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29 août 2012 3 29 /08 /août /2012 09:14

couverture du livre

                                                                Résumé

Les mines de métaux précieux exploitées par des esclaves dans l’antiquité furent probablement les premières banques centrales. A l’époque, le mot indépendance, si jalousement défendu aujourd’hui par la Banque Centrale Européenne,  n’avait guère de  sens. C’est que cette institution, qui n’avait pas de nom, était comme les sujets de l’époque : infiniment endettée envers le prince. Dans son déploiement historique, l’aventure étatique, en se consolidant, par partage des outils de la contrainte publique, entre entrepreneurs politiques et entrepreneurs économiques, devait faire naitre la fin du monopole public de la dette : le prince n’est plus seulement créancier, et peut aussi être endetté. Plus tard, ce partage progressif des outils de la contrainte publique, allait engendrer les banques centrales modernes. D’où la nature profonde de ces dernières : objet balloté entre pouvoir politique et pouvoir financier.

L’histoire de la Banque de France, est de ce point de vue fort éclairant, et débouche sur l’idée de 2 grands modes possibles de gestion de la dette publique : le mode hiérarchique, et le mode marché. Le premier correspond à la soumission de la banque centrale qui abonde le compte du Trésor sur simple demande de ce dernier. Le second correspond à l’indépendance de la banque centrale et à un Trésor s’endettant auprès du système bancaire.

 Au-delà de ces deux modes  qui inscrivent dans la réalité,  un certain rapport de forces, se cache aussi un ensemble de croyances et d’interrogations : la monnaie, pourtant création humaine, est-elle simple convention toujours renégociable, ou objet qui dépasse les volontés humaines ?

La grande crise des années 2010 s’est annoncée comme crise de la finance. Elle n’est pourtant que le  point d’aboutissement, de disfonctionnements qui nous viennent de beaucoup plus loin, et qui se situent dans l’économie réelle : la crise du Fordisme. Et ce sont les exigences d’un redéploiement fordien, qui ont entrainé la modification des rapports de forces, et l’éloignement des banques centrales vis-à-vis de leurs Etats : le mode marché de la dette publique, s’est ainsi imposé partout dans le monde.

Alors que la soumission des banques centrales au pouvoir politique, exprimait aussi, en raison de ses conséquences sur la gestion de la monnaie, un certain « état du monde », leur indépendance acquise à la fin du vingtième siècle, en exprime un autre. Un autre « état du monde » qui est  d’abord le rétablissement de la rente, une rente que l’on croyait disparue à l’issue de la première guerre mondiale.

Mon livre sera disponible dans toutes les librairies le 12 octobre. Il est évidemment d'une grande actualité puisque d'ici là, la BCE aura pris des décisions qui vont marquer une petite modification du rapport de forces entre pouvoir politique et pouvoir financier. Cela ne signifiera pas la fin du mode marché de la dette publique ni bien sûr celle de la rente. Il faudra attendre des évènements beaucoup plus considérables, par exemple la perte du contrôle du présent effondrement financier planétaire, ou des mouvements sociaux devenus eux mêmes non maîtrisables, pour changer  réellement les règles du jeu- et pas seulement celles entre pouvoir politique et pouvoir financier- et ainsi sortir de la grande crise des années 2010. Mais de ceci nous aurons l'occasion de reparler sur le blog.

 

 

 

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21 août 2012 2 21 /08 /août /2012 14:56

 

 

Rapprochement surprenant tant les faits correspondants sont incomparables aussi bien du point de vue de leur nature que de celui de l’ampleur en termes de drames humains. Pour autant il est des aspects qui rassemblent ces deux types d’événements.

Le premier est celui des déficits publics , de la dette correspondante devenue abyssale dans l’un et l’autre cas, et de sa gestion au terme d’un moment que l’on peut appeler effondrement.

 Le second lui est lié , il s’agit de la plus ou moins grande conscience du fait monétaire lui-même : quel degré de liberté, quel recul, ces événements introduisent-ils dans l’aliénante loi d’airain de la monnaie ?

Au-delà, la légitimité d’un rapprochement suppose  celle de l’expression de guerre de la mondialisation. Comment parler de guerre si ces organisateurs traditionnels des conflits que sont les Etats se dissolvent dans un marché mondial? La réponse est évidemment très simple et nous savons que la mondialisation n’est qu’une phase spécifique de l’aventure étatique : il n’existe pas de dissolution mais une simple déformation de structures qui non seulement restent granitiques (Chine, USA, etc.) mais au surplus se multiplient par fragmentation ou recomposition (URSS, Yougoslavie, Tchécoslovaquie, Soudan, etc.). La guerre de la mondialisation est ainsi une guerre économique dans laquelle les Etats sont pleinement impliqués dans des fonctions logistiques  organisationnelles ou d’ intendance, et fonctions qui ne sont pas complètement étrangères à celles validées dans les  guerres classiques.

Enfin le rapprochement est intéressant en ce que les dettes publiques susvisées, dans l’un et l’autre cas, disparaissent souvent- totalement ou partiellement-soit de façon involontaire (inflation) soit de façon négociée (« Hair-cut »  apparaissant sous la forme d’un traité : Allemagne 1953, Grèce 2012, etc.)

Les déficits publics relatifs aux deux guerres mondiales ne sont pas des problèmes mais des solutions face aux exigences engendrées par le caractère total de ces 2 conflits. Solutions qui mettront en évidence l’aspect aisément dépassable de la loi d’airain de la monnaie. La production des moyens de production de la guerre ne suppose aucune ressource financière préalable : elle se contente d’ une sur-mobilisation de moyens techniques et humains. Personne n’a jamais évoqué, ou ne s’est soucié, du coût financier de la gigantesque mobilisation de moyens humains et matériels représentée par les impératifs du débarquement du 6 juin 1944. A l’inverse du vécu des Despotes de l’Antiquité qui, victimes de la loi d’airain de la monnaie, devaient limiter la violence à l’intérieur de contraintes fixées par les limites d’un stock de métal.

l’Argent cesse en 1914 et en 1939 d’être le nerf de la guerre.

Découverte majeure que les contemporains de l’époque n’ont pas toujours compris.

Et parce que la loi d’airain de la monnaie est au moins partiellement et provisoirement éloignée des croyances humaines, les immenses efforts de reconstruction peuvent aussi s’opérer sans de grandes difficultés de financement. Cela signifie que les suites de l’effondrement militaire permettent, et la reconstruction, et la relative gestion de la dette. Coût des guerres mondiales  et coût des reconstructions sont exemptés de la camisole de la loi d’airain, et les responsables politiques, bénéficient d’un  prêteur en dernier ressort aux possibilités illimitées : les banques centrales sont au-delà des apparences dans les mains des  Trésors.

L’effondrement financier actuel présente une dimension planétaire : parti des USA en 2007, son essaimage n’a fait que se développer depuis 5 années et plus personne n’oserait aujourd’hui évoquer –comme cela était encore le cas en 2009 et 2010 -la grande solidité du secteur bancaire espagnol ou italien. Essaimage spatial, mais aussi qualitatif, et les Etats furent rapidement contaminés pour aboutir à une situation d’insolvabilité qui n’est plus aujourd’hui contestée. C’est l’effondrement financier, et non plus la guerre qui développe de gigantesques déficits publics.

Mais l’effondrement financier n’est que la conséquence de la guerre de la mondialisation déclarée depuis une trentaine d’années.

Ce sont les dysfonctionnements du paradigme fordien qui vont accélérer- dans des conditions inouïes- une violence sur les marchés que ce même paradigme, dans sa phase d’épanouissement, avait si bien contenu : la concurrence très organisée et limitée jusqu’ici, ne connait plus de barrières. Le basculement vers la mondialisation ne permet plus de garantir un équilibre entre offre globale  et demande globale nationale. Chaque marché devenant mondial, les coûts de production cessent d’avoir pour contrepartie, des débouchés pour un même montant : ils ne sont plus que des coûts à comprimer drastiquement. D’où aussi l’urgente nécessité d’une bonne stabilité des prix, et donc la mise en place d’outils de désinflation.  La mondialisation débouche sur une concurrence entre Etats chargés d’assurer la bonne insertion d’un appareil productif dans un espace mondial. Et parce qu’elle développe  une surproduction mondiale au regard de normes de consommation à réduire drastiquement, la violence de la concurrence, donc la dureté de la guerre économique ne fait que se développer.

La dislocation de la vieille cohérence fordienne peut momentanément  être contenue par le développement de la finance. Les déficits extérieurs peuvent être financés par création monétaire et ce d’autant plus facilement qu’existe une monnaie de réserve (dollar) permettant  un "déficit sans pleurs". On peut même multiplier les monnaies de réserves, en inventant des monnaies uniques, libérant chaque Etat du souci du solde extérieur (Euro). Ces déficits s’approfondissent avec l’affermissement de la mondialisation et correspondent à la création d’une pyramide de dettes…comme au vieux temps des guerres mondiales.

Mais cette dislocation qui entraine aussi la fin de la « moyennisation » des sociétés ayant rencontrées le fordisme et développe la sous- consommation de ceux qui vont –guerre de la mondialisation oblige – connaitre des revenus comprimés ou bloqués, peut être aussi retardée par le développement du crédit, donc de la finance. Encore un empilement de dettes issues de la guerre de la mondialisation.

C’est donc la mondialisation qui développe une hypertrophie financière, laquelle tel un air-bag vient adoucir le choc de la violence de la guerre économique.

Ce sont les lois mêmes du fonctionnement de la guerre de la mondialisation qui développe les dettes et à terme l’insolvabilité privée et publique. Avec cette fausse conclusion- largement diffusée dans les vieux pays fordiens -  qu’on ne peut plus continuer à vivre à crédit.

C’est donc finalement la guerre, ici économique, qui débouche comme pour les deux guerres mondiales, sur des déficits et une dette publique gigantesque accumulée depuis le virage vers la mondialisation.

Mais alors que les dettes publiques n’étaient au fond que largement virtuelles, lors des deux guerres mondiales, en raison de la fin de la camisole de la loi d’airain, la situation est complètement inversée avec la guerre de la mondialisation.

Alors que les guerres mondiales de par leur caractère illimité ont fait inventé l’illimitation du préteur en dernier ressort (banque centrale dans les mains du Trésor), la guerre de la mondialisation , elle-même tout aussi illimitée ( la fameuse « concurrence libre et non faussée ») devait se nourrir du retour à la loi d’airain de la monnaie. La concurrence libre et non faussée, c’est aussi l’indépendance des banques centrales par rapport à leurs Etats, acteurs  de la guerre de la mondialisation.

Cette situation complètement inversée, ne permet pas avec l’effondrement financier de trouver les moyens d’une reconstruction. Ainsi les pays du sud de la zone euro, victimes d’une loi d’airain particulièrement sévère en raison de la très stricte indépendance de la BCE, ne trouveront pas au terme de l’effondrement les moyens d’une reconstruction. Grèce, Espagne, Portugal, etc. sont irrémédiablement condamnés dans le paradigme de la mondialisation.

Ajoutons à cette constatation que l’effondrement, c’est-à-dire la crise financière n’a rien à voir avec un effondrement militaire qui, en 1918 et en 1945, mettait fin à la guerre et ouvrait une période de reconstruction. La guerre de la mondialisation est en principe – sauf changement radical de paradigme – une guerre continue se pérennisant bien au-delà de tel ou tel effondrement particulier. De ce point de vue , demander aux pays de l’Europe du sud de rester dans l’espace mondialisé, c’est

un peu comme si on avait demandé à l’Allemagne, ou au Japon, de continuer la guerre après leur effondrement militaire.

Face à une telle impasse , les entrepreneurs politiques continueront d’essayer de retarder les échéances et ce d’autant que l’effondrement du système financier ne saurait se limiter aux seuls pays du sud. D’où la pression qui sera croissante sur les banques centrales et en particulier la BCE.

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16 juillet 2012 1 16 /07 /juillet /2012 19:08

Voici un petit tableau qui va figurer dans la fin de mon livre (publication prévue pour le 5 octobre) et qui résume assez bien les situations engendrées par les deux grands modes possibles d'articulation entre les banques centrales et leurs Etats correspondants. On rappelle ici que le mode hiérarchique est celui précédent l'indépendance des banques centrales, avec notamment  monétisation de la dette; le mode marché étant celui où le trésor est séparé de sa banque centrale et se trouve obligé de passer pour l'essentiel par le sytème bancaire.  Les conséquences  sont celles mentionnées de façon très résumée dans les lignes, chacune d'elle reposant sur un critère simple .

 

 

                                               Articulation Banque Centrale/Trésor 

 

 

 

Mode hiérarchique et éventail des possibles

Mode marché et éventail des possibles

 

Articulation Finances/ Etats

 

-Répression financière

-Investissement public potentiellement élevé

 

-Partage de la prédation publique avec des rentier s = service de la dette

 

 

Organisation monétaire

 

-Possible 100% monnaie

-Production publique de monnaie

-Absence de loi d’airain de la monnaie

 

-Production monétaire déléguée au système bancaire

-Loi d’airain de la monnaie

-rente monétaire accaparée par des rentiers privés

 

 

Niveau de dépréciation monétaire

 

-possible laxisme monétaire

-« Camisole de l’inflation » limitant  le poids des bilans bancaires

 

-Stabilité des prix comme impératif stratégique

-Production monétaire comme contrepartie d’une dette

-Gigantisme des bilans bancaires

 

 

Niveau des risques systémiques

 

 

-faible

 

 

- bulles

-Instabilité généralisée de la valeur des actifs

 

 

 

Niveau et mode de partage de la croissance

 

 

-Non limitée par une loi d’airain de la monnaie

-Possible Etat Providence et possible moyennisation de la société

 

 

-limitée par la loi d’airain

-Corporate Governance et croissance des inégalités

-Service de la dette comme  saignée 

 

 

 

Régulation économique politique et sociale

 

 

-défavorable aux épargnants

-Protection sociale par des systèmes par répartition

-Préférence pour la solidarité

 

 

-Favorable aux épargnants

-Protection sociale par des systèmes par capitalisation

-Préférence pour l’assurance

 

 

 

Mode d’articulation avec le reste du monde

 

 

-Importance de la frontière

-noircissement de la matrice des échanges interindustriels

-Solde extérieur comme construction politique

 

 

-Marché généralisé planétaire

-Libre circulation du capital

-Taux de change flottants

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27 juin 2012 3 27 /06 /juin /2012 08:48

La maladie des banques européennes se lit dans des indices peu contestables. Ainsi leur valeur boursière, en ce début d’été, ne représente que moins de 50% de leurs actifs nets. Vu leur poids dans l’économie- un bilan représentant selon les pays entre 3 et 6 PIB- la puissance dévastatrice de leur défaut serait gigantesque et ne mettrait pas à l’abri les autres banques du monde… même si très souvent elles peuvent apparaitre en meilleurs santé.

Nous voudrions montrer dans le présent papier que tous les remèdes présentement envisagés : séparation des activités et fin de la banque universelle, fin des régulations nationales au profit d’un régulateur européen, union bancaire, recapitalisation, normes de Bâle 3, etc., ne s’attaquent qu’aux effets sans jamais évoquer les causes, à savoir les déséquilibres extérieurs. A cet égard il faut souligner l’excellent travail mené par Olivier Berruyer sur son blog (La-crise.fr).

La mondialisation, et la zone euro en est un modèle en miniature, a fait que les questions d’équilibre des échanges extérieurs ont été reléguées au second plan. Il est du reste intéressant de noter que les critères de Maastricht s’intéressaient seulement aux budgets publics pour lesquels un équilibre était recherché et laissaient de côté la question des balances externes. Or, si la mondialisation, ou à petite échelle la zone euro, fait apparaitre des déséquilibres extérieurs lourds et durables, les conséquences sur le système bancaire seront considérables. De fait un déséquilibre durable entre pays peut  entrainer une rupture du marché interbancaire. Très exactement ce qui se produit sous nos yeux dans la zone euro.

On sait que le commerce international a toujours posé la question du règlement des échanges. Lorsqu’il y a déficit, il faut que le pays créancier reçoive en règlement un actif dont la liquidité est incontestable, c'est-à-dire un actif qui pourra se muter, sans difficultés, en une variété infinie d’autres actifs. Historiquement ce fût l’or et donc l’étalon- or qui va sécuriser les échanges. De ce point de vue, la mondialisation du 19 siècle ne peut être que muselée par l’étalon-or. Bien sûr les déséquilibres peuvent être momentanément oubliés par le recours au crédit, toutefois, la quantité de métal disponible, reste un butoir bien surveillé par les créanciers. Selon notre expression il s’agit là de, la « loi d’airain de la monnaie ».

Cette loi d’airain est à priori levée avec l’introduction d’une monnaie de réserve se détachant elle-même de l’or. Ce sera le cas après 1971 lorsque le dollar cessera d’être convertible en or. La mondialisation pourra davantage s’épanouir si le pays à monnaie de réserve (USA) se met à émettre de la monnaie sans limite pour régler des déficits…et que sans limite les créanciers considèrent que le dollar reste la quintessence de la liquidité… La mondialisation avec ses avantages de « déficits sans pleurs » (USA), et ceux procurés par des excédents illimités payés avec une monnaie de réserve incontestée (Pouvoir chinois) suppose bien évidemment une gigantesque création monétaire, qui est simultanément machine à fabriquer de la dette . Les banques américaines fournissent le crédit permettant l’importation massive de marchandises élaborées par des salariés aux rémunérations dérisoires et les autorités chinoises deviennent créancières d’une montagne de dollars acquis sur l’économie américaine.

Les échanges interbancaires sont au fond de la même nature que les échanges entre pays. Lorsque la Société Générale paie le fournisseur de l’un de ses clients, il faut bien que l’on puisse créditer le compte de ce fournisseur qui, lui, est par exemple titulaire d’un compte à la BNP. La BNP créditera ce compte, mais il faudra bien qu’elle obtienne en contrepartie un actif incontestable versé par la société générale : de la monnaie centrale, des billets libellés en euros, des monnaies de réserve, des titres publics et privés solides dans leur valeur, de l’or…Comme pour les pays, il y a compensation. Les importations peuvent être payées avec le produit des exportations. Dans les banques il y aura aussi compensation et la Société Générale n’aura pas à donner d’actif à la BNP si, le même jour, la BNP est amenée à demander à créditer le compte Société Générale d’un fournisseur de l’un de ses clients. Bien évidemment la compensation ne règle pas tout puisque l’équilibre de la circulation entre les deux banques  relève du hasard, c'est-à-dire des choix des clients dans leurs activités,  les banques sont donc amenées à se faire crédit, très exactement comme les pays.

Mais plus que de même nature, il est possible de dire que les échanges interbancaires, ne font que refléter les échanges internationaux. Globalement, si la balance commerciale entre la Grèce et l’Allemagne est déséquilibrée au profit de l’Allemagne et que ce commerce se déroule en sollicitant les services de Deutsche-Bank et Pireas-Bank, ce déséquilibre va vivement se ressentir au niveau des  2 banques sus- visées. Deutsche-Bank va exiger un actif solide en règlement du déficit qui est aussi le déficit de la Grèce vis-à-vis de l’Allemagne. Il est possible que PIreas- Bank, à court de liquidités, emprunte à sa collègue Emporiki pour payer Deutsche- Bank. Cela signifie, que bien sûr, il existe un marché inter bancaire en Grèce réglant la circulation monétaire au profit de citoyens grecs, mais que ce marché est nécessairement connecté avec Deutsche-Bank. Plus globalement encore, en  mondialisation bien affirmée, les marchés inter bancaires sont internationalisés et fortement guidés par le caractère plus ou moins déséquilibré des  échanges internationaux.

Pour payer Deutsche-Bank, Pireas- Bank sera de plus en plus en difficulté si la balance externe de la Grèce reste lourdement déficitaire. Il faut que de la liquidité circule, en permanence, depuis la Grèce vers l’Allemagne, et cette liquidité doit être fournie par Pireas-Bank. Bien sûr le circuit est plus complexe et les banques centrales des 2 pays interviennent, mais l’idée reste la même.

Pour régler le déficit, Pireas va donc se saigner d’actifs qu’elle ne possédera plus, ce qui va signifier un déséquilibre croissant de son bilan et donc une menace sur ses capitaux propres. Elle pourra aussi assécher son compte courant à la banque centrale, ou devra même emprunter à d’autres banques nationales ou étrangères voire à des banques allemandes concurrentes de Deutsche-Bank. Bien évidemment, elle peut- en théorie - continuer des opérations de crédit interne, et ainsi créer de la monnaie dont la contrepartie est un actif éventuellement transférable à Deutsche-Bank. Mais, en pratique, la chose est impossible puisque son bilan est déjà déséquilibré et qu’elle ne respecterait plus les ratios de liquidité et de solvabilité. Elle peut aussi être sauvée par l’Etat, mais ce dernier est globalement, et en dehors du cas spécifique de la Grèce, devenu impécunieux en raison du déficit gigantesque qu’il a contracté pour compenser la baisse de la propension à dépenser résultant des premières manifestations de la Grande crise en 2008. De ce point de vue Brender, Pisani et Gagna  (« La crise des dettes souveraines » ; La Découverte ; Juin 2012) ont raison de souligner que le déficit public était le bienvenu pour compenser une contraction de la demande globale. Les gigantesques déficits publics ne sont que le prix de l’évitement d’une catastrophe économique planétaire semblable à celle de 1929. Les 3 auteurs ont ainsi estimé que, sans ces interventions, le PIB des grands pays aurait brutalement reculé de 18%.

Et comme l’Etat Grec était déjà, avant la crise, en fâcheuse posture, on peut comprendre l’impossibilité pour Pireas de compter sur son Etat et à l’inverse d’en être victime, car disposant dans son bilan de bons du Trésor en rapide dévalorisation….Ce qui signifie d’ailleurs, dans notre exemple, que Deutsche-Bank verrait d’un mauvais œil un transfert vers son propre bilan d’actifs dévalorisés. De la même façon que ladite banque ne saurait non plus se contenter d’être payée avec des crédits à la consommation alloués par Pireas à des grecs impécunieux. Et, comme toutes les banques de pays déficitaires sont dans une situation plus que difficiles, on voit mal comment le crédit interbancaire pourrait continuer à fonctionner. D’où, l’intervention massive de la BCE, par exemple sous la forme d’un LTRO qui semble tout régler… momentanément.

Dans ce cas de figure, la BCE accepte en collatéral des titres démonétisés (que Deutsche-Bank n’accepterait pas) contre de la monnaie centrale déposée sur le compte de Pireas…ce qui permet à Pireas de faire parvenir les règlements à Deutsche-Bank, et permet du même coup à l’industrie allemande de ne pas perdre ses débouchés grecs.

Il faut donc bien comprendre que ce sont les balances externes déséquilibrées qui mettent en position de rupture les marchés interbancaires. Toutes les banques des pays souffrant d’un déséquilibre extérieur sont donc soumises à des pressions qui développent le risque d’insolvabilité et qui, en retour, entraine la ruine du marché inter- bancaire. Aucun établissement bancaire n’acceptant de prêter à des consœurs dont l’insolvabilité radicale est suspectée.

Parce que les balances sont durablement déséquilibrées la machine à fabriquer de la dette explose, et arrive le moment où il n’y a plus que la BCE qui peut – en sa qualité de prêteur en dernier ressort- continuer à faire circuler les marchandises dans un espace mondialisé.

On peur réfléchir longtemps sur les projets de réformes bancaires : ils sont très nombreux et se multiplient avec l’approfondissement de la crise. Tout cela ne sert à rien, le vrai problème est la pérennisation de déséquilibres économiques majeurs qui, pourtant, sont la nourriture même de la mondialisation.

Entre la multiplication des LTRO et l’imposition d’un équilibre des balances il faut choisir.

 La première alternative n’est sans doute pas la meilleure, puisqu’elle va consister à démultiplier la puissance de la machine à faire de la dette,  et une création monétaire massive. Avec un écart croissant entre pays exportateurs et de plus en plus compétitifs et pays importateurs et de moins en moins compétitifs. Elle a peut-être une vertu : effacer la crise générale de surproduction générée par une mondialisation qui n’a pu à se soucier comme dans l’espace de l’Etat-Nation de l’équilibre entre offre globale de marchandises et demande globale. Les LTRO, y compris leurs équivalents américain ou britannique, sont là pour assurer la bonne circulation des marchandises. Encore une fois, que deviendrait l’industrie allemande ou chinoise s’il n’y avait plus la machine à fabriquer de la dette ?

La seconde suppose une révolution des esprits et se heurte brutalement à l’esprit même de la mondialisation.

Cette dernière dont le principe est, rappelons le, la pérennisation du fordisme par d’autres moyens, a permis le maintien d’une croissance forte à l’échelle planétaire. Elle ne peut accepter les entraves à la bonne circulation des marchandises. Entraves physiques : les marchandises ne doivent pas connaitre de frontières et ne peuvent supporter droits de douanes ou autres contingentements. Entraves des règlements : les paiements doivent être sécurisés. On sait ce que cela signifie. Il ne faudrait pas à titre d’exemple que Pireas-Bank ou que la banque centrale de Grèce crée librement de la monnaie pour régler Deutsche-Bank. Il faut donc, en surplomb de la mondialisation, des autorités monétaires, qui en théorie ne peuvent être manipulées. Cela passe par l’indépendance des banques centrales. Les LTRO, qui prennent ailleurs d’autres noms, sont bien un instrument de sécurisation de la mondialisation et seule une banque centrale indépendante peut assurer la bonne, et surtout sans contrainte, circulation des marchandises.

Le prix à payer est le déséquilibre durable des balances et la crise bancaire. Pour y mettre fin, il faut donc rétablir les équilibres extérieurs autrement que par la recherche d’une compétitivité impossible pour les pays dont le système bancaire ne peut correctement  fonctionner. Cela passe par des règlements : barrières douanières, contingentements, licences d’importation etc.

La mondialisation est parvenue au stade où elle est incompatible avec un fonctionnement sain du système bancaire.

Les deux scénarios que nous venons de rappeler   ne sont pas nécessairement enthousiasmants, par exemple pour les pays du  sud de l’Europe : la dérive vers un assistanat de pays entiers qui vivent sur la base d’un crédit LTRO, théoriquement illimité, ou la relative fermeture et la protection d’un système productif théoriquement déclassé. Il y a sans doute mieux à proposer, par exemple des LTRO qui n’ont pas pour but de maintenir en survie un système bancaire malade, mais des LTRO qui se donnent comme seule mission d’investir de façon colossale dans les pays du sud afin d’aboutir, à terme, à un équilibres des échanges par modernisation des activités…( donc pas des routes ou des aéroports vides) et peut-être aussi l’effacement –durable ?-de la crise générale de surproduction.

Cela passe,  bien sûr par la fin de l’indépendance des banques centrales, ici la BCE, mais surtout par des LTRO politiquement décidés et négociés, qui seraient fléchés vers des investissements de modernisation dans le sud. Des LTRO dont l’objectif n’est plus de gommer les effets pervers sur le système bancaire de la divergence croissante entre les pays, mais au contraire des émissions monétaires pour créer des marchandises substitutives d’importations dans le sud. De quoi, au terme du processus, rétablir l’équilibre bilantaire et le bon fonctionnement des marchés interbancaires.

Les négociateurs européens sont encore très loin de cela. Affaire à suivre.

 

 

 

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18 juin 2012 1 18 /06 /juin /2012 09:22

 

L’article publié le 29 février dernier sur ce blog : « Une crise qui nous vient de si loin » présentait la mondialisation comme remède plus ou moins efficace aux disfonctionnements croissants du Fordisme  dans les anciens pays capitalistes. Régime d’accumulation reposant sur une production industrielle de masse, la chute continue des gains de productivité tout au long des années 60 et 70 a pu être compensée par ce qui pouvait apparaitre comme une bulle d’oxygène apportée par la mondialisation. Outre l’épuisement possible d’une grappe technologique, la chute des gains de productivité provenait essentiellement de nouvelles exigences au niveau des débouchés, à savoir une consommation croissante de services : éducation santé, voire logement, dont les modes de production ne passent pas aisément  par des gains de productivité permanents et massifs. Parce que, disions- nous, la mondialisation était plus facile que le passage à une robotisation source de nouveaux gains de productivité, voire le passage au fordisme de branches d’activités jusqu’ici rebelles à la production de masse, la voie de l’ouverture à l’international fût préférée partout dans l’ancien monde industrialisé. Ouverture qui s’est matérialisée par un développement 2 fois  plus rapide du commerce international que celui du commerce national tout au long des années 80, 90 et 2000.

Les débuts de l’ouverture à l’international ne furent pas tout de suite la mise en concurrence des Etats- Providence et leur contestation, sous la forme de la mise à l’index de ceux que, plus tard, on appellera des  « assistés ». Pendant de longues années, la baisse de la valeur de la force de travail - qui était de moins en moins assurée par la production/ consommation d’objets fordiens dont la baisse de valeur était elle-même de moins en moins assurée par des gains de productivité trop réduits - fût obtenue par l’importation massive de biens de consommation produits par une périphérie ne connaissant point d’Etat-Providence. C’est que l’explosion du commerce international était moins celui existant entre Etats Fordiens qu’entre centre et périphérie : elle prenait en tout premier lieu la forme de délocalisations de productions, assurées dans de meilleures conditions de coût, dans ce qui allait devenir les pays émergents.

Mondialisation et coût de la force de travail.

En termes simples, si le coût des biens consommés de façon croissante (éducation,  santé , logement, etc. ) ne peut baisser, celui des biens consommés dans les domaines traditionnels du fordisme (vêtements, chaussures, alimentation, etc.) peut continuer à s’effondrer grâce aux délocalisations. A cet égard, rappelons les slogans publicitaires de la Grande Distribution , agent essentiel de la mondialisation, qui s’auto référencait dans les années 70/80, « agent de lutte contre l’inflation » : la Grande Distribution se donnait pour mission de « créer » du pouvoir d’achat. Mission qui devrait s’achever avec le risque d’une démondialisation aujourd’hui.

Si donc, les biens que l’on peut appeler « biens- salaires » (ceux achetés par les salariés en général) ne voient plus leur valeur baisser en raison de la crise des fordismes nationaux, la mondialisation, celle qui commence par des délocalisations, peut renouer avec cette baisse de valeur et ce, même si les productions délocalisées restent peu efficaces, les anciens gains de productivité étant seulement remplacés par les salaires dérisoires de la périphérie.

Et tout ceci peut se vérifier, non pas dans les budgets familiaux qui ne disent pas l’essentiel, mais dans un document que l’on peut reconstituer: celui de l’affectation en termes de dépenses, du coût total de la reproduction de la force de travail. Les dépenses non délocalisables - santé, éducation ,  logement - ne font qu’augmenter, et celles, délocalisables et de plus en plus délocalisées - alimentation, habillement, etc. - ne font que baisser. Un tel document n’est certes pas facile à construire, mais l’on dispose de chiffres globaux qu’il faudrait traduire. On sait par exemple, que s’agissant de la France, les dépenses de santé progressent plus rapidement que le taux de croissance, et donc de celui des revenus salariaux, et qu’il en est de même des dépenses de logement. A l’inverse, les dépenses de nourriture et de vêtements  pèsent de moins en moins dans les budgets familiaux.

La mondialisation creuse les déséquilibres extérieurs

Le fordisme traditionnel s’intéressait à l’extérieur, davantage du point de vue des devises qu’il pouvait générer que du point de vue des exportations. Ce que l’on appelait « contrainte extérieure » était au fond une « règle d’or » d’équilibre extérieur qui, plus tard,  intéressera moins dans la mondialisation et se transformera  en « règle d’or » d’équilibre  des budgets publics avec son avènement. Curieuse mutation : si naguère on parlait beaucoup de la contrainte extérieure et peu de la contrainte budgétaire, la première est aujourd’hui largement oubliée au profit de la seconde. 

Si, au-delà, la monnaie des vieux pays fordiens est monnaie de réserve incontestée (Dollar), ou monnaie de réserve espérée ( Euro), la contrainte extérieure perd tout sens et la prolongation artificielle du fordisme par la consommation des forces de travail de la périphérie (mondialisation) peut devenir une véritable drogue : il n’y a plus guère de limite à la désindustrialisation. Même la Grèce qui ne pouvait connaitre qu’un fordisme très embryonnaire pourra se désindustrialiser. La magie de l’euro tuera la quasi-totalité de son industrie textile et autorisera l’abandon de tout contrôle de la balance externe au profit d’un déficit sans limite. Avec, évidemment, l’évaporation des emplois correspondants, mal compensée par ceux créés pour assurer la logistique et la commercialisation du fantastique flux de marchandises importées et achetées avec – vu de la Grèce – le prodigieux  pouvoir d’achat autorisé par  l’euro.

Ce fordisme prolongé par d’autres moyens, assure en contrepartie l’industrialisation d’une partie de la périphérie, le symbole de cette dernière étant la Chine. A l’extravertion nouvelle de l’Occident va correspondre un développement extraverti de ce qui allait devenir les pays émergents, le vecteur de cette double extravertion, au-delà des autoroutes de la finance – souvent analysées sur ce blog -  qu’il fallait construire, étant plus particulièrement la Grande Distribution. C’est ainsi qu’avant la crise, le distributeur Wal Mart pourra, à lui seul, abaisser le coût de la reproduction de la force de travail américaine en important ce qui correspondait à 10% du total des exportations chinoises de l’époque.

Les déséquilibres extérieurs deviennent ainsi le sous-produit obligatoire du fordisme revisité. Ils sont d’une part ce qui permet de revitaliser un capitalisme central souffrant d’une chute de son efficacité productive, et d’autre part un outil d’une formidable industrialisation de la périphérie. Et pendant plusieurs dizaines d’années, ils correspondront, par leur inexorable montée, à un renouveau du fordisme, enfin débarrassé des contraintes d’une naissance sur les ruines de la crise de 1929 et de la seconde guerre mondiale : désormais, il n’est plus nécessaire d’assurer dans le vieil espace de l’Etat- Nation, l’équilibre entre offre globale rentable et demande globale.

Et lorsque les monnaies des vieux pays fordiens sont monnaie de réserve, parce que le déficit est « sans pleurs », il devient aussi invisible : les chinois financent le déficit américain avec les dollars de leur propre excédent, et les allemands financent le déficit grec en acceptant sans limite la montagne d’euros qui lui correspond. Bien évidemment, ce très vaste recyclage est facilité par le développement de l’industrie financière, industrie grande bénéficiaire et facilitatrice  de la mondialisation tout comme  la Grande Distribution. Bien évidemment, et nous l’avons souvent montré sur ce blog, cette industrie financière supposait l’abandon par les entrepreneurs politiques de tous pays, de leur emprise sur la monnaie avec son complément, c’est –à-dire  l’indépendance des banques centrales et le grand retour de la rente, d’abord sous la forme du « service de la dette ».

Plus tard, les victimes de la mondialisation seront au moins partiellement désignées responsables de la crise des vieux Etats- Providence. Partiellement, car de fait l’habitude sera prise de tenter de réduire les coûts croissants des consommations non fordiennes (santé, éducation) en les finançant moins par le biais d’une réduction de la pression fiscale, ou en utilisant les services de l’industrie financière, pour en reporter le partiel démantèlement. Pensons à la CADES dans le cas de la France. D’où la grande mode des discours consacrés à « l’exploitation des générations futures ». De fait, aux déséquilibres extérieurs, devaient correspondre progressivement les déséquilibres des finances publiques : ce qu’on appelle les « déficits jumeaux ». Les déséquilibres publics seront eux- mêmes partiellement financés par les excédents extérieurs des futurs émergents. Ne dit-on pas que la formidable puissance militaire américaine est partiellement assurée par les bons du Trésor achetés par les autorités chinoises avec l’excédent de la balance de ce dernier pays ?

Dans les vieux pays fordiens, toutes les victimes de la mondialisation ne deviendront pas des « assistés ». Par contre, l’ancienne force de travail fordienne subit de plein fouet la concurrence des bas salaires des pays émergents. Dans l’ancien fordisme la masse des salaires était à la fois coût et débouché de la production. Dans le fordisme prolongé dans la mondialisation, les salaires ne sont plus qu’un coût à réduire. C’est que les débouchés sont de plus en plus à l’international, et dépendent d’une compétitivité qu’il faut conquérir par des « réformes de structures » - très à la mode aujourd’hui- affectant les institutions fordiennes du salariat d’antan.

De même que les Etats vont s’endetter sur les marchés  pour maintenir des services publics qui sont aussi une partie du coût de la reproduction de la force de travail (Education, santé, politique du logement, politique d’allégement des charges salariales, etc.) les salariés eux-mêmes vont recourir aux  services de l’industrie financière pour maintenir, par le biais de l’endettement, le rythme de croissance de la consommation auquel ils étaient habitués. Le renouvellement du fordisme, ou sa continuation par d’autres moyens est donc aussi, un immense, un colossal processus d’endettement des agents privés et publics, en particulier ceux des vieux pays capitalistes.

On sait aujourd’hui que l’accroissement continu des dettes privées et publiques n’était pas tenable : il s’agit de la crise financière mondiale maintenant bien décrite et souvent bien analysée. Avec son quotidien : la mise en place de procédures de désendettements qui passent passent  par un endettement encore plus important : FESF, MES, LTRO, fonds de « rédemption », etc.

Une extravertion intenable

Mais ce qui n’est pas tenable non plus est le processus d’extravertion planétaire qu’est la mondialisation. Et ce pour au moins deux raisons.

La première correspond à la très grande solidarité des "déficits jumeaux". La politique de la "règle d’or" budgétaire , outre qu’elle comprime la demande globale - avec des effets dépressifs sur les recettes publiques assortis d’ effets d’enflure de dépenses de guichets ( nouveaux entrants dans les filets d’un Etat providence rétréci) -  comprime du même coup, les dépenses d’investissements susceptibles d’élever une productivité et une compétitivité internationale  réductrice  de  déficit extérieur. Plus globalement, les réductions de dépenses publiques et privées, conçues pour diminuer les montagnes de dettes ne font que les augmenter. D’où la répétition, devenue comique, de plans de rigueur qui ne font que précipiter et élargir le tsunami financier en cours. Avec en contre partie de déficits accrus, un monstre financier gorgé de rentes publiques et privées qui peut exploser et disparaitre à tout moment.

La seconde est que l’extravertion planétaire, ce qu’on appelle la mondialisation, n’était que la drogue dont la surconsommation assure aujourd’hui la  mortelle toxicité. La prolongation du fordisme par d’autres moyens reposait en effet sur la course à la baisse des salaires à l’échelle planétaire : Le flux croissant de délocalisations est auto-entretenu et ne peut être contenu que par des plans de réduction des coûts de la reproduction de la force de travail. Avec parfois des stratégies gagnantes comme celle de l’Allemagne, ancien pays fordien classique,  qui associant délocalisations de proximité, et réduction des salaires, peut se transformer en petite Chine de l’Europe.

A nouveau une crise de surproduction.

Globalement, plus la mondialisation s’épaissit, et plus l’incohérence majeure entre une offre mondiale et une demande mondiale se manifeste. Très exactement comme dans le cycle américain 1920/1929 où le fordisme côté production, et donc côté offre, entrait en contradiction avec une demande insuffisante en raison d’un « five dollars Day » trop limité à la seule industrie automobile de l’époque. A l’échelle planétaire, aujourd’hui, la gestion incertaine de la crise financière en Occident, développe la surproduction généralisée chez nombre d’émergents . D’où la constatation d’une réduction des taux de croissance en Chine, Inde, Brésil, etc. Nous sommes bel et bien dans une crise générale et mondiale de surproduction.

Les entrepreneurs politiques des vieux Etats fordiens ont facilité la mondialisation comme solution à un  capitalisme qui ne pouvait plus assurer les formidables taux de croissance des trente glorieuses. Ils n’ont sans doute pas encore pris conscience que la solution est devenue problème : comment rétablir la cohérence entre production et débouchés ? Avec cette curiosité que du point de vue de ces vieux pays, et dans le monde des seules apparences, la présente situation peut être lue comme l’inverse de celle de 1929 : avec l’énorme désindustrialisation, la production est devenue inférieure à la demande globale. Qui plus est, une  production de moins en moins fordienne, car faite de services peu générateurs de productivité. Ainsi dans le monde des apparences, le discours selon lequel "l’Occident vit au dessus de ses moyens" apparait crédible. Et ce n’est que par le détour théorique que nous venons de mener, qu’il est possible de voir le monde autrement. Exactement comme le mouvement des planètes avec la révolution copernicienne. Et parce que dans le monde des apparences la demande globale est trop forte, les politiques d’austérité peuvent continuer à être justifiées alors même qu’elles sont ruineuses. Les lancinantes « réformes de structures » sont là pour témoigner de la difficulté d’appréhender la réalité.

Il est évidemment difficile d’imaginer la suite. On comprend toutefois que le volet monétaire sera appelé à prendre une importance essentielle. C’est que l’effondrement du monstre financier sera porteur de secousses sur les taux de change et les monnaies elles- mêmes. L’explosion de la zone euro, est évidemment le cas le plus porteur d’effets sur la démondialisation puisqu’il mettrait directement en cause l’extravertion  des émergents, et même celui de cette Chine de l’Europe qu’est l’Allemagne. C’est que la brutale chute des taux de change des monnaies nationales reconstituées, mettrait vite en cause la double extravertion des vieux pays et de leurs fournisseurs. Observons du reste, que ce possible renversement est plus au moins anticipé, avec l’actuelle problématique du développement du marché intérieur en Chine, ou le protectionnisme renaissant dans plusieurs pays d’Amérique Latine.

De la mondialisation au risque de la grande fragmentation

Cette problématique va aussi correspondre à un basculement de l’offre sur les marchés politiques, avec la perspective d’un très difficile  retour à l’Etat-Nation. Si effectivement l’effondrement du monstre financier remet sur le devant de la scène la variable monétaire, cela peut signifier la fin de la libre circulation du capital, la fin de l’aventure post- fordienne (mondialisation débouchant sur une incontrôlable crise de surproduction), et la volonté de reprendre le pouvoir monétaire sur les banques centrales. Avec, de plus en plus, un déplacement de l’attention sur les comptes extérieurs : il faudra équilibrer les comptes car la magie de la finance aura disparu. Et à l’inverse, la fin de la problématique de la « règle d’or » sur les comptes publics : les déficits ne se comblent plus sur les marchés et les banques centrales nourrissent directement les Trésors selon le modèle, initié par la BCE pour nourrir …les banques...

Ce grand déplacement de la problématique des « règles d’or », depuis celle sur les budgets publics que l’on veut encore imposer, vers celle des comptes extérieurs, sera de fait un grand basculement exigé par les « assistés », les salariés, nombre d’entrepreneurs économiques, et nombre d’entrepreneurs politiques cherchant à se reproduire au pouvoir, voire à conquérir le pouvoir. Ce grand déplacement étant aussi accompagné de populisme, ce qui pourrait apparaitre comme un retour à l’Etat-Nation, est porteur du risque de désagrégation plus grande sous la forme d’Etats nouveaux. Ainsi la possible disparition de l’euro, faisant largement réapparaitre la problématique de l’Etat- Nation, ne développera- t’elle pas un effet boule de neige ? La Belgique, l’Espagne, L’Italie, peuvent t-ils survivre à la fin de la construction européenne ?

Parce que les extravertions imposées par la mondialisation supposaient de véritables transferts de ressources qui ne se sont manifestés que sous la forme du piège de la finance ( endettements privés et publics colossaux à l’échelle du monde) , alors qu’ils devraient et devaient logiquement se manifester sous la forme d’un fédéralisme débouchant sur un hypothétique Etat mondial, la grande crise risque de déboucher sur un sauve-qui- peut, avec le refus de toute forme de fédéralisme. Une lame de fond qui pourrait aussi noyer les Etats-Nations mal cimentés par l’idée fédérale. Ce qui correspond à nombre d’Etats–Nations aujourd’hui, et plus particulièrement en Europe. Comment en effet, ne pas avoir en tête l’extrême fragmentation de l’énorme Union Soviétique, qui va jusqu’à faire naître la Transnistrie, fier Etat- Nation de 500 000 habitants jouissant de sa propre monnaie ?

 

 

 

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2 juin 2012 6 02 /06 /juin /2012 09:53

 

 

« Qui capture  l’Etat ? » est le titre de l’ouvrage que vient de publier le Cercle des Economistes aux PUF.

Pour les lecteurs de ce blog une telle interrogation  n’a rien d’illégitime, l’Etat n’étant qu’une forme possible et toujours changeante de « l’extériorité » propre à tout groupement humain. L’Etat est ce qui dépasse chacun des membres de la communauté et qui pour autant, à l’inverse des religions primitives, est accaparé par des individus, qui idéologiquement sont censés  être au service de ce qui les surplombe tous. Les lecteurs de ce blog savent aussi que l’on désigne par l’expression « entrepreneurs politiques » les personnes cherchant à monopoliser les outils de façonnage de l’extériorité, lesquels dans les formes modernes de l’Etat sont le plus souvent la loi.

Ainsi parler de capture de l’Etat est une forme de pléonasme : il est dans le destin des hommes de connaitre une extériorité qui ne peut être que capturée par certains d’entre eux. La démocratie est la forme la moins répressive de cette humaine condition, puisqu’elle est censée assurer le plus grand « turn over » de ceux qui de prés ou de loin vont utiliser les outils de la contrainte publique - la loi - à des fins privées, essentiellement le pouvoir, pour ceux que l’on a appelé entrepreneurs politiques, et pouvoir obtenu et maintenu en distribuant un cocktail de lois et règlements avantageux pour un ensemble de groupes censés représenter une majorité.

Le titre de l’ouvrage publié par le Cercle des Economistes peut donc sembler correct : l’Etat est une entité capturable et l’objet du livre serait d’en révéler ses bénéficiaires.

Hélas, la lecture déçoit assez rapidement car la quinzaine d’auteurs qui s’y expriment, n’ont manifestement pas le souci de tenir compte de l’essence de l’Etat, pour en décrire ce qu’ils croient être des disfonctionnements.

C’est ainsi le cas de Jean-Hervé Lorenzi, président du Cercle des Economistes, qui loue à tort les vertus de l’Ecole d’Economie de Toulouse, elle-même spécialisée dans une théorie du management de l’Etat et par l’Etat, et qui pourtant travaille – fort curieusement - sans théorie de l’Etat. Comme si on étudiait l’eau, toutes ses propriétés et tous ses usages sans jamais savoir qu’elle est la combinaison de 2 atomes d’hydrogène et d’un atome d’oxygène, et donc sans connaitre les propriétés intimes de la molécule issue de cette combinaison.

Mais c’est aussi le cas de la plupart des auteurs de cet ouvrage.

C’est par exemple celui de Jean-Paul Pollin qui se lance dans un court article sur « L’Etat dépossédé » sans jamais se poser la question de sa nature : de quoi peut-il être dépossédé s’il n’est pas identifié ?  Comment expliquer cette dépossession sur tant de thèmes évoqués dans l'article ( la régulation microéconomique, la régulation financière, l’Autorité de Contrôle Prudentiel, l’abandon de la politique monétaire, etc) si l’on ne peut en saisir la chaine des causes….laquelle passe nécessairement par l’identification de la nature profonde de l’Etat ?

C’est aussi le cas d’André Cartapanis, qui dans un texte consacré à « l’Etat défaillant » s’adonne à la même erreur tout en osant parler « d’Etat complet ». Comment identifier cette dernière notion, sans recourir aux dérives de la pensée normative, qui doit logiquement se trouver absente de toute pensée se voulant proche des canons de la scientificité ? L’Etat n’est pas ce qu’il doit être, il est simplement ce qu’il est et doit être expliqué, si possible avec la même rigueur que celle rencontrée, pour expliquer  les mouvements de l’écorce terrestre ou celui des planètes. Ce que fait l’Etat,  doit être expliqué par une chaine de causes que l’on remonte jusqu’à la rencontre d’un postulat, socle de tout raisonnement scientifique. Et si la chaine des effets ne correspond pas à un modèle susceptible d’approcher la réalité, de rendre compte de la réalité observable, alors le postulat est simplement renversé, et l’on passe à un autre paradigme, une autre chaine d’explications.

On pourrait multiplier les exemples, en se contentant de ne mentionner que les titres des articles de cet ouvrage qui à eux seuls sont révélateurs des insuffisances méthodologiques : « Les Etats ont-ils le Droit de faire défaut ?» ; « Gulliver empêtré ou l’Amérique d’Obama » ; « la capture par la crise des Etats européens » ; « La capture des Banques centrales » etc.

En sorte que, dans le monde des économistes du Cercle, ce qu’on appelle capture devient intellectuellement un disfonctionnement. Et disfonctionnement par rapport à une norme censée représenter le « bien ». Encore une fois, nous sommes très éloignés des pratiques scientifiques les plus courantes : serait-il imaginable qu’un astronome parle d’un disfonctionnement du système solaire ?

Bien sûr, la dérive normative provient essentiellement du fait que les hommes sont conscients d’un monde humain qu’ils souhaitent éventuellement transformer, souhait parfaitement compréhensible et probablement légitime, mais souhait inimaginable concernant le cosmos ou de façon plus générale le réel . La dérive normative constitue la  grande pollution des raisonnements menés dans le champ des sciences humaines. Encore une fois dérive bien légitime ou bien compréhensible, puisqu'ici le réel ce sont les hommes, Il convient toutefois de bien l'avoir en tête  si l’on veut élever la rigueur de nos raisonnements.

 

 

 

 

 

                                                                                                                           

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24 avril 2012 2 24 /04 /avril /2012 06:32

 

 

Le « Long Term Refinancing Opération » lancé par la BCE de puis fin décembre 2011 – plus de 1000 milliards de liquidités versées au profit des banques - a déjà épuisé ses effets : les banques italiennes et espagnoles pourtant gavées de monnaie émise depuis Francfort n’arrivent plus à maintenir le cours des dettes publiques correspondantes.

Ultime outil de ravaudage, le LTRO  voit ses défauts mis à nu : il n’apporte aucune solution aux déséquilibres extérieurs qui causent la ruine publique et privée du Sud. Qui plus est, le stock de monnaie créée n’est pas ciblé, et tombe dans la trappe à monnaie, avec ces errances que sont sa transformation en matière première pour la spéculation, et surtout le non investissement productif.

La France est désormais en première ligne, et avec elle tout le dispositif européen (FESF et MES) qui ne peut  reposer que sur la seule Allemagne. D’où, potentiellement, un effondrement brutal de la zone euro, avec toutes ses conséquences sur la construction européennes et le reste du monde.

Il est pourtant une ultime possibilité que la violence de la crise pourrait imposer aux nouveaux dirigeants européens : le lancement d’un « LTRO nouveau » radicalement différent de l’ancien.

Le principe en est simple : Le conseil européen donne l’ordre à la Banque Centrale de lancer un LTRO massif (plusieurs milliers de milliards d’euros), et fléché selon une double orientation et répartition : public/privé d’une part , nord/sud d’autre part.

Décision bien sûr difficile, et surtout en marge de la réglementation, puisqu’elle aboutirait à un financement direct des Etats. Mais décision assurant la logique du moindre coût : choix du respect du dogme monétaire ou choix du probable chaos ?

L’objectif du fléchage  doit être particulièrement clair : renouer avec une croissance plus auto centrée et moins déséquilibrée, mais aussi définanciariser l’économie, et notamment mettre progressivement fin à la dépendance financière des Etats.

Le « LTRO nouveau » est affecté aux pays connaissant un problème de « déficits jumeaux » ( déficit extérieur et déficit public) récurrents. Des droits de tirage sur le dispositif « LTRO nouveau » sont ainsi attribués pour un volume proportionnel à la somme des 2 déficits. Clairement, cela signifie que dans les présentes conditions, les pays du Nord, dont bien sûr l’Allemagne, voient leurs droits de tirage réduits à Zéro, tandis que les grands pays du sud, par exemple l’Espagne, bénéficient de droits de tirage potentiellement considérables. Chaque Etat est responsable de la répartition interne de son droit de tirage entre secteur public et secteur privé : Trésor lui-même, Banques publiques d’investissement, banques privées.  Bien évidemment, la partie du droit de tirage réservée au Trésor d’un Etat est obligatoirement affectée à l’investissement public, ce qui interdit les facilités du comblement d’un déficit de fonctionnement par simple création monétaire.

Aux droits de tirage des pays, viennent s’ajouter un droit de tirage européen dont le montant, lui aussi fixé par le Conseil européen, correspond aux grandes infrastructures publiques politiquement décidées : protection de l’environnement, indépendance énergétiques, réseaux européens de transports, etc.

Les droits de tirage  affectés aux Trésors nationaux, allègent progressivement le service de la dette, et viennent tout aussi progressivement, limiter le périmètre de la rente correspondante. La monnaie nouvelle n’est plus la contrepartie d’une dette donnant naissance à de nouveaux prélèvements : la machine à faire de la dette, machine qui enfonce la zone euro, est ainsi, au moins provisoirement, mise au rebut.

Les droits de tirage affectés aux banques publiques d’investissement et au secteur bancaire privé, orientent leurs prêts aux partenaires économiques, dans le cadre du second objectif  de définanciarisation généralisée : on peut ainsi envisager de mettre progressivement fin aux pratiques excessives du modèle de « corporate  governance » des entreprises. Cela peut passer par des politiques sélectives : prise de participation dans le capital ; orientation de l’investissement vers des entreprises non affectées par la dictature de l’actionnariat ; contrats de responsabilité actionnariale faisant évoluer l’entreprise, d’un statut de simple sous jacent d’un titre de propriété, vers l’entreprise représentant une institution dépassant le strict droit de propriété ; etc.

La décision de lancement d’un « LTRO nouveau » est efficace à plus d’un titre.

A situation exceptionnelle mesures exceptionnelles, ce qui veut dire qu’au fond, le « LTRO nouveau » pourrait s’envisager sans modifier les statuts de la BCE : de quoi soulager le partenaire allemand. Les mesures LTRO prenant fin avec le redressement des pays du sud disposant désormais d’investissements de mise à niveau considérables. Mais aussi , mesures exceptionnelles permettant d’ obtenir sur les marchés, une chute conséquente de l’euro, à des fins de redressement de la compétitivité. Il semble en effet évident que la gigantesque création monétaire serait de nature à affaisser durablement l’euro.

Mais l’efficacité du « LTRO nouveau » proviendrait aussi du fait qu’il est facteur d’optimalisation ( au sens de Mundell) de la zone monétaire. On sait que cet économiste a démontré, il y a bien longtemps, que la pérennité d’une zone monétaire supposait, en cas de chocs asymétriques, d’importantes  redistributions budgétaires, depuis les zones avantagées vers les zones sinistrées. Le « LTRO nouveau » permet ce transfert vers le sud, à coût budgétaire nul pour le nord, puisqu’il s’agit d’investissements sur  création monétaire. L’Allemagne qui ne veut pas payer pour les « cueilleurs d’olives » ne disposerait pas de droits de tirage sur la BCE, mais en retour n’aurait rien à payer pour la mise à niveau de sud.

L’efficacité du « LTRO nouveau » proviendrait enfin  des bonnes incitations qu’il engendrerait. Les pays du sud ne sont pas incités à choisir le « modèle exportateur » pour en finir avec leurs difficultés, choix qui selon les règles du « LTRO nouveau » viendrait mécaniquement diminuer leurs droits de tirage. Symétriquement, le modèle exportateur choisi par  l’Allemagne , ne serait plus avantageux pour ce dernier pays interdit d’accès aux droits de tirage. De quoi se diriger vers un modèle de développement plus autocentré.

Les peuples européens, épuisés par une maladie dont ils ignorent profondément les origines, celle du dogme monétaire,  rejetteront, d’une manière ou d’une autre, le « Traité sur la Stabilité , la Coordination Et la Gouvernance dans l’Union économique et monétaire » ( TSCG). Substituons-lui, monsieur le Président de la République, le « LTRO nouveau » qui redonne du sens à la construction européenne. Cette exigence, décidée avec vos collègues a Bruxelles, est probablement la dernière chance avant l'implosion du dispositif européen.

                                                                                             

 

 

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16 avril 2012 1 16 /04 /avril /2012 12:59

  

 

          Outil à négocier pour le prochain président de la république, ou projet de Traité se substituant au "Traité sur la Stabilité, la Coordination et la Gouvernance dans l'Union économique et monétaire" (TSCG).

  

   

        

 

Critique du « LTRO ancien » :

 

- Absence totale de fléchage clair des fonds alloués ;

- Maintien des déséquilibres extérieurs source de la ruine du sud (publique et privée)

- Tombe dans la trappe à liquidités et ne débouche pas sur de l’investissement ;

- Matière première de la spéculation que le LTRO contribue à nourrir.

 

Objectifs d’un « LTRO nouveau » :

 

- S’affranchir du couple infernal : « rareté monétaire publique/trappe à liquidités privées » ;

- Renouer radicalement avec la croissance et respecter la contrainte environnementale ;

- Se diriger vers des croissances plus autocentrées, (équilibre des échanges extérieurs) ;

- Faire de l’Europe le modèle réduit d’une mondialisation réussie ;

- Trouver une solution qui ne soit pas un simple gain de temps ;

- S’affranchir de la « Corporate Governence » et contribuer à  faire de l’entreprise une institution.

-  Alléger le service de la dette.

 

Procédure :

 

 

- Modification du statut de la BCE ;

- Fixation d’une enveloppe large d’investissements  par création monétaire de la BCE ;

- Répartition de l’enveloppe entre pays et à l’intérieur d’un pays entre privé et Etat ;

- Critères des « droits de tirage sur BCE » : 1) poids relatif des PIB, 2) poids du service de la dette,3)    poids du déficit extérieur ;

- La somme  en pourcentage des critères 2 et 3 détermine le droit de tirage du pays à l’intérieur de l’enveloppe globale et ce compte tenu du critère 1.

- La partie du droit de tirage affectée au Trésor des pays ayants droits, est obligatoirement affectée à des investissements publics, et ne peut en aucune façon combler un déficit de fonctionnement ;

- Les banques centrales nationales reçoivent et répartissent le droit de tirage de chaque pays ;

- Le collatéral perçu en retour correspond aux actifs représentatifs des investissements privés et publics réalisés au titre du droit de tirage. La monnaie crée est détruite par les remboursements.

 

Facteurs d’efficience :

 

- La modification du statut de la BCE est facteur d’affaissement de l’euro, donc de gains de compétitivité de la zone euro.

- Le mode de calcul des droits est très favorable à l’optimisation (au sens de Mundell)  d’une zone monétaire : l’Allemagne ne perçoit rien et ne paie rien, le sud reçoit beaucoup sans être subventionné par le nord. C’est le système bancaire qui finance et non le système fiscal des pays riches.

- Le système bancaire recevant les droits de tirage les utilise selon la logique la plus classique , le fléchage du LTRO nouveau ne facilitant en aucune façon des irresponsabilités en matière de décision sur les investissements opérés .

- Les pays du nord ont intérêt à la construction de droits de tirage dont ils pourraient devenir bénéficiaires en consolidant leur Etat Providence et en s’acheminant vers des déficits extérieurs.

- Les pays du sud  n’ont pas – avec le dispositif  retenu - avantage à choisir le modèle exportateur comme mode de développement, un tel choix venant diminuer le droit de tirage dont ils bénéficient.

 

 

 

 

 

 

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4 avril 2012 3 04 /04 /avril /2012 08:32

 

Nous connaissons maintenant la nature profonde des Etats comme entités très anciennes; celle des banques centrales , comme objets très récents au regard de l'histoire; et enfin celle des liaisons possibles entre les deux.

 

Si les Etats sont -dans leurs « structures génétiques » et donc leur acte de naissance- une extériorité fondamentalement prédatrice au détriment de ceux sur quoi ils règnent, l'émergence des banques centrales fût une étape décisive dans le partage de la prédation avec d'autres acteurs que les souverains. l'idée de partage est en effet opportune pour désigner le fait que désormais les États n'émettent plus - le plus souvent - directement la monnaie, et passent par une agence plus ou moins autonome, mais autonomie toujours limitée par le type de monnaie émise: celle de L'Etat.

 

Ainsi la Banque de France, institution juridiquement séparée de l'Etat, aura le pouvoir d'émettre de la monnaie, mais cette dernière sera tout aussi juridiquement monnaie légale et donc monnaie de l'Etat français.

 

Le cours légal est fort sympathique

 

Naguère l'Etat pouvait payer à partir de ses « débiteurs »: esclaves, seigneuriage, ensemble de la population taxée, etc. Avec les banques centrales, et les formes nouvelles de l'aventure étatique qui vont lui correspondre, il pourra certes perdre quelques avantages, mais il maintiendra le gigantesque pouvoir de payer à partir de sa propre monnaie, et même si le pouvoir de la fabriquer ne sera plus ce qu'il était. Dernier propos qu'il faut du reste nuancer car il fût des époques où les banques centrales étaient entièrement sous le contrôle des Etats.

 

En conservant bien sûr son droit de taxer, l'Etat prédateur, même affaibli par une banque centrale, conserve une grande partie de sa souveraineté: les agents économiques sont intéressés par sa monnaie qui seule dispose du cours légal, monnaie qu'il faut impérativement utiliser.... ne serait-ce que pour pouvoir payer l'impôt. Parce que resté maître de la base monétaire, et que tous les contrats sont libellés dans la monnaie qu'il reconnait, la notion de défaut apparaît relativement difficile: l'Etat a encore les moyens – si l’on ose dire-de faire varier le niveau de la "dette que sa banque centrale lui doit". La dette envers l'extériorité n'est plus infinie, mais le prédateur dispose encore des moyens de décider de son montant.

 

Ce serait évidemment beaucoup plus difficile s'il devait s'endetter envers une monnaie dont il ne maîtrise en aucune façon l'émission. Beaucoup plus difficile, mais pas impossible, ainsi que l'atteste la présente situation, où la pression des Etats de la zone euro a de fait obligé la BCE à fournir les liquidités nécessaires (plus de mille milliards d'euros en additionnant les émissions des 22/12/2011 et 28/02/2012) aux fins de diminuer les pressions sur les budgets publics. Beaucoup plus difficile mais pas impossible, ainsi que l’atteste également ce fait moins connu que fût l’octroi -de 25 milliards d’euros- directement depuis  la banque centrale irlandaise au Trésor correspondant en 2010.

 

L'Etat fédéral américain dispose de ce point de vue d'un avantage considérable sur les autres Etats: s'il décide de bien contrôler sa banque centrale, et il le peut assez facilement dans le cadre de la législation en vigueur, son défaut est impossible. On peut ainsi considérer que les débats d'Août 2011 sur le plafond de la dette fédérale n'avaient aucun sens. Il s'agissait de s'amuser à se faire peur et de "jouer au défaut". Parce que la dette américaine s'exprime en dollars, il suffit de produire davantage de dollars pour continuer à dépenser. L’Etat fédéral n'est d'une certaine façon pas endetté, et chacun sait qu'il ne remboursera jamais. Par contre, ce même Etat peut encore décider de "ce qu'on lui doit", et fixer le niveau du "quantitative easing" auquel la FED devra se soumettre.

 

De fait, l'Etat fédéral américain est dans une position plus avantageuse que celle des Etats plus anciens , et qui étaient en raison de la contrainte générale du métal, dans une position où il leur était depuis longtemps impossible de payer en utilisant une autre monnaie que l'argent ou l'or, ou une forme monétaire assurément convertible en métal . Déjà dans un milieu relativement ouvert, peuplé d'Etats en compétition, aucun d'eux ne pouvait créer et imposer une monnaie d'Etat parfaitement souveraine. D'où les catastrophes comme le système de Law ou les Assignats.

 

Et de ce point de vue, l'adoption progressive et organisée de l'étalon- or est un recul très net de la souveraineté: la loi d'airain de la monnaie va s'imposer à tous, bien davantage que l'Etat fédéral américain d'aujourd'hui. D’où les difficultés, anglaises notamment, dans le retour à l’étalon- or dans les années qui suivirent la première guerre mondiale. D’où aussi les énormes difficultés dans la gestion de la crise des années 30.

 

 C'est  parce que le contexte de l'étalon-or limite la possibilité pour l'Etat de payer avec une monnaie de son choix -qu'il émet souverainement - qu'il doit apporter la preuve de son auto limitation. La banque centrale apparait ainsi comme l'outil de cette auto limitation. Et bien sûr un outil que l'on cherchera souvent – selon l’état des rapports de forces sur les marchés politiques- à retourner à son avantage en délimitant, voire en renonçant à toute forme d'indépendance de la dite banque.

 

Ce sera souvent le cas, de la conjonction du stade de l'Etat-nation dans l'aventure des Etats, avec la fin de l'étalon -or et donc la fin de la loi d'airain de la monnaie. Conjonction qui s'est plus particulièrement matérialisée au vingtième siècle. Dans une telle configuration, la dette publique ne compte guère, et les Etats ont toujours les moyens de payer avec une monnaie produite et fournie par les banques centrales. Reste bien sûr une contrainte: veiller à ce que le pouvoir d'achat international des agents de l'Etat-Nation ne se déprécie pas, ce qui signifie maintenir le taux de change et donc contenir la tentation d'un « déficit sans pleurs », en ce qui concerne les finances publiques. Nous avons  là le contexte bien français, notamment  celui de la quatrième république, où il n'est jamais question de dette et toujours de lutte gouvernementale pour "sauver le franc"….qu’il faudra régulièrement dévaluer.

 

La zone euro est un formidable espace de régression

 

Curieusement, la zone euro constitue une formidable régression. La dette publique est conséquence d'une monnaie qui ne peut s'ajuster aux inégales compétitivités des pays membres. Elle n'est que le reflet de déséquilibres extérieurs que la monnaie unique cache aux acteurs. Le sud ne voit pas directement ses déficits extérieurs grandir (Grèce, Espagne, etc.) alors que le nord en perçoit la contrepartie sous forme d'excédents  (Allemagne , Hollande, etc.). La production insuffisante au sud, insuffisance due à la sous compétitivité en régime de monnaie forte, se lira, à la surface des choses, comme "paresse des acteurs » ( les fameux cueilleurs d’olives qui dansent le Sirtaki) , qu'un Etat entretiendra par des largesses non financées à partir d’impôts qui ne rentrent pas. Phénomène auto entretenu, puisqu'il développera le sous investissement dans des activités compétitives au sud. Non seulement les économies du sud, étouffées par une monnaie inadaptée, se spécialisent vers des activités importatrices nettes (Grande Distribution) qui détruisent le tissus local; mais en rétrécissant la matière taxable, il n'est guère question d'envisager de gros investissements publics de modernisation.

 

Ainsi, parce qu’équipé d'une monnaie qui développe des forces centrifuges, la dislocation à terme du chantier européen est en marche : la fameuse convergence attendue, laisse la place à la  divergence. Avec  ce nœud Gordien qui en découle : Peut-on abandonner l'euro, en tant que poison destructeur de l'harmonisation souhaitée, alors même qu'il est curieusement devenu le nouveau mythe enchanteur pour les peuples? Le petit peuple grec, inconsciente première victime du poison, n’est- il pas le tout premier adorateur de l’euro ?

 

Depuis le début de la crise, c'est bien ce paradoxe que les entrepreneurs politiques européens tentent de gérer, avec ce très lent mouvement vers une nationalisation de l'euro….que bien sûr l’on refuse.

 

Partis d'un refus complet, de venir en aide aux pays victimes de déficits publics qui ne sont que le reflet de déséquilibres extérieurs devenus invisibles, des éléments de solidarité active ou passive, sont venus apaiser les marchés de dettes souveraines: création du FESF, puis élargissement de sa puissance de feu, création du MES, conjonction et élargissement des deux institutions, débats sur les euro bonds, LTRO de la banque centrale européenne, taux directeurs historiquement bas, etc.

 

Ces mécanismes ne peuvent que se développer tant il est vrai que les dévaluations internes - les fameuses réformes du marché du travail partout dans le sud- s'avèrent socialement de plus en plus risquées, et économiquement de moins en moins efficace. Socialement risquées, car les réformes du marché du travail, ne touchent que les salariés déjà trop exposés  à la « falaise de la monnaie forte », les autres, la « sur classe mondialisée », voyant dans cette même falaise, non pas un lieu où l’on se fracasse, mais  une base d’envol pour stratégies mondialistes. Economiquement inefficace ensuite, car la demande globale se rétrécissant, un multiplicateur négatif se déploie.

Puisque le mythe est d'une extraordinaire puissance, l'euro étant le symbole vivant  et sacralisé de l'existence d'une communauté européenne, il suffirait de le nationaliser et d'en faire à la fois une monnaie unique et une monnaie nationale.

 

Et si chaque banque centrale de l’euro-zone émettait sur ordre des Etats des euros ?

 

Concrètement cela signifie que chaque banque centrale de l'euro système soit amenée à financer le Trésor local. La Grèce, comme la France de l'après seconde guerre mondiale, met fin souverainement à la loi d'airain de la monnaie que les traités imposent, et rétablit le vieux mode hiérarchique de gestion de la dette publique. La dette cesse d'être le souci des entrepreneurs politiques, la contrepartie étant bien sûr un effondrement de la valeur de l'euro. Un euro qui ne disparait que pour les Etats qui y renonceraient.

 

Quelles seraient les conséquences, d'une conjonction, des statuts de monnaie unique et de monnaie souveraine, censée dépasser le paradoxe du poison et du mythe enchanteur?

 

Elles sont lourdes et multiples :

 

1 la dette publique perd très largement le sens qu’elle a acquis au cours de ces 30 dernières années. Aussi bien en termes de stocks qu’en termes de flux. En termes de flux les choses sont évidentes surtout si l’on devait s’acheminer vers une situation telle celle examinée dans notre proposition de « révolution du systèmes monétaire ». En termes de stocks les choses le sont également : la spéculation sur dette souveraine disparait immédiatement ca dépourvue de tout sens. De quoi retrouver par conséquent en la matière, la fin de la loi d’airain péniblement obtenue au vingtième siècle.

 

2 Une autre question est celle de la cohabitation, entre monnaie unique et rétablissement de la souveraineté monétaire, sur la base du maintien de cette  monnaie unique. En clair, y aura t-il dislocation ? Curieusement les pays les plus bénéficiaires du rétablissement de la souveraineté et du passage au mode hiérarchique de gestion de la dette, pourraient souhaiter le départ des pays les plus opposés à la fin du présent  dogme monétaire. Et à l’inverse ces derniers pourraient souhaiter le maintien de la zone malgré les cris de leurs protestations. L’enjeu d’un tel débat est bien sûr les échanges extérieurs et le rétablissement de l’équilibre des balances. En clair, la Grèce pourrait souhaiter le départ de l’Allemagne et ce dernier pays pourrait- malgré tout- prolonger son maintien dans la zone, pour continuer à maintenir sa rente  de débouchés sur le sud. On le voit, l’unicité de compte entre monnaie unique et monnaie nationale ne règle pas  la question des taux de change entre pays de la zone.

 

3 Ce qui semble réglé, par contre, est le taux de change de l’euro : il diminue massivement en raison du maintien des croyances en la loi d’airain de la monnaie. La monétisation vaudra dévaluation et compétitivité nettement accrue de l’ensemble de la zone au détriment de l’Asie, de nombre de pays émergents, et des USA. Avec un fort rebondissement de la croissance, la fin du naufrage de l’Europe dans bien des domaines, y compris dans celui de la puissance, mais aussi le risque de guerre des monnaies.

 

4 Une autre conséquence est bien sûr la limitation de la financiarisation des activités humaines, surtout si cette solution se déroulait dans le cadre déjà proposé de « révolution des systèmes monétaires »

 

Le rétablissement de la souveraineté monétaire dans le cadre de la monnaie unique permet à nouveau de gagner du temps sur la crise : les problèmes de compétitivité du sud ne sont en aucune façon réglés dans le court terme. Par contre il redonne espoir pour ces mêmes pays qui ne sont plus broyés par des politiques restrictives guidées par le dogme monétaire.

 

Ce rétablissement de souveraineté, est l’avenir le plus probable, car il est le choix le plus avantageux dans le fonctionnement des marchés politiques. La loi d’airain reste en vigueur mais se trouve de plus en plus contestée y compris, très curieusement, par ceux des croyants qui tentent de détourner le dogme par des moyens ingénieux, tel celui qui consiste à monétiser massivement sur la base du patrimoine immobilier : le fameux  « MIEL » ou «  Mobilisation de l’Immobilier En Liquidité » de Guy Abeille, par exemple. Position qui nous fait penser à un Saint Thomas d’Aquin qui, au treizième siècle, continuait à répéter l’interdiction absolue du prêt à intérêt… tout en comprenant qu’il puisse se pratiquer dans certaines conditions. L’aliénation reste majeure et majoritaire. Mais beaucoup d’idées iconoclastes naissantes sont révélatrices du doute qui s’empare des esprits. Il est donc assez probable, que des entrepreneurs politiques européens, prolongent les pressions jusqu’ici exercées sur la BCE en exigeant la possibilité de rétablir – à des niveaux sans doute divers et peut-être négociables-  l’émission monétaire par les banques centrales nationales. Un néo-thomisme en quelque sorte.

 

 

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22 mars 2012 4 22 /03 /mars /2012 23:00

Jacques Delpla et Olivier Gourinchas proposent une allocation chômage commune à la zone euro.

 

L'idée n'est pas neuve et se trouvait être un axe important du "rapport du groupe de réflexion Union Economique et monétaire 1980"  rapport publié par la commission européenne le 8 mars 1975, et groupe piloté à l'époque par Robert Marjolin. A l'époque le groupe estimait - Page 34 du rapport- que "les possibilités de réequilibrage entre pays de la communauté doivent être considérablement renforcées. A son avis une approche efficace consisterait en l'introduction d'un système communautaire d'allocations de chômage".

 

La monnaie unique n'était pas encore de ce monde, et l'europe de l'époque se trouvait infiniment plus réduite et plus homogène, mais le raisonnement se voulait déjà mundellien. l'annexe du rapport se voulait beaucoup plus précis encore et évoquait la nécéssité de transferts massifs de revenus entre zones économiques et donc aussi entre pays. Le projet reposait sur des principes précis: création d'une caisse européenne financée par des prélèvements sur les salariés et les entreprises, création d'une allocation communautaire s'ajoutant aux prestations nationales des systèmes déjà en place.  Sans oublier le symbole: les prélèvements européens devaient être visibles sur la fiche de paye, d'où sa préférence à toute forme de solidarité opaque dont celle évoquée de prélèvement sur la TVA. Le fédéralisme européen devait ainsi s'enraciner aux fins de créer une conscience européenne.

 

Inutile d'insister sur les suites qui furent données au rapport Marjolin, et les années qui suivirent furent celles de l'immersion de l'europe dans la mondialisation. A l'époque la monnaie unique restait un rêve dont les contours n'étaient pas encore dessinés. Pourtant Robert marjolin et ses collègues connaissaient déjà les conditions nécéssaires à la mise en place d'une telle monnaie.

 

Jacques Delpla et Olivier Gourinchas, sans évoquer les réflexions européennes des années 70, reprennent l'idée d'alloction chômage européenne avec la création d'un fonds capitalisant un Point de PIB. Si le  financement du fonds  n'est pas  clairement explicité, il viendrait en complément et en substitution partielle des assurances chômage existantes dans la zone euro. De quoi, par conséquent, transférer des fonds vers le sud de la zone particulièrement touchée par le chômage. la nouveauté , par rapport aux réflexions et propositions de Robert Marjolin , est toutefois que l'accés à l'allocation européenne de chômage serait conditionnée à la transformation du contrat de travail: les salariés du sud seraient invités à accepter un contrat de travail européen ( à construire) moins rigide que celui en vigueur aujourd'hui. Nous retrouvons la formule à la mode mais assez peu utilisée: il s'agit "d'acheter" les réformes souhaitées plutôt que de les imposer. Et pense t-on, avec une réforme , deux effets: un transfert de fonds depuis les zones prospères vers les zones en difficultés, et un potentiel productif amélioré pour ces dernières.

 

Pour autant, le problème du sud de la zone, est moins une question de flexibilité du travail, qu'une question de déséquilibre extérieur impulsé par un taux de change inadapté. Ces pays ne parviendront pas à l'équilibre extérieur par davantage de flexibilité. Dans un cadre de monnaie unique, les acteurs ont effectué des choix individuellement efficients: produire dans le sud des marchandises internationalement échangeables est couteux, et il vaut mieux y installer des unités de distribution de marchandises aisément importables  et commercialisables en raison d'une monnaie forte.

 

Dans les pays de sud, il ya donc de la place pour la grande distribution, mais certainement fort peu de place  pour de l'industrie. Or ce sont les industries qui assurent les exportations, et en revanche, la distribution qui assure les importations. Double cause d'un même incorrigible déficit extérieur.

 

Si maintenant davantage de transferts provenant d'une allocation de chômage européenne se manifeste, il s'agira d'un vrai cadeau pour la distribution importatrice et d'un geste neutre pour une industrie se devant d'être ultra compétitive du fait de la monnaie unique.

 

Non, l'allocation de chômage européenne n'est pas mundellienne, elle permet simplement de prolonger l'agonie de certains des passagers clandestins de la zone. Agonie faite aussi de stagnation du PIB, car seules les activités industrielles générent de la création et des rendements croissants porteurs de croissance économique. Des  activités industrielles qui se heurtent pour ces pays au mur de l'euro.

 

L'armée des experts étrangers chargée de "reconstruire l'Etat Grec" a tort de s'étonner d'une consommation bien supérieure (près de 75% du PIB) à la moyenne européenne (moins de 58% de PIB): ce fait n'est que la conséquence logique d'une monnaie complètement inadaptée à la situation de la Grèce.

 

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