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15 octobre 2023 7 15 /10 /octobre /2023 07:33

Nous avons publié de nombreux articles consacrés à l'énergie , articles repris dans un certain nombre de revues. Sur le blog nous avons: 23 articles et vidéos consacrés à la question:

http://www.lacrisedesannees2010.com/2023/03/retour-sur-le-marche-de-l-electricite.html

http://www.lacrisedesannees2010.com/2023/03/les-dessous-d-un-marche-de-l-electricite.html

http://www.lacrisedesannees2010.com/2023/02/qui-s-interessera-au-demantelement-du-faux-marche-de-l-electricite.html

http://www.lacrisedesannees2010.com/2023/02/les-chemins-divergents-de-l-electricite-et-de-l-industrie.html

http://www.lacrisedesannees2010.com/2023/01/peut-on-transformer-le-marche-europeen-de-l-electricite.html

http://www.lacrisedesannees2010.com/2023/01/la-revision-des-contrats-de-fourniture-d-electricite-quelle-realite-partie-2.html

http://www.lacrisedesannees2010.com/2023/01/la-revision-des-contrats-de-fourniture-d-electricite-quelle-realite-partie-1.html

http://www.lacrisedesannees2010.com/2022/12/dernier-pdg-d-edf.html

http://www.lacrisedesannees2010.com/2022/12/la-destruction-programmee-d-edf-l-audition-d-henri-proglio.html

http://www.lacrisedesannees2010.com/2022/12/audience-de-l-ifri-energie-climat.html

http://www.lacrisedesannees2010.com/2022/12/electricite-un-debut-de-prise-de-conscience-7.html

http://www.lacrisedesannees2010.com/2022/11/l-overdose-financiere-la-face-cachee-de-la-liberalisation-du-secteur-de-l-energie.html

http://www.lacrisedesannees2010.com/2022/11/la-crise-energetique-francaise-comme-construction-politique.html

http://www.lacrisedesannees2010.com/2022/10/mettre-fin-au-pretendu-marche-de-l-electricite.html

http://www.lacrisedesannees2010.com/2022/10/edf-la-dialectique-du-demantelement-et-de-la-nationalisation.html

http://www.lacrisedesannees2010.com/2022/09/prix-de-l-electricite-un-probleme-sans-solution.html

http://www.lacrisedesannees2010.com/2022/09/marche-de-l-electricite-vers-une-crise-du-couple-franco/allemand.html

http://www.lacrisedesannees2010.com/2022/09/electricite-passer-d-un-capitalisme-de-connivence-bureaucratique-a-un-service-public-rationnel.html

http://www.lacrisedesannees2010.com/2022/09/le-g7-et-le-prix-plafond-pour-le-petrole-russe-consequences.html

http://www.lacrisedesannees2010.com/2022/08/edf-va-t-on-achever-la-bete-apres-l-avoir-tant-saignee.html

http://www.lacrisedesannees2010.com/2022/07/ce-que-pourrait-etre-une-nationalisation-d-edf.html

http://www.lacrisedesannees2010.com/2022/02/en-route-vers-une-nouvelle-crise-de-l-energie.html

http://www.lacrisedesannees2010.com/2022/01/delirante-annee-2022-l-equivalent-de-40-du-budget-militaire-de-la-france-pour-sauver-le-marche-de-l-electricite.html

Nous proposons aujourd'hui un entretien avec Aurélien Bernier, entretien  réalisé par Olivier Berruyer dans le cadre d'Elucid. Aurélien Bernier n'est pas simplement journaliste et son travail pour lequel il a consacré plusieurs livres est impressionnant. Il est certainement l'une des très rares personnes qui en France maitrise bien les contours du marché de l'électricité. L'audition qui dure 1H30 apporte des précisions fondamentales que l'on peut résumer en quelques points:

- l'origine chilienne du modèle qui sera retenu en Europe. 

- les caractéristiques de la matière première électricité par rapport aux autres produits et services, ce que nous  avions déjà brièvement évoqué dans le blog.

- l'impossibilité de faire fonctionner un marché de l'électricité sans une bureaucratie d'accompagnement extraordinairement lourde. La Commission de Régulation de l'Energie, ses 200 fonctionnaires et ses nombreux satellites est une monstruosité bureaucratique.

- La très difficile dynamique de l'offre compétitive avec des acteurs qui deviennent spontanément des passagers clandestins, voire simplement prédateurs de l'outil de production.

- La quasi impossibilité pour la France de sortir du marché selon les modalités  de L'Espagne et du Portugal: les interconnexions sont beaucoup trop importantes pour une vraie sortie et les actuels débats sont voués à l'échec. Le gouvernement français le sait maintenant.

- L'impossibilité d'un chambardement réel en raison du caractère constitutionnalisé des règles européennes du jeu. Il n'y a pas de plan B possible pour le gouvernement français sauf à quitter l'Union Européenne.

- Et surtout l'impossibilité d'une nationalisation qui au-delà de fausses entreprises qui ne font que du négoce rencontrerait  l'hostilité du Groupe Total Energie et d'Engie. De quoi revenir à 1981....après avoir quitté l'Union européenne...Cela fait beaucoup.

Au delà de ces points essentiels, on regrettera l'oubli du processus historique qui a amené EDF dans une situation aussi critique. La volonté de créer un marché de l'électricité devait passer par l'abandon, voire le démantèlement,  d'une entreprise qui était la plus performante de la planète dans son domaine.

Bonne réflexion à partir de ce très riche échange qui  nous confirme que les décideurs, c'est-à-dire le personnel politico administratif n'avait pas une connaissance précise de ce qu'était l'industrie de l'électricité. Un personnel qui ne voit toujours pas que l'invention d'un marché de l'électricité est un outil parfaitement incapable de nous faire parvenir à l'indépendance énergétique....l'indépendance ne s'atteint pas avec de purs players sur les bourses mais avec de vrais industriels. 

 On peut au moins espérer que les actuels négociateurs français en discussion avec les allemands savent pourquoi ils sont perdus. Perdre en sachant pourquoi est quand même préférable au fait de perdre sans même comprendre. Espérons que Bruno Lemaire comprend pourquoi il aura perdu dans quelques jours.

 

 

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11 septembre 2023 1 11 /09 /septembre /2023 07:17

Olivier Berruyez vient de publier sur son site une excellente vidéo consacrée aux dangers du système bancaire. Après un rappel des règles de fonctionnement d'une banque à partir de la présentation d'un bilan simplifié, l'auteur met en évidence l'immense danger du passage à la financiarisation et le développement incontrôlé de la banque universelle. En fin de vidéo l'auteur insiste beaucoup sur la spécificité du système français beaucoup plus dangereux, de par son poids extravagant, que les systèmes bancaires européens et en particulier allemand.. Mais le plus important est le danger chinois qui pourtant n'est qu'entrevu par l'auteur lequel  précise toutefois qu'il est trois fois supérieur au danger américain. 

Bonne écoute

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19 juin 2023 1 19 /06 /juin /2023 06:00

Nous publions ci-dessous une vidéo extraite de la chaine ELUCID  créée par Olivier Berruyer. Concrètement il s'agit d'un interview d' Emmanuel Todd. Le titre brutalement asséné est suivi d'un contenu tout aussi radical: avec comme hypothèse centrale, l'abandons par  les élites européennes du projet européen au profit d'un ralliement complet au monde anglo-saxon. Les arguments développés relèvent d'une description intéressante: déplacement de la richesse depuis les banques suisses vers les paradis fiscaux Anglo- saxons , montée de la confiance envers l'OTAN au détriment de Bruxelles, etc. Simultanément, Emmanuel Todd s'interroge sur les fondements d'un tel mouvement en développant sa thèse de l'irrationnalité de l'élite européenne, une élite incapable de se rendre compte de réelles difficultés américaines qu'il croit pouvoir lire dans des statistiques démographiques indiscutables: augmentation de la mortalité infantile aux USA, baisse de l'espérance de vie, etc. 

La pensée d'Emmanuel Todd, toujours vigoureuse, pourrait encore s'affiner en prenant en compte les grands mouvements du monde: délitement de l'Etat-Nation à l'occidentale dans l'idéologie de la mondialisation (avec son exception américaine), et construction d'autres Etats, qualifiés naguère de périphériques ou "mous", et  se nourrissant de la même mondialisation. Cet élargissement du cadre permettrait de mieux saisir ce qu'il appelle la fin de l'Europe, à savoir un effondrement provoqué par un projet devenu celui d'un autre temps. Une construction à contre -temps sur laquelle des noyés cherchent à se raccrocher. Dans ce cadre élargi on pourrait ainsi mieux saisir ce que Todd appelle l'irrationnalité. l'élite européenne n'est pas irrationnelle, elle joue simplement un mauvais jeu car n'en connaissant pas les règles fondamentales. Plus concrètement si l'élite allemande avait eu conscience de ces réalités fondamentales, elle aurait pu mieux construire et sécuriser ses relations avec la Chine et la Russie. L'élite allemande n'est pas irrationnelle, elles est simplement insuffisamment compétente. 

Bonne écoute et bonne réflexion..

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27 avril 2023 4 27 /04 /avril /2023 08:43

 

Nous avons à plusieurs reprises souligné la progressive évolution des banques centrales en proto-Etats. Cela ne doit pas étonner les historiens de la monnaie qui peuvent nous rappeler les antiques hôtels des monnaies voire les banques centrales d'avant la prétendue indépendance de ces dernière acquises à la fin du siècle dernier. La vidéo proposée  s'appuie sur la monnaie digitale de banque centrale pour montrer les dérives possibles de l'avenir de la monnaie et la grande confusion qui pourrait résulter de ce qu'on pourrait appeler les "hôtels des monnaies à l'ère du numérique".  La vidéo proposée est bien évidemment caricaturale et manque d'une réelle profondeur d'analyse. Elle nous servira néanmoins d'introduction à un prochain billet.

Bonne écoute.

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7 avril 2023 5 07 /04 /avril /2023 13:57

Nous publions aujourd'hui l'interview de Jacques de la Rosière, un travail réalisé par Olivier Berruyer et complété par d'intéressants graphiques construits par "lescrises.fr". Il s'agit d'une vidéo concernant le dernier ouvrage de celui qui fut gouverneur de la Banque de France et directeur général du FMI. 

L'homme, aujourd'hui âgé de 93 ans, a connu les grandes transformations du système financier mondial et s'étonne de l'énorme progression de la finance dans les bilans. Comment se fait-il que partout la croissance réelle diminue, que l'investissement réel stagne, voire recule, tandis que les actifs financiers sont multipliés par 3 en moins de 20 ans ? Jacques de la Rosière apporte d'intéressantes réponses sur les conséquences de ce que nous avons appelé  dans le blog la "boursouflure financière.". En revanche il n'aborde que de manière allusive les mécanismes qui ont abouti à cette anomalie et surtout à la question de son opacité. De façon empirique, on sait que les montagnes d'argent créées ne sont pas investies et assurent la simple liquidité. Ce que l'on sait aussi est que l'épargnant de base ne sait pas ce que devient l'argent placé dans la machine financière à une époque où l'on ne parle que de traçabilité. Cette opacité s'est construite progressivement avec pour résultat un monstre impersonnel que plus personne ne maitrise, et qui, surtout, aboutit à collectivement préférer des hausses de cours plutôt  qu'une hausse de la richesse produite. Les rachats d'actions, si rares il y a une vingtaine d'années, sont devenus un outil quotidien et sont préférés à l'investissement. Et sur cette réalité, peu d'économistes se sentent concernés et surtout aucune réforme n'est programmée ni même évoquée.. Le blog reviendra sur ces questions.

Bonne écoute et bonne réflexion

 

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14 mars 2023 2 14 /03 /mars /2023 14:40

Nous publions aujourd'hui un point de vue sur la crise financière américaine. Nous ne savons pas quelle suite sera donnée à la faillite des 3 banques US. Rappelons simplement qu'un "bank-run" est une panique de déposants qui tentent de sauver leurs fonds logés dans des banques dont on pense qu'elles sont en état de faillite. Si un tel contexte se présente c'est parce qu'il y a  croyance collective selon laquelle les actifs de la banque ne permettent plus d'honorer les engagements. Parmi ces engagements il y a bien sûr les dépôts des clients, clients qui ont peur de voir ces derniers disparaitre. 

Dans ce genre de situation il y a d'abord baisse de la valeur des actifs, baisse qui peut être contenue par le capital et les réserves des banques. Ce premier temps s'accompagne d'une baisse de la valeur boursière des banques: les actionnaires vendent leurs titres de propriété car ils craignent la baisse de valeur.

Cette baisse de la valeur, lorsqu'elle devient importante entraine la panique chez les déposants qui pensent que les banques deviennent insolvables. D'où le "bnak-run".

La véritable question est donc celle de l'origine de la perte de valeur des actifs des banques. L'explication que l'on croit pouvoir donner est celle de la politique monétaire des banques centrales. Ces dernières ont pratiqué des taux nuls ou proches de zéro pendant une très longue période. Cela signifiait une valeur élevée du cours des obligations notamment les obligations publiques correspondant à la dette d'Etat. Dans cette situation si la dette publique nouvelle était assortie d'un taux proche de zéro, c'est parce que les dettes plus anciennes elles-mêmes assorties d'un taux plus élevée, étaient  bien cotées. D'une certaine façon c'était la politique des taux proches de zéro qui tenait bien la valeur des obligations et des actifs en général. Si maintenant les banques centrales, afin de lutter contre l'inflation augmentent les taux , il en résulte nécessairement une baisse de la valeur de toutes les obligations naguère portées par des taux faibles. Ce sont donc bien les banques centrales, qui voulant lutter contre l'inflation, affaissent les actifs des bilans bancaires et les mettent en face d'un risque de "bank-run". 

Nous sommes au coeur d'une contradiction fondamentale: les banques centrales sont responsables de l'inflation en raison d'une politique d'argent facile (on crée massivement de la monnaie dans un monde de croissance faible), inflation que l'on cherchera ensuite à combattre par une hausse des taux destructeurs des banques. Nous ne connaissons pas la suite des évènements présents, mais sous sommes assurés que les banques centrales en leur qualité de "proto-Etats, " (cf les articles consacrés à ce sujet sur le blog) ne laisseront pas une crise majeure se développer. Entre inflation et destruction du système financier les banques centrales choisiront l'inflation.

Le point de vue soutenu par la vidéo qui suit est sans doute un peu différent. Bonne écoute et bonne réflexion.

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9 mars 2023 4 09 /03 /mars /2023 08:38

Nous publions ce matin une vision originale de la guerre en Ukraine: celle d'Emmanuel Todd. Nous parlons de plus en plus d'économie de guerre sans se rendre compte que cette dernière suppose une base industrielle solide. Les interventions militaires récentes se nourrissaient sans doute de haute technologie mais consommaient assez peu de moyens matériels en raison du caractère très limité des interventions. Tel n'est plus le cas avec la guerre de haute intensité qui dure depuis plus d'une année dans l'Est de l'Europe.. 

Tandis que l'économie mondialisée fabriquait d'un côté l'effacement des Etats en particulier ceux de l'Europe, elle alimentait d'un autre côté la puissance d'anciennes structures. Un ancien empire se reconstruisait à partir de rentes sur matières premières consommées par la mondialisation (Russie) tandis qu'un autres se construisait à partir de la production industrielle délaissée par l'Occident (Chine). Les moyens globaux de la production matérielle, bien sûr industrielle mais aussi agricole, se sont ainsi déplacés vers les empires Russe et Chinois. Il n'est donc pas impossible qu'en cas de longue durée la guerre en ukraine se termine par la grande défaite de l'Occident. 

Ce scénario est bien sûr contrarié par la situation démographique des empires en reformation. Parce que la guerre de haute intensité consomme d'énormes moyens humains, les empires se trouvent ici assez mal placés ( population vieille et en déclin pour environ un million de personnes par année pour chacun des 2 empire).

Enfin ce scénario est plus discutable encore si l'on introduit d'autres paramètres: intérêt supérieur de la Chine qui doit choisir entre des débouchés vers l'occident et la livraison d'armes à la Russie, vitesse de recomposition du complexe militaro industriel américain, niveau d'écarts entre performances technologiques des armes, qualité organisationnelles, qualité des commandements, etc. 

Bonne écoute et bonne réflexion.

 

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27 décembre 2022 2 27 /12 /décembre /2022 09:31

Henri Proglio était président d'EDF lorsque la loi NOME instituant la cession d'électricité produit par EDF a de simples marchands fut programmée. A l'époque il ne se prononçait pas sur ce qui était un scandale légal. Il est aujourd'hui d'une certaine façon libéré.

Bonne écoute.

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16 décembre 2022 5 16 /12 /décembre /2022 05:44

Depuis Octobre dernier une commission rassemblant 31 députés travaille sur les causes  de la perte de souveraineté de la France sur toutes les question relatives à son approvisionnement énergétique. Il est possible de suivre les travaux sur le site de l'Assemblée Nationale. Ces  travaux vont se poursuivre jusque début avril, prochain et donneront lieu- comme de coutume- à la rédaction d'un rapport. A cet égard nous publierons les auditions qui nous apparaissent les plus importantes pour comprendre le mécanisme ayant mené au désastre que nous enregistrons aujourd'hui.

L'audition du directeur du centre énergie de l'IFRI nous est apparu très intéressante pour comprendre dans un premier temps  le paysage global des industries de l'énergie dans la géopolitique planétaire. Cette première approche est indispensable pour comprendre ensuite les choix de la France, choix qui seront exposés et critiqués par d'autres audiences et notamment celles des divers présidents d'EDF.

Bonne écoute.

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28 novembre 2022 1 28 /11 /novembre /2022 08:01

Thomas Reverdy est un sociologue français qui s'est spécialisé dans la logique des organisations et des marchés. Aux frontières de la sociologie et de l'économie, beaucoup de ses travaux portent sur la question des systèmes énergétiques et de leurs mutations induites par des réseaux d'acteurs eux-mêmes animés par des logiques paradigmatiques variées. Nous proposons l'un de ses textes où il est question de la grande transformation du système énergétique français, transformation aujourd'hui questionnée par sa grande fragilité. De lecture aisée et surtout animé par un soucis de grande neutralité idéologique, ce texte permet de mieux comprendre l'effondrement actuel de notre écosystème énergétique.

Bonne lecture.

À la fin des années 80, La Commission Delors se donne un programme ambitieux de relance de l’intégration européenne. Il existe alors un consensus au sein de la Commission Européenne : le marché commun est un puissant facteur d’intégration économique, d’efficacité et de compétitivité… La principale activité de la Commission consiste alors à libéraliser les activités de réseau (télécom, énergie), le transport aérien et ferroviaire, mais aussi de consolider la régulation de la concurrence, y compris contre les politiques industrielles des États, jugées peu efficaces et facteur d’injustice. Ces réformes ont été qualifiées de néolibérales, dans la mesure où elles font la promotion du marché comme norme de gouvernement y compris dans des espaces économiques et pour des enjeux où il était absent.[2]

Cette croyance puissante dans l’efficacité du marché et ses capacités intégratives guide aussi le projet de libéralisation des secteurs du gaz et de l’électricité. La Commission Européenne va s’employer à réformer les approvisionnements en gaz, qui jusqu’alors reposaient sur des contrats à long terme indexés sur le prix du pétrole. La première étape est de séparer les activités de production et de fourniture d’un côté, les activités de réseau et de distribution, de l’autre côté. Ces dernières sont considérées comme des monopoles publics. On parle alors d’accès des tiers aux réseau.

La Commission Européenne va encourager la mise en place d’un marché de gros européen, permettant aux importateurs d’échanger leurs surplus de gaz et donc une optimisation en temps réel de la consommation. Cette nouvelle organisation va s’accompagner d’un développement des usages du gaz, en particulier dans la production électrique et de nouveaux approvisionnements avec le gaz liquéfié. Concrètement, la place de marché virtuelle hollandaise TTF (qui signifie « Title Transfer Facility ») centralise aujourd’hui une large partie des transactions et permet l’affichage d’un prix de marché du gaz en temps réel. Ce prix s’impose progressivement comme référence dans toutes les transactions. Plusieurs types de contrats non négociés sur cette plateforme : des ventes spot en temps réel, des contrats à terme (pour une période donnée et à un prix fixe). Les prix de ces transactions, rendus publics, sont aussi utilisés comme des références pour d’autres transactions qui ne passent pas par les place de marché. Ainsi, avec cette organisation le prix de marché reflète la rencontre de la courbe des offres et celle de la courbe de demande du secteur et ce prix est la référence pour la très grande majorité des transactions.

En parallèle, la libéralisation du secteur de l’électricité s’est traduit aussi par la formation d’un marché de gros européen, grâce entre autres au développement des interconnections. Il était attendu de ce marché qu’il participe à une dynamique concurrentielle favorable au consommateur. Compte tenu de l’hétérogénéité du secteur européen, ce marché européen pouvait aussi faciliter les échanges entre pays et optimiser l’usage des moyens de production. Ces échanges existaient déjà avant la libéralisation, essentiellement dans un objectif de sécurisation du réseau. Comme pour le marché gazier, on observe un changement dans l’établissement des offres de prix : les prix qui se forment sur le marché spot de l’électricité devient aussi la référence pour les transactions. Selon l’intensité des échanges entre pays européens et l’état des interconnexions, les prix peuvent se former à l’échelle d’un pays ou être alignés entre plusieurs pays. Il est aussi prévu que le prix de marché devienne la référence pour le tarif réglementé, dont la portée doit être la plus limitée possible.

C’est aussi une période où la Commission Européenne défend le mécanisme de marché pour la réduction des émissions de gaz à effet de serre. Le mécanisme des quotas de CO2 devait permettre d’intégrer les externalités environnementales dans le marché et donc faciliter rapidement la transition écologique du secteur électrique.

Cette adhésion globale au mécanisme de marché pour les industries de réseau et son extension aux enjeux environnementaux s’appuient sur des expériences essentiellement anglo-saxonnes, considérées alors comme réussies, alors qu’aucune étude ne propose des contrefactuels solides ou ne cherche à comprendre les conditions précises de ces réussites. Dans cette période, les échecs de ces réformes sont systématiquement réinterprétés comme des étapes de mise au point et d’apprentissage et non comme des fragilités structurelles de ces marchés.

Par exemple, un des premiers grands marchés d’électricité, le marché californien, connait en 2000 et 2001 une grave crise avec une hausse des prix et d’importantes coupures (dans un des États les plus riches au monde !). Cette crise est immédiatement réinterprétée comme le résultat d’une libéralisation incomplète du secteur et des faiblesses dans la surveillance des comportements des traders. Mais l’observation du marché californien témoigne déjà des faiblesses structurelles du marché de l’électricité, en particulier le comportement erratique des prix. Le prix spot a pour fonction d’assurer, en temps réel, l’équilibre entre l’offre et la demande, mais la demande d’électricité est à la fois très variable et très peu sensible au prix. Quant à l’offre, elle dépend de capacité de production dont la construction demande des délais importants. Il faut donc de grande variations de prix pour assurer l’équilibre du réseau : en situation de surcapacité, les prix s’effondrent rapidement, à l’inverse, si les moyens de production sont insuffisants, ils explosent. Les variations peuvent aussi être de grande ampleur et sur de longue périodes, à cause des délais d’investissement ou de la durée d’amortissement des installations.

À la fin des années 90 et au début des années 2000, les gouvernements successifs et les dirigeants de EDF sont plutôt favorables au projet de libéralisation. Ils sont convaincus que le nucléaire historique est suffisamment compétitif pour que EDF tire bénéfice du marché, et puisse se développer en investissant dans d’autres pays. L’activité nucléaire ne sera pas démantelée, au nom de l’efficacité d’un parc standardisé. Les moyens de production cédés à la concurrence sont limités à quelques centrales thermiques et aux barrages de la Compagnie Nationale du Rhône.

Les promoteurs du nucléaire sont les plus inquiets : ils anticipent que le marché va se traduire par une très grande incertitude de revenu pour les producteurs d’électricité. Les investissements deviendront beaucoup plus risqués et donc imposeront des taux d’intérêt élevés. Or les projets nucléaires, dont les investissements sont amortis sur de très longues périodes, sont fortement pénalisés par des taux d’intérêt élevés. Autrement dit, avec le marché, l’avantage comparatif du nucléaire s’effondre. Le marché est surtout favorable aux centrales combinées à gaz, qui ont des coûts fixes assez faibles et des délais de construction assez rapides.

Les promoteurs des énergies renouvelables sont moins inquiets car ils ont déjà obtenu que les investissements dans ces moyens de production soient financés par des rémunérations garanties, sous la forme de tarifs réglementés ou d’appel d’offre. Ces mécanismes de financement publics sécurisent les investissements et permettent des financements bancaires par des taux d’intérêt beaucoup plus bas. S’il existe bien une concurrence entre entreprises pour accéder à ces financements, ce « marché » est totalement découplé du marché de gros de l’électricité.

Les effets inattendus de la libéralisation en France et les premiers réajustements

À partir de 2000 et l’ouverture à la concurrence, l’adhésion au marché se renforce en France avec ses premiers effets, une baisse des prix de l’électricité entre 2000 et 2003 pour les clients industriels. Mais, dès la fin de l’année 2003, les industriels électro-intensifs observent une légère remontée des prix dans les offres de fournisseurs. Ils prennent rapidement rendez-vous avec les ministres et commencent à faire pression sur les parlementaires. À la demande du gouvernement, le haut fonctionnaire Henri Prevot rédige un rapport en 2004 qui anticipe une accélération de cette hausse en France. Le rapport explique comment fonctionne le marché de l’électricité européen : dans un contexte de rareté des moyens de production en Europe, c’est le prix des centrales allemandes qui utilisent du gaz qui s’impose pour former le prix de gros.[3]

À peine engagés dans la libéralisation du secteur, les industriels électro-intensifs et le gouvernement français cherchent à s’affranchir du marché. Ils commencent à négocier avec EDF un contrat à long terme, mais les réticences de la Commission Européenne ralentissent le projet. Les clients industriels se mobilisent largement et obtiennent, par le vote d’un amendement de la loi sur l’énergie de 2006, la possibilité de bénéficier d’un tarif transitoire (appelé TARTAM) pour les protéger de la hausse. Cette décision n’est pas du goût de la Commission Européenne qui ouvre une procédure contre la France pour aide d’État illégale.

La France s’était aussi engagée à ouvrir à la concurrence le marché des particuliers en 2007. Or les fournisseurs alternatifs sont pris dans un effet de ciseau tarifaire : ils s’approvisionnent sur le marché de gros, à un prix plus élevé que les coûts de EDF, ils ne sont pas capables de concurrencer le tarif réglementé. Considérant qu’il faut maintenir le tarif pour protéger le consommateur, le Conseil de la Concurrence décide alors d’imposer à EDF de vendre une part de son électricité à ses concurrents à son coût.

En 2010, la loi pour une Nouvelle Organisation du Marché de l’Électricité (NOME) propose de généraliser ce mécanisme pour intégrer les clients industriels et les particuliers. Ainsi cette loi impose à EDF de vendre un quart de sa production à ses concurrents. C’est le mécanisme d’Accès Régulé à l’Électricité Nucléaire Historique (ARENH). Cette décision a été justifiée comme une régulation asymétrique en faveur de la concurrence, mais la vraie motivation de l’ARENH, c’est de protéger les consommateurs français, particuliers ou industriels, d’une première hausse des prix de gros, qui augmentent de 25 €/MWH à 90 €/MWh entre 2004 à 2008 avant de redescendre suit à la crise de 2008.

Avec cette solution institutionnelle, l’État français parvient à un certain équilibre : participer au marché européen, satisfaire les attentes de la Commission Européenne d’ouverture à la concurrence, bénéficier de l’optimisation du parc électrique européen, tout en protégeant les consommateurs français.

Le marché a donc été contourné assez rapidement en France. Il a aussi échoué à encourager les investissements. La combinaison entre le marché de gros de l’électricité et des mécanismes comme le marché du CO2 ou le marché des certificats verts ne sont pas parvenus à encourager le développement des énergies renouvelables[4]. La quasi-totalité des investissements ont été réalisés hors de ces marchés, sécurisés par des tarifs d’achat, des appels d’offre spécifiques, ou des compléments de rémunération…

La progression du prix spot comme référence de la valeur de l’électricité

À quoi a servi le marché dans cette période ? Exercer une pression financière sur les productions non renouvelables. En effet, les ENR subventionnés par les États-membres, augmentent les capacités et déséquilibrent le marché et font chuter les prix. Pour autant, pas suffisamment pour fermer les unités de production non renouvelables. Au cours des années 2008 à 2017, l’électricité produite à partir du charbon et du nucléaire, est bradée par les producteurs sur le marché de gros européen

Dans cette période, l’État français retarde la mise en concurrence des concessions des barrages hydroélectriques. Les justifications sont principalement techniques mais cette mise en concurrence présente aussi un risque important pour l’équilibre économique du secteur. En effet, les barrages sont des moyens de production très flexibles, qui peuvent répondre aux pics de demande et à la production d’électricité intermittente. La valeur économique de leur électricité peut donc être très élevée. Mais leur revenu dépend aussi de leur remplissage, et donc de la météo. Compte tenu des fortes incertitudes de revenu, il est probable que la cession des concessions rapporte peu aux pouvoirs publics. En les conservant dans le périmètre de EDF, on évite que les revenus aléatoires des barrages ne soient réappropriés par les acheteurs des concessions sous forme de rente. On permet ainsi que les revenus soient mutualisés avec le reste de la production de EDF et soient restitués aux consommateurs.

En 2016 et 2017, le prix de marché de gros descend en dessous des coûts du nucléaire français.  Les fournisseurs français concurrents de EDF peuvent renoncer à l’ARENH et acheter directement leur électricité sur le marché de gros. Ils en profitent pour développer leurs volumes. EDF est obligée de vendre sur le marché de gros à un prix plus bas que ses coûts[5]. Le gouvernement découvre alors que le mécanisme de l’ARENH est asymétrique : il protège les clients de la hausse, mais pas EDF de la baisse. EDF doit faire un plan d’économie drastique et ralentir ses investissements, et l’État doit venir à son secours par une recapitalisation.

Pour rétablir un prix de l’électricité à un niveau suffisant, EDF et le gouvernement français sont très actifs pour relancer le marché des quotas CO2. À partir de 2018, le prix de l’électricité européen est gonflé par le prix du CO2 et la réduction des surcapacités, par l’Allemagne qui planifie sa sortie du charbon. Avec la fermeture des centrales à charbon, le marché spot de plus en plus fréquemment les coûts de production des centrales à cycle combiné à gaz. Le prix du marché est donc reparti dans une dynamique haussière. Les répercussions sont immédiates en France. Les fournisseurs concurrents de EDF, qui ont développé leur chiffre d’affaire, n’ont pas assez d’ARENH et doivent augmenter leur prix. La Commission de Régulation de l’Énergie décide alors d’augmenter le tarif réglementé pour maintenir la concurrence ce qui provoque une polémique. EDF, qui doit faire face à de nouveaux coûts de maintenance, est mieux rémunérée.

Que retenir de cette histoire du marché de l’électricité avant la crise ukrainienne ?

Tout d’abord, elle pose la question de l’acceptabilité politique des variations de prix. Le maintien d’importants décalages, sur de longues périodes entre les prix et les coûts moyens de production, affaiblissent la légitimité du prix comme référence de la valeur de l’électricité. Certes, le prix de marché spot assure une fonction d’équilibre entre offre et demande à court terme, et donc permet l’équilibre entre production et consommation nécessaire à l’équilibre en temps réel du réseau électrique. Cependant, le prix de marché ne parvient pas à orienter les investissements de façon à retrouver un équilibre à moyen terme : le secteur a besoin de temps pour réaliser les investissements nécessaires pour s’adapter aux chocs externes (crises économiques, décisions politiques). Il n’y a pas de convergence entre le prix spot moyen et les coûts moyens de production.  

La mise en place de l’ARENH a permis à l’Etat français de retrouver d’importants leviers d’action comme la possibilité d’augmenter ou de restreindre la place du prix dans la valeur de l’électricité. L’Etat l’a utilisé de façon assez habile : l’ARENH a permis de réduire l’influence du marché, quand le prix augmentait. Quand le prix diminuait, l’Etat a laissé le marché prendre une plus grande place. Grâce à ce contrôle des prix, l’Etat a pu conduire une politique énergétique sans impact excessif sur les consommateurs : augmenter les taxes pour financer le développement des ENR, mettre en place les certificats d’économie d’énergie pour financer la politique d’efficacité énergétique. Selon la Cour des Comptes, cette politique a aussi permis de garantir un revenu acceptable pour EDF. 

Paradoxalement, l’ARENH a permis de maintenir l’illusion que le marché concurrentiel participe à la baisse des prix (ou au moins à leur maîtrise) alors que dans les faits, les hausses ont été contenues grâce au tarif et à l’ARENH et non grâce à la concurrence. Les offres avantageuses des concurrents de EDF ne proviennent pas d’une meilleure performance mais du différentiel entre l’ARENH et le tarif réglementé qui a été ajusté dans cet objectif. L’illusion d’un marché concurrentiel moteur de la baisse des prix a été aussi alimentée par le caractère asymétrique de l’ARENH, qui a permis une baisse des prix des offres de marché des fournisseurs alternatifs à EDF quand le prix de marché de gros est passé en dessous de l’ARENH. 

La crise ukrainienne et l’explosion des prix

Cette illusion d’une maîtrise des prix par le jeu concurrentiel s’effondre avec la crise ukrainienne. On ne peut nier le fait que les marchés de gros du gaz et de l’électricité jouent un rôle amplificateur en transformant une situation de rareté du gaz en véritable explosion des prix.

Ainsi la crise gazière a commencé avant l’invasion de l’Ukraine. Dèbut 2021, le marché du gaz est déjà très tendu du fait de la reprise économique et du développement de l’utilisation du gaz dans le mix électrique.  Pendant l’automne 2021, les Russes ont commencé à restreindre leur fourniture de gaz, en prétextant des soucis techniques. Ils ont pu vérifier qu’une réduction de leur volume pouvait les enrichir en faisant monter très haut le prix spot du gaz. Puis après le déclenchement de la guerre, le prix spot du gaz explose, reflétant la situation de rareté : il faut aller chercher des approvisionnements de plus en plus couteux, par des méthaniers, déroutés de leurs clients habituels. 

Le fait que les transactions gazières, y compris les contrats à long terme (10 à 15 ans), prennent comme référence les indices de marché (marché spot, contrat à deux ou trois mois) a des répercussions importantes sur l’ensemble des approvisionnements. Tous les producteurs de gaz réalisent des bénéfices importants  puisque le prix spot s’applique aussi à leurs contrats. Les producteurs d’électricité subissent ce prix spot du gaz dans leur propre coût. Le prix européen de l’électricité explose à son tour. Et là encore, comme ce prix de marché spot est la référence pour les transactions, l’ensemble de l’électricité, même produite par d’autres moyens, prend ce prix spot comme référence.

Face à la crise, que propose la Commission Européenne ? Concernant le marché gazier, les marges de manœuvre sont limitées car les approvisionnements sont extérieurs à l’Europe. La mise en place d’un achat centralisé est le seul moyen de renégocier les contrats et d’obtenir des prix différents avec chaque fournisseur. Si elle s’accompagne d’une gestion administrée de la rareté du gaz (par des fermetures d’usine par exemple), cette solution peut participer à contenir le coût global de l’approvisionnement en gaz.

La Commission encourage les pays à fixer un prix maximal pour les moyens de production d’électricité qui ne dépendent pas du gaz : nucléaire, énergies renouvelables, charbon, fioul. Les revenus de ces activités seront plafonnés à 180 €/MWh, les États-membres pourront s’approprier la différence entre le plafond et niveau du prix de marché pour le redistribuer ensuite aux entreprises. Ironie de l’histoire, elle fait la promotion d’un mécanisme qui ressemble beaucoup à l’ARENH.

Centrales nucléaires à l’arrêt : une dépendance inédite de la France vis-à-vis du marché de gros européen

En France, ce nouveau plafond concerne peu de moyens de production (puisque le nucléaire est déjà plafonné par l’ARENH): principalement la production d’électricité à partir des barrages hydroélectriques. Si l’ARENH protège les consommateurs, elle expose fortement EDF. Les prolongements des arrêts des centrales nucléaires pour maintenance rendent l’entreprise plus dépendante des importations. S’ajoute à cela la sécheresse de cet été qui a réduit la production et les réserves d’eau dans les barrages, ainsi que les faillites des concurrents… EDF est pris en étau puisqu’elle est obligée de restituer aux consommateurs français l’électricité au coût du nucléaire, pour un volume de d’électricité qu’elle ne parvient plus à produire. En effet, il est tout à fait possible que EDF soit obligée de racheter de l’électricité à un prix élevé sur le marché pour fournir l’ensemble de ses clients le volume attendu. Ce type de situation la rend vulnérable à des stratégies de spéculation par des intermédiaires du marché qui détiendraient des contrats à terme. 

Fidèle à sa tradition de stabilité du tarif réglementé, le gouvernement français ajoute un bouclier tarifaire au mécanisme d’ARENH. Le consommateur final est donc protégé de la hausse des prix. Les autres consommateurs (entreprises, collectivités, administrations) sont protégés par l’ARENH et par quelques mesures conditionnelles de soutien. Le bouclier tarifaire présente deux inconvénients. Tout d’abord un coût exorbitant pour les finances publiques. Il traite le symptôme, la hausse des prix, mais risque d’aggraver le problème, la rareté des ressources énergétiques disponibles. La logique même du marché, dans un contexte de rareté, est d’envoyer un signal tel que les consommateurs renoncent à consommer, de façon à retrouver l’équilibre. Y compris si cela signifie pour des industriels utilisateurs d’électricité d’arrêter leur moyen de production. Si le bouclier tarifaire intervient, il faut trouver d’autres solutions pour gérer la rareté, sinon, en toute logique, le prix suit une courbe exponentielle (et la dépense publique avec elle).

Le maintien du bouclier tarifaire suppose donc que l’on cherche d’autres solutions que le prix pour gérer la rareté. Le gouvernement français fait un formidable pari qui témoigne d’une grande confiance dans la citoyenneté des français et leur capacité à réduire d’eux-mêmes la consommation. C’est là le véritable paradoxe de la crise actuelle : l’équilibre du réseau n’est plus assuré par le prix de marché, mais par les efforts individuels et par le sens de la responsabilité. 

Dans cette crise, beaucoup de mythes sont tombés. Au niveau européen, on trouve de moins en moins de responsables politiques convaincus des vertus autorégulatrices du prix de marché. Les différences entre les opinions portent sur la gestion de la crise, certains pays préférant limiter les interventions pour préserver la confiance des investisseurs. Les choix économiques passés et les règles institutionnelles constituent un véritable carcan qui empêche des remises en question plus radicales. Les réponses européennes sont conjoncturelles, elles ne sont pas structurelles.

En France, l’adhésion de la classe politique au marché de l’électricité n’était déjà pas très élevée. La classe politique a unanimement renoncé à un ajustement de la demande forcé par la hausse des prix. Le plan de sobriété témoigne d’un pari politique majeur : reprendre le contrôle de la consommation par la responsabilisation des consommateurs, des administrations, des acteurs économiques. Mais la croyance dans l’autonomie énergétique du pays s’est effondrée. La prise de conscience de la fragilité du système énergétique, de sa dépendance, est brutale et inattendue.

La crise va donc probablement favoriser un projet politique en faveur d’une plus grande indépendance, et donc des investissements dans des moyens de production renouvelables ou nucléaires. Le plan de sobriété est une action de court terme, mais peut contribuer à des transformations de long terme : de la même façon que la crise du COVID a permis le développement de nouvelles pratiques, comme le télétravail, il est possible que cette crise énergétique soit l’occasion d’expérimenter un nouveau rapport à l’énergie et qu’elle encourage des modes de consommation plus sobres. En espérant que ces efforts de sobriété ne soient pas découragés par les bénéfices exorbitants de certains producteurs de gaz et d’électricité.   

Thomas Reverdy

 

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