Mardi 23 février 2010
l'institut Montaigne vient de publier sous la signature de Frédéric Bonnevay un document s'intitulant :"Pour un Eurobond: une stratégie coordonnée pour sortir de la crise". Reprenant
sous forme beaucoup plus académique notre histoire des passagers clandestins à bord du navire Euro, les "grands minces devenant" les pays exportateurs et "les petits un peu ronds" les pays
importateurs, Frédéric Bonnevay met l'accent sur la dangereuse divergence des politiques économiques allemande et française.
l'objectif d'une refondation ou plus simplement d'une meilleure intégration s'inscrit sous le seul registre de l'efficience évaluée au travers de 2 objectifs: - maintenir un coût
faible de l'endettement souverain;
- diminuer l'aléa moral.
l'idée générale consiste à mettre en place une agence d'abord Franco-Allemande chargée de commercialiser une dette binationale libellée en "Eurobonds". Les agences nationales chargées des
émissions "d' OAT" et de "Bunds" restant temporairement en activité.
il s'agirait de l'ébauche d'un couplage budgétaire avec investissements communs et support de la charge de dette correspondante par des impôts perçus par l'agence. Concrètement des recette
fiscales domestiques relativement homogénéisées - par exemple une partie de l'IS domestique préalablement harmonisé du point de vue taux- serait redistribuée à l'agence chargée de la vente des
"Eurobonds", agence pouvant ainsi rémunérer le capital acquis.
Les investissements communs aux deux pays: infrastructures, recherche, haute technologie etc. seraient évidemment décidés dans le cadre d'une structure politique à construire et financées avec la
dette binationale ainsi créée.
l'étude n'évoque qu'assez peu la gestion budgétaire de ce qui reste sous la souveraineté de chaque Etat. Elle insiste toutefois sur le fait que progressivement les
budgets nationaux concerneraient de moins en moins l'investissement public laissé de plus en plus soit aux collectivités locales soit à la structure supranationale. La cohabitation entre "OAT",
"Bunds" et "Eurobonds" cesserait progressivement avec la remise en etat des comptes publics nationaux. L'idée étant qu'à terme il y aurait disparition des dettes souveraines.
A terme, d'autres pays seraient incités à rejoindre la nouvelle structure en raison de la garantie d'un coût bas de l'endettement. Les mécanismes de Maastricht et du pacte de stabilité
seraient abandonnés au profit d'autres mécanismes branchés sur la nouvelle structure et ce afin d'éviter les comportements de passagers clandestins.
Au fond il s'agit de profiter de la crise de l'eurozone pour aller plus loin vers l'intégration et la construction de ce qu'on appellait déjà avec Jean Jacques Rosa "un grand Etat européen".
l'idée est au fond assez classique, et souffre de son économicisme étroit.
Tout d'abord rien n'est dit sur le nondit européen: la monnaie d'abord dénationalisée puis déliée de tout contrôle supra national avec le traité de Lisbonne restera ce qu'elle est
: un objet contrôlé par une oligarchie qui n'a même pas de titre de propriété à présenter pour justifier son existence. Si l'objectif est de maintenir un coût bas de l'endettement, il serait
préférable de se débarrasser de ces intermédiaires inutiles: les "Spécialistes en Valeurs du Trésor" (SVT) et de se ravitailler directement auprès d'une banque centrale redevenue obéissante
envers ses propriétaires. les entrepreneurs politiques notamment français savent bien légiférer sur la grande distribution en reprochant à cette dernière ses captations de valeur ajoutée (cf la
loi dite "LME"). On peur imaginer qu'ils sont tout aussi capables de repérer les aberrations du circuit de la dette publique.
En second lieu les conditions d'une émergence de l'entité intergouvernementale chargée des nouvelles règles budgétaires ne sont pas abordées, parce qu'à priori en dehors du champ de la stricte
économicité.Il s'agit là pourtant, des vrais difficultés de la naissance d'un embryon d'Etat européen.
En raison du fait qu'il n'existe pas de "Demos" européen, on voit mal l'émergence d'un parti européen, donc d'un groupe d'entrepreneurs politiques "vendeurs" de "l'idéologie de
l'intérêt général" qui au delà de son inexistence réelle aurait aussi beaucoup de mal à vivre simplement sur un plan symbolique et culturel. Quand il y a un "Demos" il existe nécéssairement un
univers symbolique et culturel construit par une histoire concrète. Et ce sont ces univers qui deviendont en Etat de Droit les matières premières de l'intérêt général vendu par les
entreprises politiques.l'idée de nation fût ainsi très longtemps un excellent produit. Dans l'espace supra national, point de "demos" et point de matière première pouvant devenir cet
objet simplement idéologique qu'est l'intérêt général. Et donc point d'entreprise politique.
Ce fait massif est en outre renforcé, par une crise développant semble t-il, des forces éminemment centripètes: le repli sur soi.
Pour les citoyens ordinaires aux prises avec la crise, les entrepreneurs politiques nationaux sont massivement délégitimés mais doivent rester en place pour tenter, dans la tourmente, de
conserver l'essentiel, en particulier l'Etat providence...qui bien évidemment est national. il n'existe donc aucune offre idéologique nouvelle, d'où la relative cartellisation des entreprises
politiques nationales. l'idéologie d'un intérêt général au dessus des Etats est encore plus difficile à accoucher en temps de crise.