surveillé de la dette publique que dans un ordre institutionnel qui a bien voulu le créer de toutes pièces et en faire un théâtre de gesticulations sans fins,

- il n’est pas nécessaire de disposer d’une Agence France Trésor,

- etc.

La redéfinition souveraine de l’ordre monétaire peut mettre fin à nombre de captures de l’Etat, que la démocratie dans sa phase entropique, avait laissé s’épanouir. De nombreux textes de ce blog ont déjà esquissé l’acte de refondation monétaire, citons en seulement quelque éléments :

- D’abord le retour à la verticalité avec la monnaie pleine et le monopole de la création monétaire par une banque centrale devenue obéissante.

- Mais un retour ne rétablissant pas le faux monnayage du tyran de naguère. Le rétablissement de la souveraineté doit s’accompagner d’une authentique démocratie avec une fin de capture des outils de la contrainte publique par un entrepreneuriat politique comprador professionnalisé.[9]

- La vente aux enchères de monnaie nouvellement créée par la banque centrale et le profit correspondant ( taux de l’intérêt) versé sur le compte du Trésor à la banque centrale.

- Un système bancaire qui peut être complètement privé et libre, mais divisé en 3 groupes selon le modèle proposé naguère par Maurice Allais.

- Une limitation drastique des activités de casino, ne laissant y entrer que les acteurs économiques réels,

-etc.

Bien évidemment, il y aura à gérer les soubresauts de l’ordre détruit.

                                                                          (A suivre)

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

[1] Cf Le Monde du 13 janvier 2016.

[2] Pour le seul renouvellement du parc les besoins se montent à 55 milliards d’euros.

[3] Cf  « Le Monde » du 22 janvier 2016.

[4] Elles ne représentaient que 9% du PIB mondial à la fin des années 90

[5] Sur ces questions on pourra se reporter au dernier ouvrage de Patrick Artus et Marie Paule Viard : « La folie des Banques centrales », Fayard, 2016.

[6] Il s’agit d’une solution proposée par le N° 88 (27 janvier 2016) de « Flasheconatixis » : « Faire mieux avec la politique de la zone euro que le QE »

[7] Sur ce point on pourra aussi se rapprocher de l’article publié le 30 juillet 2015 concernant la Grèce :

http://www.lacrisedesannees2010.com/2015/07/le-monstre-euro-explique-aux-citoyens-qui-veulent-comprendre.html

[8] On est ici renvoyé à Carl Schmitt dans son ouvrage : « Théologie politique » Gallimard, 1988.

[9] On aura des précisions sur ce point en revenant sur l’article : http://www.lacrisedesannees2010.com/preview/650bbb2e8c8beb96c173a6b8baa1e56826cbfe7d

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26 janvier 2016 2 26 /01 /janvier /2016 10:44

Le journal « Le Monde » s’est saisi du prochain référendum Suisse portant sur l’interdiction de la création monétaire par les banques. A cet égard il a publié 2 articles contradictoires le 16 janvier dernier , l’un de Jean- François Ponsot (opposé à cette idée que l’on appelle parfois « monnaie pleine »), l’autre de Christian Gomez qui lui y est favorable.

Ce débat est pour le blog l’occasion de republier le projet de ce que nous pensons être une authentique réforme monétaire et financière.

Résumé: La monnaie fonctionne dans une structure de réseau et se trouve être, en sa qualité de créatrice d'un ordre social, un bien public fondamental. Son double caractère d'instrument de circulation et de réserve de valeur, généralement associé à sa privatisation en font un produit très fragile dans le cadre de la présente mondialisation. Il convient de reconstruire le système monétaire et financier autour des idées de Maurice Allais. Le présent texte propose de renationaliser la monnaie, de mettre fin au « casino financier » et en examine les conséquences macro-sociales en termes de gagnants et de perdants.

Les lecteurs habituels du Blog peuvent directement passer à la section 2 de l'article: "La refondation du réseau monétaire" et commencer la lecture au paragraphe: "l'Etat comme monopoleur de la création et de la vente de monnaie".

 

On sait qu'historiquement la monnaie est d'abord l'instrument du politique : un pouvoir qui impose les signes dans lesquels les sujets devront solder leur position d'éternels endettés vis à vis du prince.Rapidement pouvoir politique et pouvoir économique coopérent dans le système de la monnaie frappée. Un système qui va bientôt devenir un réseau enraciné dans un territoire.

1 ) La monnaie : une structure de réseau bien problématique

La monnaie est l’équivalent d’une infrastructure, telle un réseau ferroviaire assurant la circulation des personnes et des biens, ou un réseau électrique assurant la circulation des kilowattheures.

Les particularités du réseau monétaire parmi les réseaux en général

L’industrie bancaire assure la circulation des marchandises en assurant la circulation de la monnaie entre ces ports que sont des comptes abrités dans des banques. Les banques, sont comme la SNCF ou EDF d’avant la libéralisation, et il est impossible de séparer le réseau de ses véhicules : le paiement, largement électronique, est à la fois réseau et véhicule. Comme la SNCF où il apparaissait impensable, avant la libéralisation, de séparer le réseau ferré du matériel roulant.

Mais il est des différences : le réseau bancaire n’est pas monolithique et se trouve peuplé de banques en concurrence. Qui plus est, cette concurrence peut entrainer des modifications de parts de marché entre les ports. Ce qui n’était pas le cas du chemin de fer ou des compagnies d’électricité d’avant les nationalisations de 1945 : les acteurs restaient des monopoles sur les parts de réseau qu’ils contrôlaient. Le caractère non monolithique du réseau bancaire est peu gênant pour la circulation de la monnaie. Outre qu’il existe une norme monétaire commune au dessus de chaque monnaie de banque (une unité de compte), il existe un marché monétaire assurant la cohérence continue du réseau : la monnaie Société Générale se transforme en tous points de l’espace couvert par le réseau, en monnaie BNP , en monnaie Crédit Agricole, etc.

Une autre différence est le fait que la monnaie comme infrastructure de type réseau, est propriété d’agents nombreux et divers, qui peuvent agir sur lui, en le rendant plus ou moins actif. Derrière cette idée, il y a la plus ou moins grande vitesse de circulation de la monnaie, voire son blocage éventuel. Et cette dernière circonstance  résulte du fait que la monnaie n’est pas seulement infrastructure de la circulation : elle est aussi instrument de l’accumulation. Les économistes diront qu’elle n’est pas qu’instrument de paiement, mais aussi réserve de valeur. Les conséquences en sont considérables. Cela revient à dire – en poursuivant la comparaison avec la SNCF ou EDF- que par exemple des trains s’accumulent dans des gares. Et la comparaison est intéressante, car dans l’un et l’autre cas les marchandises cessent de circuler. Et c’est précisément parce que la monnaie est elle-même marchandise (instrument de stockage de richesse) plus ou moins convoitée qu’elle peut gêner/ faciliter la circulation de toutes les autres marchandises : l’infrastructure réseau est plus ou moins stable.

Et parce que marchandise, elle peut être fabriquée comme toutes les autres marchandises. En se désaliénant de la « contrainte métallique » les hommes ont, en la matière, généré des gains de productivité infinis : le coût de fabrication de la monnaie est proche de zéro, et pour les banques centrales, et pour les banques privées, qui depuis un grand nombre d’années se partagent le monopole de la création monétaire. De fait, il s’agit d’un coût marginal, puisque bien des coûts fixes demeurent, spécificité qui rappelle là aussi ces « monopoles naturels » que sont les réseaux classiques.

Le réseau monétaire est un bien public créateur d’ordre social

 Les actuels réseaux monétaires – ce qu’on appelle le système monétaire et financier - sont le résultat de la construction historique de ce qui est devenu un bien public majeur, et bien public sans lequel les sociétés modernes connaitraient un retour à l’état de nature… avec la vitesse de l’éclair. Beaucoup de services publics pourraient disparaître sans radicalement disloquer une société. Ainsi la disparition du réseau ferré, voire même la disparition du réseau électrique, entrainerait certes des difficultés majeures avec nombre de régressions. Toutefois, ces dernières développeraient davantage d’espaces de solidarité, que du face à face brutal entre individus, lequel serait engendré par la nécessité de survivre. En revanche, un effondrement monétaire serait autrement redoutable et développerait en quelques instants – probablement moins d’une journée- la guerre de tous contre tous. Tout ceci pour dire que la monnaie dispose d’une structure de réseau , qui en fait le premier des biens publics, et probablement la clé de voûte de la société. Elle est ce qui fonde « l’ordre » et empêche « la panique », c'est à dire la disparition de tout ordre social.

Curieusement, ce bien public majeur, est aussi le bien public le plus fragile en raison du caractère réserve de valeur de la monnaie. Le double caractère de la monnaie se remarque dans le double caractère des banques : « commercial » et « affaire ». Parce que la monnaie est à la fois, moyen de paiement et réserve de valeur, le réseau peut être parcouru de disfonctionnement et de ruptures .

Double caractère de la monnaie et fragilité du réseau

Les risques inhérents à la volonté accumulatrice autorisée par la fonction réserve de valeur, peuvent entrainer des phénomènes spéculatifs, avec alternance de confiance et de méfiance, débouchant sur de possibles ruptures du réseau, par exemple la disparition de la liquidité sur les marchés monétaires. La même volonté accumulatrice peut aussi développer des bulles sur n’importe quel bien évaluable en monnaie. Et cette même volonté, cherchera le plus naturellement du monde, à élargir l’espace du jeu en interconnectant les monnaies (elles deviennent toutes librement convertibles) ; en développant des marchés à terme sur tous les biens de l’économie réelle, et ce si possible à l’échelle de la planète ; en autorisant la liberté de circulation des capitaux ; etc. Autant d’élargissements de l’espace du jeu engendrant un « gigantisme de réseau » exposé à toutes les contagions possibles.

De ce point de vue, la mondialisation correspond à un processus d’interconnexion et d’unification des réseaux monétaires. Jusqu’ici l’interconnexion existait sous le contrôle de « douaniers » situés à la périphérie de chaque réseau national, et « douaniers » corrigeant ou veillant aux externalités engendrées par la dite interconnexion. Tels des fusibles sur des réseaux électriques, chargés de bloquer la contamination de surtensions apparues en tel ou tel point du système. De ce point de vue , l’unification mondialiste, est utopique en ce sens qu’elle correspond à la volonté de construire un réseau gigantesque dépourvu de fusibles. Tel un immeuble dont le ravitaillement électrique ne serait pas composé de sous- réseaux (des "lignes") séparés par des fusibles de protection.

Mais parce que l’interconnexion jusqu’à l’unification, sans défenses immunitaires (sans fusibles), porte au plus haut niveau d’intérêt la deuxième fonction de la monnaie (réserve de valeur), les bulles spéculatives et leurs outils ( leviers démesurés, produits synthétiques, outils électroniques de trading, etc.) développent sans limites le fonctionnement entropique du système en voie d’unification. Très simplement, le réseau conçu pour faire circuler des marchandises réelles, fait surtout circuler des paris financiers. Incapable de lutter contre sa propre entropie – à l’inverse des êtres vivants – le réseau monétaire et financier mondial risque son auto destruction.

Parce que premier des biens publics de toute communauté moderne, et en même tant bien public devenu historiquement dépourvu de défenses immunitaires en raison de la dualité monétaire (moyen de paiement/ réserve de valeur), il convient de procéder à un toilettage complet de l’architecture du système monétaire et financier.

De fait, il s'agit de procéder à une refondation, dont la nature de la monnaie, nous fait déjà imaginer qu'elle porterait aussi une dimension politique majeure.

2 ) La refondation du réseau monétaire

Le premier acte d’une refonte réelle doit être la fin du marché de la dette publique en rétablissant l’autorité monétaire. Cela suppose le rétablissement des droits de propriété de l’Etat sur la banque centrale, une institution à laquelle il va confier un strict monopole de l’émission monétaire au seul profit du Trésor. Le volume de l’émission est politiquement décidé et ce dans le cadre d’un objectif de stabilité monétaire lui-même évalué et contrôlé par des institutions elles mêmes démocratiquement construites.

Condition nécessaire : la fin de la privatisation du politique.

Un tel acte refondateur ne peut évidemment fonctionner sans une refondation complète du fonctionnement des marchés politiques. Il ne faudrait pas, que le bien public monétaire, ne fasse l’objet que d’un simple transfert de son appropriation privée, et on ne voit pas en quoi, les fins privées des entrepreneurs politiques (reconduction au pouvoir ou conquête du pouvoir) seraient d’une nature supérieure, aux fins privées des banquiers et de leurs actionnaires (profit) qui jusqu’ici ont accaparé le bien public en en contrôlant l’émission. Le changement de propriétaire n’est pas une garantie de meilleur exercice de la propriété, une propriété fort particulière puisqu’elle reste un droit sur un bien public.

La refonte réelle de la finance suppose – au préalable - une véritable mutation de l’ordre politique. Puisque l’essence du politique est l’appropriation de ce qui surplombe toute communauté humaine –ce que l’on désignait aussi par le terme « d’extériorité» dans d’autres publications - il convient de mettre en place des institutions freinant la tendance universelle, à ce que le politique ne soit que l’utilisation à des fins privées, de ce qui est commun à tous. Sans doute la puissance publique ne peut elle être détenue que par des hommes dont la tendance indépassable est la recherche de la satisfaction privée (le pouvoir comme moyen et comme fin), mais il est probablement possible de diminuer les effets négatifs de cette permanente et universelle spécificité humaine. Dans l’Etat parvenu à son stade démocratique, la solution consiste à interdire, constitutionnellement, la professionnalisation de l’entrepreneuriat politique par interdiction du renouvellement des mandats, mandats eux-mêmes pouvant au moins partiellement être engendrés par des procédures non électives, par exemple le tirage au sort. Cette réforme constitutionnelle, est la première pierre de la réforme monétaire, si l’on veut minorer les errements d’un Etat laxiste, avec des entrepreneurs politiques gérant davantage une carrière privée, bénéficiant par ailleurs des largesses de la planche à billets.

Pour être complet, ce changement de titulaire de la fonction « production de monnaie » doit être strict : il suppose l’interdit radical de la création monétaire par les banques, lesquelles ne pourront prêter , que sur la base de fonds qu’elles auront empruntés, ou mis à leur disposition par des agents privés et l’Etat lui-même. Tout décalage constaté, entre capitaux reçus et capitaux distribués après transformation, devenant activité de faux monnayeur, et à ce titre pénalement sanctionnée. Il en est de même pour la banque centrale, qui dans le cadre de ses interventions auprès des banques, ne peut se livrer à des opérations de « quantitative easing », ce qui signifie que les liquidités mises à disposition sont intégralement remboursables.

L’Etat comme monopoleur de création et de vente de monnaie

La production monétaire se fait ainsi au seul bénéfice du compte du Trésor à la banque centrale. Son coût est nul puisque le prix de revient de la dite production est nul. Cet abondement de ressources - sur ordre donné au gouverneur par l’exécutif- est fléché, et ne peut entrer dans la masse des recettes publiques. Les ressources ainsi mises à la disposition du Trésor par la banque centrale, permettent d’une part, d’assurer un investissement public démocratiquement contrôlé ; elles permettent d’autre part, d’abonder- selon une procédure que l’on examinera plus loin- le compte des banques qui y verront la matière première des investissements privés qu’elles souhaitent financer. Une part de production de monnaie, est affectée à la nécessaire croissance monétaire, résultant de la croissance du volume des échanges impulsés par la croissance économique elle-même. Ce volume de monnaie supplémentaire est démocratiquement décidé et contrôlé.

L’investissement public n’est pas nécessairement financé en totalité par la production monétaire : il peut aussi l’être par une épargne construite sur un excédent primaire. Si le financement de l’investissement public se fait à taux nul, il n’en va pas de même pour l’investissement privé financé par les banques, à partir de la production de monnaie mise à leur disposition par l’Etat. Outre que l’Etat met à leur disposition une ressource payante - l’Etat est payé, sous la forme d’un taux d’intérêt, pour la monnaie mise à disposition - les banques doivent aussi couvrir leurs charges de gestion et disposer d’une prime de risques.

Dans le cas où le budget primaire est déficitaire, il est constitutionnellement interdit à l’Etat d’utiliser les ressources qu’il s’est octroyé sur la banque centrale. La nomenclature et le classement des dépenses est revue et corrigée, certaines d’entre elles, dites de fonctionnement, étant de fait des dépenses d’investissement. Travail peu aisé, il est pourtant économiquement essentiel, et doit être démocratiquement contrôlé. L’interdit d’une couverture d’un déséquilibre du budget de fonctionnement, tel que précédemment redéfini, par la production de monnaie, suppose par conséquent le recours à un endettement. Ce dernier doit disposer d’un statut d’exceptionnalité et se doit n’être consenti que sur la seule base d’une majorité parlementaire qualifiée. Disposition marquant la volonté de mettre fin aux facilités de l’endettement.

Une telle mutation financière réintroduit déjà une disparition progressive de la notion de « service de la dette », et se trouve à terme profitable pour l’Etat, qui n’a plus à payer la rareté monétaire mais au contraire à la vendre. Avec toutes les conséquences en termes de baisse possible de la pression fiscale qu’on peut en déduire, mais aussi la fin relative de la situation rentière des banques, dont l’appropriation de la production monétaire était illégitime : elles n’avaient pas le droit de privatiser un bien public qui, par ailleurs , n’a jamais été mis en vente.

Le Montant de production de monnaie, est un acte politique gravant dans la réalité, une part du potentiel de croissance du pays. L’investissement macroéconomique, est ainsi partagé entre investissements publics et investissements privés. L’investissement privé, est la somme de la production de monnaie distribuée aux banques, et des possibilités offertes par l’épargne privée. Le total de l’investissement global est régulé – notamment par le poids de la production de monnaie et l’investissement public- de telle sorte que la croissance réelle puisse être peu éloignée de la croissance potentielle.

Les parts de production de monnaie affectées à l’investissement public et à l’investissement privé, relèvent de choix politiques démocratiques. S’agissant de la production de monnaie affectée aux banques, la répartition entre les divers établissements demandeurs s’opère selon un processus classique d’enchères. Il s’établit par conséquent, un prix de marché des ressources monétaires nouvelles captées par les banques. Ce prix de marché entre en concurrence avec les prix qui se forment sur l’épargne privée des agents. L’Etat étant un fournisseur important de ressources monétaires, il est clair que son rôle dans la fixation générale de l’ensemble des taux de l’intérêt est fondamental.

La grande transformation des réseaux bancaires

Selon la vision de Maurice Allais, le réseau bancaire est redécoupé en « banques des échanges monétaires » (BEM), « banques de crédits » et « banques d’affaires ». Un même établissement peut assurer les trois fonctions correspondantes. Il doit cependant apporter la preuve périodique d’une stricte séparation des fonctions.

1 Les BEM constituent le réseau monétaire que nous qualifions de bien public majeur dans l’introduction au présent texte. A l’intérieur de ce réseau, les banques sont en concurrence pour assurer un service public de base : celui de la bonne exécution des échanges de biens et de services initiés par tous les agents économiques. Le marché monétaire classique assure les échanges interbancaires, et la banque centrale y intervient en qualité de régulatrice générale du réseau. Véritables délégataires d’une mission de service public dépourvue de tout risque financier, le cout de fonctionnement du réseau des BEM est assuré sur la base d’un contrat, démocratiquement contrôlé, entre l’Etat ou la banque centrale et les BEM.

Le nomadisme des dirigeants entre sphère publique et sphère des BEM est juridiquement interdit. Les BEM ne rémunèrent pas les dépôts et ne se livrent à aucune opération de crédit.

Les BEM ne participent pas aux procédures d’enchères portant sur l’acquisition de monnaie vendue par le couple Banque centrale/ Trésor. Elles reçoivent par contre gratuitement, la quantité de monnaie supplémentaire prévue par les nécessités de la croissance économique ( motif de circulation du PIB).

2 Les banques de crédits reçoivent l’épargne des agents privés, et assurent la transformation de cette dernière en prêts classiques : simple découvert, crédit à la consommation, à l’équipement, crédit hypothécaire, etc.

La titrisation des créances est juridiquement interdite.

Le roulement de l’épargne de court terme en prêts à plus long terme, s’effectue selon des règles de prudence et de transparence, établies par les régulateurs situés sous l’autorité de l’Etat ou de la banque centrale.

Il est mis fin à « l’indépendance » des régulateurs par rapport à l’Etat ou la banque centrale. Le nomadisme des dirigeants entre banques de crédit et régulateurs est juridiquement interdit.

Les banques de crédit ont accès à la production de monnaie , et la banque centrale abonde le compte de chacune d’entre elles en fonction du résultat de la procédure d’enchères menée par le Trésor. L’agence de commercialisation de la dette – « Agence France Trésor » pour ce qui concerne la France - est démantelée, puis reconvertie en « agence publique de vente de monnaie au système bancaire ».

Les banques de crédit doivent apporter à tout moment la preuve qu’aucune création monétaire ne s’établit dans le cadre de leurs activités.

La rémunération des banques s’effectue au travers de la différence entre intérêts payés et intérêts reçus.

Le total du bilan d’une banque de crédit ne peut dépasser le dixième du PIB du pays d’accueil.

3 Les banques d’affaires sont spécialisées dans tous les services non assurés par les deux premières catégories de banques : opérations de haut de bilan, corporate finance, émission de titres, introduction en bourse, augmentation de capital, financement syndiqué. Mais aussi tous les services de spéculation et de couvertures sur taux de change et taux d’intérêt, marché des commodities, produits dérivés etc. Mais également produits d’épargne et assurantiels au profit des ménages : fonds d’épargne, épargne retraite, assurance vie, etc.

Les banques d’affaires entrent en compétition avec les banques de crédits dans l’accès à la ressource monétaire vendue par le couple banque centrale / Trésor. Les ressources ainsi achetées sont investies dans l’économie réelle, et toute utilisation dans le cadre d’une activité spéculative est pénalement sanctionnée.

Dispositions annexes et non limitatives concernant la finance

 Les régulateurs, sous l’autorité des pouvoirs publics, veillent à la limitation drastique de la financiarisation des grandes activités. En particulier les activités de trading sont réservées aux acteurs de l’économie réelle.

L’introduction sur un marché, de spéculateurs extérieurs à l’économie réelle, est une exception autorisée par le régulateur, après constatation d’un disfonctionnement de sous- liquidité.

Le nomadisme des dirigeants entre banques d’affaires et régulateurs est juridiquement interdit.

L’un des principes fondamentaux est que les « échanges papiers » ne deviennent pas  plus importants que les échanges réels. A ce titre les directives sur marchés d’instruments financiers sont considérablement durcies : limitation considérable des opérations de gré à gré par autorisation au cas par cas du régulateur, quasi interdiction de la vente à découvert , ratios contraignants sur les ordres non exécutés en trading informatisé, etc.

De façon plus générale, l’introduction d’une taxe sur les activités de Trading renforce le rétrécissement de la « boursouflure », avec probable mise en liquidation de nombre d’entreprises devenues Casinos au cours des 20 ou 30 dernières années.

L’activité sur CDS est strictement encadrée, et les positions dites « nues » strictement interdites, cela signifie que les clauses type « opt out » imaginées par les autorités européennes sur les dettes souveraines ne sont plus tolérées.

Les CDS sur dettes souveraines, deviennent eux-mêmes sans objet avec la fin du marché de la dette publique : ils disparaissent.

Les activités hors marché , à l’instar des « dark pool » voient leur encadrement renforcé. A l’inverse, la présence de chambres de compensations devient la règle universelle.

Les banques d’affaires ne peuvent se livrer à des activités spéculatives sur comptes propres. Elles cessent tout lien et liquident leurs établissements situés dans les espaces d’optimisation fiscale.

Le total du bilan d’une banque d’affaires ne peut dépasser le vingtième du PIB du pays d’accueil .

Conséquences macro sociales

Cette réforme n’a rien de technique, et se trouve fondamentalement politique : des groupes sociaux vont perdre, et d’autres vont gagner. Et cette nouvelle donne sociale repose toute entière sur la captation/production de monnaie.

Les producteurs et les décideurs ne sont plus les mêmes : ce n’est plus le système bancaire qui vend la monnaie, mais l’Etat. Renversement qui correspond à un bouleversement global de l’ensemble de la société. Sans toutefois la remettre dans son état antérieur à la loi du 3 janvier 1973 en France, et aux lois correspondantes dans nombre d’autres pays (34 banques centrales vont adopter une législation semblable entre 1990 et 2001). C’est que la situation antérieure, correspondait aussi à des marchés politiques, où partout la professionnalisation du politique était la règle avec les biais correspondants. Cela pouvait signifier parfois « la planche à billets » que le dispositif proposé récuse. Il n’y a donc pas de retour en arrière, mais un monde autorisant les investissements publics massifs de naguère, tout en améliorant aujourd’hui une gestion budgétaire plus responsable et plus équilibrée.

Parmi les groupes sociaux gagnants, il faut compter :

1. Les salariés qui ne peuvent que bénéficier d’un retour du développement, lui -même autorisé par le caractère massif de l’investissement public et de la mobilisation des facteurs de la production qui va lui correspondre. Le renversement du contrôle de la monnaie rétablit le long terme, les projets, et la fin de la dictature d’un futur qui s’écrase sur le présent, en raison de la disparition des investissements publics, voire de l’investissement privé lui-même.

2.  les entrepreneurs de l’économie réelle qui vont bénéficier des externalités nouvelles produites par le nouvel Etat investisseur et « réducteur d’incertitudes ».

3.  les citoyens censés ne plus payer la rente au système financier, et au contraire à récupérer la rente inverse que le système financier devra à l’Etat. Ce qui signifie de nouvelles marges de négociations entre citoyens et les nouveaux gestionnaires - les nouveaux politiques - des outils de la contrainte publique.

Parmi les groupes sociaux perdants, il faut compter :

1.  les entrepreneurs politiques amenés à ne plus pouvoir investir dans une carrière de long terme et à ne plus pouvoir orienter la nature des produits politiques qu’ils vendent vers cette éternelle finalité : reconduction au pouvoir ou conquête du pouvoir. Finalité, grande cause de nombre de déficits publics.

2.  Les entrepreneurs de l’économie financière et de l’économie casino, la dette publique n’étant plus la mère nourricière et le point d’appui de la créativité financière . Cela signifie une cure drastique développant l’amaigrissement des bilans, et la fin des miracles financiers et des rémunérations sans causes. La fin du capital fictif diraient Marx ou Hayek.

3. Les épargnants et usagers de l’économie casino. Les premiers, sans redevenir victimes de la répression financière du 20ème siècle, devront se contenter de produits d’épargne beaucoup plus rustiques, et d’une rentabilité plafonnée par la croissance de l’économie réelle. Les seconds, en raison de l’étroitesse nouvelle des terrains de jeux financiers, et de leur extrême surveillance, par des autorités et régulateurs nouveaux et démocratiquement contrôlés , constateront qu’il n’est plus possible de vivre en état d’apesanteur, et feront le douloureux apprentissage de la pratique de l’économie réelle, où valeur ajoutée n’est plus confondue avec « accroissement de la valeur » .

La grande refondation proposée, n’a rien de mécanique, et les sociétés humaines ne sont pas des machines. Ce qui signifie que des réactions suivront la brutale redistribution des positions sur l’échiquier social. En particulier il faut imaginer la fuite, vers d’autres terrains de jeu, des nouveaux perdants, à la recherche d’espaces moins contraignants. D’où la question de l’international qu’il faut impérativement étudier pour rebâtir la souveraineté.

 

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22 janvier 2016 5 22 /01 /janvier /2016 14:49

L’outil pivot de tout Etat non comprador : la monnaie.

La monnaie est historiquement une affaire de « Demos » et d’Etat.

La première capture du détenteur du pouvoir étatique est d’abord celle de son peuple qui devient « endetté » vis-à-vis du prince. Et ce dernier se doit d’être souverain afin d’obtenir un vrai monopole, c’est-à-dire un pouvoir incontestable aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur d’un espace délimité par ce qui deviendra des frontières.

Rapidement, au-delà des formes les plus brutales de l’exploitation des « endettés » le prince choisit une forme de règlement de la dette : un objet appelé  « monnaie » dont les caractéristiques sont fixées par le prince et  la première fonction  le paiement de l’impôt (dette envers le prince). C’est le prince qui fixe la forme dans laquelle se paie l’impôt, c’est donc lui qui fixe la monnaie de paiement, une monnaie de paiement qui pour lui doit être la liquidité la plus absolue

La concurrence, notamment guerrière, entre Etats en formation aboutit à la naissance d’une substance universelle porteuse de la liquidité la plus absolue : le métal précieux support des monnaies étatiques. Réserve de valeur, la monnaie est thésaurisable et, en conséquence, soumise au phénomène de rareté et donc de lutte pour son accès.

La monnaie complétement publique et complètement politique devient « équivalent général » et réserve de valeur. Elle peut  donc servir à la circulation et à la construction des richesses privées. Conçue dans la « verticalité » (la violence du pouvoir) elle devient aussi un outil de « l’horizontalité » (un objet facilitant les échanges et la prospérité marchande).

La rareté et la lutte pour son accès facilitent - plus de dix siècles après sa naissance- les premières formes d’émission de monnaie reposant sur des paris bancaires : la monnaie fiduciaire. C’est aussi les premières formes de privatisation classique de la monnaie. Le prince émet de la monnaie (atelier des monnaies) et en fixe les caractéristiques (dénomination, cours légal,). A ce titre il manipule cet objet de puissance selon son intérêt.  Parallèlement les banquiers s’appuient sur cette monnaie pour en émettre à titre privé. La souveraineté s’engage vers des formes de  délitement et si le prince accepte l’émission monétaire privée (sans délégation de puissance publique) c’est que créancier de son peuple, il devient en raison du coût des guerres, débiteur vis-à-vis des banquiers. En acceptant la planche à billets des banquiers privés, il espère que cette liquidité reviendra vers lui sous la forme d’achat de dette publique, un phénomène qui est le témoignage  de son affaissement progressif, et un affaissement qui résulte le  plus souvent de la guerre entre princes.

Au final la monnaie est d’abord un outil  permettant de consolider la capture de l’Etat par le prince. Elle est donc d’essence politique. Parce que cet outil n’est pas totalement maitrisable ( le prince souverain  dans son propre espace est en concurrence avec d’autres souverains, et la fonction réserve de valeur engendre la pénurie monétaire) on assistera à des phénomènes de captures secondaires, celles des banquiers qui viendront ébranler la puissance du prince par des taux d’intérêt sur la dette publique. Un taux d’intérêt devenant le marqueur du délitement de la souveraineté.

Loi d’airain de la monnaie et dette

Parce que la monnaie n’a rien d’une marchandise classique, sa privatisation  se heurte au problème de la convertibilité  de toutes les monnaies privées entre-elles. Il faut donc un acteur facilitant la compensation et la parfaite circulation monétaire. Cet acteur qui devra surplomber tous les acteurs privés sera la banque centrale. Cette dernière, privée (FED américaine) ou publique (Banque de France) est comme l’Etat : une extériorité sur laquelle s’appuie les membres d’une communauté politique. Comme historiquement la monnaie est complètement inscrite dans le champ du politique, on comprendra aisément que les banques centrales sont à l’interface entre la verticalité politique  et l’horizontalité marchande.

Emetteurs privés (banques) et émetteurs publics (monnaie légale de la banque centrale) restent dans un rapport de forces à l’intérieur d’une autre force les surplombant : le métal précieux.

La fonction réserve de valeur engendre une rareté, que les émissions monétaires privées et publiques tentent de compenser. C’est que les flux de monnaies fiduciaires émises par les banques au profit des clients privés et publics, flux eux-mêmes nourris par les émissions de la banque centrale sont de «  l’argent dette » théoriquement convertible en métal.

Cette convertibilité obligatoire relève du processus historique de construction des Etats. Elle n’est bien sûr qu’une convention sociale et rien n’interdit, on le voit aujourd’hui avec le quantitative easing, de créer de la monnaie à partir de rien….

Tant que la convention "convertibilité en métal" reste socialement une contrainte pesante, ce qu’on appelle  « loi d’airain de la monnaie », les Etats qui historiquement ont engendré l’outil monétaire comme instrument politique en deviennent les prisonniers. Théoriquement souverains, ils imposent la forme monétaire qui permettra le paiement de l’impôt, mais ils sont soumis au possible endettement. Parce que souverains ils maitrisent l’instrument de capture ultime, mais en même temps ils se soumettent à leur propre création.

Les détenteurs du pouvoir définissent totalement les règles monétaires, mais la loi d’airain de la monnaie pourra faire de ces capteurs ultimes de la puissance publique, des endettés soumis au taux de l’intérêt du marché : ce qu’on appelle la dette publique. Dans cette situation, le prince n’est pas le seul personnage utilisant les outils de la contrainte publique à des fins privées et se doit de partager la capture avec les titulaires de titres de la dette publique. Ce partage peut être très avantageux pour la finance et les épargnants et même en l’absence de toute crise nous aurons en France, à l’époque de l’étalon-or un service de la dette publique représentant jusqu’à 25%  du total du budget de l’Etat[1].

Indépendance des banques centrales, souveraineté limitée et dette publique.

On sait que la loi d’airain de la monnaie va largement disparaitre au vingtième siècle à l’issue des deux conflits mondiaux.

Parce que les nouvelles guerres sont autrement plus coûteuses que les précédentes, les banques centrales vont quasiment fusionner avec les Trésors, les deux devenant de fait une quasi « commune extériorité » amenée à gérer la monnaie. La France sera le modèle de cette nouvelle configuration. Dès lors la loi d’airain de la monnaie disparait et les Trésors vont être directement alimentés par les banques centrales. La dette publique n’est plus une marchandise en complète surveillance par les marchés, et se trouvera marginalisée. La seule question qu’il conviendra de traiter est le rythme de l’inflation relativement à celles des autres Etats. C’est dire que cette période constitue probablement un âge d’or d’une souveraineté qui n’est plus limitée que par des considérations d’ordre géopolitiques.

La fin de l’ordre monétaire de Bretton Woods fait disparaitre la maitrise des taux de change par les Etats : l’horizontalité marchande l’emporte sur la verticalité politique et les accords de la Jamaïque (1976) consacrent la généralisation des taux de change flottants. Il s’agit là d’une capture majeure d’un outil public au service de la finance : le risque d’instabilité des taux fait naitre un immense « marché de la protection » et les premières formes du casino financier.

Cette même horizontalité marchande va exiger la libre convertibilité et donc la libre circulation du capital. L’association Banque centrale/Trésor devient incompatible avec les exigences de la mondialisation. Il faut désormais dissocier et déclarer les banques centrales indépendantes avec comme premier résultat la renaissance du marché de la dette publique, terme masquant les exigences de capture des Etats par la finance. La fin du vingtième siècle renoue ainsi avec celle du dix-neuvième : la loi d’airain de la monnaie renait. Idéologiquement vécue par les libéraux comme la « fin de la répression financière » elle correspond au renouveau de la « répression des Etats ». Symétriquement cela correspond aussi à la fin de l’euthanasie des rentiers au profit de leur épanouissement, avec cette conclusion moins immédiate : les épargnants n’aiment pas la répression financière.

La construction de la monnaie unique en Europe va inscrire dans les gènes des Etats la fin de la souveraineté et le choix du seul mode marchand de la dette publique : La finance se cache derrière une Allemagne ordo-libérale qui va exiger l’interdit radical du financement des Etats par les banques centrales.

La gestion de la crise de la dette de 2008 va progressivement faire passer les Etats européens du statut « d’Etats réprimés » (captation par la finance) à celui « d’Etats à souveraineté limitée ». Désormais, un ensemble réglementaire et institutionnel, générateur d’une gigantesque bureaucratie consommatrice de grands talents, va exiger au niveau de chaque Etat, un ensemble de « réformes structurelles » dont la mise en place ne pourra être réalisée que par des entrepreneurs politiques compardor. Se maintenir au pouvoir ou conquérir le pouvoir passe désormais par un choix prioritaire : la servitude.

La mondialisation accélératrice de la dette

Nous ne pouvons pas ici revenir sur les très nombreux articles du blog qui expliquent en quoi la dette tant décriée ne peut que se gonfler pour ralentir les effets déprimants de la mondialisation. La régulation souveraine du capitalisme avec un Etat souverain keynésien chargé d’assurer l’équilibre entre offre globale et demande globale disparait. Désormais à l’échelle planétaire les salaires perdent leur double caractéristique de coût (ils sont une charge dans le compte d’exploitation) et de débouché (les salariés achètent une partie de la production et sont ainsi source d’un chiffre d’affaires). En mondialisation ils ne sont plus qu’un coût qu’il faut continuellement  surveiller pour être compétitif. Le résultat est un déficit structurel de demande globale qui ne peut être compensée que par une distribution croissante de crédits. Des sommes croissantes « d’argent dettes » sont émises par la finance pour combler un déficit de débouchés. Les revenus salariaux  ne peuvent, en raison de la mondialisation, faire face à  la masse croissante de crédits et nous retrouvons le scénario bien connu des « subprime ». Scénario américain de bulle spéculative auquel va suivre aujourd’hui sa contrepartie chinoise : les colossaux crédits pour maintenir coûte que coûte la croissance chinoise se sont transformés en « bulle industrielle » c’est-à-dire en usines aux capacités très excédentaires par rapport aux débouchés. Largement issue de la fin des souverainetés, l’immense dette planétaire laisse ses empreintes : trop de maisons, trop de chômeurs, trop d’usines….De ce point de vue la zone euro est une excellent modèle réduit de la mondialisation : trop de maisons en Espagne ou en Irlande, trop de chômeurs en France, trop d’usines en Allemagne…

Les empreintes se trouvent aussi dans les bilans bancaires, lieu de l’explosion ou de l’incendie qui fut maitrisé par la reprise des dettes devenant dettes publiques d’Etats désormais non souverains, Etats  dont les gouvernements comprador sont devenus otages de la finance.

Résumons-nous :- Lorsque l’histoire globale débouche sur la fin  de la loi d’airain de la monnaie, la souveraineté peut déboucher sur la répression financière, l’euthanasie des rentiers et des épargnants, et un contrôle étroit de la dette. La contrepartie est la stabilité économique porteuse de croissance.

                               - Lorsque maintenant l’histoire globale débouche sur le rétablissement de la loi d’airain et la financiarisation du monde, la souveraineté s’efface, laisse aux commandes publiques un personnel politico administratif comprador, rétablit l’impérium de la dette , la fin de la « répression financière, l’affermissement de la rente et possiblement de l’épargne. La contrepartie est l’instabilité économique croissante.

                                                          ( A suivre)

 


 

[1] Cf  Rapport annuel de la dépense publique 2012; Bercy.

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20 janvier 2016 3 20 /01 /janvier /2016 09:15

 

Il n’est pas question ici de revenir sur  le grand thème  de la nature de l’Etat. Nombre d'articles de ce Blog l'ont évoqué.  Disons simplement que les Etats sont des entités qui disposent d’un certain nombre de caractéristiques qui en constituent leur essence.

L’essence des Etats

1) Ils sont historiquement nés dans l’espace du sacré ou du religieux, et se sont nourris de l’idée de dette et de sacrifice.

2) Ils sont en conséquence des « extériorités » par rapport aux êtres qu’ils surplombent.

3) Ils sont un enjeu de pouvoir et sont ainsi soumis au phénomène de « capture » (utilisation de la contrainte publique à des fins privées).

4) Les formes historiques de capture définissent les rapports juridiques entre acteurs.

5) Le fonctionnement normal des Etats (logique de capture des règles émises) suppose la définition d’un lieu d’exercice (territoire borné par des frontières) et la définition du groupe de participants (peuple).

6) Le fonctionnement normal suppose  le principe général de souveraineté : hors exceptions, il ne peut y avoir de pouvoir au-dessus de l’Etat.

7) Les Etats créent des outils fondamentaux nécessaires à la validation de la souveraineté.

 Marxistes et libéraux se rejoignent dans cette présentation de ce qu’on appelle : «  l’Etat » Ces principes naturellement très abstraits doivent être revêtus de chair pour se rapprocher des réalités concrètes. Historiquement la capture brutale par un individu ou un clan peut être remplacée par des formes beaucoup plus sophistiquées où le prince se trouve au service de groupes plus ou moins complexes qui voient dans les services rendus la légitimité de son pouvoir. Le prince, où plus généralement le personnel politique peut lui-même être capturé par des forces étrangères qui capturent la souveraineté de l’Etat considéré : principe de « souveraineté limitée » dans l’ancienne URSS, bourgeoisie ou administration comprador, etc.

La souveraineté en Démocratie

Ce qu’on appelle démocratie est la forme la plus acceptable et probablement indépassable de la capture : la participation à l’orientation et à l’émission des règles du jeu social est le fait d’un très grand nombre d’individus qui se trouvent sous la coupe de l’Etat (une majorité) et cette participation est renégociée à intervalles réguliers par le biais d’une procédure élective.

En dehors des règles propres à un Etat, il  peut exister des règles issues de relations entre Etats. Certaines ont une vocation universelle (Déclaration des droits de l’homme), d’autres une vocation plus spécifique. Les formes les plus achevées de la démocratie intègrent ce champ du droit. Par exemple, quelles que soient les modalités de la capture, il est probable qu’en cas  de démocratie achevée, aucune règle interne ne pourra s’appuyer sur le renoncement aux  droits de l’homme dans la version la plus universellement acceptée. C’est dire que le « démos » intègre des règles issues d’espaces dépassant les frontières. Dans ce cas, il existe un universel ou une extériorité qui dépasse cette autre extériorité qu' est  l’Etat considéré.

D’autres, moins universelles, vont concerner ce qu’on appelle des Traités, lesquels vont modifier les rapports juridiques internes en ce qu’ils peuvent, sous certaines conditions, être  une autorité supérieure aux lois. Ils  peuvent également dans certaines circonstances entrainer une modification de la norme supérieure qu’est la Constitution d’un Etat.

Dans le cas des démocraties les plus évoluées, la notion très idéologique d’intérêt général fait reculer le principe général de capture à son niveau d’intensité la plus faible. Ce sera par exemple le cas lorsque les activités de lobbying sont particulièrement encadrées par les règles démocratiques. Par contre, la capture ne disparait jamais, et même en démocratie évoluée, la minorité peut toujours se considérer victime de la majorité.

Parmi les critères qui permettent de mesurer la consistance d’une démocratie, il y a bien sûr l’étendue du droit de vote : l’existence ou non d’un « cens » (point de vue de Sieyès) ou, selon la formule de John Rawls, le niveau plus ou moins égal de la distribution de biens premiers aux divers membres de la communauté, etc. Bien évidemment les conceptions étroites d’une participation permettent l’élévation des niveaux de captures possibles.

L’Europe ou la « souveraineté limitée »

Au-delà,  et sans doute d’une actualité très brulante, il y a la contestation ou non du résultat du vote. Non pas contestation pour non-conformité de la procédure mais tout simplement parce que des acteurs, en dehors de la communauté, se pensent en droit de mettre en cause le résultat. Très concrètement les autorités européennes ont–elles le droit de contester les résultats d’un vote démocratique en Grèce, ou aujourd’hui en Pologne,ou demain celui du référendum auc Pays-Bas?

Au niveau formel, le seul pouvoir qui serait au-dessus du suffrage populaire est celui qui s’impose à tous en raison de l’universalité d’une règle, par exemple le respect des droits de l’homme. On pourrait ainsi concevoir que tout vote démocratique ne respectant pas les droits de l’homme puisse être contesté par une instance supérieure au nom d’un principe universellement admis. Toutefois si le vote n’est en aucune façon réprimé, qu’il respecte la distribution égale de biens premiers au sens de Rawls, il y a fort peu de chance qu’un suffrage aboutisse à un résultat réprimant tous les acteurs, c’est-à-dire une règle universellement admise. En démocratie avancée l’Etat est un universel qui accepte l’englobement dans un universel plus large.

A contrario il en découle que les règles non universelles, par exemple un traité type Traité de Lisbonne, ne sont pas opposables au « Démos ». Le Traité engage tant qu’il n’est pas dénoncé par le suffrage universel. La souveraineté, au sens aujourd’hui de souveraineté populaire, ne peut donc pas fixer de limite au résultat d’une élection. C’est dire que si un résultat conteste telle ou telle règle d’un ensemble appelé Traité, ce dernier doit être impérativement revisité.

La pratique actuelle qui vise à inscrire les débats internes aux pays européens dans des limites fixées par les Traités est ainsi contestable et les acteurs, bien que respectables, sont néanmoins… « compradors ». Tel est le qualificatif qui doit caractériser les dirigeants de tous les partis politiques classiques des pays européens.

 En économie de marché, dans le cadre de sa version la plus libérale, on ne conteste pas les résultats du jeu économique qui s’expriment par un ensemble de prix : taux de salaire, taux de l’intérêt, rentabilité du capital, prix de toutes les autres marchandises…..avec la répartition du revenu national qui en découle. La même autorité bruxelloise qui promeut et veille aux règles du jeu de l’économie de marché, et qui s’interdit de contester les résultats du jeu au nom de la « concurrence libre et non faussée », est ainsi schizophrène : elle ne conteste pas les résultats du jeu économique mais conteste les résultats du jeu politique. Incontestabilité des résultats des jeux économiques et contestabilité des résultats des jeux politiques. Curieuse vision qui ferait de l’économie une souveraineté hors sol écrasant celle des Etats. Ce qui pose encore la question des règles : sur quelles forces s’appuient les règles du jeu économique si les Etats sont démonétisés ? Le marché peut-il engendrer les règles du jeu du marché ? Marx aurait-il raison en classant le juridico-politique au rang de « superstructures » reposant sur « l’infrastructure » économique ?

Encore une fois curieuse vision, mais aussi force dénonçant l’idée même de souveraineté politique.

Mais cette dénonciation sera plus opérative encore en détruisant un outil fondamental de la souveraineté : la monnaie.              

                                                          (A suivre)

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Le système de l’étalon or au dix-neuvième siècle sera ainsi le point d’aboutissement quasi naturel de l’affirmation des Etats (verticalité) baignant dans un espace marchand devenu international (horizontalité d’une première mondialisation).

 

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21 décembre 2015 1 21 /12 /décembre /2015 15:00

« Changer l’Europe maintenant » tel est le souhait de Thomas Piketty dans sa chronique publiée par le Monde en date du 20/21 décembre.

Outre une Conférence sur la dette chargée de l’alléger, l’auteur reprend l’idée d’un nouveau parlement de la zone euro, ce dernier étant  à la tête d’un vrai budget fédéral, et légiférant sur des thèmes devenus fédéraux : fiscalité unifiée sur les sociétés, investissements dans les infrastructures et les Universités, etc. La légitimité d’un tel parlement proviendrait de son ancrage sur les parlements nationaux, lesquels désigneraient des députés issus de leurs rangs dans une proportion respectant le poids démographique de chaque Etat.

De telles propositions relèvent de l’incantation et ne respectent pas le principe de réalité.

1) Quelles qu’en soient les modalités, alléger les dettes publiques dans le cadre d’une conférence prévue à cet effet revient à un défaut aux effets dévastateurs sur le système financier planétaire. Il est exact que les 200 milliards d’intérêts payés par l’ensemble des Etats de la zone euro permettraient, en choisissant le défaut, de se redéployer profitablement sur 100 programmes Erasmus[1] porteurs d’avenir. Mais ces mêmes 200 milliards assurent encore aujourd’hui la sécurité du système financier planétaire. En cas de défaut, les bilans bancaires exploseraient et la dette publique qui, en ce qu’elle ne consomme pas de capitaux propres, est la matière première fondamentale des banques. Si donc il est question d’alléger les dettes publiques, il faut aller beaucoup plus loin et reconstruire un tout autre monde. Il est peu probable que les marchés politiques de la zone puissent faire émerger de telles propositions.

2) Ces mêmes marchés politiques ne peuvent engendrer l’idée d’un authentique Parlement aux compétences législatives allant vers le fédéralisme.

On voit mal l’Irlande ou mieux le Luxembourg accepter leur quasi disparition en tant que paradis fiscaux. Si, pour le Luxembourg (700000 habitants dont 50% d’étrangers), le débat pourrait apparaitre marginal[2] , les choses sont autrement importantes pour l’Irlande dont la faiblesse de l’IS constitue la pierre angulaire de sa stratégie économique de braconnage.

Bien sûr on pourrait n’envisager qu’un regroupement de quelques grands pays (Allemagne, France, Italie, Espagne) mais cela reposerait la question du lâchage de quelques autres plus fragiles et dangereux pour l’existence même de la zone euro (Portugal, Grèce etc.) Si certains s’intègrent davantage et fabriquent plus de convergence, que dire du rattrapage des autres qui continueraient de diverger avec les risques politiques et sociaux correspondants?

Mais le problème est en fait beaucoup plus grave. Dans ce nouvel espace qui serait authentiquement législatif, l’Allemagne deviendrait minoritaire avec un pourcentage de députés proportionnel à son poids démographique (37% des députés dans l’hypothèse la plus favorable, celle du scénario des 4 plus grands pays, et environ 25% des députés dans le scénario de l’ensemble de la zone). C’est dire que dans ces conditions, l’Allemagne ne pourrait plus s’opposer aux transferts qui sous-tendent obligatoirement toute union monétaire. C’est par conséquent reconnaitre que le marché politique allemand ne fera jamais naitre ni bien sûr accepter un tel projet de souveraineté d’un parlement de type nouveau. Et il faut le comprendre : pourquoi l’Allemagne se plierait à de tels transferts tuant ses capacités exportatrices qui en font son modèle et au final son vivre ensemble ?

Certes les européistes seraient tentés de considérer que les députés désignés perdent symboliquement leur identité nationale, et qu’il n’y aurait que des députés européens. Comment peut-on imaginer que les députés désignés par le parlement allemand puissent décider de lois budgétaires allant contre les intérêts supérieurs de leur pays et intérêts étroitement surveillés par la cour constitutionnelle de Karlsruhe?

La conclusion est donc simple : soit le nouveau parlement émerge comme parlement croupion en ce qu’il ne peut dépasser le cadre de l’ordo libéralisme allemand (une règle constitutionnelle concernant la gestion de l’euro s’impose à lui), soit il n’émergera jamais. En attendant les entrepreneurs politiques allemands peuvent continuer à parler d’Europe et se montrer plus européistes que leurs voisins français : il s’agit de masquer l’essentiel, et au final de gagner encore un peu de temps sur l’inéluctable échéance. Et une échéance qu’il faut effectivement redouter lorsqu’on est allemand, puisque cette dernière signera la fin de la mécanique monétaire qui a abouti à un « subventionnement » sans précédent des exportations et du vivre ensemble qui lui est associé.

 

[1] Le programme Erasmus ne dispose qu d’un budget de 2 milliards d’euros.

[2] Mais ô combien essentiel pour la finance mondiale qui ne pourrait guère accepter ce type de fédéralisme

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14 décembre 2015 1 14 /12 /décembre /2015 07:12

 

Les élections, qu’elles soient régionales ou nationales ne changeront rien tant que les partis politiques seront dans l’incapacité de prendre en compte  les bases d’une  réelle refondation. Hélas, ces bases ne peuvent facilement émerger comme produits politiques autorisant démocratiquement une prise du pouvoir. Le rejet européen de l’européisme s’étend et les partis traditionnels sont bien évidemment incapables de proposer une solution. Le questionnement fait de plus en plus place à l’inquiétude : si rien de sérieux ne peut être entrepris, l’approfondissement permanent de la crise économique et sociale risque de conduire, en France, mais aussi dans beaucoup d’autres pays, à des dégradations importantes du vivre-ensemble[1]. Une situation de rupture sociale avec, non pas une guerre civile, mais davantage une guerre de tous contre tous, n’est peut-être plus  à exclure.

Nous proposons dans le canevas ci-dessous les grandes lignes de ce qui nous semble indispensable pour la renaissance d’un vivre-ensemble désirable.

                                            Liste des réformes structurelles à envisager

-Détruire les racines de l'énorme « économie casino »[2] en :

        - interdisant la planche à billets  -« Quantitative Easing »- de ne fonctionner qu’au bénéfice exclusif des banques et des  Etats[3]

        - reprenant le contrôle de la Banque centrale,

        - reprenant le contrôle de la monnaie,

        - reprenant le contrôle du taux de change,

        - reprenant le contrôle des mouvements de capitaux.

Conséquences : 

         - suppression de dizaines de milliers d’emplois de haut niveau et néanmoins parasitaires (moins de 7% des échanges sur les marchés financiers concernent l’économie réelle)

         - suppression   de la prédation correspondante et ses « effets de démonstration »[4] ravageurs sur le vivre –ensemble 

         - suppression  des bulles spéculatives et risques systémiques associés 

         - suppression de  l’inutile marché de la dette publique[5] 

         - rétablissement de  l’idée que l’on ne peut s’enrichir sans travailler productivement ou sans investir dans l’économie réelle.

-Rétablir les racines de l’économie réelle en :

        - confiant au parlement la décision d’une création monétaire annuellement exécutée par la Banque centrale[6] 

        - fixant au système bancaire des objectifs d’enveloppes d’investissements privés et publics décidés par le parlement et exécutés sous le contrôle de la banque centrale

        -  réorientant l’épargne et le « shadow banking » vers le seul investissement productif 

        -  offrant, sous contrôle parlementaire, des garanties publiques sur opérations risquées 

        - déplaçant progressivement la fiscalité pesant sur les entreprises vers celle pesant sur la consommation et le revenu des ménages (les entreprises doivent être des chevaux de courses)

        -  fiscalisant les revenus du capital sur le critère de la durée de l’investissement (la spéculation est étrangère à l’investissement) 

        -  fixant les revenus de la « dirigeance » des entreprises sur des critères économiques et non seulement financiers ;

        - favorisant le rétrécissement des chaines de la valeur et la fin du démembrement à l’échelle planétaire des entreprises 

        -  favorisant une « authentique » concurrence entre partenaires égaux remplaçant la destructrice « concurrence libre et non faussée » 

        - interdisant toutes les formes de « capture » de la dépense publique.

        - programmant  la fin des régulations bureaucratiques et autres Autorités Administratives    dites « Indépendantes ».

Conséquences :

        -  augmentation considérable de l’investissement privé et public 

        -  mise en place  des voies d’une amélioration de la qualité de l’offre globale       

        -  fin des dispositifs d’austérité destructeurs économiquement, socialement, et politiquement 

        -  surplus assuré de l’activité et de l’emploi 

        -  fin du processus de développement vertigineux des inégalités sociales[7].

- Rétablir l’efficience de l’Etat- providence en :

         - évaluant chaque type de dépense sociale à partir d’une analyse coût/avantage effectuée par un organisme authentiquement indépendant 

        -  plaçant les organisations en charge dans un milieu concurrentiel sur la base du critère de l’efficience 

        - luttant contre toutes les formes de clientélisme et de captation de rentes.

Conséquences :

        -  diminution substantielle des dépenses sociales 

        -  responsabilisation croissante de tous les acteurs 

        -  amélioration des services rendus aux usagers.

        - relégitimer les dépenses sociales en tant qu’outils du vivre ensemble

- Rétablir l’efficience de l’Etat régalien en :   

         - rétablissant l’idée centrale de souveraineté, seul cadre possible de déploiement d’une authentique  démocratie 

         -   renégociant l’ensemble des traités européens qui ont entamé la souveraineté  

         -  investissant dans les dépenses militaires, pièces centrales du « ruissellement » du haut de gamme technologique vers toutes les branches de l’industrie

         -  augmentant la productivité de l’appareil juridique et judiciaire 

         -  investissant dans l’éducation, la formation et la recherche

         -  rétablissant les valeurs de la République

Conséquences :

            -  rétablissement d’un vivre ensemble aujourd’hui compromis 

            -  montée qualitative de l’offre globale avec ses effets sur la compétitivité 

            -  bien placer le pays dans le mouvement planétaire de naissance/renaissance des nations;

            -  mise en situation pour proposer un nouveau système de régulation (politique/ économique/ monétaire) planétaire. (nouveau Bretton-Woods ?)

- Rétablir la confiance en :

              -  interdisant la professionnalisation des « entrepreneurs politiques » (limitation des mandats dans le temps et l’espace)

              - favorisant le développement des initiatives partant de la base : référendums d’initiative populaire, surveillance étroite des mandats avec possible destitution, etc. 

              -  développant un statut de l’élu 

              -  organisant la transparence sur le lobbying, la négociation des Traités internationaux, etc. 

              -  organisant la fin de l’oligopole médiatique

              -  organisant la formation à la citoyenneté de la jeunesse.

Conséquences :

               -  renouer avec la tradition démocratique

               -  abandonner l’idéologie  gestionnaire et renouer avec le  politique

                - rétablir un vivre-ensemble, ouvert sur le monde, délibérable et désirable.

Ces quelques réformes n’ont évidemment que peu de rapport avec celles avancées et proposées à grand bruit par le système politico-médiatique actuel. Chaque point n’est qu’une ébauche ou un squelette qui doit être considérablement enrichi pour donner lieu à un dispositif programmatique sérieux. En revanche il s’agit d’un système articulé et les différents blocs (économie Casino ; économie réelle ; Etat providence ; Etat régalien ; confiance) sont dans la congruence de ce qui permettra de refaire nation et goût du vivre–ensemble dans un monde ouvert.

 


 

[1] « Un monde de violence, l’économie mondiale 2016-2030 »,Jean Hervé Lorenzi et Mickaël Berrebi, Eyrolles, 2015.

[2] Sans reprendre cette expression, l’ouvrage de Gaël Giraud ( « Illusion financière », les Editions de l’Atelier,2015 ), permet de bien comprendre les méfaits de ce que nous appelons « la boursoufflure" de la finance sur notre blog.

[3] Il est ici intéressant de se référer à un article de Flas Eco Natixis du 11 décembre 2015 : finanhttp://cib.natixis.com/flushdoc.aspx?id=88551cière ».

[4] Au sens de Thorstein Veblen et de qu’il appelait la « consommation ostentatoire ».

[5] « Banques Centrales, Indépendance ou soumission, un formidable enjeu de société », Jean Claude Werrebrouck, Editions Y Michel, 2012.

[6] http://www.lacrisedesannees2010.com/2015/11/front-national-comment-proposer-la-fin-de-l-euro-sans-perdre-les-elections-fin.html

[7] Au-delà de l’ouvrage de Jean Hervé Lorenzi et Mickaël Berrebi déjà cité, et bien sûr au-delà de Piketty, on pourra se référer à celui de Anthony Atkinson : «  Inegality What can be done ? », Harvard University Press, 2015.

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2 décembre 2015 3 02 /12 /décembre /2015 10:54

 

Origine et métamorphoses de la  structure étatique.

La pensée politique libertarienne  présente l’aventure étatique selon le schéma classique suivant :

Echanges marchands->Agences de protections->Agence monopoliste->Etat-> Etat de droit->Mondialisation.[1] Dans un tel schéma l’Etat est le produit non désiré d’une interaction sociale : les hommes n’ont pas cherché à construire l’Etat, et ce dernier n’est qu’un sous-produit qui- hélas serait selon les libertariens- devenu une immense aliénation.

La contestation de l’individualisme méthodologique qui  surplombe une telle vision – « la soupe primitive » humaine n’était pas composée d’individus séparés -  nous a entrainé vers une explication fort différente, en particulier pour sa partie amont :

Religions primitives--> Etats enkystés dans la religion--> Religion enkystée dans les Etats--> Etat autonome--> Etat de droit--> Etat de droit + démocratie --> démantèlement de l’Etat de droit en mondialisation.

Derrière cette présentation très abrupte, se cache l’idée que tout groupe humain est fait d’individus dont la nécessaire interaction, suppose la présence d’un principe d’intégration extérieur à chacun, principe qui est le lieu de ce qu’on appelle le politique. Pour ne prendre qu’un exemple, la loi n’est « inventée » par aucun individu particulier, mais  s’impose à tous : il s’agit d’une extériorité. Globalement c’est l’Etat qui est, encore aujourd’hui,  ce principe général d’intégration.

Dans l’histoire concrète, ce lieu ou principe d’intégration est, sauf dans le cas des religions primitives, accaparé par des individus. Les religions primitives étant universellement présentes dans la soupe primitive humaine, la première forme d’extériorité est la religion. Cette forme restera longtemps sur le devant de la scène en se transformant et évoluant jusqu’aux monothéismes. D’une certaine façon l’Etat moderne, et donc le politique n’a fait que reprendre les fonctions de la religion.

 De la même façon l’époque présente, dite de mondialisation, se veut aussi nouvelle forme de « reprise » des fonctions de la religion : l’ordre du monde serait désormais assuré par l’économie. A contrario, la religion qui a été la matière première initiale du politique et des Etats, cesse d’être le principe d’organisation du monde.

Pour autant, on sait aussi que notre époque qui serait celle du démantèlement des Etats donne lieu à de formidables résistances. Certes des Etats se désagrègent mais ils ne se liquéfient pas dans l’océan du marché[2]. D’autres semblent même se constituer ou se reconstituer sur de vieilles bases : l’Etat Islamique serait-il un retour de la phase  « Etat enkysté dans la religion » ? Serait-il le masque du retour des grands prédateurs ? Et pourquoi ce retour ? Est-il une forme de résistance à l’ordre du marché planétaire ?

C’est sans doute cette dernière question qui est la plus importante et se doit d’être abordée.

Le couple mondialisation/fondamentalisme.

Il est tout d’abord erroné  d’affirmer qu’il y a déclin de l’occident, car de fait la mondialisation n’est que la reproduction élargie du capitalisme occidental à l’échelle de la planète. Avec tout ce qu’elle charrie et qui relève de son histoire : importance de la propriété, puis importance des droits de l’homme comme terreau d’un bon fonctionnement des marchés, par exemple l’individualisme… mais aussi effacement progressif de la démocratie au profit d’une technocratie productrice et protectrice d’une oligarchie. D’où les interrogations sur les grandes constructions méta-étatiques : Europe, OMC, TAFTA, etc. Simple questionnement toutefois, car il apparait que la démocratie ne peut plus permettre de choix tant l’obéissance aux règles du marché serait devenue horizon indépassable. Quand Dieu est parti et que l’individualisme radical pense pouvoir effacer la question du vivre ensemble, par quoi remplacer le marché ? Puisque le marché est indépassable, qu’il segmente, qu’il individualise, qu’il propose l’hédonisme, etc., la recherche complémentaire de sens, de spiritualité, ne se déroule plus au sein de vastes communautés religieuses mais dans l’intimité. Bien évidemment il s’agit d’une posture très éloignée du politique et d’un quelconque objectif d’action sur la société.

Cette grande transformation du monde agresse plus particulièrement les cultures les plus proches des bases anciennes de régulation du monde par la religion. C’est bien évidemment le cas de l’Islam avec des espaces devenus schizophrènes : ordre du marché d’un côté, et résistances extrêmes sur toutes les valeurs « qui font la société » et qui pourraient devenir de nouveaux espaces marchands.

L’Arabie Saoudite est de ce point de vue un magnifique exemple de schizophrénie.

On comprend par conséquent le raidissement fondamentaliste : il n’est que le bouclier légitime des cultures proches des vieux fonds religieux.

La grande scène mondiale est ainsi une nouvelle grande fracture qui succède à celle disparue entre Occident et bloc de l’Est. L’ancienne se déroulait entre modernes, entre ceux qui étaient selon la formule de Marcel Gauchet « sortis du religieux ». La nouvelle est, entre une complètement sortie du religieux et dont le fonctionnement ne peut être qu’élargissement, une économie monde, certes en crise grave, mais sans entraves, qui vient buter sur une autre dont l’organisation relève du religieux. Si maintenant c’est l’Islam qui est touché et non pas d’autres grandes civilisations, c’est évidemment parce que la désagrégation religieuse était beaucoup plus avancée en Asie ou ailleurs que dans la péninsule arabique.

Mais il existe d’autres causes à cette résistance particulière à la désagrégation : L’Islam est le dernier né du tronc monothéiste et, à ce titre, se pense comme celui pouvant resituer les parcours antérieurs qu’il croit surplomber. Cette position de surplomb par rapports aux monothéismes fera que la colonisation, la dépendance politique, et bien sur la dépendance économique seront beaucoup plus mal vécues que dans les autres cultures beaucoup plus étrangères aux religions occidentales. Le fondamentalisme est ainsi une réaction à une agression qui ne s’est pas achevée avec la fin de la colonisation.

Le fondamentalisme n’explique pourtant pas la réalité présente d’un Etat Islamique qui vient d’émerger et qui va beaucoup plus loin : l’agressé ne fait pas que se raidir derrière un bouclier, il devient agresseur radical.

Concernant la naissance, les causes sont multiples : désagrégation du conglomérat faussement laïc qu’était l’Irak, renaissance de la rivalité chiite/sunnite, désagrégation de l’Etat Syrien, non légitimité des frontières coloniales[3], interventions occidentales, russe, turque, etc . Le tout dans un contexte de rentes pétrolières de grandes dimensions.

L’Etat étant une réalité devenue indépassable, les désagrégations ne peuvent correspondre qu’à la naissance de nouveaux Etats. De ce point de vue, l’Etat Islamique se veut nouvel Etat, cherche à conquérir des territoires au détriment d’autres Etats, et prétend même "battre monnaie", ce que les Etats modernes ne font plus[4].

Dans les réalités concrètes, l’Etat Islamiste est largement le  fait de « déserteurs obligés »- les  officiers sunnites de l’armée, plus ou moins laïque de l’ancien dictateur irakien - qui se vengent contre l’humiliation imposée Par le protectorat américain de 2003. Le modèle d’Etat dominant dans la région est entre l’Etat autonome (Syrie ?) et la religion enkystée dans l’Etat (tous les autres y compris Israël). La construction du nouvel Etat, parce que contestation, ne peut passer par ces modèles et doit nécessairement repasser par une régression : celle de l’Etat enkysté dans la religion[5]. Parce que les nouveaux « entrepreneurs politiques » n’ont, au-delà de l’humiliation et du désir de vengeance, que peu de matières premières spécifiques à apporter dans la corbeille du nouvel Etat, et qu’ils ne peuvent pas proposer un Etat- nation à l’occidentale, il ne reste plus que la « matière première religieuse ». Et pour être vraiment spécifique et laisser jouer la logique de la vengeance, le seul registre de l’idéologie de « l’intérêt général » propre à toute structure étatique, n’est plus que celui de la souveraineté divine tel que celui théorisé par Sayyid Qutb[6]. Cette conception fait disparaitre toutes les médiations institutionnelles créées par les hommes, la législation positive ne devant reposer que sur la seule sphère divine.[7] Bien évidemment il n’existe pas de droits humains, pas de distinction entre sphère privée et sphère publique, pas de liberté de conscience et donc pas de principe de tolérance. Au-delà, puisque les sociétés, qu’elles soient musulmanes ou non, ne respectent pas le principe de souveraineté divine, il appartient à tout musulman de prendre le sabre pour faire respecter cette souveraineté. Les entrepreneurs politiques qui se cachent derrière un tel manteau sont bien à l’abri : Enkyster l’Etat en formation sur de tels principes permet l’exercice de la vengeance violente généralisée et le rétablissement du principe de l’honneur[8].

Réduire puis détruire la « chaudière Etat Islamique » : hypothèse crédible ?

L’enkystement dans un islam radicalisé n’interdit pas une logique de l’échange marchand – l’économie- car les nouveaux entrepreneurs politique- le Calife – « prince des croyants »-  et ses vassaux- ont besoin de rassembler de gros moyens financiers pour l’exercice de la violence. Il peut même se permettre de ne pas trop massacrer certains ennemis à partir du moment où un impôt peut être payé, prélèvement lui-même nourri par des activités marchandes[9].

Parce qu’enkysté dans une religion à vocation universaliste – il n’existe qu’un seul dieu souverain sur l’ensemble de l’humanité – Cet Etat nouveau ne peut que se mondialiser et se complaire dans l’ensemble des outils de la mondialisation marchande. Ainsi, il se déploie dans un marché mondial de la terreur et entre en concurrence avec d’autres entités du même type qu’il se doit de réduire :Al Qaïda, Al Nosra, Aqmi, etc. pour imposer son label à l’échelle de la planète.

C’est à ce titre qu’il distribue son label à des jeunes franchisés qui, loin de l’Etat Islamique, et souvent loin de la religion elle-même sont en souffrance. Il s’agira par exemple des jeunes musulmans de la seconde génération[10] écartelés entre 2 cultures, celles des parents qu’ils rejettent, et celles de l’Occident qu’ils admirent mais qui leur est dans son entièreté d’un accès difficile. Globalement pour ces jeunes, les droits de l’homme, la République et ses valeurs apparaissent d’autant plus exotiques que la socialisation par l’emploi- vecteur essentiel dans une société entièrement régulée par le marché- est une épreuve difficile. Les plus radicaux de ces jeunes ne vivront pas le terrorisme sous la forme d’un sacrifice mais d’un martyr « win/win » comme tant de contrats de l’échange marchand du monde moderne….

L’avenir de l’Etat Islamique est sans doute incertain. Sa prédation sur l’économie marchande est limitée. Elle le sera davantage avec l’étouffement économique qu’elle suscite - augmentation des taxes, baisse générale des revenus avec aussi fin du paiement des traitements des fonctionnaires jusqu’ici versés par Bagdad ou Damas, développement d’une économie souterraine, etc.- ou qu’on lui impose : destruction des installations pétrolières, gel des comptes, etc. Pour autant, ce type de structure peut proliférer en d’autres endroits car l’outil idéologique très simple est favorable à sa reproduction sur un terreau favorable : tant que la « sortie de la religion » n’est pas envisageable, la structure « Etat enkysté dans la religion » est un produit politique de qualité pour des entrepreneurs politiques prisonniers  de lourds ressentiments.[11]

Corrélativement, cette même simplicité idéologique pourra continuer à séduire des jeunes européens. Et ce beaucoup plus facilement que celle véhiculée par les jeunes extrémistes de gauche au siècle dernier. A l’époque l’idéologie supposait des livres difficiles à lire, et la violence se bornait à l’hypothèse d’une société réconciliée par la fin de la lutte des classes : un monde de vivants. La situation est plus difficile aujourd’hui, il n’y a plus rien à lire et la cause que l’on sert vaut qu’on y donne sa vie.

 

 

[1] C’est en particulier ce que l’on trouve chez un Richard Nozick.

[2] Laurent Davezies croit même pouvoir dire qu’il y aurait aujourd’hui 300 mouvements régionalistes dans le monde. Cf « La nouvel égoïsme territorial. Le grand malaise des nations » ; Seuil-La république des idées ;2015. Bien évidemment ces 300 mouvements  n’ont pas tous vocation à se transformer en Etats.

[3] Accords Sykes- Picot du 16 mai 1916.

[4] Il s’agit même d’un étalon-or, les pièces –dinar islamique- étant un mélange  d’or, d’argent et de cuivre.

[5] Notons que cette situation était celle plus traditionnelle de l’ensemble du Moyen-Orient avant la colonisation et la fin de l’empire Ottoman.

[6] Frère musulman égyptien condamné à mort par le régime de Nasser et dont les écrits servirent à Ben Laden pour justifier le Djihadisme dans sa version Al qaïda. On trouvera chez le sociologue olivier Carré ( « Mystique et politique, le Coran des islamistes, commentaires coraniques de Sayyid Qutb » ; CERF 2004) et chez Michel Terestchenko ( « l’ère des ténèbres » ; Le bord de l’eau ;2015) des développements intéressants sur l’œuvre de Sayyid Qutb. 

[7] Notons qu’il existe dans cette révolution un parallèle à mener avec la révolution française qui pourtant s’incarne dans un tout autre stade de l’aventure étatique. En effet, la révolution de 1789 va abroger toutes les intermédiations entre l’Etat et les citoyens.

[8] On pourra bien sûr critiquer comme le ferait Claude Berman le «  sociologisme » de nos explications ( cf Le Monde du 30 novembre 2015) . Ce dernier, reprenant les poètes de l’antiquité, voit la rage meurtrière comme un trait constant de la nature humaine. Pour autant il n’existe pas de rage sans contexte c’est-à-dire indépendamment d’une interaction sociale.  Que la chaine de causes soit complexe et difficile à remonter est incontestable. On ne peut toutefois pas renoncer à une démarche évacuant toute analyse causale.

[9] Pour plus de détails sur les finances de l’Etat islamique, on pourra se reporter à la rubrique « Géopolitique » du Monde du 29 novembre 2015.

[10]  Olivier Roy, « Le djihadisme est une révolte nihilisteé », Le Monde du 25 novembre 2015.

[11] Pensons par exemple aux palestiniens qui à force de constater qu’il n’y a pas d’issue pensable pourraient renverser leurs propres entités administratives dépendantes d’Israël et des finances européennes .

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23 novembre 2015 1 23 /11 /novembre /2015 15:46

On trouvera ci dessous la vidéo du colloque qui s'est déroulé le samedi 21 novembre. De fait il faut aller tout de suite au delà de la quinzième minute.

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22 novembre 2015 7 22 /11 /novembre /2015 16:15

Le Colloque organisé le samedi 21 Novembre par la Fondation pour une Europe des Nations et des Libertés a vu ses divers participants partager l'idée d'une fin de l'Euro comme préalable à toute reconstruction. A cet égard ,Il nous a semblé utile de reprendre un article déjà ancien publié sur le blog.

Résumé:

La monnaie unique ne disparaitra pas au terme d'un renoncement négocié mais, à l'inverse, selon un mode panique. Le retour d'un ordre stable réintroduisant des monnaies nationales ne pourra se faire que sur la base d'une garantie publique de tous les contrats, financée par émission monétaire de banques centrales devenues obéissantes.

La fin des dévaluations internes au profit de dévaluations externes ne règlera pas spontanément et rapidement les questions de croissance, d'emploi et d'équilibre des échanges extérieurs. Par effet de contagion, une guerre des monnaies à l'échelle mondiale posera la question de l'ordre international à reconstruire. Extraire la monnaie de l'emprise mondiale de la finance deviendra l'outil majeur du rétablissement des souverainetés.

Les conditions concrètes de la disparition de l'euro ont déjà été étudiées. Il est ainsi plus que probable que le changement s'effectuera en mode panique, c'est- à- dire sans concertation entre les pays concernés.

Cette panique dont la manifestation peut être rapidement décrite ne pourra s'éteindre que par le retour de la répression financière (partie 1). Sur la base de cet ordre nouveau probable, seront ensuite examinées les conséquences à plus long terme de la fin de l'euro (partie 2).

Partie 1 - PANIQUE et MESURES IMMEDIATES

On peut imaginer que la panique proviendra de la nouvelle crise de la zone euro, celle correspondant à l'échec des dévaluations internes mises en place dans la plupart des pays de la zone(1).

Des marchés affolés vont brutalement enclencher un "flight to quality" avec effondrement d'actifs souverains de pays de la périphérie au profit d'achat de dette publique allemande. D'énormes perturbations bilantaires, d'abord au niveau des banques, produiront l'évaporation des fonds propres, l'insolvabilité immédiate, et la disparition de la liquidité.

Une telle situation peut rapidement devenir incontrôlable et débouchera probablement sur le retour d'un Etat souverain renouant avec sa monnaie comme productrice d'un ordre social maitrisé.

A - DEMANTELEMENT CONTRE GARANTIE PUBLIQUE DU RESPECT DES CONTRATS

Au-delà du protocole technique qui ne soulève guère de problèmes (maintien du système des prix internes par définition d’une unité de compte ayant valeur légale et correspondant à un euro, surcharge d’un tampon sur chaque billet avant impression de nouveaux billets par la Banque Centrale nationale, échange rapide des pièces, etc..), une garantie juridique est promulguée par le ou les dirigeants politiques ayant pris la décision : garantie portant sur le maintien nominal de la valeur de tous les actifs au moment où est prise la décision.

La prise de décision vaut par conséquent gel de toutes les positions et peut-être fermeture momentanée de la Bourse . Il est d’ailleurs évident que décision de sortie et décision de garantie publique se trouvent dans le même acte juridique. C'est dire que les pays pouvant procéder de manière autoritaire, par simple ordonnance de l’exécutif, disposent d’un avantage. Ce qui pose la question du déclenchement de la panique dans les pays qui ne peuvent agir ou réagir avec la célérité qui s’impose (2).

La garantie de la valeur nominale suppose la définition d’un point fixe qui n’est autre que la définition de la nouvelle parité, laquelle doit être déclarée intangible bien au-delà de la période de temps nécessaire à une réorganisation générale aux effets neutres sur tous les bilans et contrats. Le champ de la garantie offerte à tous les agents économiques du pays sortant concerne les détenteurs d’actifs étrangers : ménages, entreprises, institutions financières, Etat lui-même. Il s’étend aussi aux non-résidents et étrangers détenteurs d’actifs nationaux.

La notion d’actif doit aussi être précisée. Il s’agit bien sûr de tous les titres financiers : actions, obligations privées et publiques, produits structurés, produits d’épargne et comptes bancaires, etc. Pour ces titres la garantie repose sur la seule variation (perte ou gain) mécanique de valeur, calculée sur la base du nouveau taux de change. La valeur sur laquelle s’applique le nouveau taux étant celle correspondant à l’heure fixée dans l’acte juridique de décision de sortie. Mais il s’agit aussi de tous les contrats de l’économie réelle et ce, y compris, les contrats de travail des travailleurs frontaliers.

La garantie publique est le point fixe qui se substitue à l’Euro, une sorte de SAS permettant le passage d’une zone où les taux de change ne sont pas maitrisés vers une zone où ces même taux sont politiquement définis. La garantie publique du respect des contrats signifie que, si les agents économiques du pays sortant ne peuvent perdre, ils ne peuvent davantage gagner. A titre d’exemple, si des français titulaires de contrats d’assurance-vie incorporant des titres publics grecs ne peuvent être victimes du rétablissement de la Drachme, ces mêmes français titulaires de contrats semblables incorporant de la dette publique allemande ne peuvent bénéficier du rétablissement du Mark. La garantie correspond donc bien à la volonté de neutralité sur les bilans des agents vis-à-vis d’une sortie de l’Euro. Et cette neutralité est bien ce qui interdit tout mouvement spéculatif. Le déclenchement des CDS est lui-même interdit en ce que la sortie ainsi envisagée n’est en aucune façon un « incident de crédit » .

La garantie de l’Etat sortant est autrement plus rigoureuse que les garanties offertes par les Etats, qui, en Octobre 2008, ont dans un même geste bloqué tout effet de panique chez les déposants des banques dont on pouvait anticiper l’effondrement. Alors qu’à l’époque, le risque n’était que potentiel et qu’un effet d’annonce pouvait suffire à bloquer la panique, dans le cas présent d’un démantèlement, il faut aller plus loin et effectivement payer les victimes. Et le prix à payer est d’autant plus important que le pays sortant est lui-même impécunieux. On voit ainsi mal l’Etat Grec sortant sur la base d’une dévaluation massive être à la hauteur de sa garantie. Et on voit aussi mal les Etats gagnants d’une sortie, redistribuer les gains aux perdants. Outre, qu’encore une fois la sortie n’est pas coopérative ni négociée, les gagnants sont aussi des agents privés pour lesquels la réévaluation est un profit qui devrait rester privé. Concrètement une entreprise allemande dont les débiteurs sont français doit logiquement bénéficier de la réévaluation du mark, et on ne voit pas comment ce bénéfice pourrait être utilisé pour assurer les garanties de l’Etat Grec. Pour autant, s’il est aisé de bloquer les bénéfices au nom du respect intégral de tous les contrats (cela ne coûte rien), il faut bien trouver les moyens financiers susceptibles de dédommager les victimes d’une sortie de l’Euro.

B - LE RESPECT DES CONTRATS PAR DES BANQUES CENTRALES QUI MONETISENT

Si le respect intégral et rigoureux des contrats implique un dédommagement des perdants sans que les gagnants ne puissent aider, il faut trouver un tiers chargé d’assurer le passage de l’ancien au nouveau monde, si possible sans destruction du projet européen. Il faut en effet avoir en tête l’énorme effet destructif d’une explosion non contrôlée de l’Euro. Dès lors, la solution qui s’impose est le recours aux banques centrales nationales qui sont réquisitionnées dès l’annonce de la sortie(3).

De fait, il ne s’agit que d’accélérer un processus déjà engagé avec la BCE, qui aujourd’hui tente de maintenir la fiction de l’Euro avec des interventions massives sur les dettes publiques du sud. La présente action de la BCE est déjà bien une tentative d’endiguement de la panique déstabilisatrice avec des « spreads » qu’il faut contenir pour l'éviter, un krack obligataire, et un « Bank-run »(4).

La procédure est donc simple : Pour les pays qui quittent la zone en dévaluant, l’ordonnance de réquisition stipule que la Banque centrale de l’Etat sortant, crédite le compte du Trésor correspondant, à hauteur des engagements de ce dernier au titre de la garantie du respect de tous les contrats. Les fonctionnaires du Trésor fixent le montant des dédommagements et ordonnent à la Banque les paiements correspondants. Le cas échéant des magistrats et commissaires au compte attestent de la bonne exécution des garanties . L’unité de compte retenue pour le dédommagement peut être la nouvelle monnaie nationale. Ainsi l’exportateur allemand de marchandises vers la Grèce – si ce dernier pays quitte la zone- se voit payé par son client dans la monnaie dont il dispose, auquel il faut ajouter le prix de la dévaluation, prix exprimé en Drachmes, et au final supporté par la Banque centrale de Grèce. Toujours s’il s’agit d’une sortie grecque, La Société Générale voit, à l’actif de son bilan, ses obligations publiques grecques transformées en drachmes, valeurs augmentées du montant de la dévaluation. On pourrait multiplier les exemples. Bien évidemment s’élèvent d’immenses balances en Drachmes que le « bateau des passagers clandestins » cachait si bien, et que le dispositif « Target 2 » cachait plus difficilement. Il faut donc imaginer que ces balances en Drachmes sont acheminées vers les Banques centrales des Etats correspondants (dans notre exemple celle d’Allemagne pour l’exportateur allemand, et de France pour la Société Générale) et transformées en nouvelles monnaies nationales.

Au final la monnaie émise (dont la quantité est égale au produit de la dévaluation par le total des engagements) se trouve stockée dans les pays qui sont dans une situation favorable : peu ou pas de dévaluation, peu de dette extérieure, dette publique faible ou nationalisée. De quoi provoquer une hausse des prix plus rapide que dans les pays ayant massivement monétisés. Le dispositif, retenu, sans doute trop brièvement exposé, et ne réglant pas toutes les situations (comment traiter les CDS même s’il n’y a pas juridiquement « accident de crédit » ?) évacue complètement l’idée de défaut, de soutien au système bancaire, de surveillance des spreads de taux etc.

Partie 2 - LES CONSEQUENCES A PLUS LONG TERME DE LA FIN DE L'EURO

A - L'EFFACEMENT DU GRAND BOND EN ARRIERE IMPULSE PAR L'EURO

La première forme du grand retour en arrière imposé par la mise en place de la monnaie unique était le développement de divergences que devaient précisément faire disparaitre l'euro : déséquilibres croissants des échanges extérieurs entre pays, désindustrialisation accélérée dans le sud contre maintien de positions industrielles dans le nord, économie de consommation ou de rente dans le sud, contre économie de production dans le nord, etc. Le tout dans un contexte de croissance beaucoup plus faible que celle du reste du monde.

La seconde forme du grand retour en arrière était plus grave. Induite par les politiques de dévaluation interne, elle allait considérablement accroitre les divergences et des stratégies non coopératives suicidaires.

La dévaluation interne, toujours présente à l'heure où ces lignes sont écrites, ne pouvait en effet passer que par une pression sur les coûts directs et indirects du travail : baisse de la quantité et/ou de son coût. Une telle baisse à des effets favorables au niveau micro-économiques en ce qu'elle pouvait augmenter les marges et /ou la compétitivité des entreprises. Toutefois le PIB n'étant que la contrepartie de la somme des demandes internes et externes de chaque pays, la pression sur le coût du travail n'est macro économiquement efficace que si la chute de la demande interne est surcompensée par un accroissement plus élevé de la demande externe.

Hélas, l'histoire concrète a montré que pour tous les pays, depuis 2010/2011, la surcompensation était impossible, et ceci pour au moins deux raisons :

La première est que le prix du travail n'est pas suivi dans sa baisse par celle parallèle de tous les autres prix. En particulier il y a rigidité pour un certain nombre de services et surtout , le poids de la dette va croître par augmentation de sa part relative dans le budget des ménages. La chute de la demande de consommation est ainsi devenue considérable ( plus importante en pourcentage que celle du taux de salaire) dans un certain nombre de pays, ce qui explique la baisse des PIB correspondants sur plusieurs années (Grèce, Portugal, Espagne, etc.).

Par ailleurs, et il s'agit d'une seconde cause de l'impossible surcompensation, la demande externe est elle- même appauvrie par la politique de dévaluation interne de tous les autres pays. Il n'est pas non plus question de bénéficier d'une élasticité prix des exportations puisque la déflation est beaucoup plus faible que la baisse du coût du travail. Ainsi pour faire diminuer les prix de moins de 5% en Grèce, il a fallu diminuer les revenus de plus de 20%. Par contre, il est vrai qu'à la marge, la considérable chute de la demande interne entraine mécaniquement par effet d'élasticité des importations au PIB, une baisse mécanique des importations, donc de la propension à importer. Ce fait est fortement constaté pour l'Espagne. Mais ce même fait bloque les espérances des autres pays pratiquant également une politique de dévaluation interne

La politique de dévaluation interne devait aussi entrainer d'autres effets:

- La hausse du chômage laquelle découle directement de la contraction de la demande globale.

- L'impossible amélioration des soldes publics avec au-delà d'un faible rendement de l'impôt, l'effet de ciseau découlant d'un taux d'intérêt réel nettement supérieur au taux de croissance du PIB, ce qui signifie une aggravation inexorable du service de la dette (5),

- Enfin, la ré- industrialisation impossible puisque dans le contexte établi, rien ne vient justifier l'investissement (6). La politique de l'offre - au delà des interrogations sur son fondement théorique ( le sens de la relation profit-investissement fait toujours l'objet de passionnantes discussions académiques) - qui est la finalité des politiques de dévaluation interne n'a que peu de sens dans un univers aussi dépressif.

Bien évidemment, les premières mesures, avec notamment les décisions financières d'urgence et le passage de la dévaluation interne à la dévaluation externe effacent complètement le lugubre paysage antérieur.

B - UNE SIMPLE DEVALUATION MONETAIRE SERA-T-ELLE SUFFISANTE ?

La réanimation de l'outil taux de change constitue bien sûr un avantage puisque les dévaluations externes sont en théorie autrement plus efficaces que les dévaluations internes.

A l'inverse de la dévaluation interne, tous les prix sont affectés par le changement de parité et la demande interne n'est affectée négativement que si les importations - en supposant que les exportateurs étrangers ne changent pas leurs politiques de prix - sont incompressibles, soit une élasticité nulle. En revanche, la hausse de la demande externe est infiniment plus probable. La France est concernée par cette hausse de la demande externe dans la mesure où elle se situe dans des productions moyennes assez sensibles aux prix. Sa demande interne est aussi assez bien concernée par une modification de parité car elle importe davantage pour consommer que pour produire (7).

De ceci, il résulte que la dévaluation par réintroduction d'un taux de change, correspond à la mise en place d'un processus infiniment préférable à la dévaluation interne. En la matière, tout dépendra de la valeur des élasticités prix des importations et des exportations, ce qui nous renvoie au théorème dit des "élasticités critiques" de Marshall-Lerner. Et ce processus est en principe le retour de la croissance puisque les demandes aussi bien interne qu'externe peuvent logiquement augmenter.

Ce jugement doit pourtant être nuancé.

Tout d'abord, il convient d'introduire dans le raisonnement, des coûts de risque de change que l'euro avait fait disparaitre. Il est possible d'en diminuer l'importance en adoptant des taux de change fixes. Il n'est toutefois pas possible de les faire disparaitre. Ces coûts resteront proportionnels à la longueur des chaines de valeur et impulseront peut-être sa réduction et donc un processus de relocalisation pour les pays qui dévalueront. Un tel processus ne s'enclenche que dans la durée et ne produit pas de résultats immédiats.

En second lieu, l'élasticité prix de la demande d'importations peut entrainer un effet revenu négatif comprimant la demande interne. C'est le cas lorsque la dévaluation entraine une hausse des valeurs importées (pétrole). Auquel cas la demande interne entraine la chute du PIB, chute qui ne peut être compensée que par une forte élasticité prix des exportations.

En supposant qu'il n'existe pas d'effet revenu négatif, la hausse de la demande interne peut toutefois être bloquée par une inélasticité de l'offre: la non substituabilité des importations par des productions nationales s'expliquant par l'impossibilité de produire localement. C'est malheureusement la situation présente, notamment pour la France: les biens importés peuvent techniquement être substitués par des productions domestiques en cas de dévaluation . Malheureusement des décennies de désindustrialisation ont fait table rase de compétences techniques et de savoirs faire, voire même d'outils de formation, capital qui exige de nombreuses années pour se reconstituer.

Une autre difficulté résulte du risque de guerre des monnaies. Les dévaluations internes étaient non coopératives et développaient des externalités: l'exportation possible du chômage. Les dévaluations externes ne le sont pas moins. L'ensemble de la zone euro dispose d'un Excédent de 2,6% de son PIB avec un euro dont le taux de change est probablement plus élevé que la moyenne des taux qui se formerait sur la base des anciennes monnaies reconstituées (8). C'est dire que l'excédent global pourrait s'élever davantage encore et géner les pays émergents. C'est dire aussi qu'au delà de possibles guerres des monnaies à l'intérieur de l'ex-zone, une réelle guerre des monnaies peut se matérialiser avec des nations (Chine en particulier) qui, jusqu'à présent, disposaient de solides possibilités exportatrices au regard de pays du sud (Grèce, Italie, Portugal, Espagne, etc.)

La fin de l'euro c'est assurément la fin des politiques suicidaires et donc la fin du grand bond en arrière. Elle n'est pourtant pas un bond en avant automatique (9).

C - L'EXIGENCE D'UN ORDRE MONETAIRE ET ECONOMIQUE NOUVEAU

La zone euro est encore aujourd'hui un modèle réduit de mondialisation malheureuse : une offre potentielle excède une demande muselée par les politiques de dévaluation interne. D'où un surplus exportable et une demande qui, tout en étant muselée, est artificiellement gonflée par la croissance de la dette (10).

La mondialisation vit encore sur ce modèle initié dans les années 70 du siècle dernier. A l'époque, il s'agissait de délocaliser des productions comme solution aux premières formes d'un fordisme déclinant. Les gains de productivité qui s'affaissaient étaient compensés par la dévaluation du travail : les salaires des pays périphériques étaient autrement avantageux que ceux du centre. Les débouchés des implantations délocalisées n'étaient pas locales et correspondaient à des exportations vers le centre: la fameuse alliance de Wal-Mart et du parti communiste chinois. Simultanément, centre et périphérie doivent contenir les salaires: le centre pour ne pas être envah, et la périphérie pour rester compétitive alors que le poids et le nombre de ses acteurs en concurrence entre-eux ne cesse de s'élargir.

La mondialisation devient ainsi "malheureuse" en ce qu'elle va correspondre à un déséquilibre croissant entre offre et demande globale, déséquilibre masqué par une montée des dettes publiques et privées plus spécifiquement au centre.

La zone euro toute entière est ainsi devenue le modèle réduit de cette mondialisation malheureuse avec une Allemagne devenue Chine de l'Europe en raison de son surplus exportable et donc de sa demande interne très insuffisante, et un sud, dont la France, jouant le rôle des USA importateurs.

La disparition de l'Euro ferait peut-être disparaitre le modèle réduit de mondialisation malheureuse mais ne ferait pas disparaitre le modèle global. Et si d'aventure le surplus exportable de ce qui serait devenu l'ex-zone euro devait s'accroitre en raison des dévaluations externes, la situation deviendrait insupportable pour l'ex- périphérie devenue ensemble de pays émergents connaissant toujours une demande interne largement insuffisante. Clairement l'euro leur permettait de ne point dévaluer. Sa disparition est donc probablement la naissance d'une guerre mondiale des monnaies dont l'origine repose sur une demande mondiale inférieure à l'offre.

La disparition de l'euro militerait ainsi pour un nouvel ordre monétaire basé sur un principe général de coopération et non de concurrence entre les nations. Une coopération visant à la recherche d'un équilibre extérieur de chaque nation. Cela passe bien sûr par un contrôle politique négocié des parités et la fin du processus de privatisation des monnaies commencé dans les années 70 du siècle dernier.

En finir avec l'euro c'est aussi la possibilité et la tentation de soustraire les monnaies à l'empire mondial de la finance. C'est aussi le possible rétablissement des souverainetés disparues avec la privatisation des monnaies (11). C'est enfin le possible cheminement vers une forme renouvelée de l'Etat-Nation.

C'est en conséquence le possible rétablissement d'une démocratie confisquée. Un mouvement dont le cheminement et les contours sont difficiles à imaginer aujourd'hui.

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(1) Les derniers chiffres publiés le 14 aout dernier, avec un T2 de +0 de croissance pour la zone après un T1 de +0,2 sont là pour attester de l'échec. La déflation en cours avec le recul de la vitesse de circulation de la monnaie sont un autre signe de l'échec.

(2) De ce point de vue la France, avec sa Constitution de 1958 dispose d'un avantage comparatif énorme sur l'ensemble de la zone.

(3) Il s'agit du premier acte de la répression financière avec comme point d'aboutissement probable la soustraction de la monnaie à l'emprise de la finance ou la fin de la "loi d'airain "de la monnaie, idée déjà défendue par l'auteur dans le N° 34 de MEDIUM (janvier, février, mars 2013).

(4) C'est tout le sens qu'il fallait donner au "Longer-Term Refinancing Opérations" (LTRO) qui permettait au final en 2012 et 2013 le refinancement des Etats. C'est aussi celui de son prolongement: le "Target Longer- Term Refinancing Operations" qui, lancé dans quelques semaines pour un autre objectif, pourra servir à refinancer l'ancien LTRO pour lesquelles les banques italiennes et espagnoles restent débitrices après avoir trop financé leur Etat respectif.

(5) Ajoutons que la baisse des dépenses publiques, qui est une composante de la dévaluation interne, connait des effets dévastateurs en raison de la sous-estimation du multiplicateur budgétaire: 0,7 pour le modèle MESANGE de l'INSEE, alors que le FMI l'annonce à 1,2 et que des estimations sur la zone Sud évoquent des multiplicateurs encore plus élevés.

(6) Selon EUROSTAT, la FBCF de la zone euro diminue globalement et passe de 19,4 à 17,7% de son PIB de 2009 à 2013. celle des pays du sud s'effondre: passant de 19,9 à 12,1 pour la Grèce, de 23,6 à 17,7 pour l'Espagne, de 19,4 à 17,3 pour l'Italie, de 20,5 à 14,8 pour le Portugal, etc. Moins d'investissements, c'est moins de croissance de la productivité, et en mondialisation, c'est moins de marge. Il est très difficile d'imaginer par la violence de la dévaluation interne en Grèce ou en Espagne l'émergence de petites Chines européennes.

(7) L'Allemagne - dont l'une des caractéristiques est de beaucoup importer pour beaucoup produire et exporter en raison des typologies de ses chaines de la valeur - serait gagnante dans une reconstitution du mark : élasticité faible en raison du caractère haut de gamme de son industrie (0,3 selon NATIXIS), et baisse du coût de ses consommations intermédiaires.

(8) Un taux de change moyen des monnaies reconstituées inférieur au taux de change de l'euro est possible si la réévaluation du mark est relativement modérée. Du point de vue du solde extérieur de l'ex-zone euro, l'abaissement du premier supposerait une hausse très élevée du second.

(9) A ces difficultés il faudrait ajouter que le rôle de l'Etat dans le contexte du vingt et unième siècle n'est plus celui des trente glorieuses. L'innovation par les grands programmes publics laisse aujourd'hui la place à des innovations de conception reposant davantage sur des PME et innovations centrées sur les process, l'organisation et le marketing.

(10) La spirale dépressive fait aussi que la demande est muselée par le comportement des ménages, lesquels se mettent à épargner davantage tout en refusant d'investir. D'où, par exemple en France, un taux d'épargne qui passe de 14,7% du revenu disponible en 2013 à 15,9 au premier trimestre 2014, épargne qui s'accumule selon le baromètre de la Banque de France sur des comptes bancaires. Il est vrai que le risque de déflation développe celui de la "trappe à liquidités".

(11) Avec la possibilité de frapper les monnaies à bon escient . Cf à cet égard un texte étonnant : http://www.lesechos.fr/idees-debats/cercle/cercle-107637-frapper-monnaie-a-bon-escient-1034473. On pourra aussi se tourner vers nombre d'articles déjà publiés sur ce blog.

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