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7 novembre 2013 4 07 /11 /novembre /2013 07:44
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6 novembre 2013 3 06 /11 /novembre /2013 23:00

                          

Dans « Mondialisation : l’aventure étatique est loin de s’achever » nous avons évoqué les trois grandes  formes de décomposition/recomposition des Etats. Dans ce cadre, nous avons traité de façon simplement allusive, ce que nous appelions les « structures conglomérales pré modernes ».

Le présent texte propose de donner davantage de contenu à ce type de structures.

Le fait fondamental est qu’elles n’ont pas connu l’étape de l’Etat-Nation, étape directement issue de la spécificité de l’histoire européenne. Clairement elles n’ont pas connu l’accouchement du système « westphalien » et ne l’ont rencontré que sous l’angle d’une copie (reproduction) ou d’une imposition : empire des Tsars devenant URSS, empire Ottoman découpé par les puissances occidentales, Etats africains multi- ethniques et/ou multi -confessionnels, etc.

Décodé ou extirpé de son enveloppe idéologique, le système westphalien correspondait à un équilibre des forces entre  entrepreneurs politiques prédateurs en concurrence au sein d’un espace. Il s’agissait de créer des monopoles incontestables garantis par l’idée d’un équilibre des puissances, l’inviolabilité de la souveraineté (c’est-à-dire un principe qui consacre un monopole de prédation au profit d’entrepreneurs politiques d’un espace délimité par des frontières elles- mêmes inviolables),  et bien-sûr ce droit complémentaire qui est celui de la non- ingérence.

Ce modèle officiellement né avec les traités de Westphalie (1648) allait renforcer et légitimer  une dynamique déjà en cours : naissance d’un droit international, renforcement de l’idéologie d’un intérêt général par imposition de mesures d’homogénéisation des populations, désormais solidement campées et identifiées à l’intérieur de frontières par les entrepreneurs politiques locaux. A partir du système westphalien pourra se renforcer,  ce que les juristes appellent,  la construction de l’Etat moderne : religion d’Etat, imposition d’une langue, invention d’un mythe national, imposition d’un système de mesures, d’une monnaie, d’une armée de métier, etc. Bref tout ce que les économistes fonctionnalistes appellent improprement la « construction des biens publics ».  ( Alesina A, E. Spolaore (« The size of Nations »,Cambridge,The MIT Press, 2003), JM Siröen (“Globalisation et Gouvernance; une approche par les biens publics », dans  « Crise de de l’Etat, Revanche des Sociétés ». Montréal, Athéna Editions, 2006), etc.).

 Mieux, parce que désormais sédentarisés et protégés par des frontières, les entrepreneurs politiques pourront progressivement devenir de bons gestionnaires de leur monopole, ce qu’on appelle par exemple « le mercantilisme des monarchies européennes ». Mercantilisme devenant une confirmation empirique de ce qui est pourtant l’erreur du fonctionnalisme économiciste : les entrepreneurs politiques, animés par des intérêts privés : recherche de pouvoirs réels ou symboliques, de rentes, etc. ne sont pas les guides intelligents et altruistes, voire des « héros » conduisant à un intérêt général.

Bien évidemment la stabilité est toute relative. La souveraineté est une garantie qui connait hélas une contrepartie, à savoir l’impossibilité de gérer par le droit les externalités qu’elle peut engendrer. Alors que dans un Etat, un Code Civil peut sanctionner les externalités produites par les citoyens, dans l’ordre de la souveraineté rien ne peut gérer ce type de circonstances : l’ordre westphalien ne peut mettre fin à des guerres qui seront de plus en plus des guerres entre Etats- Nations. C’est dire que l’aventure étatique n’est pas gelée dans ce système et qu’à l’inverse, les Etats pourront se déplacer, se réduire, s’agrandir, se multiplier, se diviser, etc. (300 Etats européens en 1789 et seulement 25 en 1914 ; A l’échelle planétaire 53 Etats en 1914, mais 197 en 2012).

La première mondialisation sera aussi un vecteur d’exportation du modèle wespthalien. Une exportation qui sera  une adaptation plus ou moins violente : des entrepreneurs politiques extérieurs au système vont se l’approprier. Surtout, la colonisation, puis la décolonisation vont l’imposer partout dans le monde au 19ième siècle et plus encore au vingtième.

Toutefois, cette exportation souvent tardive, ne correspondra pas à une  greffe de qualité. La raison en est que l’homogénéisation est un processus de très longue durée et qu’à ce titre, il est difficile voire impossible de connaitre des raccourcis, ou très difficile voire impossible de s’aventurer dans des schémas qui correspondent aussi à des milieux culturels différents. Il sera par exemple très difficile de faire cohabiter  - parce que fusion  historiquement impossible – nationalité et citoyenneté (Empire autrichien), très difficile d’englober des peuples visiblement différents (Russie), très difficile de faire naitre des frontières westphaliennes là où elles n’ont aucune légitimité (Empire Ottoman, Afrique), etc.

 Parce que ces structures n’avaient pas la qualité d’Etats-Nations, elles se révèlent beaucoup plus fragiles que les vieux Etats-Nations westphaliens au moment où  l’inondation économique va s’annoncer. Les entrepreneurs politiques locaux, n’ont pas eu le temps de passer par la phase mercantiliste, qui devait générer les biens publics assurant la cohésion de l’ensemble. Et il est vrai que ces derniers étaient sans doute plus difficiles à construire, car réducteurs d’hétérogénéité donc de résistance voire de violence sociale, ce qu’ Alesina et Spolaore appellent les « coûts d’hétérogénéité » ( « Economic Intégration and Political Disintégration », 2000, American Economic Review, vol,90,p.1276-96).  Si maintenant les entrepreneurs politiques de ces structures sont invités par effet de mimétisme à reproduire formellement les schémas démocratiques, la tendance à la dislocation s’accroit. Une tendance qui par effet de boucle aggrave les coûts d’hétérogénéité et renforce la fragmentation. JM Siroën (« L’Etat-Nation survivra-t-il à la mondialisation » dans « La Question Politique en Economie Internationale », Paris, La Découverte, 2006) souligne ainsi que les coûts d’hétérogénéité sont plus lourds pour la Bosnie qu’ils ne l’étaient pour la Yougoslavie et probablement pour l’Autriche. De la même façon les Lettons n’étaient qu’un élément d’hétérogénéité marginale pour l’URSS, alors que la minorité russe de Lettonie devient un élément important pour cette dernière entité. Que serait aussi le coût de cette « sous- nationalité » (territoire de Bruxelles) dans une Belgique démantelée ? On pourrait étendre le raisonnement au Moyen Orient et à une partie de l’Afrique.

Il est ainsi probable que le souffle de la mondialisation sur des structures en voie de fragmentation développe d’énormes difficultés.

Ces structures sont nombreuses. « Foreign Policy » en dénombre 20, identifiées sur la base de 12 critères, constituant des indices de décomposition. Cela signifierait aujourd’hui, que 10% des acteurs étatiques sont des « failed States » dont la majorité se trouve sur le continent africain. Parce que structures en décomposition, ne pouvant pas atteindre ou reconstruire la phase mercantiliste de l’aventure étatique, celle des biens publics, les entrepreneurs politiques locaux sont dans l’incapacité d’accéder à une quelconque légitimité, d’où des guerres internes. La fin du modèle Etat-nation correspond ainsi à un déplacement des théâtres guerriers : relative disparition des guerres entre démocraties du système westphalien, donc guerres entre nations, et énorme développement des guerres intra-étatiques. Ainsi, selon la revue de l’Ifri (« Politique étrangère »), sur 164 guerres intervenues depuis 1945, 126 relèvent de cette dernière catégorie.

La mondialisation, avec la fin des Etats-nations classiques et la multiplication d’acteurs politiques indépendants, renforce la décomposition : il est difficile de faire émerger une politique de « State-building » c’est-à-dire une force collective de recomposition des « failed States », et dans le même temps, l’entrepreneuriat politique de ces derniers Etats, peut trouver avantage dans la prédation directe sur la mondialisation elle-même. Il s’agit là du retour aux structures archaïques des Etats avec la réapparition du « roving bandit » (le bandit vagabond que l’on oppose au bandit stationnaire à l’origine de structures étatiques plus stables) bien analysé par Olson ( Power end Prosperity, Basic Books, 2000) que l’on voit renaitre en Somalie, dans le ventre de l’Afrique, voire plus récemment à Madagascar (Hervé Juvin).

Dans la vision économique traditionnelle, Internet, finance dérégulée et container normalisé, peuvent plus ou moins apparaitre  comme biens publics désormais mondiaux. Dans le langage de ce blog ils sont désignés par l’expression « Autoroutes de la mondialisation » autoroutes issues d’une interaction sociale complexe ayant débouché sur leur construction. Ces infrastructures lourdes sont bien sûr « vampirisables » par des acteurs privés (manipulation du LIBOR, de l’EURIBOR, du FOREX, etc. ). Elles le sont bien sûr aussi par de vieux Etats-Nations ou leurs représentants (privilège du dollar comme monnaie mondiale, privilège de la City de Londres, paradis fiscaux, etc.).  De plus en plus, elles le sont aussi par les entrepreneurs politiques issus de vieux Etats non parvenus jusqu’ici, au stade de l’Etat de droit, ou plus récemment par ceux des « Failed States ». A chaque fois il s’agit d’une prédation de plus en plus directement lisible dans la réalité sociale.

Les prélèvements fiscaux de l’Etat de droit sont bien un non- respect de la propriété, mais celui-ci est compensé par une redistribution entre les acteurs, d’où l’idée que l’idéologie de l’intérêt général peut encore être plus ou moins crédible dans un système où la démocratie peut finalement permettre une inter-action sociale plus ou moins équitable : tout le monde peut voler tout le monde par un jeu complexe de prélèvements, de subventions, de services publics, de textes clientélistes, etc. Le passage insensible au " vote privatif" cher à Luc Rouban ("Du vote de classe au vote privatif", Cevipof, octobre 2013) viendrait plutôt confirmer ce point de vue.

Si La mondialisation fait davantage apparaitre la réalité par la gigantesque manipulation prédatrice des autoroutes de la finance ( scandale du LIBOR par exemple), elle peut encore trouver un minimum de crédibilité, et les régulateurs peuvent théoriquement sanctionner les manquements à ce qui peut encore apparaitre comme des règles du jeu social.

Les choses s’aggravent pourtant si la mondialisation génère des espaces de plus en plus larges peuplés de « Failed States » eux- mêmes à cheval sur les autoroutes de la mondialisation. Ici la prédation apparait directement visible, sous la forme d’entrepreneurs politiques qui nous ramènent à des époques pré mercantilistes, celles que Marx taxaient de périodes « d’accumulation primitive du capital ».

 L’expérience de la grande crise depuis 2007 nous révèle, que ce qui reste encore la communauté des Etats- Nations, se trouve dans une grande incapacité à instituer de l’ordre dans la partie financière des autoroutes de la mondialisation. Dès lors, comment imaginer une politique internationale sérieuse de construction ou reconstruction des « Failed States » ? La décomposition est ainsi appelée à s’étendre. Cruel retour au moment Hobbésien.

 

 

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28 octobre 2013 1 28 /10 /octobre /2013 07:55
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27 octobre 2013 7 27 /10 /octobre /2013 08:53
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27 octobre 2013 7 27 /10 /octobre /2013 08:41

Je signale la parution d'un article que j'ai rédigé à la demande de la revue:

 

"Regard sur les banques centrales: essence, naissance, métamorphoses et avenir".

 

 

Cet article est publié dans le tome LXVI, 2013, N°3. P. 151-177     

 

Il est avec quelques compléments une synthèse des textes concernant le thème des banques centrales, textes disponibles sur le Blog.                                        

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9 octobre 2013 3 09 /10 /octobre /2013 14:49

             

La grande presse internationale se félicite des succès croissants des pays de l’Europe du sud qui rétablissent parfois de façon spectaculaire leur balance extérieure et contribuent ainsi à la levée des doutes sur la possible pérennité de l’euro. Toute la zone euro serait ainsi sur le chemin d’une nouvelle compétitivité, et ce d’autant que l’Allemagne s’apprête à frôler pour l’année 2013 un excédent de 200 milliards d’euros.

Il faut pourtant noter que cette compétitivité nouvelle n’est pas celle de la productivité physique du travail. Ce ne sont pas les investissements de modernisation, qui en Espagne,  en Italie, ou ailleurs encore, effacent les déséquilibres extérieurs ou relancent les excédents. C’est à l’inverse la compression de la demande intérieure qui en est responsable : hausse de la TVA et des prélèvements publics en général, baisse des salaires et flexibilité salariale, stagnation ou diminution des prestations sociales (retraites, soins médicaux, etc.). Cette compression développe 2 effets : une baisse des importations même sans diminution de la propension à importer, et une hausse des exportations reflétant la diminution  du coût du travail.

A l’époque de l’Etat-Nation, donc avant la mondialisation telle qu’elle s’est manifestée, une telle stratégie était peu concevable tant le marché intérieur constituait l’essentiel des débouchés pour la plupart des producteurs. Il existait même un Etat providence, qui veillait au bon développement du marché intérieur et venait quasiment garantir les débouchés. En sorte que la recherche de compétitivité par chacun, passait par un développement de la productivité physique du travail, laquelle découlait d’investissements massifs de modernisation et d’innovation. Et, les gains de productivité régulièrement générés, étaient partagés entre les principaux acteurs, afin de lisser la demande intérieure le long d’un trend croissant : entreprises sous la forme de profits supplémentaires, salariés bénéficiant de hausse de salaire, et Etat dont le Trésor directement branché sur la croissance bénéficiait à taux inchangés d’une manne fiscale croissante.

La partie la plus importante de la demande intérieure, correspondait à la masse salariale comme coût complet du travail (charges sociales incluses). Ainsi à l’époque de l’Etat-Nation, la masse salariale, vrai coût de production, était symétriquement une aubaine : un marché, et donc un débouché. De quoi développer la Grande Distribution dans sa configuration nationale.

A l’époque de la mondialisation, le marché intérieur est remplacé par le marché mondial. La masse salariale comme débouché n’est plus une variable décisive. Par contre elle reste un coût qu’il faut comparer aux autres coûts salariaux des pays partenaires à la mondialisation.

En mondialisation, la double qualité coût/débouché disparait progressivement. Dans le même temps, le coût d’opportunité des  investissements d’innovation et de modernisation, monte en raison des taux de salaire très faible rencontrés dans ce qui va devenir les pays émergents : il vaut mieux fabriquer en Chine plutôt que de se lancer dans la robotisation.  La concurrence devenue mondiale, ramène ainsi progressivement la productivité à la seule dimension compétitivité par les coûts.

A l’échelle planétaire, la production peut augmenter, mais les demandes internes de chaque nation doivent être comprimées pour se maintenir à flot dans l’océan de la concurrence. La demande mondiale, ne peut augmenter au rythme de l’offre mondiale, et donc nous sommes entrés, dès le début de la mondialisation, dans une crise potentielle de surproduction.      

Cette dernière n’est pas immédiatement visible : Les vieux Etats moins gavés de ressources fiscales, s’endetteront auprès de plus jeunes jouissant de la loi d’airain des salaires ; les salariés de ces mêmes vieux Etats verront leur pouvoir d’achat maintenu, d’abord par la baisse de prix des importations maitrisée par la Grande Distribution mondialisée, mais aussi par le recours à l’endettement.

Simplement cet endettement public et privé sera pris pour ce qu’il n’est pas : une fête à laquelle il faudrait mettre fin, car selon un solide adage de vieux bon sens, nul ne saurait durablement vivre au-dessus de ses moyens.

 La finance qui a fait de  la dette son miel , en devient victime, et la crise financière annoncerait ainsi qu’il faut siffler la fin de la récréation.

Cette « erreur de lecture » est précisément ce qui accélère la recherche éperdue de  compétitivité et le suicide collectif. Face à l’incendie qui n’existe pas, mais auquel tout le monde croit, il faut tous se précipiter dans un mouvement mimétique vers la même sortie : la « porte compétitivité ». Les plus habiles s’en sortiront peut-être mieux que les autres ( Allemagne ? Chine ? ).  Mais le désastre de la mondialisation sera une dure réalité collective.

Il est aujourd’hui fait pression sur la France, toujours trop lente, dit-on, dans des réformes dont on ne dit pas facilement qu’elles sont pour l’essentiel une réduction du coût du travail. La France serait ainsi encore plus suicidaire que les autres, qui eux tentent leur chance dans la lutte pour atteindre la sortie, et ne pas mourir dans l’incendie.

La France – insuffisamment véloce - risque donc de mourir dans l’emballement et la précipitation mimétique vers la « porte compétitivité ». Elle est pourtant aussi le siège de quelques mauvais esprits capables de poser de grosses questions naïves.

 Ainsi :

 Que se passerait-il par exemple si la « fête » dépensière s’arrêtait dans le monde ?

 Que se passerait-il si le budget fédéral américain était rééquilibré en dépensant moins comme le souhaitent les républicains du Congrés?

Comment vivraient les fournisseurs de denrées alimentaires (wall-Mart aux USA) qui se rémunèrent  des « food- stamps » distribués à 47 millions de personnes ?

 Comment vivrait le complexe militaro industriel américain,  ses milliers d’entreprises et ses millions de salariés ? Qu’en serait-il pour Lockeed Martin ,Boeing, Northrop Grumman, General Dynamics, Raytheon, United Technologies, etc. ?

Que fera t-on des médicaments qu’on ne pourra plus produire en France ou ailleurs, faute de déficit de la Sécurité Sociale ou de la suppression américaine du "médicaid et du médicare" ? Qu’en sera-t-il pour Pfizer, Roche, Novartis, Sanofi, Bayer, etc. ?

Que deviennent les grands groupes tels Générale de Santé, Vitalia, Médi-partenaires,etc. dont le chiffre d'affaires est, en France, constitué à 90% des versements de l'Assurance maladie lourdement déficitaire?

Que deviennent ces acteurs essentiels du soin aux personnes agées tels Orpéa, Korian ou Medica dont le chiffre d'affaires est constitué des versements des caisses de retraites largement insolvables?

Comment vivront les médecins français dont chaque consultation développe une dette nouvelle de 2,5 euros ?  

Comment la Grande Distribution Française vivrait cette chute des revenus de substitution payés sur de la dette publique et qui fait parfois l’essentiel du chiffres d’affaires de certaines unités ?

Toujours en France, que deviennent les industries de défense tels MBDA, Thalès , Dassault, SAFRAN, Nexter System, DCNS, etc. sans oublier les 4000 PME partenaires, si une nouvelle loi de programmation militaire ajoute sa pierre dans l'interdit des déficits budgétaires?  

Comment dans un univers devenu aussi déprimé, l’industrie allemande pourrait-elle continuer à   engendrer plus de 6 points de PIB de surplus extérieur ? Qu’en serait-il pour BMW, Daimler, Wolkswagen, Bosch, Siemens, Basf, etc. ?

La liste pourrait s’allonger à l’infinie.

Est- il est possible d’aller plus loin dans la naïveté ? Comment ne pas s’étonner que dans les vieux pays, les infrastructures de base (ponts, routes, voies ferrées, etc.) bénéficient d’un investissement net négatif, les dépenses d’entretien ne couvrant pas l’amortissement nécessaire,  (Allemagne, Etats-Unis, France, Grande Bretagne, etc.) alors même que les moyens matériels de les entretenir sont abondants, non utilisés (carnets de commandes dégarnis, sous-emploi, etc.), voire même font l’objet de plans sociaux (sidérurgie) ?

Il est donc vrai, que la dette publique et privée sert à maintenir la production (croissance proche de zéro) mais qu’il faudrait qu’elle soit encore bien plus importante, pour assurer l’investissement porteur de croissance. Oui, la dette devenue insupportable, et pour les créanciers et pour les débiteurs, est toutefois très insuffisante pour assurer la croissance. Et cette dette n’est bien que le produit de la mondialisation qui transforme toute la demande intérieure en simple coût à réduire.

Et si le raisonnement est vrai, toujours très naïvement, il faut se poser la question, de l’avenir des émergents eux aussi en concurrence, et qui devront eux même rapidement freiner leur demande intérieure avant même son épanouissement. La Chine devient un pays beaucoup trop cher du point de vue de nos importations. Mais aussi la Chine s'est aussi appuyée sur sa propre machine à fabriquer de la dette pour maintenir une activité qui se heurte à l'univers déprimé de l'occident. De quoi être moins enthousiaste sur l’avenir des croissances miraculeuses des émergents.

Et, au terme de la simple évocation de ces quelques grosses questions naïves, on pourrait peut-être se dire que la fête reste belle grâce à la dette et à sa belle croissance, et qu’elle pourrait encore être plus belle si sa croissance était encore plus rapide, si la machine à fabriquer de la dette était encore plus puissante. Hélas, cette dernière manque  de carburant faute de créanciers suffisamment hardis.

 Alors il faudra en finir avec la forme prise par notre mondialisation.

Malheureusement, pour paraphraser Einstein, nous pensons probablement collectivement comme un marteau, et tous les problèmes, dans ce contexte, y prennent la forme d’un clou. Ici, étrange logiciel qui fait apparaitre une production excédentaire, comme des dépenses trop importantes. Pourquoi continuer de penser à l’envers ?

La France a peut-être – au moins en théorie -autre chose à faire que de se précipiter vers les « Portes de la compétitivité » devant lesquelles s’amoncellent les cadavres. Et là encore, on pourrait poser de grosses questions naïves à ceux qui veulent- à l'instar des porteurs du projet de budget 2014 en France- davantage encore comprimer la demande intérieure de la France : que deviendraient les nouvelles – et si éblouissantes - exportations espagnoles, Irlandaises, italiennes, grecques, etc ?

 Oui, il est possible de construire un autre monde, mais comment s’extirper d’une mondialisation source de tant de dislocations planétaires ? Comment ne pas mourir dans l’incendie, même si on ne se précipite pas avec les autres vers les « portes de la compétitivité" ?

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8 octobre 2013 2 08 /10 /octobre /2013 06:37
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7 octobre 2013 1 07 /10 /octobre /2013 15:05
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6 octobre 2013 7 06 /10 /octobre /2013 22:00

 

Notre dernier texte « La compétitivité comme suicidaire panique collective » nous fait bien comprendre pourquoi les dettes publiques et privées sont devenues aussi importantes : elles sont  une compensation fondamentale  aux déséquilibres des échanges impulsés par la mondialisation. C’est la prise de conscience, d’abord brutale (en 2008), et aujourd’hui bien établie du caractère devenu himalayen de la dette,  qui a transformé les banques centrales et a fait de leurs « politiques non conventionnelles », la colonne vertébrale de leurs activités. Point de salut sans « Quantitative Easing ». Et il s’agit bien d’une planche de salut car, les évènements du printemps et de l’été dernier- notamment les atermoiements de la FED- ont  montré qu’il était impossible de revenir à la situation antérieure, c’est à dire de ne plus acheter sans limite de la dette publique et de ne plus acheter des titres privés démonétisés.

L’insuffisante demande globale planétaire issue de la mondialisation reste ainsi masquée par un « Quantitative Easing » dont on ne peut plus se défaire sans ruine mondiale. D’abord celle des banques, dont les actifs sont gonflés très artificiellement par la pompe des banques centrales. Ensuite celle des Etats, qui peuvent continuer à se financer par la garantie d’achat de la dette nouvelle à des taux très faibles. Enfin celle de l’économie réelle, qui certes ne bénéficie plus de crédits en quantité suffisante pour assurer l’accumulation, mais qui en premier lieu ne peut à priori plus être la victime secondaire d’un « bank- run » auquel est généralement associé une thésaurisation, et qui en second lieu continue de bénéficier d’énormes dépenses publiques. Au-delà, il faut aussi préciser que le « Quantitative Easing » permet aussi aux émergents excédentaires (Chine) de continuer leur croissance tandis que les déficitaires reçoivent une épargne en quête de rémunération attractive (Inde, Turquie, etc.)

Ainsi donc, quelques banques centrales sauvent le monde en acceptant ce pourquoi elles n’avaient pas été conçues. Jusqu’à quand ?

Logiquement, cette mondialisation engendrant de tels déséquilibres macro-économiques aurait dû connaitre un autre destin, et par exemple la Chine – poids lourd dans le phénomène – aurait dû connaitre une rapide ascension de son taux de change plutôt qu’un accroissement gigantesque de ses réserves en devises. Toute une littérature académique existe – autour de ce qu’on appelle «  l’effet Balassa- Samuelson »- pour expliquer que les pays émergents quels que soient les régimes de change adoptés, connaissent spontanément une pression à la hausse du taux de change. Or la Chine, en adoptant un système à rattachement plus ou moins fixe avec le dollar, a bloqué toute élévation du cours du Yuan et s’est constituée d’énormes balances dollars, converties pour l’essentiel en dette publique américaine.

Acte délibéré- politique par conséquent- pour maintenir un déséquilibre des échanges au regard des USA, avec une production nationale excessive par rapport à la demande interne, différence se soldant en achat de titres publics américains, qui permettent une production américaine alors même que la demande interne se fait insuffisante.

Très simplement, pour prendre l’exemple classique des énormes dépenses militaires américaines, c’est bien avec de la dette publique achetée par la Chine que le système militaro-industriel a pu fonctionner et trouver des débouchés, débouchés potentiellement beaucoup plus faibles si l’Etat fédéral avait maintenu un strict équilibre budgétaire.

 La « Chinamérique », ne fonctionnait sans crise de surproduction globale apparente que par la dette, et ce, pour le plus grand profit de la majorité des groupes  dominants dans les  2 pays. Ainsi La politique de développement et le maintien du groupe au pouvoir en Chine passait par une croissance reposant sur les exportations et la maitrise politique de son surplus, symétriquement les entreprises américaines s’implantant en Chine devaient bénéficier des bas salaires chinois.

Il faut donc comprendre, que cette dislocation planétaire propre à la mondialisation, suppose des taux de change adaptés, taux de change qui vont aussi développer des effets pervers sur une masse monétaire qui, théoriquement en très forte croissance (contrepartie de l’excédent extérieur), devra être contenue par toute une série de politiques de « stérilisation des liquidités ».

La logique de la mondialisation s’étant ainsi maintenue, les déséquilibres se sont rapprochés de l’insupportable pour les créanciers publics et privés, d’où la crise et la transformation en profondeur de la mission des banques centrales.

Cela étant un « Quantitative Easing » qui se pérennise faute de solutions à la crise développe des effets  pervers non négligeables.

 

Des effets pervers redoutables

 

Tout d’abord, la dette publique, bénéficiant de taux artificiellement bas aussi en raison des achats massifs des banques centrales, devient une matière première de mauvaise qualité pour tous les acteurs qui en font un minerai financier de base. Comment produire un actif financier performant, si une partie de la matière première est peu performante, et ce même si sa liquidité est quasiment garantie ? Le problème concerne la finance classique. Il concerne donc aussi les épargnants.

Il concerne aussi, ces autres grossistes en achat de dette publique que sont les compagnies d’assurance dont les bilans deviennent déséquilibrés, les engagements réels ou potentiels, n’étant plus suffisamment garantis par des titres à faibles rendements. Déjà, les assureurs parlent de répression financière et se disent victimes des politiques non conventionnelles des banques centrales. Ils sont d’ores et déjà tentés par des hausses de tarification. C’est donc aussi l’épargne, par exemple les contrats d’assurance vie, qui est concernée par les flux débordants de l’aisance quantitative.

Les banques sont à priori les grandes bénéficiaires, les actifs étant gonflés artificiellement. Toutefois la croissance étant faible, l’investissement même assorti d’un taux bas est peu justifié et surtout, son coût d’opportunité est beaucoup trop élevé par rapport aux activités directement ou indirectement spéculatives. Ainsi le montant des opérations de couverture ( 477 milliards de dollars/ jour à l’échelle du monde) s’accroit alors même que les flux d’investissements décroissent. D’où le maintien de bulles spéculatives gonflées avec la matière première fournie par les banques centrales.   Une matière première qui n'est pas exempte de coût en raison - tout au moins pour le LTRO européen- de sa contrepartie en consommation de collatéral devenu trop rare dans les échanges interbancaires.

 S’il est à priori impossible de ne pas accroître le flux de liquidités empêchant un approfondissement de la crise, existe-t-il un moyen de disposer d’un « Quantitative Easing » plus efficace et moins polluant ?

Les banques centrales savent qu’elles ne font que contenir la crise et cherchent à rendre plus efficace le « Quantitative Easing ». Ainsi la BCE réfléchit à une intervention directe sur les entreprises en leur accordant le crédit qu’elles peinent à trouver dans le réseau bancaire. Moins brutalement, elle pourrait essayer  de relancer la titrisation en se portant directement acquéreuse des crédits aux entreprises. Affaire à suivre.

Une autre possibilité est d’imaginer ce que certains appellent le « Quantitative Easing for the People » (QEP), idée reprise de façon surprenante par le président du régulateur financier britannique Lord Adair Turner. Il s’agirait d’un financement direct des ménages dont les comptes bancaires seraient crédités par les banques centrales.

Certains voient dans un tel financement le début d’un revenu de citoyenneté, revenu régulièrement évoqué depuis  plusieurs dizaines d’années. Un tel dispositif ne garantit pas une immunité globale et se trouve porteur de lourds effets pervers.

En premier lieu si de façon indirecte il apporte de la liquidité aux banques, celles-ci ne sont pas davantage invitées à investir et à réduire leurs inclinations spéculatives. En second lieu, aucune solution n’est trouvée au problème fondamental de la mondialisation qui est celui des déséquilibres. A l’inverse, il risque d’accroitre mécaniquement le flux des importations à proportion de la propension à importer des ménages. Poussé aux limites, le dispositif n’est évidemment pas viable macro-économiquement : Les émergents ne recevraient plus en paiement des excédents que des actifs trop visiblement démonétisés.

Au-delà des aspects juridiques – les banques centrales disposent de statuts interdisant le QEP- un réel problème politique se poserait, les citoyens n’étant pas rattachés à des banques centrales mais à des Etats. Sans compter que les banques centrales ne sont en aucune façon des espaces de délibérations citoyennes.

Le « Quantitative Easing » est donc une solution sans avenir, une solution qu’il faut pourtant porter à bout de bras le plus longtemps possible, faute de l’émergence sur les marchés politiques d’acteurs susceptibles de mettre fin à la mondialisation dans ses caractéristiques présentes.

Toutefois, il semble préparer la solution contre laquelle il est censé se battre, en nous rapprochant d’époques antérieures où la souveraineté monétaire- et souveraineté sans la loi d’airain de la monnaie- allait de soi, c’est-à-dire approximativement la seconde partie du vingtième siècle. C’est que l’indépendance des banques centrales – concept mensonger pour les lecteurs de ce blog –  se retourne dans les faits, puisque désormais les grands Etats se trouvent à nouveau financés à taux presque nul et ce pour des montants devenus illimités. Comme au beau milieu du vingtième siècle où chacun savait, qu’indépendance ou pas, publiques ou privées, les banques centrales validaient un rapport de forces -politiques/ finance- dans lequel le premier terme l’emportait largement sur le second. Et ce rapprochement est aussi celui des conditions faites à l’épargne : Après l’épargne libérée nourrie par la mondialisation et cette matière première qu’est la dette publique, épargne libérée qui faisait la fortune de toute une armada de conseillers en patrimoine, nous nous rapprochons de la répression financière tant dénoncée au cours des 30 glorieuses.

Les aventures lointaines du « Quantitative Easing   avancé » mènent -elles  à la reconquête de la souveraineté monétaire ? Mènent-elles au retour d’un stade- sans doute modernisé- des « Etat-Nations » ?

 

 

 

 

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28 septembre 2013 6 28 /09 /septembre /2013 08:46
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