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25 mai 2014 7 25 /05 /mai /2014 17:24

 

L’ex-arbitragiste est en prison. Les juges ont « dit le droit », à partir de faits incontestables : l’intéressé n’a pas respecté les règles de l’entreprise. Jérôme Kerviel était sous les ordres de cette dernière, laquelle respectait  celles du code monétaire et financier. En mettant gravement en cause l’existence de l’entreprise, il ne fait pas de doute que le prisonnier était bien coupable.

Reste la légitimité des fonctions autorisées et encadrées par le dit code monétaire et financier.

Légalité et Légitimité du code monétaire et financier.

Les fonctions de trader et de spéculateur sur des valeurs sont bel et bien des paris sur fluctuations de prix. A ce titre, elles devraient respecter le code civil lequel explique, dans son article 1965, que « La loi n’accorde aucune action pour une dette de jeu ou pour le paiement d’un pari ». On sait toutefois qu’une loi , celle du 28 mars 1884, introduira des limitations à ce qu’on appelle l’exception de jeu, ce qui permettra le retour des marchés à termes, interdits depuis la seconde Restauration.

Comprenons : selon l’article 1965 du code civil les paris ne sont pas interdits, relèvent du libre exercice de la vie privée, mais la société ne veut pas en entendre parler et ne prête pas sa force coercitive aux fins de  respecter ce type d’activité.

La loi de 1884 connaitra un bel avenir et se trouve être à l’origine de beaucoup d’échanges quotidiens qui se résument à de simples jeux, de simples paris : 5500 milliards d’euros par jour sur le seul marché des changes. Et, au-delà des bourses investies par l’immense cohorte de simples parieurs, c’est aussi l’ensemble des marchés à termes où 99% des participants sont très éloignés des réelles implications économiques exigées par l’existence même des sous-jacents. C’est aussi sur cet ensemble de jeux que les gains sont les plus importants. Sans cette loi, les paris ne seraient guère respectés et la finance marginalisée au sein de l’économie.

Le code civil tentait de faire respecter un principe qui pourrait remonter à Aristote et à sa répugnance de la chrématistique : « nul ne saurait s’enrichir par le jeu de l’échange ». Vendre ou acheter une marchandise, que l’on produit/utilise/consomme, n’est pas un simple pari, n’est pas un jeu, et correspond à une utilité sociale dont l’intensité est exprimée par un prix. Réguler par la loi ce type d’échange, n’a rien d’illégitime. En revanche spéculer sur des variations de prix d’un sous-jacent, ni produit ni utilisé ni consommé, n’est à priori guère porteur de légitimité. En ce sens, si la loi de 1884 (et toutes les autres qui stipulent l’interdit de l’exception de jeu) est  légale et crée de la sécurité pour les spéculateurs,  sa légitimité -en revanche- pose problème : la règle est légale mais pas nécessairement légitime.

On peut comprendre la tentation de la protection, par l’existence de produits de couverture seulement accessibles aux agents réellement impliqués, dans la marchandise porteuse d’utilité sociale. Ces produits reposent bien sur des paris, mais des paris qui protègent l’économie réelle.

Par contre, il est peu acceptable de faire entrer sur les marchés des agents dont le seul désir est de jouer.

C’est bien sûr le cas des banques et des activités de trading sur compte propre. Avec un jeu dans le jeu : il s’agit de faire croire que ces activités sont toujours des activités de couverture des échanges réels. Quant à l’envahissement de la nuée des spéculateurs, l’argument – toujours avancé -de la liquidité et de la profondeur apportée sur les marchés, constitue une réponse  manifestement fragile.

La légalité cache manifestement les intérêts d’une masse croissante d’acteurs peu intéressés de par leur activité, à l’économie réelle.

L’affaire Kerviel est essentielle : plus on se penche sur l’illégalité des activités de l’ex-arbitragiste, et moins l’attention se porte sur une légitimité à tout le moins contestable des activités bancaires. Maintenant il est clair que la Banque ne fait dans ces activités sur compte propre que respecter le droit. On a donc tort d’attaquer la Société Générale : il vaut mieux porter les efforts de la contestation sur les entrepreneurs politiques trop obéissants au lobby de la finance.

Légitimité peu assurée  et proximité du délit d’initié.

Mais le soupçon d’illégitimité de l’interdit de l’exception de jeu, et donc de la légalité d’une grande partie du droit financier, s’aggrave lorsque l’on se penche sur le fonctionnement réel des paris. Enracinés dans des contrats financiers, ces derniers ne se nouent qu’au travers d’une consommation gigantesque d’informations de toute nature, informations dont la valeur dépend d’autres informations concernant la pertinence des premières et surtout de leur vitesse de saisie : le premier accédant à l’information est souvent le gagnant du pari. Il en résulte une pression gigantesque sur les offreurs d’informations et le donc le risque bien connu de délit d’initié. C’est ainsi de façon presque spontanée que cette activité -contestable du point de vue de sa légitimité - se rapproche immanquablement du champ des activités franchement délictueuses. Quelle distance entre l’information et le délit d’initié ? Mais aussi quelle distance entre l’information et la tromperie ? Nous tombons là dans le champ de l’activité des régulateurs lesquels pataugent dans d’inextricables difficultés.

Jérôme Kerviel, s’il ne s’est pas personnellement enrichi, est assurément un délinquant. Il a toutefois été baigné dans un système peu légitime et beaucoup trop proche de la délinquance pure. Parce que les paris sur fluctuations de prix sont devenus l’essentiel de l’industrie financière, il appartient aux entrepreneurs politiques d’extirper cette industrie de sa trop grande proximité avec le champ  des activités délictueuses. Mais il est vrai que le lobby financier n’entend pas faciliter la moralisation de la loi. Aussi, se féliciter de la condamnation de Jérôme Kerviel , c’est faire jouer à l’intéressé le rôle de bouc émissaire rétablissant la confiance envers un système.

 

 

 

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15 mai 2014 4 15 /05 /mai /2014 15:36

 

 Martin Wolf dans un article récent[1] évoque la « déficience chronique de la demande mondiale agrégée »,ce qui constitue une autre façon d’évoquer la crise mondiale de surproductioAn souvent mentionnée dans ce blog et en particulier les articles figurant dans le bloc « critique des raisonnements »[2]. Saluons cette prise de conscience, et profitons – en pour repréciser les grandes étapes qui mènent d’une grande crise de surproduction –celle de 1929 -  à l’autre, celle d’aujourd’hui.

La première étape est celle qui permet d’en finir avec la crise précédente et va assurer les « 30 glorieuses »

1) « L’Etat –Nation fordien développé » et le « sous-développement ».

Tout a été dit sur cette phase qui correspond aussi à l’après seconde guerre mondiale, il est donc inutile d’insister. Signalons simplement que cette étape est celle d’une garantie de l’équilibre entre offre globale et demande globale par forte redistribution de gains de productivité abondants. La montée d’une Etat social servira aussi d’assurance de débouchés : les entrepreneurs économiques paient une prime d’assurance garantissant des débouchés croissants,  (taxation de l’activité et en particulier du travail s’agissant plus particulièrement de la France) prime payée à des entrepreneurs politiques qui se produisent et se reproduisent au pouvoir en construisant le produit politique « Etat-providence ». Parce que l’on en est encore au stade de l’Etat-Nation, cela suppose aussi de lourds transferts entre régions, et au final un processus d’homogénéisation renforçant l’équilibre offre globale et demande globale. Au niveau mondial, cette étape se caractérise par une croissance forte de ce qu’on appelle les pays développés et beaucoup plus faibles, pour ce qu’on va à l’époque appeler pays de la périphérie ou pays sous- développés : entre 5 et 7 ou 8% d’un côté et moins de 3% de l’autre. Sur le plan monétaire, le modèle allemand[3] ne s’est pas encore mondialement imposé : «  la loi d’airain » de la monnaie[4] est abandonnée et la création monétaire, qui est le fait des banques centrales et des banques de second rang, est bien présente pour assurer la croissance. Cette croissance monétaire est bien sûr une croissance par endettement, mais celui-ci est contenu par une inflation qui participe largement de la répression financière de l’époque.

2) Mondialisation acte1 : L’émergence du couple USA/Chine.

Ce que certains ont appelé le « mariage de Wal-Mart et du parti communiste  chinois »[5] marque l’une des premières étapes de la forme moderne de la mondialisation.

Il s’agit de la première grande rupture entre offre globale et demande globale. La production chinoise est appelée à devenir très supérieure aux débouchés nationaux. Pour les USA, les choses deviennent complexes : La croissance de la production peut encore se maintenir car la  concurrence  des importations en provenance de chine créent suffisamment d’effet-revenu au profit des salariés qui peuvent ainsi nourrir une demande domestique supplémentaire. Toutefois on se dirige vers un déficit extérieur donc une demande appelée – sauf ouverture croissante du crédit et de la dette - à  se comprimer.

Déficit d’un côté et excédent de l’autre, il peut encore y avoir un équilibre mondial tant que « l’armée industrielle de réserve chinoise » ne heurte pas plus frontalement les salaires américains.

Cette étape 2 concerne les années 80 lesquelles voient un redéploiement de la croissance : Les taux baissent dans les vieux pays développés et montent dans les autres : environ 3% contre 8 à 10 d’abord chez les « tigres asiatiques », ensuite et surtout en Chine. La création monétaire doit bien sûr suivre, et à l’endettement qui ne fait que suivre la croissance il faudra ajouter l’endettement du aux premiers lourds déséquilibres : l’Asie doit commencer à financer l’endettement américain.

3) Mondialisation acte 2 :L’ère des bulles.

L’expression de « pays sous-développés » n’est plus seulement remplacée par celle de  « pays émergents » car nombre de ces derniers deviennent « pays émergés ». Sans toutefois, sauf pour certains d’entre-eux,  devenir des Etat-Nations fordiens classiques. Ainsi la Chine verra la part des salaires dans le PIB devenir l’un des plus faibles du monde : 35%. Son équilibre ne peut donc résulter que d’excédents extérieurs de plus en plus massifs.

 Le déficit américain devient abyssal, car l’économie américaine absorbe une bonne part des excédents chinois, lesquels participent activement à la désindustrialisation du pays, avec en corollaire le blocage de longue période des rémunérations et l’explosion des inégalités.

Désormais toutes les autoroutes de la mondialisation fonctionnant sans péages[6], le nouveau capitalisme voit le principe moteur  de la concurrence passer des gains de productivité à celle de la course à la baisse des salaires. C’est tout le sens qu’il faut donner à l’allongement considérable des « chaines de la valeur », et au primat du « Buy » sur le « make » : il faut sans cesse externaliser et transformer radicalement l’entreprise, qui devient de plus en plus corps apparemment démembrée[7]. Le déséquilibre planétaire devient difficilement gérable et la production croissante voit ses débouchés se restreindre de façon massive.

Toutefois la crise est refoulée par la montée considérable du crédit et de l’endettement qui en découle : une bulle de dettes sur laquelle sont branchés tous les nouveaux instruments d’une créativité financière qui n’est plus muselée par la répression de jadis. Les salariés américains, dont beaucoup sont devenus précaires, continuent de consommer grâce au crédit. L’Etat fédéral poursuit ses dépenses militaires pharaoniques grâce à l’épargne chinoise. Dettes publiques et privées, s’épuisent à maintenir le niveau de demande mondiale globale garantissant la croissance de l’activité.

Cette dernière reste déséquilibrée en faveur des pays émergents (plus de 10% pour la Chine), avec toutefois maintien d’une croissance non négligeable, dopée par la dette dans les anciens pays développés (surtout les USA qui maintiennent durablement des taux supérieurs à 3%).

4) Mondialisation acte 3 : Explosion de la dette et fragile digue des Etats.

Inutile de rappeler les évènements de 2008/2009 tant ils sont connus. Les entrepreneurs politiques devenus dépendants de l’industrie financière[8], et parfois même se confondant avec les dirigeants de cette dernière, font le choix du « Bail-out ». Il en résulte que l’immense dette privée qui se cachait dans la bulle devient dette publique et vient accroitre le poids des charges qui accablaient déjà certains Etats fort endettés[9]. La spéculation sur la dette privée, devient aussi spéculation sur les dettes publiques, avec attaques sur les parties les plus fragiles de la grande digue des Etats : la dette européenne. La zone euro devient ainsi un lieu privilégié, avec prise de conscience par la spéculation que nombre de dettes publiques ne sont plus soutenables. Les entrepreneurs politiques de la zone, ardent défenseurs de la conception allemande de la monnaie, défense qui est aussi celle des grands gagnants de la mondialisation, adoptent à la hâte des mesures d’austérité visant à contenir la vague des déficits et le service de la dette correspondant. Chaque point de PIB de dépense publique gagnée dans la course à un désendettement impossible à atteindre, devient un point de demande globale en moins, d’où- sous l’effet du multiplicateur budgétaire-  l’aggravation de la crise. Ce qui était la première économie du monde devient la zone la plus dépressive du monde, zone qui en raison de son poids, vient affaisser des croissances mondiales déjà sur le déclin. Le prétendu « rétablissement », utilisant y compris des bricolages statistiques[10], n’est que l’aggravation planétaire de la crise. D’où la nécessité de construire de nouvelles digues.

5) Mondialisation acte 4 : La construction de la digue des banques centrales et ses effets.

Parce que la mondialisation est devenue une logique de destruction, creusant un fossé de plus en plus large, entre offre globale mondiale et demande globale mondiale, fossé que les Etats ne sont plus capables de combler par des déficits, il faudra mettre en ordre de bataille les banques centrales chargées de monétiser ou racheter de la dette. Cela commence très tôt avec la FED et 3 « quantitative easings » laquelle sera suivie par les banques d’Angleterre, puis du Japon et en enfin la BCE et ses « LTRO » et autre « OMT ». Le comblement du fossé entre offre globale et demande globale se mesure à la démesure croissante des bilans des dites banques centrales : plus du quart des PIB des Etats correspondants et la moitié du PIB japonais pour la banque du Japon.

Commencée avec la mise en place des autoroutes de la finance, et donc la fin de la répression financière et de l’euthanasie des rentiers, la mondialisation poursuit sa course destructrice en  revenant vers cette dernière  de façon imprévisible et inattendue : Les Etats, y compris ceux du sud de l’euro zone,  retrouvent des conditions d’endettement qui ne sont plus celles de la loi d’airain de la monnaie[11]. De la même façon les entreprises non financières voient leur rentabilité augmenter en raison de la baisse des taux[12]. A l’inverse, la menace est grande pour les fonds de pension à prestations définies et les compagnies d’assurances. La nouvelle euthanasie des rentiers permettrait ainsi de ne plus évoquer stupidement le « sacrifice des générations futures »- les ménages jeunes bénéficient de taux faibles- et l’égoïsme des ainés, qui cigales plus que fourmis, auraient scandaleusement endettés leur pays.

Conclusions

La nouvelle euthanasie des rentiers n’est pas celle obtenue à l’issue de la crise de 1929.

A l’échelle mondiale elle n’empêche nullement le fossé entre offre globale et demande globale de s’élargir : le processus de dislocation ne s’achève pas. Il est même conforté par la digue ultime des banques centrales….des établissements dont le passif n’est jamais exigible[13]… Plus clairement encore, la course à la baisse mondiale des salaires peut se poursuivre[14], et la logique de destruction continuer : expulsion de ceux qui bénéficiaient d’un Etat-providence, d’un emploi stable, d’une appartenance à la classe moyenne, etc. Mais aussi expulsion des entrepreneurs politiques classiques désormais supplantés par des gangs ou « formations prédatrices »[15] faites d’une élite mondialisée, hors-sol, bénéficiant de capacités systémiques surpuissantes et finalement peu maitrisables[16] : banquiers, juristes, comptables, mathématiciens, journalistes, dirigeants de grandes entreprises, informaticiens, physiciens, lobbyistes, etc.[17]. Au total expulsion de la démocratie au profit d’une oligarchie, avec maintien, voire sacralisation de droits de l’homme dans leurs versions les plus épurées, c’est-à-dire anglo-saxonnes.

Plus proche de l’Europe, cette euthanasie n’entraine évidement aucune solution à la crise de l’euro : les pays du sud ne peuvent en aucune façon espérer de soulagement dans la course à la baisse des salaires par une modification du taux de change : il faut imaginer l’impensable et le cruel retour à des époques que l’on croyait révolues. Non seulement l’Europe du sud doit accepter la dévaluation interne exigée par l’Allemagne[18], mais elle doit aussi subir les assauts d’un processus plus vaste encore, celui imposé par l’écart croissant entre offre et demande planétaire. Alors que la première euthanasie des rentiers correspondait à un moment d’inclusion de la plupart des groupes sociaux à l’intérieur de l’espace « Etat-Nation », la seconde procède par expulsion croissante.

Dernier point : la nouvelle euthanasie des rentiers ne peut être une incitation à l’investissement productif. Constatons que si la baisse des taux a permis aux entreprises non financières (ENF) d’accéder à une rentabilité plus élevée, l’investissement ne peut s’envisager sur la base d’une demande globale en réduction, déficit d’investissement qui en retour affaisse davantage encore la demande globale mondiale et fait grandir le fossé avec l’offre correspondante.[19]

Mais où se trouve donc l’économie de l’offre ?

 



[1]« Euthanasions les rentiers » ; Le Monde du 10 mai 2014.

[2] La plupart des 16 articles figurant sous cette rubrique fait mention d’une critique générale de la loi de Say. Ajoutons-y : http://www.lacrisedesannees2010.com/article-mir-acles-de-l-offre-competitive-et-aggravation-de-la-crise-planetaire-de-surproduction-123382311.html.

[3] http://www.lacrisedesannees2010.com/article-independance-des-banques-centrales-et-paradigmes-culturels-117604632.html

[4] http://www.lacrisedesannees2010.com/article-la-loi-d-airain-de-la-monnaie-medium-n-34-janvier-2013-114312510.html.

[5]Expression que nous devons à Jean- Michel Quatrepoint.

[6] http://www.lacrisedesannees2010.com/article-agonie-du-fordisme-forme-de-l-etat-et-gigantisme-financier-2-77358419.html

[7] La « tête » dans un pays, un bras sur un autre dans un autre continent, une jambe dans un troisième, etc.

[8]Phénomène bien expliqué dans l’ouvrage de Christian Chavagneux et Thierry Philipponnat : « La capture » ; La Découverte ; 2014.

[9] D’autres qui l’étaient peu le deviennent brutalement en raison du sauvetage financier : USA, Irlande, Espagne, etc.

[10] Parmi ces derniers signalons la redéfinition des règles comptables pour le calcul des PIB, (par exemple les dépenses de recherche et développement sont désormais comptabilisées dans la FBCF) ce qui entraine une croissance « inédite », et les exceptions aux règles de calcul du déficit pour les pays les plus en difficulté notamment la Grèce. De quoi améliorer les images statistiques et donc de rassurer.

[11] D’où les prétendus retours triomphaux des Etats du sud de la zone euro qui connaissent des taux enfin abordables, tandis que la France n’a jamais connue de taux aussi bas qu’en ce printemps 2014.

[12] Cette baisse aurait représenté 20% de la croissance des entreprises américaines entre 2007 et 2012. Cf l’article de Martin Wolf déjà cité.

[13] http://www.lacrisedesannees2010.com/article-oui-le-passif-d-une-banque-centrale-est-non-exigible-une-aubaine-pour-la-finance-121560542.html

[14] D’où le blocage des nouvelles et importantes classes moyennes des émergents : Chine, Brésil, etc. ..Concurrencées par de nouveaux salariés des nouvelles périphéries : Vietnam, Bengladesh, Ethiopie, etc. Pour ne prendre qu’un exemple la nouvelle classe moyenne chinoise se trouve désormais exposée à la baisse des salaires américains (l’écart de cout unitaire étant passé de 17,1$ en 2005 à 6,9 en 2012…écart  disparaissant avec les couts américains de l’énergie, d’où les nouveaux investissements chinois dans le sud des USA) mais aussi à l’énorme compétitivité de ses voisins immédiats (Vietnam et Cambodge) dont les salaires très inférieurs aux salaires chinois justifient les massives délocalisations chinoises vers ces pays pour l’industrie du jouet ou du textile. A une échelle plus réduite la moyennisation de l’espace européen devient avec l’euro, un leurre, et l’écart de 1à 20  (selon XERFY) entre les 10% les plus pauvres (plutôt des ménages portugais) et les 10% les plus riche (plutôt des ménages allemands et luxembourgeois) ne va guère se réduire avec les politiques d’austérité.

[15] Terme emprunté à Saskia Sassen dans son ouvrage : « Expulsions. Brutality and complexity in the Global Economy »; Harvard University Press ; Mai 2014.

[16]L’industrie financière dérégulée est en effet non maitrisable y compris par ses acteurs, lesquels sont parfois inquiets d’une création à la fois voulue et subie. De la même façon qu’un accident nucléaire développe des évènements hors de contrôle, un accident financier développe des conséquences non planifiables.

[17] Cette élite mondialisée hors sol - bien sûr investie dans l’immense industrie financière -  n’est évidemment pas victime de l’euthanasie des rentiers. Cette élite vit en effet moins de taux que d’écarts de prix. Parce que l’industrie en question vit de la recherche de l’information, elle patauge nécessairement dans les marécages des délits d’initiés et autres conflits d’intérêt. C’est cette matière première qui fait l’immensité de sa prédation, une prédation vis-à-vis de  laquelle les « régulateurs » s’avèrent impuissants.

[18]Laquelle détenait le record des inégalités dans les grands pays industriels et vient seulement d’être rattrapée par les USA, ce qui explique aussi, partiellement, son attitude vis-à-vis d’une Grèce dont les ménages disposeraient d’un patrimoine trop important (Cf le rapport OCDE présenté dans les Echos des 2 et 3 mai 2014).

[19] Ajoutons que les investissements programmés ne sont pas orientés vers la productivité et, la  « destruction créatrice » chère à Schumpeter, est toujours annoncée… et peu constatée. Cf. à cet égard les thèses actuelles développées par Peter Thiel, Garry Kasparof, Robert Gordon mais aussi Jean Paul Pollin et tant d’autres, qui insistent sur l’idée de longue stagnation en matière de technologie et d’innovation. Ces idées sont aussi confirmées par l’estimation de la qualité des emplois crées en France à l’horizon 2018 (Cf. le rapport McKinsey d’Avril 2014) qui révèle clairement le choix de branches non porteuses de gains de productivité (Maintenance et entretien, services aux particulier, hébergement et restauration, santé, etc.).

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12 mai 2014 1 12 /05 /mai /2014 09:00

 

 Martin Wolf dans un article récent[1] évoque la « déficience chronique de la demande mondiale agrégée »,ce qui constitue une autre façon d’évoquer la crise mondiale de surproduction souvent mentionnée dans ce blog et en particulier les articles figurant dans le bloc « critique des raisonnements »[2]. Saluons cette prise de conscience, et profitons – en pour repréciser les grandes étapes qui mènent d’une grande crise de surproduction –celle de 1929 -  à l’autre, celle d’aujourd’hui.

La première étape est celle qui permet d’en finir avec la crise précédente et va assurer les « 30 glorieuses »

1) « L’Etat –Nation fordien développé » et le « sous-développement ».

Tout a été dit sur cette phase qui correspond aussi à l’après seconde guerre mondiale, il est donc inutile d’insister. Signalons simplement que cette étape est celle d’une garantie de l’équilibre entre offre globale et demande globale par forte redistribution de gains de productivité abondants. La montée d’une Etat social servira aussi d’assurance de débouchés : les entrepreneurs économiques paient une prime d’assurance garantissant des débouchés croissants,  ( taxation de l’activité et en particulier du travail s’agissant plus particulièrement de la France) prime payée à des entrepreneurs politiques qui se produisent et se reproduisent au pouvoir en construisant le produit politique « Etat-providence ». Parce que l’on en est encore au stade de l’Etat-Nation, cela suppose aussi de lourds transferts entre régions, et au final un processus d’homogénéisation renforçant l’équilibre offre globale et demande globale. Au niveau mondial, cette étape se caractérise par une croissance forte de ce qu’on appelle les pays développés et beaucoup plus faibles, pour ce qu’on va à l’époque appeler pays de la périphérie ou pays sous- développés : entre 5 et 7 ou 8% d’un côté et moins de 3% de l’autre. Sur le plan monétaire, le modèle allemand[3] ne s’est pas encore mondialement imposé : «  la loi d’airain » de la monnaie[4] est abandonnée et la création monétaire, qui est le fait des banques centrales et des banques de second rang, est bien présente pour assurer la croissance. Cette croissance monétaire est bien sûr une croissance par endettement, mais celui-ci est contenu par une inflation qui participe largement de la répression financière de l’époque.

2) Mondialisation acte1 : L’émergence du couple USA/Chine.

Ce que certains ont appelé le « mariage de Wal-Mart et du parti communiste  chinois » marque l’une des premières étapes de la forme moderne de la mondialisation.

Il s’agit de la première grande rupture entre offre globale et demande globale. La production chinoise est appelée à devenir très supérieure aux débouchés nationaux. Pour les USA, les choses deviennent complexes : La croissance de la production peut encore se maintenir car la  concurrence  des importations en provenance de chine créent suffisamment d’effet-revenu au profit des salariés qui peuvent ainsi nourrir une demande domestique supplémentaire. Toutefois on se dirige vers un déficit extérieur donc une demande appelée – sauf ouverture croissante du crédit et de la dette - à  se comprimer.

Déficit d’un côté et excédent de l’autre, il peut encore y avoir un équilibre mondial tant que « l’armée industrielle de réserve chinoise » ne heurte pas plus frontalement les salaires américains.

Cette étape 2 concerne les années 80 lesquelles voient un redéploiement de la croissance : Les taux baissent dans les vieux pays développés et montent dans les autres : environ 3% contre 8 à 10 d’abord chez les « tigres asiatiques », ensuite et surtout en Chine. La création monétaire doit bien sûr suivre, et à l’endettement qui ne fait que suivre la croissance il faudra ajouter l’endettement du aux premiers lourds déséquilibres : l’Asie doit commencer à financer l’endettement américain.

3) Mondialisation acte 2 :L’ère des bulles.

L’expression de « pays sous-développés » n’est plus seulement remplacée par celle de  « pays émergents » car nombre de ces derniers deviennent « pays émergés ». Sans toutefois, sauf pour certains d’entre-eux,  devenir des Etat-Nations fordiens classiques. Ainsi la Chine verra la part des salaires dans le PIB devenir l’un des plus faibles du monde : 35%. Son équilibre ne peut donc résulter que d’excédents extérieurs de plus en plus massifs.

 Le déficit américain devient abyssal, car l’économie américaine absorbe une bonne part des excédents chinois, lesquels participent activement à la désindustrialisation du pays, avec en corollaire le blocage de longue période des rémunérations et l’explosion des inégalités.

Désormais toutes les autoroutes de la mondialisation fonctionnant sans péages[5], le nouveau capitalisme voit le principe moteur  de la concurrence passer des gains de productivité à celle de la course à la baisse des salaires. C’est tout le sens qu’il faut donner à l’allongement considérable des « chaines de la valeur », et au primat du « Buy » sur le « make » : il faut sans cesse externaliser et transformer radicalement l’entreprise, qui devient de plus en plus corps apparemment démembrée[6]. Le déséquilibre planétaire devient difficilement gérable et la production croissante voit ses débouchés se restreindre de façon massive.

Toutefois la crise est refoulée par la montée considérable du crédit et de l’endettement qui en découle : une bulle de dettes sur laquelle sont branchés tous les nouveaux instruments d’une créativité financière qui n’est plus muselée par la répression de jadis. Les salariés américains, dont beaucoup sont devenus précaires, continuent de consommer grâce au crédit. L’Etat fédéral poursuit ses dépenses militaires pharaoniques grâce à l’épargne chinoise. Dettes publiques et privées, s’épuisent à maintenir le niveau de demande mondiale globale garantissant la croissance de l’activité.

Cette dernière reste déséquilibrée en faveur des pays émergents (plus de 10% pour la Chine), avec toutefois maintien d’une croissance non négligeable, dopée par la dette dans les anciens pays développés (surtout les USA qui maintiennent durablement des taux supérieurs à 3%).

4) Mondialisation acte 3 : Explosion de la dette et fragile digue des Etats.

Inutile de rappeler les évènements de 2008/2009 tant ils sont connus. Les entrepreneurs politiques devenus dépendant de l’industrie financière, et parfois même se confondant avec les dirigeants de cette dernière, font le choix du « Bail-out ». Il en résulte que l’immense dette privée qui se cachait dans la bulle devient dette publique et vient accroitre le poids des charges qui accablaient déjà certains Etats fort endettés[7]. La spéculation sur la dette privée, devient aussi spéculation sur les dettes publiques, avec attaques sur les parties les plus fragiles de la grande digue des Etats : la dette européenne. La zone euro devient ainsi un lieu privilégié, avec prise de conscience par la spéculation que nombre de dettes publiques ne sont plus soutenables. Les entrepreneurs politiques de la zone, ardent défenseurs de la conception allemande de la monnaie, défense qui est aussi celle des grands gagnants de la mondialisation, adoptent à la hâte des mesures d’austérité visant à contenir la vague des déficits et le service de la dette correspondant. Chaque point de PIB de dépense publique gagnée dans la course à un désendettement impossible à atteindre, devient un point de demande globale en moins, d’où- sous l’effet du multiplicateur budgétaire-  l’aggravation de la crise. Ce qui était la première économie du monde devient la zone la plus dépressive du monde, zone qui en raison de son poids, vient affaisser des croissances mondiales déjà sur le déclin. Le prétendu « rétablissement », utilisant y compris des bricolages statistiques[8], n’est que l’aggravation planétaire de la crise. D’où la nécessité de construire de nouvelles digues.

5) Mondialisation acte 4 : La construction de la digue des banques centrales et ses effets.

Parce que la mondialisation est devenue une logique de destruction, creusant un fossé de plus en plus large, entre offre globale mondiale et demande globale mondiale, fossé que les Etats ne sont plus capables de combler par des déficits, il faudra mettre en ordre de bataille les banques centrales chargées de monétiser ou racheter de la dette. Cela commence très tôt avec la FED et 3 « quantitative easings » laquelle sera suivie par les banques d’Angleterre, puis du Japon et en enfin la BCE et ses « LTRO » et autre « OMT ». Le comblement du fossé entre offre globale et demande globale se mesure à la démesure croissante des bilans des dites banques centrales : plus du quart des PIB des Etats correspondants et la moitié du PIB japonais pour la banque du Japon.

Commencée avec la mise en place des autoroutes de la finance, et donc la fin de la répression financière et de l’euthanasie des rentiers, la mondialisation poursuit sa course destructrice en  revenant vers cette dernière  de façon imprévisible et inattendue : Les Etats, y compris ceux du sud de l’euro zone,  retrouvent des conditions d’endettement qui ne sont plus celles de la loi d’airain de la monnaie[9]. De la même façon les entreprises non financières voient leur rentabilité augmenter en raison de la baisse des taux[10]. A l’inverse, la menace est grande pour les fonds de pension à prestations définies et les compagnies d’assurances. La nouvelle euthanasie des rentiers permettrait ainsi de ne plus évoquer stupidement le « sacrifice des générations futures »- les ménages jeunes bénéficient de taux faibles- et l’égoïsme des ainés, qui cigales plus que fourmis, auraient scandaleusement endettés leur pays.

Conclusion

La nouvelle euthanasie des rentiers n’est pas celle obtenue à l’issue de la crise de 1929.

A l’échelle mondiale elle n’empêche nullement le fossé entre offre globale et demande globale de s’élargir : le processus de dislocation ne s’achève pas. Il est même conforté par la digue ultime des banques centrales….des établissements dont le passif n’est jamais exigible[11]… Plus clairement encore, la course à la baisse mondiale des salaires peut se poursuivre[12], et la logique de destruction continuer : expulsion de ceux qui bénéficiaient d’un Etat-providence, d’un emploi stable, d’une appartenance à la classe moyenne, etc. Mais aussi expulsion des entrepreneurs politiques classiques désormais supplantés par des gangs ou « formations prédatrices »[13] faites d’une élite mondialisée, hors-sol, bénéficiant de capacités systémiques surpuissantes et finalement peu maitrisables[14] : banquiers, juristes, comptables, mathématiciens, journalistes, dirigeants de grandes entreprises, informaticiens, physiciens, lobbyistes, etc.[15]. Au total expulsion de la démocratie au profit d’une oligarchie, avec maintien, voire sacralisation de droits de l’homme dans leurs versions les plus épurées, c’est-à-dire anglo-saxonnes.

Plus proche de l’Europe, cette euthanasie n’entraine évidement aucune solution à la crise de l’euro : les pays du sud ne peuvent en aucune façon espérer de soulagement dans la course à la baisse des salaires par une modification du taux de change : il faut imaginer l’impensable et le cruel retour à des époques que l’on croyait révolues. Non seulement l’Europe du sud doit accepter la dévaluation interne exigée par l’Allemagne[16], mais elle doit aussi subir les assauts d’un processus plus vaste encore, celui imposé par l’écart croissant entre offre et demande planétaire. Alors que la première euthanasie des rentiers correspondait à un moment d’inclusion de la plupart des groupes sociaux à l’intérieur de l’espace « Etat-Nation », la seconde procède par expulsion croissante.

Dernier point : la nouvelle euthanasie des rentiers ne peut être une incitation à l’investissement productif. Constatons que si la baisse des taux a permis aux entreprises non financières (ENF) d’accéder à une rentabilité plus élevée, l’investissement ne peut s’envisager sur la base d’une demande globale en réduction, déficit d’investissement qui en retour affaisse davantage encore la demande globale mondiale et fait grandir le fossé avec l’offre correspondante.[17]

Mais où se trouve donc l’économie de l’offre ?



[1]« Euthanasions les rentiers » ; Le Monde du 10 mai 2014.

[2] La plupart des 16 articles figurant sous cette rubrique fait mention d’une critique générale de la loi de Say. Ajoutons-y : http://www.lacrisedesannees2010.com/article-mir-acles-de-l-offre-competitive-et-aggravation-de-la-crise-planetaire-de-surproduction-123382311.html.

[3] http://www.lacrisedesannees2010.com/article-independance-des-banques-centrales-et-paradigmes-culturels-117604632.html

[4] http://www.lacrisedesannees2010.com/article-la-loi-d-airain-de-la-monnaie-medium-n-34-janvier-2013-114312510.html.

[5] http://www.lacrisedesannees2010.com/article-agonie-du-fordisme-forme-de-l-etat-et-gigantisme-financier-2-77358419.html

[6] La « tête » dans un pays, un bras sur un autre dans un autre continent, une jambe dans un troisième, etc.

[7] D’autres qui l’étaient peu le deviennent brutalement en raison du sauvetage financier : USA, Irlande, Espagne, etc.

[8] Parmi ces derniers signalons la redéfinition des règles comptables pour le calcul des PIB, ce qui entraine une croissance « inédite », et les exceptions aux règles de calcul du déficit pour les pays les plus en difficulté notamment la Grèce. De quoi améliorer les images statistiques et donc de rassurer.

[9] D’où les prétendus retours triomphaux des Etats du sud de la zone euro qui connaissent des taux enfin abordables, tandis que la France n’a jamais connue de taux aussi bas qu’en ce printemps 2014.

[10] Cette baisse aurait représenté 20% de la croissance des entreprises américaines entre 2007 et 2012. Cf l’article de Martin Wolf déjà cité.

[11] http://www.lacrisedesannees2010.com/article-oui-le-passif-d-une-banque-centrale-est-non-exigible-une-aubaine-pour-la-finance-121560542.html

[12] D’où le blocage des nouvelles et importantes classes moyennes des émergents : Chine, Brésil, etc. ..concurrencées par de nouveaux salariés des nouvelles périphéries : Vietnam, Bengladesh, Ethiopie,etc. Pour ne prendre qu’un exemple la nouvelle classe moyenne chinoise se trouve désormais exposée à la baisse des salaires américains (l’écart de cout unitaire étant passé de 17,1$ en 2005 à 6,9 en 2012…et disparaissant avec les couts de l’énergie d’où les nouveaux investissements chinois dans le sud des USA) mais aussi à l’énorme compétitivité de ses voisins immédiats (Vietnam et Cambodge) dont les salaires très inférieurs aux salaires chinois justifient les massives délocalisations chinoises vers ces pays pour l’industrie du jouet ou du textile.

[13] Terme emprunté à Saskia Sassen dans son ouvrage : « Expulsions. Brutality and complexity in the Global Economy »; Harvard University Press ; Mai 2014.

[14]L’industrie financière dérégulée est en effet non maitrisable y compris par ses acteurs, lesquels sont parfois inquiets d’une création à la fois voulue et subie. De la même façon qu’un accident nucléaire développe des évènements hors de contrôle, un accident financier développe des conséquences non planifiables.

[15] Cette élite mondialisée hors sol - bien sûr investie dans l’immense industrie financière -  n’est évidemment pas victime de l’euthanasie des rentiers. Cette élite vit en effet moins de taux que d’écarts de prix. Parce que l’industrie en question vit de la recherche de l’information, elle patauge nécessairement dans les marécages des délits d’initiés et autres conflits d’intérêt. C’est cette matière première qui fait l’immensité de sa prédation, une prédation vis-à-vis de  laquelle les « régulateurs » s’avèrent impuissants.

[16]Laquelle détenait le record des inégalités dans les grands pays industriels et vient seulement d’être rattrapée par les USA, ce qui explique aussi, partiellement, son attitude vis-à-vis d’une Grèce dont les ménages disposeraient d’un patrimoine trop important (Cf le rapport OCDE présenté dans les Echos des 2 et 3 mai 2014).

[17][17] Ajoutons que les investissements programmés ne sont pas orientés vers la productivité et, la  « destruction créatrice » chère à Schumpeter, est toujours annoncée… et peu constatée. Cf. à cet égard les thèses actuelles développées par Peter Thiel, Garry Kasparof, Robert Gordon mais aussi Jean Paul Pollin et tant d’autres, qui insistent sur l’idée de longue stagnation en matière de technologie et d’innovation. Ces idées sont aussi confirmées par l’estimation de la qualité des emplois crées en France à l’horizon 2018 (Cf rapport MCKinsey d’Avril 2014) qui révèlent clairement le choix de branches non porteuses de gains de productivité ( Maintenance et entretien, services aux particulier, hébergement et restauration, santé, etc.).

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7 mai 2014 3 07 /05 /mai /2014 08:31

     La question du taux de change continue de se poser aves les déclarations du premier ministre français et celles du ministre du redressement productif. Il est bien sûr à noter que l'Allemagne ne peut accepter un tel débat mettant en cause le consensus monétaire qui fonde le contrat social allemand. Et c'est bien de cette façon que vient de réagir Steffen Seibert porte parole de la chancelière allemande. Il est à regretter dans cette affaire l'attitude de Benoit Coeuré qui ne se borne à voir dans le taux de change qu'une "passion française", attitude qui soutient le consensus allemand.

Nous proposons à cet égard de reprendre notre article publié sur ce blog le 17 mars dernier:

 

Les débats concernant le taux de change de l’euro rebondissent à la faveur du seuil atteint au cours de ces derniers jours : près de 1,4 dollars.

Certains n’hésitent pas à considérer qu’il s’agit de la conséquence d’un commerce extérieur devenu fortement excédentaire : 158,8 milliards d’euros en 2013, contre seulement 79,2 milliards d’euros en 2012, soit 2,8 points de PIB. D’autres diront qu’il s’agit de la conséquence d’un statut de monnaie de réserve se substituant progressivement au dollar et suscitant une forte mobilisation de l’épargne asiatique.

Beaucoup s’en plaignent et considèrent à l’inverse que cela devrait entrainer une aggravation des comptes extérieurs négatifs de nombre de pays de la zone sud.

Plus grave est le fait que certains considèrent que le taux de change élevé est sans impact sur le commerce intra zone euro. Encore un raisonnement erroné tenu par des responsables de haut niveau.

S’il est exact que les prix des exportations de la France vers les pays de la zone euro ne sont pas impactés par une variation de taux de change - avec toutefois une composante coût des consommations intermédiaires qui peut varier en raison du fait  qu’elles peuvent être importées depuis l’extérieur de la zone- ces mêmes exportations subissent, à destination, un environnement travaillé par une hausse du taux de change.

Prenons un exemple.

Soit une exportation française de produits manufacturés vers l’Italie.

2 cas peuvent se présenter : les produits exportés connaissent un contenu en importations en provenance de l’extérieur de la zone (scénario 1) ou, à l’inverse, il n’existe aucun contenu importé en provenance de ce même extérieur (scénario 2).

Scénario 1.

Dans cette situation, il existe pour les produits exportés une marge théorique plus grande pouvant affronter une éventuelle modification de l’environnement italien. Pour autant, cet environnement est négativement affecté par la hausse du taux de change : des exportateurs originaires de l’extérieur de la zone euro viennent concurrencer en Italie les exportations françaises. L’impact de la hausse de change étant, pour ces exportateurs, logiquement plus important que celui sur les consommations intermédiaires des exportateurs français, il en résulte une dégradation des marges théoriques au détriment de ces mêmes exportateurs français affrontant le marché italien.

Scénario 2.

En l’absence de contenu importé des exportations, les entreprises françaises concernées ne connaissent pas de modification de marge théorique sur le marché italien. Pour autant elles peuvent affronter de nouveaux compétiteurs sur le marché italien, compétiteurs qui sont des exportateurs en provenance de l’extérieur de la zone euro. Il en résulte une baisse des marges réelles pour les exportateurs français, voire une réelle éviction du marché italien.

Le scénario 2 aggrave le résultat négatif du scénario1.

Les choses sont sans doute encore plus complexes : la hausse du taux de change peut entrainer un effet revenu en Italie, une affectation autre à la marge théorique des exportateurs français, etc. Toutefois ces effets en cascade sont de faible portée et s’amortissent rapidement, laissant le problème du taux de change dans son entièreté.

Conclusion : Il est erroné de dire, avec Pascal Lamy en particulier, pour ne citer que ce dernier, que la hausse de l’euro ne constitue pas un problème pour les entreprises françaises qui exportent à l’intérieur de la zone euro.

A contrario, il est possible d’affirmer- toutes choses égales par ailleurs, en particulier sans faire intervenir les politiques de dévaluations internes -  que toute hausse de l’euro affecte négativement l’ensemble du commerce intra-zone. Chaque Pays voyant ses exportations affectées dans la zone par la présence de marchandises substituables importées depuis l’extérieur de la zone.

Bien évidemment, une hausse du taux de change aggravée par des politiques restrictives menées en commun, et politiques visant la seule recherche de compétitivité, renforce un effet de décomposition : le commerce intra zone voit son poids diminuer. Ainsi entre 2003 et 2013 les exportations françaises vers la zone passent de 69 à 60% du total exporté, tandis qu’aux mêmes dates les importations en provenance de la zone passent de 64 à 60% du total importé. L’Allemagne voit également le poids de ces échanges avec la zone diminuer. Ainsi le poids de ses exportations dans la zone est passé de 63% avant la crise à 37% en 2013. Les comportements de passager clandestin de chaque pays (faire de la compétitivité au détriment des autres) entrainant la déconstruction progressive de l’Europe.

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20 avril 2014 7 20 /04 /avril /2014 04:30
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20 avril 2014 7 20 /04 /avril /2014 04:20

Plutôt qu’étudier en profondeur la validité de la loi de Say, une bonne partie des théoriciens de l’offre continue à s’épancher sur les méfaits d’un keynésianisme qui, adapté à une reconstruction ou un rattrapage, deviendrait  inopérant dans  une économie de l’innovation.[1] En clair le texte de Franklin D. Roosevelt « Comment j’ai vaincu la crise » [2] serait aujourd’hui complètement inadapté.

 

 Prétendus méfaits d’un keynésianisme primaire.

La liste des méfaits d’une relance par la demande serait longue :

-Elle ne pourrait jouer positivement que si elle évite une montée des importations et donc se trouverait confortée par des entreprises domestiques plus compétitives, réalité qui supposerait une macroéconomie de l’offre. L’argument est fort et se trouve régulièrement repris par des auteurs qui constatent que c’est, curieusement, le keynésianisme français qui permet de rendre plus supportable les politiques d’austérité des pays du sud de la zone euro[3].

- La non réduction des dépenses publiques ne permettrait pas de relâcher la pression fiscale et ses effets d’encouragement sur l’offre et la compétitivité.

- Les politiques de subventionnement des entreprises ne permettent pas  une allocation optimale du capital (effets de rente ou de capture) et ses impacts sur une offre compétitive.

- Un smic trop élevé correspond à l’exclusion des jeunes et des travailleurs peu qualifiés, lesquels vont constituer une poche de pauvreté.

- Une demande trop sécurisée par une dépense publique abondante freine la concurrence, l’innovation, la productivité et la croissance. A titre d’exemple le poids garanti et croissant des dépenses d’éducation, n’empêcherait pas la diminution des performances des Tests PISA.

On pourrait multiplier les arguments visant à décrédibiliser le keynésianisme.

 

Prétendus bienfaits de l’offre compétitive.

A contrario, parce que la croissance nouvelle ne peut se nourrir d’une reconstruction ou d’un rattrapage, voire d’une simple généralisation d’une norme technologique[4], il serait nécessaire d’une part d’accroître la productivité de la machinerie gouvernementale  et, d’autre part,  d’adopter des mesures visant à accroitre la mobilité sociale.

L’amélioration de la productivité de la machinerie gouvernementale se matérialiserait par plusieurs canaux :

- La diminution de la pression fiscale, notamment sur le capital, permettrait l’encouragement de l’investissement et la croissance.

- la réorganisation de cette même pression en faveur d’outils dynamisant la croissance : orientation vers la TVA, vers les taxes sur les propriétés et transactions immobilières aux fins de décourager l’allocation de capital vers l’immobilier et favoriser l’entreprise, etc. Dans une perspective semblable on pourrait évoquer les mesures de simplifications administratives.

-  La suppression d’emplois publics dont les effets sur la demande globale sont immédiats permettrait toutefois une augmentation de l’offre de travail dans le secteur privé.

-  La réorganisation du système de soin passant par une réelle maitrise des dépenses et donc celles de la prescription médicale.

-  La réorganisation du système des retraites dont la simplification permettrait la fin de son illisibilité et des surcoûts de gestion qui lui sont associés. Cette réorganisation passerait probablement par une augmentation du nombre d’annuités  de cotisations.

 

L’accroissement de la mobilité sociale passerait elle aussi par de multiples canaux :

 - La réforme du marché du travail visant à augmenter le taux d’emploi des jeunes, à réduire la dualité du marché, à rendre efficace les dépenses de formation professionnelle, etc.

- La réorganisation du marché des biens et services avec la fin des professions fermées et branches d’activités sous régulation publique: énergie, distribution, industrie médicale, etc.

- La suppression des niches fiscales.

Nous retrouvons là nombre de propositions que l’on pouvait recenser dans le rapport Attali[5].

 

La bienfaitrice compétitivité… ou l’évidence suicidaire…

Bien évidemment les hausses de productivité sont intrinsèquement peu discutables : la machine économique globale est plus créatrice de richesse, si dans l’ensemble de ses composantes, il existe des diminutions de couts unitaires, soit par diminution de rentes organisationnelles soit par « destruction créatrice », ou diminution du coût direct du travail ou du capital. C’est au demeurant un tel processus qui a historiquement permis les 30 glorieuses du fordisme triomphant. Avec toutefois une condition fondamentale : l’offre toujours croissante et toujours plus compétitive, bénéficiait aussi d’une demande dont la croissance était elle-même planifiée et politiquement organisée à l’intérieur d’un espace défini comme « Etat-Nation ».

A l’époque c’est en rigidifiant les rémunérations que les débouchés d’une offre compétitive furent assurés : politiques de rémunération, développement d’annexes du salaire toujours plus importantes quantitativement et souvent assorties de clauses règlementaires fort contraignantes. Et ces éléments de rigidité furent introduits pour assurer – au sens de garantie assurantielle  indépendante de toute conjoncture économique-  ce qui ne l’était pas à l’aube du régime fordiste.

 Précisément, à cette époque – celle de l’aube du régime fordiste - existait ce que les marxistes appelaient une « contradiction entre la création et la réalisation de la valeur ». Le passage progressif au fordisme entrainait une augmentation considérable de la productivité dans les branches qui vivaient son éclosion, alors même que les rémunérations restaient celles de la période antérieure. A l’époque, sans augmentation rapide de la demande internationale, existait  un problème de débouchés, c’est-à-dire une demande insuffisante pour absorber une  production rapidement croissante. Cette contradiction devait engendrer la crise de 1929, laquelle sera finalement dépassée par la rigidification d’une demande dont la croissance devait suivre les gains de productivité. Cette dimension du problème bien perçue depuis fort longtemps est aujourd’hui complètement négligée par les théoriciens de l’offre[6].

Dans le contexte européen d’aujourd’hui, il faut pourtant signaler que cette compétitivité recherchée est davantage affaire de diminution de la rigidité des rémunérations que de réels gains de productivité[7]. Et donc la question se pose de savoir comment l’offre compétitive nouvelle, largement reflet d’une baisse globale des rémunérations, peut-elle se déployer et rencontrer les débouchés correspondants. Alors que jadis l’offre croissante se nourrissait de sécurisation de la demande, aujourd’hui elle semblerait se nourrir d’incertitudes elles-mêmes  effets de la flexibilité et de la baisse des rémunérations.[8] Le paradoxe de la situation ne peut être résolu que par le biais du recours aux exportations.

L’explication est simple : le débouché n’est plus local, mais mondial, il n’est garanti que par la  compétitivité. La libre circulation du capital permettant la dissémination des innovations de process et de production, il ne reste plus comme élément fondamental de différenciation que le niveau des rémunérations localement administrées. Cela signifie un marché intérieur déclinant au profit d’un marché extérieur croissant, avec toutes ses conséquences en termes de fin de l’auto centrage des activités au profit d’une extraversion vécue comme optimisation des chaines de la valeur. En clair il faut pour être compétitif, comprimer le marché intérieur (situation inverse de celle des trente glorieuses) qui seul pourra garantir la croissance des exportations. Jadis il fallait rigidifier et gonfler les rémunérations, aujourd’hui il faut les déréglementer et les diminuer. Jadis la compétitivité déployait ses effets revenus à l’intérieur du territoire de l’Etat- Nation. Aujourd’hui ses mêmes effets revenus ne sont plus maitrisables.

En mondialisation la compétitivité est incontournablecomme elle l’était au temps du vieux fordisme auto centré. Avec des conséquences très différentes : jadis la « destruction créatrice » engendrait mécaniquement une offre plus performante absorbée par une demande régulée, le tout se soldant par une croissance vigoureuse. Aujourd’hui, cette incontournable compétitivité, au-delà d’une tendance à la baisse planétaire des salaires,  se solde par une nouvelle contradiction entre la « création et la réalisation » donc une crise mondiale de surproduction[9], que la montée vertigineuse de la finance et de la dette tente vainement de gommer.

 

Miracles et destructions contagieuses.

Le théâtre planétaire de la crise de surproduction  est évidemment fortement contrasté. Ceux que l’on appelle les gagnants de la mondialisation, parce que plus compétitifs connaissent des taux de croissance très élevés et forts destructeurs pour les vieux pays qui n’arrivent pas assez vite dans la course à la baisse des rémunérations[10]. On notera toutefois que les zones de forte compétitivité se déplacent : La chine doit abandonner une partie de sa production textile au Bengladesh, au Cambodge, à l’Ethiopie, etc. Autant de déplacements engendrés par l’aggravation de la crise (les pays européens, notamment ceux du sud qui s’alignent sur la dominante de compétitivité offrent de moins en moins de débouchés aux émergents) et déplacements qui ne pourront que l’aggraver davantage encore : la Chine est elle- même invitée à fonctionner sur la base d’une dette continuellement croissante[11].

Il est donc logique que même les émergents les plus dynamiques finissent par rencontrer le piège de la crise : si la très forte croissance se fait quelque peur redistributive, cela signifie la perte de compétitivité et l’éloignement du miracle.

On comprend ici toute la difficulté du développement du marché intérieur chinois : celui-ci n’a de l’avenir qu’au prix d’un effondrement de compétitivité qui ne pourrait être combattu efficacement que par la construction d’un Etat-nation authentiquement fordien s’éloignant de la mondialisation…..

On comprend mieux aussi ce qu’on appelle la théorie du « piège du revenu intermédiaire [12]» qui s’étonne que les pays à forte croissance se trouvent soudainement bloqués lorsque le périmètre des classes moyenne,  suffisamment élargi,  concerne une part significative de la population. Ces pays, initialement bénéficiaires, c’est-à-dire ayant tiré leur épingle du jeu de la surproduction mondiale par rapport aux débouchés, en deviennent progressivement les nouvelles victimes. Après avoir longtemps exporté de la stagnation et importé de l’activité, la Chine est aujourd’hui de plus en plus obligée de créer localement de l’activité par des investissements publics lourds financés par de la dette. A contrario ses difficultés à exporter de la stagnation chez ses clients provoquent en retour de la stagnation chez ses fournisseurs, d’où un effet de dissémination de la crise[13].

La mondialisation a jusqu’ici imposé une compétitivité qui repose massivement sur la course à la baisse des rémunérations. Sa recherche éperdue qui a pris l’expression mondialement connue de « réformes structurelles » renforce la puissance de la grande crise des années 2010. La crise enlise les sociétés. Sortir de l’enlisement par les réformes structurelle consiste à passer du statut d’enlisé à celui d’englouti. Ce qui ne veut évidemment pas dire qu’il ne faut rien réformer mais qu’il faut au préalable revoir complètement le cadre de l’actuelle mondialisation.



[1] Parmi les auteurs suspectant la non adaptation du keynésianisme nous avons au-delà des libéraux comme Hubert Landier et David Thesmar, des auteurs réformistes tels Philippe Aghion ou Gilbert Cette.

[2]« Comment j’ai vaincu la crise », ensemble de texte repris et publiés par Christian Chavagneux aux éditions  Les Petits Matins- Alternatives Economiques, 2014.

[3] Les tenants de ce point de vue sont par exemple en France Olivier Passet (XERFY) et Jean- Marc Vittori (Les Echos).

[4] Ce qui fut le cas du fordisme à l’issue de la seconde guerre mondiale. Notons au passage que les innovations de rupture sont aujourd’hui largement absentes et seraient à mettre en rapport avec le court-termisme de la finance ( cf l’article de Jean- Paul Pollin : « Mais où est passée la troisième révolution industrielle ?, Les Echos du 3/4/2014).

[5] Rapport sur la libération de la croissance française, La Documentation Française, 2008.

[6] Curieusement, dans les années 80 des économistes keynésiens- qui tout aussi curieusement   sont largement devenus des théoriciens de l’offre- ont lourdement insisté sur cet aspect des choses. Qu’on en juge : en parlant de cette période intermédiaire menant aux trente glorieuses, voici ce qu’écrivaient Jean-Hervé Lorenzi, Olivier Pastré et Joëlle Toledano : « Le taylorisme, mode de rationalisation du seul travail, définit les conditions d’une production de masse sans apporter une quelconque solution à l’écoulement de cette production. En cela, le taylorisme fait inconditionnellement sienne la célèbre loi des débouchés. La crise de 1929 va se charger de lui apporter le démenti des faits ». Cf  page 81 de : « La crise du XXIème siècle » Economica, 1980.

[7] Cf l’article de Jean Paul- Pollin déjà cité.

[8] Comment en effet comprendre que par exemple l’agence pour l’emploi grecque qui occupe dans des activités précaires 300000 chômeurs pour 486 euros versés pendant 5 mois peut faciliter les débouchés d’une offre compétitive nouvelle ?

[9]Christophe Ramaux note que la moitié de la consommation française (843 milliards d’euros sur 1673) est supportée par de la dépense publique) toute réduction de  cette dernière provoque des effets dépressifs. Cf  Le Monde du 19/4/2014 : « La dépense publique est un précieux levier de croissance ».

[10] Dans sa phase ultra-gagnante, la Chine a pu créer jusqu’à plus de 40 millions d’emplois par an…essentiellement dans des activités industrielles tournées vers l’exportation. De quoi considérer que la Chine exportait du chômage pour importer de l’emploi. Dans le même temps la sous consommation se développait : entre l’année 2000 et aujourd’hui la consommation passe de 50 à 35% du PIB.

[11] Cette dernière a commencé avec le pharaonique plan de relance de 2008 : 485 milliards d’euros …pour des infrastructures dont le taux d’engagement dans la réalité économique s’avère aujourd’hui problématique. Avec bien sûr une autre conséquence très lourde : l’accumulation de créances  douteuses, il est vrai garanties par une institution publique. Sans une fantastique accumulation de dettes, la croissance chinoise serait estimée à 3 ou 4% l’an.

[12] Le « Middle- income trap » fut identifié par Barry Eichegeen et repris par les travaux récents de Donghyun Park et Kwanho Shin.

[13] Selon le N° d’avril des « Perspectives économiques mondiales » du FMI, le recul de la croissance des émergents depuis 2012 est imputable pour 25% au ralentissement chinois. Phénomène qui va jusqu’à la désindustrialisation de ceux qui s’y étaient engagés : le Brésil par exemple. On pourrait multiplier les exemples. Ainsi le solde commercial entre l’Espagne et la France est passé d’un excédent (pour la France) de 6,3 milliards d’euros en 2007 à un déficit de 1,9 milliards entre mars 2013 et Mars 2014 : les réformes structurelles consistent ainsi à se passer les "patates chaudes" de la crise.

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11 avril 2014 5 11 /04 /avril /2014 08:34

 

 

Après un travail préparatoire de près d’une année, le Trésor Grec vient d’emprunter sur les marchés 3milliards d’euros à 5 ans pour un taux de 4,95%. La demande comportant un livre d’ordres de 600 signatures a dépassé les 20 milliards contre une première offre de seulement 2,5 milliards. 6 SVT[1] avaient été retenues dont Goldman Sachs, JP Morgan, Morgan Stanley, Bank of America et Merril Linch. Ces SVT auraient par ailleurs acheté de la dette grecque en compte propre.

Les titres remportés le sont essentiellement en provenance de Grande Bretagne (47%), du reste de l’Europe (31%), et hors d’Europe ( 15%). S’agissant de l’origine institutionnelle, la moitié des titres remportés le sont par des sociétés de gestion et le tiers par des « hedge funds ».

Le succès provient de l’importance des moyens mobilisés pour sa préparation, la mise en avant de la sécurité d’une dette certes colossale mais de maturité moyenne largement supérieure à celle de la zone euro, et surtout portée par les mains des partenaires officiels de la Grèce dont bien sûr la BCE.

A y regarder de plus près la prime de risque est importante dans la mesure où aux yeux du marché il apparait que la crise de l’euro serait désormais contenue. C’est dire que l’achat est particulièrement rentable et va permettre de rehausser l’attrait d’un certain nombre de titres financiers qui pourront être dopés avec de la dette grecque. Pour un  certain nombre de banques, la rentabilité est même exceptionnelle puisque les ressources mobilisées pour l’achat le sont à taux presque nul. Pour le trading  classique il s’agit aussi d’une aubaine car la forte demande non satisfaite pourra l’être partiellement par un grand mouvement d’allers-retours permettant de disséminer la manne de la rentabilité sans aucune prise de risque, et cela dans les quelques jours qui suivent le placement. Pour les plus soucieux de confort, il s’agit d’une voie bien paisible qui laisse à d’autres, les fonds « distressed », le soin d’aller plus loin dans le risque fortement rémunéré.

Au total ce que certains appellent le « triomphal retour de la Grèce » sur les marchés est d’abord un cadeau fait à la finance qui ne pourrait envisager aussi facilement une telle efficacité dans la cadre d’un système très classique de prêts aux entreprises. Les prétendus investisseurs n’ont évidemment rien à voir avec le goût du risque sur les marchés économiques.

Les entrepreneurs politiques sont aussi les gagnants de ce qui peut être considéré  comme une réelle opération de communication au bénéfice de l’organisation de Bruxelles et du pouvoir grec. La Commission se voit confirmée dans ses activités à un moment où les risques électoraux du mois de mai ne sont pas négligeables. De la même façon les entrepreneurs politiques au pouvoir à Athènes peuvent mettre en avant ce qui peut apparaitre comme un réel succès. Organisation de Bruxelles et pouvoir grec coopèrent pour mieux affronter l’avenir. Gagner du temps reste le mot d’ordre de la gestion de la grande crise.

A l’inverse l’opération est fort couteuse pour les salariés , consommateurs ou retraités grecs, des groupes pour lesquels la pression sociale/fiscale ne pourra que se renforcer.

Tout d’abord conforter l’euro en Grèce, c’est-à-dire laisser entre  les mains de pauvres une monnaie de réserve à cours élevé, c’est continuer à désindustrialiser la Grèce sauf à en faire une petite chine avec des salaires chinois, ce qui semble ici et là émerger.

Mais surtout le retour du financement public par les marchés doit être supporté par de nouvelles charges : comment servir un taux de 4,95% sur de la dette nouvelle avec un taux de croissance qui restera proche de 0,6% ? Ajoutons que ce taux de l’intérêt doit être « complété » par une déflation qui atteint maintenant le rythme annuel de 1,3% l’an. C’est dire qu’en valeur, la croissance grecque restera négative en 2014.

Le gâteau diminuant et les prélèvements financiers augmentant, c’est bien le citoyen grec qui sera amené à régler la note de ce miracle des marchés.

 



[1]Spécialistes en valeurs du Trésor selon le langage de notre Agence France Trésor.

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2 avril 2014 3 02 /04 /avril /2014 09:08

 

S’agissant du plan de sortie de crise de l’Italie, on peut s’étonner des réactions  superficielles qu’il a engendrées, le plus souvent sous la forme d’éloges visant à souligner le dynamisme du nouveau dirigeant politique. Il faut néanmoins remarquer qu’aucune analyse sérieuse n’a jusqu’ici été publiée.

Le cadre général sur lequel le plan Renzi s’appuie est constitué d’hypothèses  singulières dont au moins deux d’entre elles doivent être soulignées : la « marge » sur le déficit public d’une part, et celle sur le coût de la dette d’autre part. Le plan prévoit en effet que de nouvelles dépenses peuvent finalement être financées par l’accroissement du déficit, lequel n’étant que de 2,6% en 2013, peut se hisser à 3% sans risquer les foudres bruxelloises, ce qui laisserait une enveloppe potentielle de 6 milliards d’euros. Ce même plan prévoit que ces dépenses nouvelles peuvent reposer sur le moindre débours à prévoir en raison d’un coût décroissant du service de la dette, coût décroissant reposant lui-même sur la baisse des taux. Ici la « marge » ainsi imaginée laisserait une enveloppe de 2,4  milliards d’euros.

En dehors du plan de résorption des dettes du Trésor envers les entreprises (60 milliards d’euros) que nous examinerons plus loin, la demande globale devrait augmenter au cours des prochains mois d’un peu plus  de 10 milliards d’euros[1]. Compte tenu de l’effet multiplicateur, cette hausse pourrait entrainer un gain de croissance pour l’année 2013  d’environ 12 à 15 milliards d’euros[2].

En contrepartie, une baisse de la demande globale devrait intervenir du fait d’une réduction de volume de la dépense publique. Dans l’hypothèse retenue d’une baisse du train de vie de l’Etat à hauteur de 7 milliards d’euros pour 2014, nous pourrions avoir une tendance à la contraction du PIB d’un peu moins de 10 milliards d’euros.

Expansion d’un côté, contraction de l’autre, la force expansionniste l’emporte, certes, mais de très peu et surtout elle ne l’emporte qu’au prix d’un accroissement de la dette…autorisée sur la base d’une finasserie comptable : les « marges » sur la dette que nous venons d’évoquer.

Ajoutons que le risque est grand en raison de la non introduction dans le raisonnement des tendances déflationnistes qui augmentent le coût réel de la dette publique alors que le taux nominal pourrait baisser[3].

Reste le grand mystère de la prise en charge par la « Cassa Depositi e Pretiti » (CDP) -c’est-à-dire approximativement l’équivalent de la Caisse Des Dépôts française- des dettes du Trésor sur les entreprises. Un tel transfert développe un gros effet de liquidité sur des entreprises qui pourraient théoriquement investir, voire redistribuer du pouvoir d’achat. Cependant cet effet est contre balancé pour un même montant au détriment de l’aide à l’investissement aux entreprises qui ne pourraient plus bénéficier de fonds de la CDP, désormais mobilisés au titre de la demande du Trésor. Sans recours à une création monétaire, l’idée de transférer 60 milliards d’euros aux entreprises en utilisant les services de La CDP ne correspond à aucun avantage macroéconomique, sauf peut-être en ce qui concerne la notation de l’Etat par les agences.

Le plan Renzi fait ainsi partie des outils de la simple communication gouvernementale.

Il ne produira aucun miracle et laissera le pays dans les difficultés qui sont les siennes.

 Pour autant, on mesure les bénéfices que, théoriquement, il pourrait introduire si la demande globale pouvait bondir de 60 milliards d’euros, au titre du paiement des créances  des entreprises sur le Trésor, à partir d’une pure création monétaire. La prison européenne maintiendra la dure « loi d’airain de la monnaie »[4] et l’Italie comme – à l’exception de l’Allemagne -tous les autres pays de la zone euro ne pourra envisager son avenir sans le rétablissement d’une forme de souveraineté monétaire.

 

 



[1] Fin mai 10 milliards seront remis au ménages sur la base d’un chèque ou d’une diminution du prélèvement à la source. Les autres mesures (baisse de la taxe professionnelle, plan de rénovation des écoles, plan jeunesse, etc.)  monterons progressivement en puissance.

[2] Il est très difficile d’évaluer le multiplicateur et de nombreuses controverses alimentent le débat. On trouvera une bonne synthèse de la question chez Éric Heyer : « Une revue récente de la littérature sur le multiplicateur : la taille compte ! » , OFCE, Le Blog, 2012.

[3] Selon Eurostat, l’inflation qui est tombée à 0,5% en mars pour l’ensemble de la zone, n’est que de 0,4 pour l’Italie.

[4] CF Jean Claude Werrebrouck : « La loi d’airain de la monnaie », Médium, N°34, janvier Février mars 2013.

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24 mars 2014 1 24 /03 /mars /2014 09:07

 

Les Etats sont des cadres d’intégration et de construction des communautés humaines. En très longue période, si d’autres cadres ont pu exister, notamment celui des religions dans leur infinie variété, Il semble qu’aujourd’hui le marché autorégulé s’annonce comme le nouveau principe d’intégration des individus dans un ordre collectif.

Ces cadres sont l’expression du politique comme dispositif général du vivre ensemble avec son liant indispensable : l’idée d’un intérêt général. Ces mêmes cadres ne correspondent pas à ce qui pourrait être une dynamique de l’histoire, avec un temps des religions suivi d’un temps des Etats, puis d’un temps du marché, avec sa vision universaliste que serait la mondialisation.

Une société historique concrète peut mixer les différents cadres avec bien sûr une dominante. Sans vouloir  ni pouvoir être exhaustif, on pourra distinguer des sociétés à religion enkystée dans des Etats ou des sociétés à Etats enkystés dans des religions ; des sociétés avec économie et donc marchés comprimés et/ou surveillés et/ou orientés par des Etats, ou des sociétés dont les Etats ne sont plus que le jouet utilitariste des marchés ; enfin des mondes où l’on retrouve les trois cadres intimement mêlés ou hiérarchisés et en interaction permanente.

Si l’on photographie la grande région Europe, celle qui irait de l’Atlantique à L’Oural, il semble bien que les sociétés qui peuplent cet espace s’organisent autour de 2 grands pôles : à l’ouest, des mondes qui semblent, par un processus de métamorphose, abandonner ce qui était l’Etat-nation au profit d’une mondialisation sans barrière. L’armature des vieux Etats semble devoir être abandonnée au profit d’une nouvelle qui est le marché autorégulateur. A l’est le maintien, voire le retour d’un cadre étatique solide, et entre les deux des communautés humaines travaillées par les forces attractives ou répulsives des 2 pôles.

A l’Ouest, la construction européenne n’est que la fausse barbe de la mondialisation radicale. Il ne s’agit pas de construire un grand Etat comme articulation ou synthèse d’une série de petits Etats-nation, il s’agit d’une dissolution des vieux Etats qui composent la partie ouest européenne. Cette dissolution passe par celle des frontières : fin des identités ou recompositions  culturelles ou sociétales avec développement d’un individualisme hors sol, libre circulation des personnes, disparition d’une souveraineté monétaire, disparition des péages monétaires ( taux de change « dépolitisés »[1] et absence de contrôle dans la circulation des capitaux etc.) , apparition d’agences privées de régulation (Autorités Administratives Indépendantes), recours judiciaire au détriment des cadres législatifs issus de la souveraineté populaire démocratique ( recours aux tribunaux contre une législation sur un smic[2]), Banque centrale séparée des Trésors, etc.

 A cette contestation des Etats « par le haut » va s’ajouter une contestation « par le bas » : celle issue d’une dévaluation interne se manifestant d’abord par une attaque de l’Etat social et le développement de la précarité, cette dernière étant aussi due aux exigences accrues d’employabilité dans un monde beaucoup plus concurrentiel. L’affaiblissement de l’Etat social justifie en retour la perte d’adhésion -  des communautés précarisées et/ou « inadaptées » -  à L’Etat lui-même. Avec bien évidemment une force accélératrice de promotion d’un individualisme aboutissant à la naissance d’une « société hall de gare »[3].

Le moteur de la broyeuse des Etats est bien évidemment l’usine de Bruxelles (il faut établir une « concurrence libre et non faussée ») curieusement animée par des rentiers politiques hors du marché, et  alimentée par les groupes intéressés par la construction de ces nouveaux biens publics que sont les autoroutes de la mondialisation.

La décomposition des Etats-nation européens de l’Ouest fait émerger – au-delà d’un principe général de mutation en « Autorités Administratives Régionales » -  des situations nouvelles, lesquelles dépendent des modalités historiques de construction des dits Etats-Nation.

Lorsque nous avons des Etats incorporant des communautés distinctes (Espagne, Belgique, Grande Bretagne) la dislocation a pour origine la contestation des transferts. Il  s’agit moins de construire un Etat plus petit que de procéder à une analyse coûts /avantages d’une rupture avec l’Etat central.

Une autre possibilité est celle de la contestation radicale du processus en invoquant le retour au vieil Etat-Nation. Cela donne la montée de populismes de droite dans toute l’Europe avec parfois revendication de vieilles frontières aujourd’hui disparues (Hongrie).

Une autre situation nouvelle  consiste en l’émergence  du recours au communautarisme et le repliement identitaire : le marché pourvoyeur d’individualisme se confronte à des « grumeaux » pouvant alimenter des réseaux mafieux ou, à tout le moins, des espaces anomiques.   

 

Et puisque les Etats sont déconsidérés, la lumière nouvelle apportée par les autoroutes de la mondialisation pourra devenir un impérialisme : il faudra édifier au sein de la technocratie bruxelloise un « Commissariat à l’Elargissement »[4] qui devra justifier son travail par la recherche de nouveaux espaces pouvant répondre aux « critères de Copenhague [5]». La nouvelle frontière étant devenue la Biélorussie, la Moldavie, la Transnistrie et l’Ukraine. L’impérialisme, au moins dans sa dimension messianique, devient ainsi le stade suprême de l’intégration européenne. Certes un impérialisme d’un nouveau genre puisqu’il est censé apporter les droits de l’homme et les libertés individuelles.

 

A l’extrême Est de l’Europe, un monde néo westphalien s’est édifié sur les décombres de l’ex -URSS : La Russie. Il s’agit à n’en pas douter d’un Etat-Nation qui entend reprendre toute la logique de l’ordre Westphalien : Inviolabilité d’une souveraineté mise en exergue, frontière inviolable avec contrôle des mouvements de population, principe de non-ingérence avec sanction brutale à son manquement, mesures d’homogénéisation des populations : mythe fondateur, religion enkystée dans l’Etat ou Etat enkysté dans la religion, monnaie nationale et souveraine, langue, armée patriotique, etc. Bien évidemment l’idée d’un intérêt général passe davantage par des contraintes collectives que par l’explosion des libertés individuelles : le peuple n’est pas une somme d’individus dans un hall de gare.

 

Reprenant les origines- mêmes du concept westphalien ( 16 octobre 1648), le ou les politiques sont des prédateurs qui, sans avoir mis en place (et ne le souhaitant pas) les autoroutes de la mondialisation, cherchent à la vampiriser ou à en bénéficier : libre circulation du capital pour les oligarques en quête de paradis fiscaux, stratégie géopolitique de maximisation des rentes gazières et pétrolières, utilisation contrôlée des technologies numériques, etc. Il s’agit de fait de la reconstruction de la phase mercantiliste parcourue par nombre de vieux Etats-Nations.

Comme dans le vieux monde westphalien  les actions souveraines de l’Etat monopoleur et prédateur développent des externalités qui se règlent mal par un droit international trop imprégné de culture mondialiste et de respect des droits de l’homme. Le mythe de l’empire et celui de sa gloire passée, homogénéise et produit des tendances impérialistes nourries par la possibilité de se greffer sur une mondialisation honnie : le territoire souverain peut s’élargir notamment au détriment d’Etats moins résistants et proches d’un statut de « failed State ».

Entre l’Ouest qui est le seul véritable phare planétaire de la mondialisation diabolisant les Etats, et l’Est qui ne se ressource que par un Etat mercantiliste peu soucieux des droits individuels, s’étire les « failed States » déjà énoncés, territoires devenant des enjeux inter-impérialistes. Ces « failed states » sont ainsi désignés car ils sont de fait écartelés entre les deux pôles.

C’est cet écartèlement qui explique le caractère de structure conglomérale pré- moderne d’un pays aujourd’hui sur le devant de la scène : l’Ukraine.

Ce pays n’a jamais pu connaitre de moment westphalien en raison de l’impérialisme de ses voisins. Espace travaillé par la Russie, l’empire austro-Hongrois, La Pologne et la Lituanie, il n’a connu qu’une courte indépendance en 1917 avant une intégration plus complète dans l’URSS et une nouvelle indépendance en 1991.  Le système westphalien y a toujours fonctionné à ses dépens et les caractéristiques de l’ordre correspondant sont très mal établies : homogénéisation très faible (qui permet par exemple l’édification récente d’une statue du dernier des Habsbourg dans une région Ouest et de maintenir la statue de Lénine à Kharkiv[6]) et donc grande difficulté d’y faire naitre un peuple et une idée d’intérêt général. Cela signifie à contrario des coûts d’hétérogénéité très important avec une grande difficulté de transferts entre régions. Une telle désarticulation rend très difficile l’établissement d’un Etat de droit qui reste prémoderne.

En activant son commissariat à l’élargissement, lui–même influencé par l’activisme polonais, la CEE, heurte de manière frontale la partie Est du pays, elle-même économiquement complètement dépendante de la Russie. Ce dernier pays, lui-même doté d’un Etat qui refuse brutalement la mondialisation tout en la vampirisant, ne peut que réagir négativement à ce qui lui apparait comme une ingérence coloniale dans sa propre zone d’influence.

Les technocrates et rentiers politiques de l’organisation bruxelloise ne se rendent même pas compte du caractère violent et donc impérialiste de leur armada de normes ultra-libérales, les fameux « critères de Copenhague », normes qui détruisent un double système de valeurs et d’intérêts locaux.

Plus curieusement encore, les allemands ne se rendent pas compte - qu’initiateurs rigoureux, dogmatiques, et exigeants de l’ordo- libéralisme européen- ils risquent d’être les premiers concernés par les conséquences de l’affrontement inter-impérialiste.

Cet affrontement sera toutefois encore mieux évité qu’à Fachoda[7] : la haine de l’Etat-nation, avec ses contradictions, comme celle de la curieuse intangibilité des frontières, a produit l’affaissement de la puissance militaire. L’impérialisme de l’organisation de Bruxelles ne peut être que messianique et se bornera dans un premier temps aux habituelles exhortations concernant « l’impérieuse nécessité de réformes structurelles ». Un messianisme lui-même désargenté face à l’énormité des besoins qu’il faudrait rassembler  pour extirper l’Ukraine de sa tutelle russe[8].

 



[1] Selon la savoureuse expression de Jens Weidmann, président de la Bundesbank

[2] Rumeur persistante s’agissant de la présente négociation Transatlantique. Cf l’article de Lori M.Wallach dans le Monde Diplomatique de novembre 20123.

[3] Expression chère à Alain Finkielkraut.

[4] Son actuel responsable est le Tchèque Sefan Füle.

[5] Ces critères ou conditions, sont annoncées dans l’article 49 du Traité de Lisbonne et relèvent, pour l’essentiel de la conception ordo libérale allemande.

[6] Cf l’intéressant article de Georges Nivat : « Vers une troisième Europe » dans Le Monde du 23 et 24 mars 2014.

[7] Lieu de la dangereuse rencontre ( Sud Soudan actuel) entre les armées britanniques et française en 1898.

[8]Bruxelles propose 15 milliards d’aide, alors même que la dette de l’Ukraine se monte à 140 milliards (80% de son PIB), sa partie court terme étant évaluée  à 65 milliards d’euros. N’oublions pas également les coûts potentiels de désorganisation dont celui de l’Est industriel tourné vers la Russie.

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17 mars 2014 1 17 /03 /mars /2014 15:35
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