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2 juin 2015 2 02 /06 /juin /2015 09:04

 

A la lumière des informations récentes concernant la situation économique mondiale (entrée en récession au premier trimestre 2015 des USA du Brésil, de la Russie, etc.),  nous reprenons ci- dessous un article rédigé en octobre 2014. Si son résumé reste inchangé, le contenu est légèrement modifié. Ce texte propose une toute autre explication de la croissance Zéro[1]

Résumé : Le présent article fait suite à celui publié le 1er octobre dernier (« Pour bien comprendre le monde d’aujourd’hui »). Il approfondit la notion de mondialisation en y intégrant l’idée d’Etats désormais réquisitionnés par un nouveau groupe dominant. Il en résulte que la durabilité de la grande crise, avec la fin de la croissance qui lui est associée, est l’effet d’une quasi volonté qui ne connait pas de réelle opposition : il n’existe pas d’issue prévisible à la crise.

Dans "pour bien comprendre le monde d'aujourd'hui"[2] nous avons longuement insisté sur l'apparition d'incohérences:

-une nouvelle forme de capture de l'Etat détruisant les bases de sa force prédatrice de toujours au profit d'une "sur classe" déterritorialisée. Nouvelle forme faisant disparaitre les frontières pour le plus grand profit d'une oligarchie. L'Etat est toujours présent mais son fonctionnement nouveau met en cause des principes qui jusqu'ici lui étaient complètement rattachés: ils ne disposent plus d'une pleine souveraineté sur un territoire bien délimité.

- la séparation radicale entre statuts sociaux qui jusqu'ici étaient plus ou moins reliés dans une relative cohérence d'intérêts. Le citoyen semble avoir disparu et les intérêts du consommateur ne sont plus ceux des salariés, qui ne sont plus ceux des épargnants, Les acteurs que l'on appelait les "CSCE" (consommateurs/ salariés/citoyens/épargnants) connaissent un grand éparpillement de leurs intérêts et de la représentation qu’ils s’en font.

- Le citoyen s'évapore  dans l'émergence de "l'individu désirant" et avec lui le lien qui le reliait à l'Etat et assurait le service de ce dernier. Il se croit désormais créancier de ce dernier et honni sa fonction prédatrice de toujours.

-Enfin, résultat d'une perte de cohérence de la réalité, la fin radicale d'une représentation du monde comme un tout organisé, un tout intégrant des parties organiquement reliées les unes aux autres. La conception keynésienne de la réalité économique s'efface au profit d'une théorie de l'éparpillement: le circuit laisse la place au déploiement d'un nombre toujours plus grand de marchés.

C'est bien évidemment la première incohérence, celle qui atteint les Etats, qui est motrice et va expliquer les autres et au final l'impression qu'une sortie de crise est hors de portée.

La mondialisation ne détruit pas les Etats: elle les réquisitionne

La nouvelle forme de capture des Etats est innovante en ce qu'elle l'entraine à redéfinir la souveraineté, un concept si commode pour les premiers occupants des machines prédatrices soucieuses de garder un monopole territorial. Jusqu'alors les utilisateurs de la contrainte publique à des fins privées étaient fort centralement des entrepreneurs politiques (rois, empereurs, dictateurs, etc.) "nationaux" ou "étrangers", du territoire lieu d'exercice de la prédation. Parce que ce territoire se devait d'être gardé, il fallait adjoindre aux Etats des frontières et des peuples  à administrer/soumettre/prédater. La souveraineté était d'abord un titre de propriété privée, cachée le cas échéant par la fiction d'un droit public et surtout d’une idéologie d’un intérêt supérieur.

Les choses vont évoluer lorsque les entrepreneurs politiques seront amenés à partager leur monopole d'utilisation de la contrainte publique: des pactes avec d'autres groupes permettront de maximiser une prédation à partager. Ainsi des entrepreneurs économiques pourront  exprimer des injonctions, à l'adresse  des entrepreneurs politiques, et exiger des règles, par exemple plus favorables  à l'ouverture des frontières. Telle sera le cas de la doctrine du libre-échange, d'une finance autorégulée, etc. Il ne s'agit pas encore d'incohérence mais de complexification d'un système. La souveraineté n'est pas encore vidée de son contenu. Elle se trouve même confortée par la crédibilité de l’idéologie d’un intérêt général.

Par contre lorsque les entrepreneurs politiques ne sont plus que de simples mandataires ou de simple exécutants de groupes qui dictent les règles de ce que nous appelions "l'Universel" (le système juridique notamment), les choses changent fondamentalement. Le territoire cesse d'être en pleine cohérence avec l'Etat correspondant. Certes, la souveraineté ne disparait pas réellement puisque la réalité étatique est indépassable, par contre son contenu et son périmètre  sont redéfinis. Avec en conséquence la perte de crédibilité de l’idéologie d’un intérêt général.

En mondialisation les groupes dominants- les entrepreneurs économiques mondialisés- se nourrissent des "différences d'universel" qu'ils concourent à développer ou entretenir (différences de règles fiscales, sociales, environnementales, etc.). La souveraineté reste fondamentale pour les paradis fiscaux, par contre les "vieux souverains" c'est à dire les entrepreneurs politiques n'ont plus qu'à confirmer les règles du jeu du marché mondialisé et différencié. Naguère acteurs essentiels  de la capture de l'Etat, ils ont progressivement partagé puis cédé la captation à d'autres groupes pour progressivement endosser la situation de servitude volontaire.

En termes concrets les paradis fiscaux-  micro-Etats- qui captent une partie de la richesse générée en d'autres lieux n'ont rien à craindre des Etats et de leurs entrepreneurs politiques plus puissants, si ces derniers Etats sont  eux- mêmes en situation de servitude volontaire au regard de leur classe dominante mondialisée. Une servitude volontaire qui les amène à respecter et valoriser les règles de l'économie mondialisée et différenciée.

En termes plus concret encore, même les dirigeants des grandes entreprises d'armement d'un Etat puissant n'exigeront pas l'élimination des paradis fiscaux par la voie des armes. La souveraineté contestée par les marchés reste curieusement la protectrice de ces derniers. Comme quoi la servitude volontaire est affaire finement ciselée.

Les Etats qui naguère organisaient une cohérence interne et formaient un système relativement simple, sont désormais invités -par la puissance de la surclasse mondialiste-  à être le support d'un système plus complexe. Ce dernier est fait d'un universel partiel, peuplé des seules règles du marché, et évacuant les autres cadres d'une vie sociale qui peut rester nationale.

Les Etats ne sont pas tous au même stade de capture dans le système mondialisé plus complexe qui s'est mis progressivement en place.

Les Etats européens -effet logique de la construction européenne- sont les plus atteints par la servitude volontaire et la mise en valeur de la seule cohérence des règles du marché mondial. La zone euro est de ce point de vue l'avant- garde de la mondialisation libérale, avec un fort recul de ses entrepreneurs politiques et une domination sans partage des groupes économiques et financiers qui dictent les règles du jeu par le biais de l'énorme - et inégalée dans le monde- puissance du lobbying bruxellois.

En dehors des "failed states"[3] (une partie de l'Afrique et du Moyen-Orient) les autres Etats sont le plus souvent à un autre stade, celui où la capture est partagée entre groupes d'intérêts, où donc la notion de nation existe encore. C'est bien évidemment le cas de l'Asie avec l'exercice d'une souveraineté plus classique: Le jeu de la mondialisation en Chine est le fait majoritaire de ses entrepreneurs politiques, avec partage de la rente avec des entrepreneurs économiques toujours dominés et soumis à l'inconvertibilité de la monnaie nationale. C'est bien sûr aussi le cas des Etats-Unis avec le fait particulier qu'ici une monnaie nationale est aussi une monnaie mondiale avec partage de son "seigneuriage" (capture) entre entrepreneurs politiques et économiques mondialistes. Dans ces deux cas, mais sans doute d'autres encore, l'extraversion économique qui résulte de la mondialisation (surproduction côté chinois, désindustrialisation côté américain) ne met pas fin à la cohérence d'un système: un Etat politiquement organisé avec un peuple qui donne encore du sens à l'idée de nation et une très forte crédibilité de l’idéologie d’un intérêt général. Le cas américain est d’une certaine façon exemplaire dans la confirmation d’une souveraineté qui va dépasser de très loin les frontières nationales. Ainsi l’extra territorialité imposée par le droit et la monnaie américaine permet encore aujourd’hui de capter des ressources sur l’étranger : 140 milliards de dollars -au titre de « fraudes »- sur le système bancaire mondial pour la seule année 2014.

Au -delà de cette réserve, La substance du monde d'aujourd'hui est ainsi faite d'Etats - qui fondamentalement transformés- restent essentiels pour le fonctionnement du marché mondial: ils sont les relais locaux du strict respect des règles fondamentales du marché (imposition du respect des droits de propriété par exemple) et murs de protection au regard de toute tentative de nivellement des différences....murs aboutissant à une mondialisation, à la fois réelle mais aussi limitée ou contenue. Parce que la classe mondialiste se nourrit de différences, (taux de salaires, fiscalité, règlementation, normes, services publics, etc.) le nivellement mondialiste serait un obstacle qu'il faut repousser ou contrôler.

D'une certaine façon la mondialisation en tant qu'émergence potentielle d'un système cohérent et plat, (salaire mondialement négocié, fiscalité unique, législation unique, etc.) est ce qui doit être repoussé avec force par  la surclasse mondialiste qui, pour cela, est amenée à prendre le pouvoir dans les Etats en maintenant les entrepreneurs politiques dans une posture très affaiblie: ils sont réquisitionnés à peine de disparaitre. Situation qui correspond bien à l'entrepreneuriat politique de l'avant-garde de la mondialisation: l'Europe.

La réquisition permet de construire la durabilité de la grande crise

Ayant édifié des différences durables, il est désormais possible de les relier entre-elles: ce que nous avons appelé les autoroutes de la mondialisation. Et d'en épouser les avantages: construire un modèle organisationnel d'entreprise en congruence avec les dites différences.

Nous avons déjà longuement expliqué sur ce blog ce que l'on entendait par autoroutes de la mondialisation: une parfaite convertibilité des monnaies, une libre circulation du capital, une libre circulation des marchandises rangées dans des contenants numérisés et normalisés, c'est à dire des containers. Autoroutes qui exigent des infrastructures sérieuses: la dépolitisation des taux de change et la privatisation des monnaies, ce qui implique l'indépendance des banques centrales.

Réquisitionnés pour maintenir des différences, les entrepreneurs politiques sont aussi invités à ne pas taxer les autoroutes de la mondialisation: ils sont libres d'accès. Ce qui passe aussi par la crédibilité de leurs politiques budgétaires....d'où une  normalisation quasi-planétaire...et la confirmation d'une situation de servitude.

Equipée de telles voies de circulation, l'entreprise économique peut se mondialiser en optimisant les différences toujours maintenues par des Etats désormais chargés de  faire le lit de la mondialisation.

Jadis système cohérent et bien articulé sur un territoire ou des territoires, l’entreprise se désarticule et se livre à un démembrement de plus en plus fin, ce que l'on appelle « allongement des chaines de la valeur ». Plus la mondialisation édifie de différences, et plus la chaine de la valeur peut s'étirer pour optimiser tout ce qui peut l'être. Ce démembrement explique l'essentiel de la surcroissance du commerce international par rapport à la croissance économique mondiale depuis 30 ans.

Cette nouvelle cohérence est celle de l'offre mondiale compétitive....qui hélas doit logiquement se heurter à une demande mondiale que dans un même geste on a amoindrie...L'addition des offres nouvelles des entreprises mondialisées et éclatées le long des chaines de la valeur, est plus élevée que l'addition des demandes correspondantes. Nous avons longuement discuté de toutes ces questions dans nombre d'articles sur le blog notamment ceux classés sous la rubrique "Critiques des raisonnements"[4].

Le résultat est que la mondialisation devient un étouffoir en termes de débouchés, et plus on mondialise, plus on émiette la production et plus l'étau se resserre. Pour la classe mondialisée, la solution est toujours plus de mondialisation, toujours plus de recherches de différences, toujours plus de mise en valeur de nouveaux pays émergents, toujours plus de bas salaires, toujours plus de déréglementation, toujours plus de réformes structurelles, etc. La solution à la crise s'annonce ainsi comme engendrement des conditions d'élargissement de la crise. En termes simple le carburant de la crise c'est elle-même...avec son sous- produit une dette publique et privée gigantesque à l'échelle planétaire.

 

Une durabilité de la crise renforcée par l'émiettement des intérêts des CSCE

Il est clair que la fraction financière de la surclasse mondialiste est celle qui se gave le mieux dans l'étouffoir de la mondialisation: spéculation planétaire pour assurer la "sécurité" sur les autoroutes (produits financiers offrants des garanties contre le risque de change par exemple), prélèvements sur la circulation du capital, sur les dettes publiques, etc. Avec des Etats réquisitionnés en cas de difficulté (le bail out de 2008 par exemple), tout ce qui aggrave la crise est bon à prendre.

Si la fin de la crise ne serait  pas  défavorable pour les acteurs de l'économie mondialisée réelle, elle serait dramatique pour les entrepreneurs de la finance: le marché disparaitrait. Que deviendrait le système financier si les Etats- retrouvant leurs occupants traditionnels ( les seuls entrepreneurs politiques)-  déclaraient la fin de l'indépendance des banques centrales, la fin de la libre circulation du capital, des taux de changes fixes, l'interdiction de la spéculation sur compte propre,  voire l'émission du crédit selon la règle du 100% monnaie?

Les entrepreneurs de la finance ne sont pas prêts d'accepter une quelconque fin de crise et se battront pour la maintenir.

Curieusement les bénéficiaires de la crise ne se heurtent pas frontalement aux CSCE.

Si la mondialisation est l'octroi d'un droit liberté pour les entrepreneurs économiques mondialisés, elle l'est aussi pour le citoyen qui n'a plus à se sacrifier pour une patrie disparue et qui ne s'est pas encore rendu compte que, l'entreprise numérique planétaire devenue son souverain maitre, le transforme progressivement en membre d'un troupeau qu'il faut élever et surveiller[5]. Devenu simple "individu désirant" cherchant à se lover dans la « société du divertissement », sa surveillance par des algorithmes permet comme pour les vrais troupeaux de deviner ses "vrais" besoins et son comportement futur. De ce point de vue l'entreprise numérique est plus efficace que l'Etat dans sa version primitive.

Cet « individu désirant » qui ignore son embrigadement dans l'entreprise numérique est certes inquiet pour son emploi, mais il y a longtemps qu'il ne comprend plus grand chose à la théologie économique, pompeusement appelée « science économique ».

C'est dans l'avant- garde de la mondialisation libérale, c'est à dire le zone euro que cet ex-citoyen est le plus désabusé. Il est bien en peine pour comprendre que la citoyenneté européenne résultant de la mise en place d'un Etat européen est anthropologiquement impossible[6].

Mais il est encore plus en peine pour comprendre un discours européiste gommant les différences entre Etats, alors même que la classe dominante mondialiste s'y oppose avec radicalité. Les firmes logées en Irlande – plus grosses que leur Etat d’accueil accepteraient- elles l’alignement de l’impôt sur les sociétés sur une la base d’une moyenne européenne ?

Comment expliquer à cet individu désirant devenu membre du troupeau numérisé, que le discours officiel sur l'Europe (marcher vers toujours plus d'intégration et moins de différences) ne correspond pas aux volontés de la classe dominante mondialisée?

Comment expliquer que ce discours issu de la théologie économique serait – dans son application- une catastrophe pour ceux qui ont intérêt à la pérennisation de la crise? La servitude volontaire des entrepreneurs politiques luxembourgeois peut-elle les entrainer à renoncer à leurs pratiques fiscales pour entrer dans une démarche d’harmonisation ?

Comment expliquer que cela ferait disparaitre les paradis fiscaux à l'intérieur même du continent européen?

Comment expliquer que cela mettrait en cause toutes les optimisations sur les chaines de la valeur?

Comment expliquer que la disparition de l'euro détruirait les avantages de l'industrie allemande bénéficiant d'une garantie de non dévaluation de la part de partenaires d'autant plus intéressants qu'ils sont moins productifs? Comment expliquer que l’euro, loin d’harmoniser, est l’efficace outil permettant de bénéficier des différences ?

Comment expliquer que la classe dominante financière serait pénalisée par la disparition d'une BCE qui leur est soumise de par la vertu des traités?

Autant de questions qui font de l’ex-citoyen des anciens Etats, un être complètement désarmé et désorienté tentant de se réfugier dans le cocon de la sphère privée.

Mais cet "individu désirant" intellectuellement désarmé n'est pas simplement figé, il est aussi partie prenante. Nombre d'ex-citoyens sont devenus épargnants et de fait se rangent du côté de ceux qui entretiennent la crise. Il est du reste exact qu'ils ont pu prendre leur essor avec la mondialisation,  laquelle engendrant la généralisation de l'indépendance des banques centrales, a permis la protection de l'épargne au regard du danger inflationniste.

L'épargne, est aujourd'hui devenue une marchandise prisée, constituant une affectation importante dans le budget des ménages (plus de 15% chez les ex-citoyens des Etats européens). Les épargnants - même très petits -ou très importants, sont globalement du côté de ceux qui bénéficient de la crise.

En cela les consommateurs suivent les épargnants: si l'épargne est une marchandise prisée pour "l'individu désirant", le low-cost boosté par la mondialisation ne l'est pas moins. Il est inutile de reprendre ici des développements d'évidence.

Au total, le citoyen ayant disparu, l’épargnant et le consommateur bénéficiant de la crise, il ne reste que le salarié qui lui, est en opposition radicale avec les différences de salaires que l'on entretient par la mise en valeur de nouveaux territoires. De fait, les chaines de la valeur pouvant toujours s’optimiser, il doit en permanence apporter la preuve de son employabilité à peine de disparaitre dans l’océan du chômage.

Conclusion : Cela fait maintenant 6 années que l’on parle de la reprise de la croissance, et que l’on anticipe des chiffres toujours décevants. D’où, ici ou là, des tentatives très économicistes pour expliquer ce qui devient une croissance zéro à portée planétaire : rendements décroissants de nombreuses activités, tertiarisation improductive, mirage des nouvelles technologies, inadaptation de l’offre de travail, etc. Ces tentatives, notamment celles de Robert Gordon et Larry Summers sont une façon de présenter la tendance à la stagnation de longue durée. Il en existe une autre, celle que nous venons de présenter. Elle est moins techniciste, davantage observatrice du jeu des grands acteurs de ce qui fait une société, et conclue qu’au fond la croissance ou la stagnation n’est que le sous-produit d’un arrangement institutionnel, lui-même effet de jeux sociaux.

Contrairement aux affirmations gratuites d’une « mondialisation heureuse »,la croissance ne pourra revenir que sur la base d’un nouvel arrangement institutionnel, notamment européen. Ce nouvel arrangement passera vraisemblablement par le retour négocié de la souveraineté, laquelle passera par une modification substantielle des modalités de la capture de l’Etat, un Etat animé par des entrepreneurs politiques moins avilis par la puissance de la finance déterritorialisée.

 

 


[1] Nous pensons notamment à l’ouvrage de Patrick Artus et Marie Paule Virard : « Croissance zéro » , Fayard 2015.

[2] http://www.lacrisedesannees2010.com/2014/10/pour-bien-comprendre-le-monde-d-aujourd-hui.html

[3] http://www.lacrisedesannees2010.com/article-etats-effondres-failed-states-dans-la-mondialisation-120988085.html

[4] http://www.lacrisedesannees2010.com/tag/critique%20des%20raisonnements/

[5] Sur la question du numérique comme forme nouvelle de prédation on pourra se référer à Pierre Bellanger (« La souveraineté numérique », Stock, 2014) ou les travaux de Bernard Stiegler, voire les réflexions proposées par le nouvel Institut de la Souveraineté Numérique que dirige Bernard Benhamou.

[6] http://www.lacrisedesannees2010.com/article-peut-on-fonder-un-ordre-europeen-rawlsien-114879217.html

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24 mai 2015 7 24 /05 /mai /2015 15:48

 

La publication de l’article de Jean Peyrelevade  dans « Les Echos » du 20 mai dernier : « L’euro indissoluble »  peut faire l’étonnement du juriste ou de l’historien le plus modeste.

Le titre est lui-même curieux tant il est vrai que les affaires humaines sont instables : Il n’y aurait pas d’histoire et d’historiens si ces affaires relevaient de la simple génétique. Le fonctionnement de la ruche est d’ordre génétique et l’organisation de cette dernière inchangée depuis des dizaines de millénaires….mais l’ordre monétaire est lui soumis à la grande histoire des hommes et donc l’indissolubilité d’une monnaie, n’est qu’une expression politique de fort grande légèreté, tant l’histoire monétaire nous prouve le contraire.

 Il est vrai toutefois que monsieur Peyrelevade a pu être abusé par des juristes qui dans des publications de la Banque de France ont osé écrire que « Le droit monétaire a inscrit l’irréversabilité du remplacement des anciennes monnaies et de l’Ecu par l’euro dans la contrainte du droit »[1]. Comment un juriste  peut-il être aussi éloigné de la connaissance des réalités humaines ?

Beaucoup plus grave est le fait que monsieur Peyrelevade, en égratignant un collègue, Jacques Sapir affirme haut et fort dans son texte  que la « lex Monetae » ne pourrait sérieusement s’opposer à la déferlante des créanciers étrangers qui seraient victimes de la fin de l’euro.

 Un point de droit doit lui être rappelé afin qu’il puisse tenter de corriger son propos dans les colonnes des Echos.

Il faut tout d’abord rappeler que la lex monetae est un principe de droit international coutumier rappelé par deux arrêts de la cour de justice de la Haye du 19 juillet 1929. Il faut aussi rappeler qu’il s’agit  d’une règle de portée universelle reposant sur le principe de souveraineté des Etats en matière monétaire, ce qui signifie qu’elle s’applique à tous, aux étrangers comme aux nationaux. A ce titre elle est une loi de police, c’est-à-dire une loi dont l’observation est nécessaire pour la sauvegarde de l’organisation politique, sociale et économique du pays. Cela signifie en conséquence, qu’à priori, les clauses particulières de certains contrats entravant l’exercice de ce pouvoir de police, pourraient-elles mêmes être frappées de nullité par le souverain.

Dans ce contexte juridique à très forte odeur de souveraineté, certes très mal appréciée par les défenseurs de la mondialisation, on pourrait imaginer une forme de désuétude de la lex monetae. Ce serait oublier que la fin du système de Bretton-Woods décidée par le président Nixon le 15 aout 1971, n’a jamais été juridiquement contestée : lex monetae oblige. Et que l’introduction de l’euro s’est réalisée sous son couvert il y a fort peu de temps. En effet, le  règlement N° 1103/97 du Conseil du 17 juin 1997, est venu rappeler que « l’introduction de l’euro n’a pas pour effet de modifier les termes d’un instrument juridique ».

On peut certes opposer à ces deux exemples des arguments solides. Qui aurait oser contester, dans la réalité, quel Etat ,  quelle banque centrale, la décision du président de l’Etat le plus puissant de la planète ?  Dans le même ordre d’idée le règlement N°1103/97 ne pouvait être contesté dans le cadre de la construction de la nouvelle réalité monétaire, une construction ne lésant à priori aucun créancier dans un climat d’optimisme jubilatoire généralisé.

Pour autant la lex monetae a toujours été acceptée même au cas de pays de taille réduite procédant à des modifications de parité désagréables pour les créanciers de dettes souveraines. Aucun Etat n’est venu protéger ses ressortissants - épargnants victimes dans ses achats de produits financiers incorporant  de la  dette souveraine étrangère dévaluée- en exigeant des compensations de l’Etat dévaluateur. Aucune juridiction ne s’est risquée à contester le pouvoir régalien qui consiste à modifier les caractéristiques voire la dénomination de la monnaie souveraine.

A cet égard, les questions classiques de « déséquilibre des contrats » (droit français) ou de « frustration » (droit anglais) ne sont pas de mise et s’il existe un risque en raison de la souveraineté monétaire, c’est l’acheteur qui doit prendre la précaution de se couvrir au regard du taux de change. Il en est de même des clauses de « harship »  (clauses de « nouvelles circonstances ») qui ne seraient guère opposables aux Etats. Ajoutons que le risque se trouve déjà compensé dans le taux de l’intérêt qui incorpore la prime de risque.

On voit mal également une juridiction s’embarquer sur le terrain d’une lex monetae disparue en raison de la disparité de la souveraineté monétaire inscrite dans les Traités européens. La fin de l’euro faisant disparaitre les traités correspondants, la souveraineté  retrouvée serait en conséquence  la renaissance de ce qui lui est rattaché : la lex monetae .

Bien évidemment on peut imaginer que d’innombrables acteurs tenteront de mobiliser nombre de juridictions. C’est sans doute exact et Jean Peyrelevade a raison. Sauf que le retrait éventuel de la France de la zone euro correspondrait tout simplement à sa disparition…d’où une multiplication gigantesque des contestations qu’aucune machine judiciaire ne saurait absorber, si ce n’est pour rappeler la loi monétaire attachée à la souveraineté de chaque Etat. Les dettes souveraines ne sont pas  quantitativement modifiées par la variation d’une dénomination et d’un taux de change.

On peut toutefois imaginer une libéralité introduisant un régime de faveur pour les créanciers en dette souveraine dévaluée, celle que nous avons proposée dans un article précèdent[2]. On peut en effet imaginer que la fin de l’euro serait aussi vraisemblablement le retour de l’autorité publique sur sa banque centrale. Ce retour signifierait la possibilité de monétiser toutes les créances, en particulier souveraines  sur la base du nouveau taux de change. Nous renvoyons ici le lecteur au texte proposé sur le blog. Au-delà il nous faut conclure.

Conclusion :

Monsieur Peyrelevade craint que la dévaluation correspondant à l’abandon par la France de l’euro, correspondrait à une augmentation de sa dette publique externe équivalente à la dévaluation, soit selon ses chiffres plusieurs centaines de milliards supplémentaires. Cela est complètement inexact, et la France pourra opposer, comme tous les pays du monde qui ont connu cette circonstance,  la lex monetae de toujours.  Nous suggérons au quotidien Les Echos, d' autoriser Monsieur Peyrelevade à corriger des erreurs graves, lesquelles s’ajoutent à la propagande  générale qui engendrent chez  les citoyens de fausses croyances et de fausses peurs à très fort pouvoir contagieux.

 

 

 

[1] https://www.banque-france.fr/fileadmin/user_upload/banque_de_france/archipel/publications/bdf_bm/etudes_bdf_bm/bdf_bm_108_etu_2.pdf . Il s’agit d’un article du Bulletin de la Banque de France (N° 108, Décembre 2002) signé par Jean Christophe Cabotte et Anne-Marie Moulin.

[2] Cf. : http://www.lacrisedesannees2010.com/article-les-conditions-d-un-demantelement-reussi-de-la-zone-euro-92063917.html

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1 mars 2015 7 01 /03 /mars /2015 10:33

 

« La solution pour la Grèce ? Une privatisation XXL », titre un article des Echos en date du 26 février dernier. Rédigé par Jacques Delpla, professeur à l’Ecole d’économie de Toulouse, ce texte inquiète par la légèreté  intellectuelle et morale d’une partie du monde académique.

En résumé, le texte précise que le programme grec de privatisations  lancé en 2012 ne fonctionne pas puisqu’il n’a rapporté que 1,5% de PIB. Résultat qui ne permet pas d’atteindre l’objectif fixé à 25% de PIB pour 2020. La cause de cet échec serait une valeur potentielle des actifs privatisables trop faible en raison d’un taux d’intérêt exceptionnellement élevé en Grèce.

Constatant que les Etats européens, dans leur programme de crédits au Trésor Grec, se contentent de taux exceptionnellement faibles (entre 0 et 1,5%), il serait proposé d’échanger les titres correspondants (dette publique grecque par conséquent) contre les actifs privatisables. De quoi diminuer rapidement la dette publique grecque puisque l’auteur de l’article propose d’échanger -sur la seule année 2015- 150 milliards d’euros détenus par les Etats européens contre l’équivalent en actifs privatisables : Une somme qui représente 75% du PIB, soit aussi près de la moitié de la dette publique du pays. Au total, un projet permettant le redémarrage de la Grèce...

Mais aussi un projet peuplé d’arguments logiques discutables et surtout politiquement insupportables.

La théorie pure…

On sait qu’un titre a pour valeur le gain potentiel qu’il représente, soit la somme des revenus futurs qu’il doit engendrer. Les revenus futurs parce qu’éloignés du présent sont dépréciés par le porteur de titres : très simplement, on considère qu’un euro présent a plus de valeur qu’un euro dans un an. Cela signifie qu’il faut actualiser - rendre présent-  les revenus futurs procurés par le titre. Cette actualisation s’opère techniquement en « rognant » les revenus futurs, c’est à dire en les divisant par un nombre supérieur à l’unité. Le monde académique considère généralement que ce nombre est l’unité à laquelle on ajoute le taux de l’intérêt, en particulier celui qui se forme sur le marché de la dette publique.

….mais macro économiquement décontextualisée….

Jacques Delpla, l’auteur de l’article, explique l’échec des privatisations par le taux très élevé de l’intérêt sur la dette publique grecque : les titres privatisables sont actualisés -les bénéfices potentiels sont « rognés »- par un taux beaucoup trop élevé.

L’argument n’a rien de convaincant :

Choisir  le taux de l’intérêt sur la dette publique est justifié dans les situations classiques, celles où le Trésor éveille généralement moins  de soupçon de défaut que les autres agents économiques. Tel n’est pas le cas du Trésor grec, mis sous perfusion depuis plusieurs années par le FMI, le FESF, et les Etats européens.

En revanche, l’échec des privatisations relève bien plutôt d’une anticipation de revenus futurs d’entités largement déficitaires : entreprises de transports, d’électricité, d’eau, de ports, etc. ….pour lesquels les clients et usagers sont eux-mêmes pour partie en situation d’insolvabilité. Si l’on y ajoute l’illiquidité relative des titres correspondants (quelle profondeur de marché pour des actions d’entreprises d’électricité de taille modeste et dont la clientèle n’honore les factures qu’avec difficulté ?) on comprend mieux l’échec des privatisations.

 Les privatisations sont plus aisées dans un monde qui s’élargit que dans un monde en voie de rétrécissement. Précisément, dans ce dernier type d’univers il faut un acteur public puissant qui inverse le cours des choses  avec détermination et radicalité, plutôt que des acteurs privés en simple quête d’aubaines : ces dernières ne peuvent qu’être rares en Grèce.

Curieusement, selon Delpla,  ce que les acteurs privés ne veulent pas, serait accepté par des Etats qui, loin de se comporter comme de vrais acteurs publics, se comporteraient comme des acteurs privés : ils achèteraient les actifs publics grecs avec les créances qu’ils détiennent sur le Trésor Grec. Ils ne chercheraient pas à inverser le cours de choses et s’adapteraient à la présente situation.

De fait,  il s’agit de fausses privatisations, le capital continuant d’appartenir à un Etat non grec, mais en même temps de fausses  « néo-nationalisations » ou "nationalisations confirmées" puisque les Etats propriétaires, libéralisme oblige, confieraient la gestion du capital à la Banque européenne d’investissements. Notons toutefois, que la dite banque ne pourrait pas revendre les actifs correspondants, puisqu'elle se trouverait en face d'acteurs privés boudants des actifs dont la valeur actualisée serait trop faible. Les actifs en question resteraient ainsi propriétés publiques des autres Etats européens

....et politiquement scandaleux…..

Le véritable problème posé par l’article  est pourtant d’un autre ordre : comment Syrisa, jusqu’ici très populaire, pourrait accepter que des entreprises publiques dont nombre d’entre-elles  assurent un service public, soient juridiquement transférées à d’autres Etats ? Certaines de ces entreprises sont d’ailleurs d’indispensables outils de souveraineté (ports et aéroports très nombreux) permettant à un Etat d’exercer ses missions régaliennes sur une multitude d’iles géographiquement très dispersées.

Déjà en 2010, l’hypothèse scandaleuse d’une vente d’iles à l’Allemagne avait été évoquée jusqu’au  Bundestag. Concrètement appliqué, le projet de Delpla signifierait que telle infrastructure grecque- port ou aéroport par exemple- serait Allemande tandis qu’une autre serait espagnole, une troisième italienne, etc…

Le contexte géographique est tel que la Grèce fait face à un problème de continuité territoriale engendrant des coûts de souveraineté considérables. Que les infrastructures correspondantes soient vendues à des entités  privées est politiquement pensable, en raison de la probable soumission de ces entités à la loi souveraine. Mais qu’elles soient vendues à des Etats étrangers est politiquement impensable même si les dits-Etats étaient soumis à la loi souveraine. Car la loi souveraine risquerait d’être quelque peu « édentée » : un gouvernement souverain pourrait-il ainsi porter atteinte au patrimoine d’un autre Etat souverain beaucoup plus puissant ? Le contribuable/épargnant allemand - et non l'actionnaire privé- accepterait-il, en raison de tel ou tel choix politique en Grèce, une saisie de ses biens ?

Le projet est donc bien celui du dépeçage d’un Etat souverain.

Compte tenu du chiffre proposé (150 milliards de dette publique convertie en capital public approprié par des Etats étrangers) et du patrimoine grec (environ 500% de PIB), cela signifierait un dépeçage du capital national grec d’environ 15% de PIB.

 Jadis, le dépeçage consistait plutôt en une appropriation de territoire et un déplacement de frontières. De ce point de vue, les grecs qui ont une connaissance  des opérations de partage de la Pologne au 18ième siècle, peuvent se déclarer soulagés : leur sort même sous la férule des bonnes idées de Delpla serait moins cruel que celui des polonais......

Parce que la mondialisation est quête de différences, sources de profits et de rentes, la technique du dépeçage laisse intacte les vieilles frontières : Les occupants ne vont pas déployer des armées en Grèce....... La force des "règles" domine celle des "armes". Et ces règles sont « bien vendues »  par une partie du monde académique.

Un tel scénario est-il moralement envisageable ?

 

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29 juin 2014 7 29 /06 /juin /2014 07:55

       Note:  Pour les lecteurs habituels du Blog j'attire leur attention sur la fin de l'article:"Et La France dans tout cela?".                                       

Dans un récent article du Monde[1], Philippe Aghion, Gilbert Cette et Elie Cohen partent en guerre contre les députés frondeurs du PS lesquels se disent partisans d’une sortie de crise par la demande.

Sur la même page, Liêm Hoang-Ngoc répond en argumentant sur l’impasse d’un socialisme de l’offre[2]. Nous sommes ainsi renvoyés à un débat qui remonte au début du 19 siècle et qui n’a jamais cessé de parcourir ce qu’on appelle la Science Economique et ses grands auteurs : Malthus, Ricardo, Say, Sismondi, Rosa Luxembourg, Marx, Keynes, etc…

Aujourd’hui, il s’agirait de trouver les clés d’une sortie de crise, et les débats mobilisent des auteurs qui n’ont plus la même envergure que leurs illustres prédécesseurs : Ils recherchent la clé perdue en pleine nuit en se bornant aux limites de la lumière de quelques lampadaires. Les lecteurs de ce blog savent que la clé se trouve ailleurs, c’est-à-dire dans une mondialisation qu’un jeu d’acteurs à l’échelle planétaire transforme progressivement en drame.

Profitons-en pour rappeler la réalité des choses : le déséquilibre entre offre et demande agrégée qui s’est progressivement construit autour de la mondialisation. Une réalité très éloignée de la vision produite par les spécialistes qui recherchent la clé dans des lieux où elle ne se trouve pas. Bornons-nous à quelques grandes étapes en insistant sur les rapports entre offre et demande.

 

La première étape est celle qui permit d’en finir avec la crise précédente et va assurer les « 30 glorieuses ».


1) « L’Etat –Nation fordien développé » et le « sous-développement ».

Tout a été dit sur cette phase qui correspond aussi à l’après seconde guerre mondiale, il est donc inutile d’insister. Signalons simplement que cette étape est celle d’une garantie de l’équilibre entre offre globale et demande globale par forte redistribution de gains de productivité abondants. La montée d’une Etat social servira aussi d’assurance de débouchés : les entrepreneurs économiques paient une prime d’assurance garantissant des débouchés croissants,  (taxation de l’activité et en particulier du travail s’agissant plus particulièrement de la France) prime payée à des entrepreneurs politiques qui se produisent et se reproduisent au pouvoir en construisant le produit politique « Etat-providence ».

Parce que l’on en est encore au stade de l’Etat-Nation, cela suppose aussi de lourds transferts entre régions, et au final un processus d’homogénéisation renforçant l’équilibre offre globale et demande globale. Au niveau mondial, cette étape se caractérise par une croissance forte de ce qu’on appelle les pays développés et beaucoup plus faibles, pour ce qu’on va à l’époque appeler pays de la périphérie ou pays sous- développés : entre 5 et 7 ou 8% d’un côté et moins de 3% de l’autre. Sur le plan monétaire, le modèle allemand
[3] ne s’est pas encore mondialement imposé : «  la loi d’airain » de la monnaie[4] est abandonnée et la création monétaire, qui est le fait des banques centrales et des banques de second rang, est bien présente pour assurer la croissance.

Cette croissance monétaire est bien sûr une croissance par endettement, mais celui-ci est contenu par une inflation qui participe largement de la répression financière de l’époque.

2) Mondialisation acte1 : L’émergence du couple USA/Chine.


Ce que certains ont appelé le « mariage de Wal-Mart et du parti communiste  chinois »
[5] marque l’une des premières étapes de la forme moderne de la mondialisation.

Il s’agit de la première grande rupture entre offre globale et demande globale. La production chinoise est appelée à devenir très supérieure aux débouchés nationaux. Pour les USA, les choses deviennent complexes : La croissance de la production peut encore se maintenir car la  concurrence  des importations en provenance de chine créent suffisamment d’effet-revenu au profit des salariés qui peuvent ainsi nourrir une demande domestique supplémentaire. Toutefois on se dirige vers un déficit extérieur et une demande interne appelée – sauf ouverture croissante du crédit et de la dette - à  se comprimer.Avec le temps cette compression se fera croissante: les salaires américains se bloquent avec une contrepartie en termes de revenus qui devient facteur de blocage de la demande;  le déficit, quant à lui,  devient une production et un revenu correspondant qui n'est plus assuré sur le territoire américain, donc une demande potentiellement déclinante. 

Déficit d’un côté et excédent de l’autre, il peut encore y avoir un équilibre mondial tant que « l’armée industrielle de réserve chinoise » ne heurte pas plus frontalement les salaires américains.

Cette étape 2 concerne les années 80 lesquelles voient un redéploiement de la croissance : Les taux baissent dans les vieux pays développés et montent dans les autres : environ 3% contre 8 à 10 d’abord chez les « tigres asiatiques », ensuite et surtout en Chine. La création monétaire doit bien sûr suivre, et à l’endettement qui ne fait que suivre la croissance il faudra ajouter l’endettement du aux premiers lourds déséquilibres : l’Asie doit commencer à financer l’endettement américain.
3) Mondialisation acte 2 :L’ère des bulles.


L’expression de « pays sous-développés » n’est plus seulement remplacée par celle de
  « pays émergents » car nombre de ces derniers deviennent « pays émergés ». Sans toutefois, sauf pour certains d’entre-eux,  devenir des Etat-Nations fordiens classiques. Ainsi la Chine verra la part des salaires dans le PIB devenir l’un des plus faibles du monde : 35%. Son équilibre ne peut donc résulter que d’excédents extérieurs de plus en plus massifs.

 Le déficit américain devient abyssal, car l’économie américaine absorbe une bonne part des excédents chinois, lesquels participent activement à la désindustrialisation du pays, avec en corollaire le blocage de longue période des rémunérations et l’explosion des inégalités.

Désormais toutes les autoroutes de la mondialisation fonctionnant sans péages[6], le nouveau capitalisme voit le principe moteur  de la concurrence passer des gains de productivité à celle de la course à la baisse des salaires. C’est tout le sens qu’il faut donner à l’allongement considérable des « chaines de la valeur », et au primat du « Buy » sur le « make » : il faut sans cesse externaliser et transformer radicalement l’entreprise, qui devient de plus en plus corps apparemment démembrée[7]. Le déséquilibre planétaire devient difficilement gérable et la production croissante voit ses débouchés se restreindre de façon massive.

Toutefois la crise est refoulée par la montée considérable du crédit et de l’endettement qui en découle : une bulle de dettes sur laquelle sont branchés tous les nouveaux instruments d’une créativité financière qui n’est plus muselée par la répression de jadis. Les salariés américains, dont beaucoup sont devenus précaires, continuent de consommer grâce au crédit. L’Etat fédéral poursuit ses dépenses militaires pharaoniques grâce à l’épargne chinoise. Dettes publiques et privées, s’épuisent à maintenir le niveau de demande mondiale globale garantissant la croissance de l’activité.

Cette dernière reste déséquilibrée en faveur des pays émergents (plus de 10% pour la Chine), avec toutefois maintien d’une croissance non négligeable, dopée par la dette dans les anciens pays développés (surtout les USA qui maintiennent durablement des taux supérieurs à 3%).

4) Mondialisation acte 3 : Explosion de la dette et fragile digue des Etats.


Inutile de rappeler les évènements de 2008/2009 tant ils sont connus. Les entrepreneurs politiques devenus dépendants de l’industrie financière
[8], et parfois même se confondant avec les dirigeants de cette dernière[9], font le choix du « Bail-out ». Il en résulte que l’immense dette privée qui se cachait dans la bulle devient dette publique et vient accroitre le poids des charges qui accablaient déjà certains Etats fort endettés[10]. La spéculation sur la dette privée, devient aussi spéculation sur les dettes publiques, avec attaques sur les parties les plus fragiles de la grande digue des Etats : la dette européenne. La zone euro devient ainsi un lieu privilégié, avec prise de conscience par la spéculation que nombre de dettes publiques ne sont plus soutenables. Les entrepreneurs politiques de la zone, ardents défenseurs de la conception allemande de la monnaie, défense qui est aussi celle des grands gagnants de la mondialisation, adoptent à la hâte des mesures d’austérité visant à contenir la vague des déficits et le service de la dette correspondant. Chaque point de PIB de dépense publique gagnée dans la course à un désendettement impossible à atteindre, devient un point de demande globale en moins, d’où- sous l’effet du multiplicateur budgétaire-  l’aggravation de la crise. Ce qui était la première économie du monde devient la zone la plus dépressive du monde, zone qui en raison de son poids, vient affaisser des croissances mondiales déjà sur le déclin. Le prétendu « rétablissement », utilisant y compris des bricolages statistiques[11], n’est que l’aggravation planétaire de la crise. D’où la nécessité de construire de nouvelles digues.

5) Mondialisation acte 4 : La construction de la digue des banques centrales et ses effets.


Parce que la mondialisation est devenue une logique de destruction, creusant un fossé de plus en plus large, entre offre globale mondiale et demande globale mondiale, fossé que les Etats ne sont plus capables de combler par des déficits, il faudra mettre en ordre de bataille les banques centrales chargées de monétiser ou racheter de la dette. Cela commence très tôt avec la FED et 3 « quantitative easings » laquelle sera suivie par les banques d’Angleterre, puis du Japon et
 enfin la BCE et ses « LTRO » et autre « OMT » ou taux d’intérêts négatifs. Le comblement du fossé entre offre globale et demande globale se mesure à la démesure croissante des bilans des dites banques centrales : plus du quart des PIB des Etats correspondants et la moitié du PIB japonais pour la banque du Japon.

Commencée avec la mise en place des autoroutes de la finance, et donc la fin de la répression financière et de l’euthanasie des rentiers, la mondialisation poursuit sa course destructrice, en  revenant vers cette dernière  de façon imprévisible et inattendue : Les Etats, y compris ceux du sud de l’euro zone,  retrouvent des conditions d’endettement qui ne sont plus celles de la loi d’airain de la monnaie[12]. De la même façon les entreprises non financières voient leur rentabilité augmenter en raison de la baisse des taux[13]. A l’inverse, la menace est grande pour les fonds de pension à prestations définies et les compagnies d’assurances. La nouvelle euthanasie des rentiers permettrait ainsi de ne plus évoquer stupidement le « sacrifice des générations futures »- les ménages jeunes bénéficient de taux faibles- et l’égoïsme des ainés, qui cigales plus que fourmis, auraient scandaleusement endettés leur pays.

Conclusions

 

A l’échelle mondiale aucune  des mesures envisagées ne correspond à la bonne clé d’une sortie de crise et le fossé entre offre globale et demande globale ne cesse de s’élargir : le processus de dislocation ne s’achève pas. Il est même conforté par la digue ultime des banques centrales….des établissements dont le passif n’est jamais exigible[14]… Plus clairement encore, la course à la baisse mondiale des salaires peut se poursuivre[15], et la logique de destruction continuer : expulsion de ceux qui bénéficiaient d’un Etat-providence, d’un emploi stable, d’une appartenance à la classe moyenne, etc. Mais aussi expulsion des entrepreneurs politiques classiques désormais supplantés par des gangs ou « formations prédatrices »[16] faites d’une élite mondialisée, hors-sol, bénéficiant de capacités systémiques surpuissantes et finalement peu maitrisables[17] : banquiers, juristes, comptables, mathématiciens, journalistes, dirigeants de grandes entreprises, informaticiens, physiciens, lobbyistes, etc.[18]. Au total expulsion de la démocratie au profit d’une oligarchie, avec maintien, voire sacralisation de droits de l’homme dans leurs versions les plus épurées, c’est-à-dire anglo-saxonnes.

Plus proche de l’Europe, cette nouvelle donne n’entraine évidement aucune solution à la crise de l’euro. Les pays du sud ne peuvent en aucune façon espérer de soulagement dans la course à la baisse des salaires par une modification du taux de change : il faut imaginer l’impensable et le cruel retour à des époques que l’on croyait révolues. Non seulement l’Europe du sud doit accepter la dévaluation interne exigée par l’Allemagne[19], mais elle doit aussi subir les assauts d’un processus plus vaste encore, celui imposé par l’écart croissant entre offre et demande planétaire.

Dernier point : la nouvelle euthanasie des rentiers ne peut être une incitation à l’investissement productif. Constatons que si la baisse des taux a permis aux entreprises non financières (ENF) d’accéder à une rentabilité plus élevée, l’investissement ne peut s’envisager sur la base d’une demande globale en réduction, déficit d’investissement qui en retour affaisse davantage encore la demande globale mondiale et fait grandir le fossé avec l’offre correspondante.[20]

Et la France dans tout cela ?

La France se trouve de plus en plus mal placée, certains osant même affirmer qu’elle devient le "pays dernier de classe". Dans la guerre de la mondialisation les plus hardis peuvent relativement moins perdre que d’autres. Ainsi la baisse des salaires en Espagne permet de rétablir un semblant de compétitivité et  laisse à ce pays l’ambition de devenir une petite Chine. Le même raisonnement peut se faire pour d’autres pays qui se « réforment » plus vite que d’autres : les petites Chines peuvent se multiplier.  D’où les lamentations concernant une France qui n’arrive pas à se réformer, qui connait encore une hausse des salaires et qui en contrepartie encaisse des déficits publics et  extérieurs croissants, avec le chômage qui lui est associé….  au grand soulagement des petites Chines qui voient leur stratégie couronnée de succés….Merci la France qui, difficilement intégrée dans la mondialisation, en accepte pourtant la charge croissante: elle encaisse sous forme de déséquilibre extérieur et de chômage les exportations croissantes des petites Chine.

La clé de la sortie de crise est introuvable si l’on se borne à ne la rechercher que là où la lumière du lampadaire se fait suffisamment vive.

Certains pensent en avoir trouvé une dans le maquis des réformes qui pour l’essentiel concernent la baisse des salaires pour leur pays ou –par effets de gains de productivité-  imposent de telles baisses aux pays clients  moins productifs. Toutes ces clés, peut-être utiles à l’échelle d’un pays, produisent un drame planétaire. Les pays émergents voient ainsi un étouffement de la croissance, avec dans certains cas- le Brésil par exemple- l’apparition d’une étonnante stagnation.

D’autres pensent trouver la clé (« l’Appel des 100 » députés du parlement français) en relançant la demande globale : de quoi faire de la France la solution fort précaire et fort injuste de la crise des débouchés de ceux qui « réforment » avec un apparent succès. 

Quand, de par le jeu des acteurs à l’échelle planétaire, l’humanité trouvera la bonne clé de la sortie de crise ?

 



[1] « Refusons les vieilles recettes de la vieille gauche taxophile », Le Monde du 25 juin 2014.

[2] « Le socialisme de l’offre est une impasse », Le Monde du 25 juin 2014.

[3] http://www.lacrisedesannees2010.com/article-independance-des-banques-centrales-et-paradigmes-culturels-117604632.html

[4] http://www.lacrisedesannees2010.com/article-la-loi-d-airain-de-la-monnaie-medium-n-34-janvier-2013-114312510.html.

[5] Expression que nous devons à Jean- Michel Quatrepoint.

[6] http://www.lacrisedesannees2010.com/article-agonie-du-fordisme-forme-de-l-etat-et-gigantisme-financier-2-77358419.html

[7] La « tête » dans un pays, un bras sur un autre dans un autre continent, une jambe dans un troisième, etc.

[8]Phénomène bien expliqué dans l’ouvrage de Christian Chavagneux et Thierry Philipponnat : « La capture » ; La Découverte ; 2014.

[9] Cf. l’étude de Daron Acemoglu (MIT) : « The value of Connections in Turbulent Times: Evidence from the United States, NBER Workink Papers n° 19701, novembre 2013.

[10]D’autres qui l’étaient peu le deviennent brutalement en raison du sauvetage financier : USA, Irlande, Espagne, etc.

[11] Parmi ces derniers signalons la redéfinition des règles comptables pour le calcul des PIB, (par exemple les dépenses de recherche et développement sont désormais comptabilisées dans la FBCF) ce qui entraine une croissance « inédite », et les exceptions aux règles de calcul du déficit pour les pays les plus en difficulté notamment la Grèce. De quoi améliorer les images statistiques et donc de rassurer.

[12] D’où les prétendus retours triomphaux des Etats du sud de la zone euro qui connaissent des taux enfin abordables, tandis que la France n’a jamais connue de taux aussi bas qu’en ce printemps 2014.

[13] Cette baisse aurait représenté 20% de la croissance des entreprises américaines entre 2007 et 2012. Cf l’article de Martin Wolf déjà cité.

[14] http://www.lacrisedesannees2010.com/article-oui-le-passif-d-une-banque-centrale-est-non-exigible-une-aubaine-pour-la-finance-121560542.html

[15] D’où le blocage des nouvelles et importantes classes moyennes des émergents : Chine, Brésil, etc. ..Concurrencées par de nouveaux salariés des nouvelles périphéries : Vietnam, Bengladesh, Ethiopie, etc. Pour ne prendre qu’un exemple la nouvelle classe moyenne chinoise se trouve désormais exposée à la baisse des salaires américains (l’écart de cout unitaire étant passé de 17,1$ en 2005 à 6,9 en 2012…écart  disparaissant avec les couts américains de l’énergie, d’où les nouveaux investissements chinois dans le sud des USA) mais aussi à l’énorme compétitivité de ses voisins immédiats (Vietnam et Cambodge) dont les salaires très inférieurs aux salaires chinois justifient les massives délocalisations chinoises vers ces pays pour l’industrie du jouet ou du textile. A une échelle plus réduite la moyennisation de l’espace européen devient avec l’euro, un leurre, et l’écart de 1à 20  (selon XERFY) entre les 10% les plus pauvres (plutôt des ménages portugais) et les 10% les plus riche (plutôt des ménages allemands et luxembourgeois) ne va guère se réduire avec les politiques d’austérité.

[16] Terme emprunté à Saskia Sassen dans son ouvrage : « Expulsions. Brutality and complexity in the Global Economy »; Harvard University Press ; Mai 2014.

[17]L’industrie financière dérégulée est en effet non maitrisable y compris par ses acteurs, lesquels sont parfois inquiets d’une création à la fois voulue et subie. De la même façon qu’un accident nucléaire développe des évènements hors de contrôle, un accident financier développe des conséquences non planifiables.

[18] Cette élite mondialisée hors sol - bien sûr investie dans l’immense industrie financière -  n’est évidemment pas victime de l’euthanasie des rentiers. Cette élite vit en effet moins de taux que d’écarts de prix. Parce que l’industrie en question vit de la recherche de l’information, elle patauge nécessairement dans les marécages des délits d’initiés et autres conflits d’intérêt. C’est cette matière première qui fait l’immensité de sa prédation, une prédation vis-à-vis de  laquelle les « régulateurs » s’avèrent impuissants.

[19]Laquelle détenait le record des inégalités dans les grands pays industriels et vient seulement d’être rattrapée par les USA, ce qui explique aussi, partiellement, son attitude vis-à-vis d’une Grèce dont les ménages disposeraient d’un patrimoine trop important (Cf le rapport OCDE présenté dans les Echos des 2 et 3 mai 2014).

[20] Ajoutons que les investissements programmés ne sont pas orientés vers la productivité et, la  « destruction créatrice » chère à Schumpeter, est toujours annoncée… et peu constatée. Cf. à cet égard les thèses actuelles développées par Peter Thiel, Garry Kasparof, Robert Gordon mais aussi Jean Paul Pollin et tant d’autres, qui insistent sur l’idée de longue stagnation en matière de technologie et d’innovation. Ces idées sont aussi confirmées par l’estimation de la qualité des emplois crées en France à l’horizon 2018 (Cf. le rapport McKinsey d’Avril 2014) qui révèle clairement le choix de branches non porteuses de gains de productivité (Maintenance et entretien, services aux particulier, hébergement et restauration, santé, etc.).

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7 mai 2014 3 07 /05 /mai /2014 08:31

     La question du taux de change continue de se poser aves les déclarations du premier ministre français et celles du ministre du redressement productif. Il est bien sûr à noter que l'Allemagne ne peut accepter un tel débat mettant en cause le consensus monétaire qui fonde le contrat social allemand. Et c'est bien de cette façon que vient de réagir Steffen Seibert porte parole de la chancelière allemande. Il est à regretter dans cette affaire l'attitude de Benoit Coeuré qui ne se borne à voir dans le taux de change qu'une "passion française", attitude qui soutient le consensus allemand.

Nous proposons à cet égard de reprendre notre article publié sur ce blog le 17 mars dernier:

 

Les débats concernant le taux de change de l’euro rebondissent à la faveur du seuil atteint au cours de ces derniers jours : près de 1,4 dollars.

Certains n’hésitent pas à considérer qu’il s’agit de la conséquence d’un commerce extérieur devenu fortement excédentaire : 158,8 milliards d’euros en 2013, contre seulement 79,2 milliards d’euros en 2012, soit 2,8 points de PIB. D’autres diront qu’il s’agit de la conséquence d’un statut de monnaie de réserve se substituant progressivement au dollar et suscitant une forte mobilisation de l’épargne asiatique.

Beaucoup s’en plaignent et considèrent à l’inverse que cela devrait entrainer une aggravation des comptes extérieurs négatifs de nombre de pays de la zone sud.

Plus grave est le fait que certains considèrent que le taux de change élevé est sans impact sur le commerce intra zone euro. Encore un raisonnement erroné tenu par des responsables de haut niveau.

S’il est exact que les prix des exportations de la France vers les pays de la zone euro ne sont pas impactés par une variation de taux de change - avec toutefois une composante coût des consommations intermédiaires qui peut varier en raison du fait  qu’elles peuvent être importées depuis l’extérieur de la zone- ces mêmes exportations subissent, à destination, un environnement travaillé par une hausse du taux de change.

Prenons un exemple.

Soit une exportation française de produits manufacturés vers l’Italie.

2 cas peuvent se présenter : les produits exportés connaissent un contenu en importations en provenance de l’extérieur de la zone (scénario 1) ou, à l’inverse, il n’existe aucun contenu importé en provenance de ce même extérieur (scénario 2).

Scénario 1.

Dans cette situation, il existe pour les produits exportés une marge théorique plus grande pouvant affronter une éventuelle modification de l’environnement italien. Pour autant, cet environnement est négativement affecté par la hausse du taux de change : des exportateurs originaires de l’extérieur de la zone euro viennent concurrencer en Italie les exportations françaises. L’impact de la hausse de change étant, pour ces exportateurs, logiquement plus important que celui sur les consommations intermédiaires des exportateurs français, il en résulte une dégradation des marges théoriques au détriment de ces mêmes exportateurs français affrontant le marché italien.

Scénario 2.

En l’absence de contenu importé des exportations, les entreprises françaises concernées ne connaissent pas de modification de marge théorique sur le marché italien. Pour autant elles peuvent affronter de nouveaux compétiteurs sur le marché italien, compétiteurs qui sont des exportateurs en provenance de l’extérieur de la zone euro. Il en résulte une baisse des marges réelles pour les exportateurs français, voire une réelle éviction du marché italien.

Le scénario 2 aggrave le résultat négatif du scénario1.

Les choses sont sans doute encore plus complexes : la hausse du taux de change peut entrainer un effet revenu en Italie, une affectation autre à la marge théorique des exportateurs français, etc. Toutefois ces effets en cascade sont de faible portée et s’amortissent rapidement, laissant le problème du taux de change dans son entièreté.

Conclusion : Il est erroné de dire, avec Pascal Lamy en particulier, pour ne citer que ce dernier, que la hausse de l’euro ne constitue pas un problème pour les entreprises françaises qui exportent à l’intérieur de la zone euro.

A contrario, il est possible d’affirmer- toutes choses égales par ailleurs, en particulier sans faire intervenir les politiques de dévaluations internes -  que toute hausse de l’euro affecte négativement l’ensemble du commerce intra-zone. Chaque Pays voyant ses exportations affectées dans la zone par la présence de marchandises substituables importées depuis l’extérieur de la zone.

Bien évidemment, une hausse du taux de change aggravée par des politiques restrictives menées en commun, et politiques visant la seule recherche de compétitivité, renforce un effet de décomposition : le commerce intra zone voit son poids diminuer. Ainsi entre 2003 et 2013 les exportations françaises vers la zone passent de 69 à 60% du total exporté, tandis qu’aux mêmes dates les importations en provenance de la zone passent de 64 à 60% du total importé. L’Allemagne voit également le poids de ces échanges avec la zone diminuer. Ainsi le poids de ses exportations dans la zone est passé de 63% avant la crise à 37% en 2013. Les comportements de passager clandestin de chaque pays (faire de la compétitivité au détriment des autres) entrainant la déconstruction progressive de l’Europe.

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15 janvier 2014 3 15 /01 /janvier /2014 16:38

                         

En allant à l’essentiel, le pacte de responsabilité -présenté le 14 janvier dernier par le Président de la République - est un échange de productivité publique (administrative et sociale) contre des marges plus grandes pour les entreprises. En effet la fin des cotisations familiales serait financée par moins de dépenses à volume inchangé de services publics, ce qui signifie des marges plus élevées contre des rendements plus élevés dans la sphère publique.

Sans inventaire, et donc de façon très approximative, cet échange n’est pas irréaliste, puisque cela suppose - pour réussir une exonérations de 35 milliards d’euros  de charges- un gain de productivité d’environ 3% (les dépenses publiques totales se montant à environ 1200 milliards d’ euros).

Toutefois la vraie question est celle des conséquences macroéconomiques d’un tel échange.

Conséquence 1

En première lecture l’augmentation de la productivité administrative et sociale développe – en première vague- 2 effets directs : une hausse des marges et une baisse de la dépense publique pour un même montant.

Le second effet est clairement récessif puisque la demande globale va s’en trouver affectée : moins d’achats par les administrations et moins de dépenses de salaires pour des fonctionnaires et assimilés moins nombreux.

La question est donc de savoir si le premier effet est porteur d’une demande globale accrue venant compenser, voire surcompenser l’effet récessif qui vient d’être mis en évidence.

Conséquence 2

La hausse des marges devient - de fait - des  gains de productivité pour les entreprises, gains qui peuvent développer, selon les choix des entreprises au moins 3 effets de seconde vague : baisse de prix des biens et services produits (du revenu est donc distribué aux acheteurs) ; hausse des salaires (du revenu est distribué aux producteurs directs) ; hausse des profits des entreprises (du revenu est mis en réserve ou distribué aux propriétaires et actionnaires).

Reste à savoir comment se trouvent répartis les gains de productivités et ce qu’ils deviennent. D’où une troisième vague de conséquences.

Conséquence 3

Si les gains de productivité sont entièrement redistribués aux salariés, une hausse de la demande globale vient compenser l’effet récessif, et ce à priori pour un montant semblable. Peu de changements macroéconomiques interviennent et la croissance reste ce qu’elle était avant toute décision.

Si les gains de productivité sont entièrement redistribués vers les profits, l’effet de récession n’est gommé que si les profits sont entièrement investis (dépenses de RD + investissements) et viennent alimenter une demande nouvelle de biens d’équipements. Cette hypothèse laisse toutefois une grande interrogation : comment justifier des investissements nouveaux alors que la demande globale diminue ? Question très justement posée par Philippe Murrer dans son dernier article de La Tribune.

Si les gains de productivité sont cédés aux consommateurs (entreprises et ménages), il y a ici hausse du pouvoir d’achat pouvant déclencher de nouvelles conséquences en termes de demande : la quatrième.

Conséquence 4

Les choses deviennent ici plus complexes car le revenu distribué sous la forme d’une baisse des prix peut affecter la demande domestique mais aussi la demande étrangère.

Si en raison d’une élasticité/prix  faible de la demande étrangère (les marchandises nationales ne sont pas qualitativement très intéressantes), le revenu n’est redistribué qu’à l’intérieur de l’espace domestique, nous retrouvons le cas de figure où un effet d’expansion vient simplement compenser un effet récessionniste.

Si maintenant l’élasticité/prix de la demande étrangère est très élevée, l’effet d’expansion de la demande globale peut devenir très important et dépasser l’effet de récession. Avec un entrainement vertueux possible : la demande internationale augmentant, l’investissement se trouve justifié, investissement développant un nouvel effet d’expansion.

S’agissant de la France, il est clair que les élasticité/prix sont variables et que certains secteurs disposent de réels avantages à l’exportation pour peu qu’il soit possible de diminuer les prix en diminuant les charges. Au total le chemin de la baisse des prix à l’exportation est le seul qui puisse surcompenser les effets récessionnistes de la baisse des dépenses publiques proposée par le  Président de la République.

Conclusions

Clairement, on ne peut reprocher à un gouvernement de veiller à une amélioration de la productivité dans les activités publiques. En termes simples cela signifie la diminution du cout unitaire du service rendu, de quoi par conséquent produire encore plus de biens publics à pression fiscale constante.

Par contre on perçoit bien au terme du raisonnement très simple que nous venons de mener qu’une modification du taux de change serait autrement efficace, une efficacité pouvant même renforcer la puissance créatrice de services publics.

Si en effet une baisse du taux de change, calculée pour générer une marge globale supplémentaire de 35 milliards d’euros pour les entreprises était décidée, il serait aisé de retrouver la croissance… ce qui n’empêcherait nullement de veiller par ailleurs à la productivité des services publics.

Toutefois nous retombons ici sur le sujet de l’euro dont chacun sait qu’il correspond à un débat interdit…

 

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27 novembre 2013 3 27 /11 /novembre /2013 16:24


Charles Wyplosz, professeur à l'Institut des hautes études internationales de Genève était sollicité ce jeudi 28 novembre par des journalistes du "Monde" afin d'avoir  son point de vue sur le programme économique du Front National. Parmi les brêves réponses faites à Anne Eveno et Adrien de Tricornot, on peut s'étonner des propos véhéments tenus à l'encontre de l'idée de fin de l'indépendance des banques centrales.


Charles Wyplosz n'hésite pas à dire, en prenant curieusement l'exemple argentin de l'époque de Peron, que le financement des déficits par émission monétaire relève de la "corruption", qu'il entraine des inflations galopantes et détruit l'épargne des personnes les moins aisées. Il en conclut que c'est face à ce genre d'épisode que la plupart des pays ont accordé une indépendance totale à leur banque centrale.


 Il est dommage qu'un universitaire en principe soucieux de raisonnements solidement établis, s'adonne à des propos qui ajoutent à la grande confusion des esprits.
Qu'il nous soit  ici permis de rappeler quelques faits précis.


1. Ce n'est pas parce qu'il y a indépendance des banques centrales que le risque d'émission désordonnée de monnaie disparait. Faut-il rappeler à Charles Wyplosz que le "quantitative easing" débridé est le fait des plus importantes d'entre elles?


2. Ces émissions relèvent tout autant de la corruption puisque la liquidité émise favorise des groupes d'intérêts très précis: grands banquiers à la tête de banques non prétendument illiquides mais réellement insolvables, spéculateurs et rentiers en tous genres permettant la production d'indices complètement déconnectés de la réalité.


3. Il n'est pas honnête d'extraire de l'histoire des cas particuliers (l'Argentine péroniste) pour arriver à des "lois générales". Il n'y a de science que dans l'universel et Charles Wyplosc aurait pu nous exposer des cas forts différents. Par exemple celui de la France des années 60 où une banque centrale, encore obéissante, finance largement l'économie réelle et ce, sans inflation ni même corruption. Rappelons que la France qui précède les évènemlents de mai 1968 connait- avec une banque centrale dans la main de l'Etat -  une parfaite stabilité monétaire avec un taux d'inflation proche de 2%.


4. La corruption existait bien sûr là où la démocratie répondait aux abonnés absents. C'était beaucoup moins vrai dans  la période démocratique précédant la fin de la libéralisation financière. Précisément la libéralisation financière -milieu des années 80 pour être rapide-  n'a fait que développer à grande échelle la corruption qui semble géner Charles Wyplosz pour le cas du péronisme. Faut-il rappeler les affaires du LIBOR, du FOREX, de JP Morgan,etc.?


    Au total on ne peut que regretter que le quotidien "Le Monde" ne fasse pas le tri. Tous les points de vue doivent pouvoir s'exprimer, à la condition toutefois que le principe d'honnêteté intellectuelle soit respecté. Les français sont suffisamment désarmés sur le plan de la connaissance économique pour ne pas ajouter de la confusion.

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9 octobre 2013 3 09 /10 /octobre /2013 14:49

             

La grande presse internationale se félicite des succès croissants des pays de l’Europe du sud qui rétablissent parfois de façon spectaculaire leur balance extérieure et contribuent ainsi à la levée des doutes sur la possible pérennité de l’euro. Toute la zone euro serait ainsi sur le chemin d’une nouvelle compétitivité, et ce d’autant que l’Allemagne s’apprête à frôler pour l’année 2013 un excédent de 200 milliards d’euros.

Il faut pourtant noter que cette compétitivité nouvelle n’est pas celle de la productivité physique du travail. Ce ne sont pas les investissements de modernisation, qui en Espagne,  en Italie, ou ailleurs encore, effacent les déséquilibres extérieurs ou relancent les excédents. C’est à l’inverse la compression de la demande intérieure qui en est responsable : hausse de la TVA et des prélèvements publics en général, baisse des salaires et flexibilité salariale, stagnation ou diminution des prestations sociales (retraites, soins médicaux, etc.). Cette compression développe 2 effets : une baisse des importations même sans diminution de la propension à importer, et une hausse des exportations reflétant la diminution  du coût du travail.

A l’époque de l’Etat-Nation, donc avant la mondialisation telle qu’elle s’est manifestée, une telle stratégie était peu concevable tant le marché intérieur constituait l’essentiel des débouchés pour la plupart des producteurs. Il existait même un Etat providence, qui veillait au bon développement du marché intérieur et venait quasiment garantir les débouchés. En sorte que la recherche de compétitivité par chacun, passait par un développement de la productivité physique du travail, laquelle découlait d’investissements massifs de modernisation et d’innovation. Et, les gains de productivité régulièrement générés, étaient partagés entre les principaux acteurs, afin de lisser la demande intérieure le long d’un trend croissant : entreprises sous la forme de profits supplémentaires, salariés bénéficiant de hausse de salaire, et Etat dont le Trésor directement branché sur la croissance bénéficiait à taux inchangés d’une manne fiscale croissante.

La partie la plus importante de la demande intérieure, correspondait à la masse salariale comme coût complet du travail (charges sociales incluses). Ainsi à l’époque de l’Etat-Nation, la masse salariale, vrai coût de production, était symétriquement une aubaine : un marché, et donc un débouché. De quoi développer la Grande Distribution dans sa configuration nationale.

A l’époque de la mondialisation, le marché intérieur est remplacé par le marché mondial. La masse salariale comme débouché n’est plus une variable décisive. Par contre elle reste un coût qu’il faut comparer aux autres coûts salariaux des pays partenaires à la mondialisation.

En mondialisation, la double qualité coût/débouché disparait progressivement. Dans le même temps, le coût d’opportunité des  investissements d’innovation et de modernisation, monte en raison des taux de salaire très faible rencontrés dans ce qui va devenir les pays émergents : il vaut mieux fabriquer en Chine plutôt que de se lancer dans la robotisation.  La concurrence devenue mondiale, ramène ainsi progressivement la productivité à la seule dimension compétitivité par les coûts.

A l’échelle planétaire, la production peut augmenter, mais les demandes internes de chaque nation doivent être comprimées pour se maintenir à flot dans l’océan de la concurrence. La demande mondiale, ne peut augmenter au rythme de l’offre mondiale, et donc nous sommes entrés, dès le début de la mondialisation, dans une crise potentielle de surproduction.      

Cette dernière n’est pas immédiatement visible : Les vieux Etats moins gavés de ressources fiscales, s’endetteront auprès de plus jeunes jouissant de la loi d’airain des salaires ; les salariés de ces mêmes vieux Etats verront leur pouvoir d’achat maintenu, d’abord par la baisse de prix des importations maitrisée par la Grande Distribution mondialisée, mais aussi par le recours à l’endettement.

Simplement cet endettement public et privé sera pris pour ce qu’il n’est pas : une fête à laquelle il faudrait mettre fin, car selon un solide adage de vieux bon sens, nul ne saurait durablement vivre au-dessus de ses moyens.

 La finance qui a fait de  la dette son miel , en devient victime, et la crise financière annoncerait ainsi qu’il faut siffler la fin de la récréation.

Cette « erreur de lecture » est précisément ce qui accélère la recherche éperdue de  compétitivité et le suicide collectif. Face à l’incendie qui n’existe pas, mais auquel tout le monde croit, il faut tous se précipiter dans un mouvement mimétique vers la même sortie : la « porte compétitivité ». Les plus habiles s’en sortiront peut-être mieux que les autres ( Allemagne ? Chine ? ).  Mais le désastre de la mondialisation sera une dure réalité collective.

Il est aujourd’hui fait pression sur la France, toujours trop lente, dit-on, dans des réformes dont on ne dit pas facilement qu’elles sont pour l’essentiel une réduction du coût du travail. La France serait ainsi encore plus suicidaire que les autres, qui eux tentent leur chance dans la lutte pour atteindre la sortie, et ne pas mourir dans l’incendie.

La France – insuffisamment véloce - risque donc de mourir dans l’emballement et la précipitation mimétique vers la « porte compétitivité ». Elle est pourtant aussi le siège de quelques mauvais esprits capables de poser de grosses questions naïves.

 Ainsi :

 Que se passerait-il par exemple si la « fête » dépensière s’arrêtait dans le monde ?

 Que se passerait-il si le budget fédéral américain était rééquilibré en dépensant moins comme le souhaitent les républicains du Congrés?

Comment vivraient les fournisseurs de denrées alimentaires (wall-Mart aux USA) qui se rémunèrent  des « food- stamps » distribués à 47 millions de personnes ?

 Comment vivrait le complexe militaro industriel américain,  ses milliers d’entreprises et ses millions de salariés ? Qu’en serait-il pour Lockeed Martin ,Boeing, Northrop Grumman, General Dynamics, Raytheon, United Technologies, etc. ?

Que fera t-on des médicaments qu’on ne pourra plus produire en France ou ailleurs, faute de déficit de la Sécurité Sociale ou de la suppression américaine du "médicaid et du médicare" ? Qu’en sera-t-il pour Pfizer, Roche, Novartis, Sanofi, Bayer, etc. ?

Que deviennent les grands groupes tels Générale de Santé, Vitalia, Médi-partenaires,etc. dont le chiffre d'affaires est, en France, constitué à 90% des versements de l'Assurance maladie lourdement déficitaire?

Que deviennent ces acteurs essentiels du soin aux personnes agées tels Orpéa, Korian ou Medica dont le chiffre d'affaires est constitué des versements des caisses de retraites largement insolvables?

Comment vivront les médecins français dont chaque consultation développe une dette nouvelle de 2,5 euros ?  

Comment la Grande Distribution Française vivrait cette chute des revenus de substitution payés sur de la dette publique et qui fait parfois l’essentiel du chiffres d’affaires de certaines unités ?

Toujours en France, que deviennent les industries de défense tels MBDA, Thalès , Dassault, SAFRAN, Nexter System, DCNS, etc. sans oublier les 4000 PME partenaires, si une nouvelle loi de programmation militaire ajoute sa pierre dans l'interdit des déficits budgétaires?  

Comment dans un univers devenu aussi déprimé, l’industrie allemande pourrait-elle continuer à   engendrer plus de 6 points de PIB de surplus extérieur ? Qu’en serait-il pour BMW, Daimler, Wolkswagen, Bosch, Siemens, Basf, etc. ?

La liste pourrait s’allonger à l’infinie.

Est- il est possible d’aller plus loin dans la naïveté ? Comment ne pas s’étonner que dans les vieux pays, les infrastructures de base (ponts, routes, voies ferrées, etc.) bénéficient d’un investissement net négatif, les dépenses d’entretien ne couvrant pas l’amortissement nécessaire,  (Allemagne, Etats-Unis, France, Grande Bretagne, etc.) alors même que les moyens matériels de les entretenir sont abondants, non utilisés (carnets de commandes dégarnis, sous-emploi, etc.), voire même font l’objet de plans sociaux (sidérurgie) ?

Il est donc vrai, que la dette publique et privée sert à maintenir la production (croissance proche de zéro) mais qu’il faudrait qu’elle soit encore bien plus importante, pour assurer l’investissement porteur de croissance. Oui, la dette devenue insupportable, et pour les créanciers et pour les débiteurs, est toutefois très insuffisante pour assurer la croissance. Et cette dette n’est bien que le produit de la mondialisation qui transforme toute la demande intérieure en simple coût à réduire.

Et si le raisonnement est vrai, toujours très naïvement, il faut se poser la question, de l’avenir des émergents eux aussi en concurrence, et qui devront eux même rapidement freiner leur demande intérieure avant même son épanouissement. La Chine devient un pays beaucoup trop cher du point de vue de nos importations. Mais aussi la Chine s'est aussi appuyée sur sa propre machine à fabriquer de la dette pour maintenir une activité qui se heurte à l'univers déprimé de l'occident. De quoi être moins enthousiaste sur l’avenir des croissances miraculeuses des émergents.

Et, au terme de la simple évocation de ces quelques grosses questions naïves, on pourrait peut-être se dire que la fête reste belle grâce à la dette et à sa belle croissance, et qu’elle pourrait encore être plus belle si sa croissance était encore plus rapide, si la machine à fabriquer de la dette était encore plus puissante. Hélas, cette dernière manque  de carburant faute de créanciers suffisamment hardis.

 Alors il faudra en finir avec la forme prise par notre mondialisation.

Malheureusement, pour paraphraser Einstein, nous pensons probablement collectivement comme un marteau, et tous les problèmes, dans ce contexte, y prennent la forme d’un clou. Ici, étrange logiciel qui fait apparaitre une production excédentaire, comme des dépenses trop importantes. Pourquoi continuer de penser à l’envers ?

La France a peut-être – au moins en théorie -autre chose à faire que de se précipiter vers les « Portes de la compétitivité » devant lesquelles s’amoncellent les cadavres. Et là encore, on pourrait poser de grosses questions naïves à ceux qui veulent- à l'instar des porteurs du projet de budget 2014 en France- davantage encore comprimer la demande intérieure de la France : que deviendraient les nouvelles – et si éblouissantes - exportations espagnoles, Irlandaises, italiennes, grecques, etc ?

 Oui, il est possible de construire un autre monde, mais comment s’extirper d’une mondialisation source de tant de dislocations planétaires ? Comment ne pas mourir dans l’incendie, même si on ne se précipite pas avec les autres vers les « portes de la compétitivité" ?

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12 septembre 2013 4 12 /09 /septembre /2013 05:17

 

Jean Peyrelevade, économiste et ancien président du Crédit Lyonnais publie dans deux articles  -« France : le vrai diagnostic » (Les Echos du 9/09/2013) et « Les conditions de notre redressement » (Les Echos du 10/09/2013)- ce qu’il croit être la bonne solution  à la crise pour l’économie française.

 

Augmenter la durée du temps de travail

 

Le diagnostic est classique, et les divers maux apparents – dette publique, attrition de l’outil industriel, déficit externe, chômage, etc. se ramènent à cette cause commune, cause qui reçoit aussi l’assentiment de nombre de commentateurs : le pays vit au- dessus de ses moyens. Les habitués du blog connaissent les limites d’un raisonnement cantonné au seul espace national, raisonnement qui se retourne quand on passe à l’échelle monde puisque les maux apparents dénoncés deviennent  la contrepartie d’une production excédentaire par rapport à la distribution. En sorte que le monde vit en dessous et non au-dessus ses moyens.

Poursuivons toutefois l’analyse de Jean Peyrelevade, qui va traduire l’expression obscure et facile de « vivre au-dessus de ses moyens », par l'idée de décalage entre une productivité par tête qui augmente moins vite que la charge salariale. Et un décalage constaté dans toute une série de chiffres qu’il est difficile de contester, et qui reviennent en boucle dans le raisonnement : le décalage développe à la fois la hausse des prix dans le secteur abrité, d’où les déficits dans le secteur le plus abrité d’entre-eux (l’Etat), et la baisse des marges dans le secteur exposé (les entreprise), d’où l’attrition industrielle.

La solution serait donc simple : il faudrait une hausse des salaires réels moins rapide que celle réalisée au niveau de la productivité par tête.

Jean Peyrelevade en tire la conclusion, qu’au-delà d’une production plus capitalistique de l’économie, le moyen le plus simple d’obtenir ce nouvel écart est d’augmenter la durée du travail – hebdomadaire, annuelle, mais aussi sur l’ensemble de la vie - sans hausse directement proportionnelle des salaires. Conscient de la difficulté de revenir sur la durée légale du travail, l’auteur propose des accords d’entreprise, pour ce qui est de l’économie exposée, et une réduction du périmètre des activités des administrations publiques.

Jean Peyrelevade reprend au fond un discours très classique du libéralisme.

 

Diminuer la durée du temps de travail

 

Surprenant est le fait que d’autres auteurs, au moins aussi réputés et assez peu éloignés d’une certaine forme de libéralisme, tiennent des propos strictement inverses et croient pouvoir démontrer, que c’est la baisse et non la hausse du temps de travail, qui doit être envisagée pour s’extirper de la crise.  C’est en particulier le cas de Michel Rocard et Pierre Larrouturou ( cf « La Gauche n’a plus le droit à l’erreur » , Flammarion, 2012).

Ces derniers ne croient pas comme le premier en des mesures autoritaires et s’appuient sur des mesures incitatives fortes, pour modifier en profondeur le marché du travail et, en particulier, obtenir une forte diminution de la durée du travail ( semaine des 4 jours par exemple).

Parmi ces mesures, on pourra noter la forte variabilité des charges sociales en fonction de la durée du travail. Ainsi les temps longs verraient des charges sociales alourdies, tandis que les temps courts se verraient octroyés de charges plus légères que la moyenne. Il est vrai que sur un marché déréglementé du travail- voyant l’emploi s’offrir aux plus productifs- jouer sur la variabilité des charges sociales, permettrait l’accès à l’emploi d’individus moins productifs. Une telle position, revient par conséquent à une logique de partage du temps de travail, reposant sur l’idée fort discutable selon laquelle l’élévation de la productivité détruit des emplois.

 

Essayer de raisonner correctement

 

Cette opposition de discours quant aux moyens de retrouver le plein emploi, est révélatrice d’une grande insuffisance des raisonnements.

Dans le cas des tenants de la hausse de la durée du travail, il n’y a évidemment pas conscience de la grande contradiction planétaire, entre l’offre mondiale et la demande mondiale de marchandises, contradiction due précisèment à une mondialisation, qui au nom de la liberté, ne prévoit pas de mécanisme d’équilibre obligatoire des échanges. Les Etats, restés Etats, malgré le cadre devenue mondial, ne peuvent plus imposer le salaire comme variable, simultanément coûts et débouchés. Il   n’est plus qu’un coût, dont la surveillance a créé l’insuffisance mondiale des débouchés de la production. La solution classique, celle entre autre de Jean Peyrelevade, ne peut qu’aggraver la crise planétaire.

Concrètement elle se manifesterait dans ses effets de la façon suivante: 

Le rééquilibrage des comptes extérieurs de la France, ferait cesser son propre étouffement …pour le reporter sur d’autres… jusqu’ici bien heureux de s’être forgé un excédent extérieur, assurant une oxygénétion de leur demande interne (Allemagne). Que l’on pense aussi aux pays d’Europe du sud, en plein effort de productivité selon la logique de Jean Peyrelevade, et reconstruisant leur équilibre extérieur en aggravant la situation française ( Espagne, Portugal, Grèce).

Maintenant, la hausse de la productivité, suppose aussi de s’attaquer au secteur protégé public, qu’il convient de faire maigrir sous la forme d’une diminution du nombre de fonctionnaires…et des débouchés correspondants à leur rémunération.

La logique de l’augmentation de la durée du travail, masque ainsi complétement le fait que la mondialisation a pris la forme d’une dislocation des équilibres antérieurs, et dislocation qui ne peut laisser la place à une reconstruction à l’échelle de la planète. D’une certaine façon, les politiques dites d’austérité accélèrent l’histoire en aggravant le mal qu’elles entendent combattre.

 

Le raisonnement inverse est bien sûr tout aussi insuffisant.

A enveloppe globale inchangé des cotisations sociales, cotisations simplement redéployées, il y a pourtant un changement dans l’efficacité productive : du travail très productif - et donnant lieu à des commandes supplémentaires en raison de sa forte productivité - est abandonné au profit de travaux moins productifs. Quel est  l’impact global ? Est-il possible de freiner les commandes ,et donc la croissance, dans les secteurs exposés et très productifs, pour développer les secteurs à plus faible productivité ? Quel impact sur la demande globale ? A l’échelle mondiale, peut-on imaginer une stratégie aussi fondamentalement contraire de celle qui se pratique au quotidien, et qui correspond à la position de Jean Peyrelevade ? Ainsi, quel effet sur la balance extérieure ?

Là encore, le refus de prendre à bras le corps la forme prise par la mondialisation aboutit à des insuffisances inacceptables.

Raisonner correctement consisterait à resituer, temps de travail et rémunération correspondante, dans le cadre d’une mondialisation où les taux de change sont devenus l’outil éliminant le caractère dual du salaire (débouché et coût), pour le ramener à sa seule dimension coût à l’échelle mondiale. Dans nombre d’anciens pays, il est ainsi préféré la dévaluation interne  (solution de Jean Peyrelevade) à la dévaluation externe. Ce fait est particulièrement constaté   dans la zone –euro. Symétriquement dans les pays émergents – Chine en particulier -  le refus de la réévaluation est une arme pour maintenir un gigantesque excédent, lequel ne peut se pérenniser qu’au prix d’un taux de salaire bas. A l’échelle de la planète existe ainsi une masse salariale-  au-delà d’une répartition qui peut être questionnée- incapable d’absorber la gigantesque production mondiale.

La question du temps de travail ne peut être sérieusement évoquée en évacuant une donnée aussi fondamentale.

 

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27 août 2013 2 27 /08 /août /2013 14:47

 

Le Centre d’Etudes prospectives et d’Informations Internationales (CEPII) a récemment publié une étude concernant l’impact sur le pouvoir d’achat d’une politique de substitution des importations par des productions nationales (CF lettre du CEPII, N° 333- juin 2013).

S’agissant d’une simple lettre,  le détail des calculs et leur complexité n’est pas présenté, mais il est clair que ces derniers reposent sur une rigueur et une méthodologie qu’il est difficile de mettre en doute. Par contre le présent article se propose de contester la rigueur des raisonnements et conclusions.

Selon les auteurs, parce que 25% de la consommation des ménages français  de biens industriels provient de pays de délocalisation, la dé mondialisation - et donc le choix de produire français - entrainerait un surcoût potentiel de 1270 à 3770 euros par an et par ménage. Soit de 100 à 300 euros par mois. Chacun était conscient que la mondialisation favorisait le consommateur – et au passage son vecteur indispensable : la branche Distribution- toutefois les auteurs ajoutent une évaluation quantitative qu’il est - apparemment -  difficile de contester.

L’analyse va pourtant plus loin et s’intéresse aux impacts de ce pouvoir d’achat, d’abord gagné par les vertus de  la mondialisation et fictivement perdu par le choix d’un « made in France ». Sans aborder les questions d’élasticité-prix, d’élasticité- revenu et d’élasticité croisée, pourtant fondamentales dans une telle analyse, les auteurs affirment que la mondialisation a permis le développement de la consommation de services. Le pouvoir d’achat supplémentaire se serait ainsi reporté sur de telles activités. A contrario, le retour au « made in France » supprimerait l’effet d’aubaine au bénéfice  des services avec ses conséquences fâcheuses sur l’emploi dans la branche. Destruction d’emplois, qu’il faut bien sûr comparer avec le volume d’emplois crées par la ré industrialisation du pays. Or, affirment justement les auteurs de l’étude, la différence de productivité ( faible dans les services et forte dans l’industrie) ferait que la politique de relocalisation industrielle serait tueuse nette d’emplois.

La conclusion est ainsi claire : le consommateur devenu contraint dans ses choix serait porteur du virus d’un chômage accru.

Le raisonnement est toutefois contestable dans beaucoup de dimensions non évaluées ou occultées.

Les dimensions non évaluées concernent évidemment les élasticités. Si les élasticité-prix sont très élevées au niveau de la consommation de biens industriels, la ré-industrialisation est sans impact sur les dépenses en direction des services et l’impact en termes d’emplois est très différent : peu d’emplois détruits dans les services et beaucoup d’emplois crées dans l’industrie. Dans ce cas, le choix du « made in France » est défavorable au consommateur mais favorable au salarié désormais moins contraint par le risque de chômage. Le raisonnement des auteurs est ainsi entaché d’une grave insuffisance et aurait gagné à présenter les différents scénarios du point de vue de la valeur des élasticités.

Plus grave est la question des dimensions occultées. Bien sûr le raisonnement privilégie le point de vue du consommateur, mais comme il aborde aussi la question de l’emploi et donc des considérations davantage macroéconomiques, il convenait aussi de procéder à l’analyse coût/avantage  de la mondialisation/dé mondialisation sur les comptes publics et sociaux , également aborder les questions environnementales des deux modalités possibles de la production industrielle.

Sans apporter d’évaluations chiffrées, il est pourtant clair que la mondialisation supposait la parfaite circulation du capital et donc la course au mieux disant fiscal et social, éléments à faire intervenir dans le théorique  gain de pouvoir d’achat calculé par les auteurs. Bien évidemment, le coût environnemental de la libre circulation de la marchandise –elle-même essentiellement composée d’éléments de produits qu’il faudra assembler au terme de trajets longs et complexes- n’est guère évalué.

Il est donc inacceptable de publier de telles études faussement sérieuses et aboutissant à des conclusions confortant bien évidemment la théologie économique dominante.

Marx que l’on taxe volontiers dans la presse de simple philosophe, a pourtant développé il y a près de deux siècles les outils permettant de comprendre de manière plus globale, le processus de mondialisation et ses effets sur le pouvoir d’achat. Il s’agit de ce qu’il appelait la « plus- value relative ». Bien sûr cet outil est aussi un « parti pris théorique » puisé dans sa théorie de la valeur travail, mais il faut accepter que la prétendue « science » économique est faite, plus que la physique ou les mathématiques, de parti pris théoriques.

Et de ce point de vue, celui de Marx produit un paradigme de compréhension du monde plus explicatif et convaincant que celui présenté par le CEPII.

La plus-value relative est chez cet auteur l’ensemble des effets résultants d’une baisse de la valeur de la force de travail, baisse elle-même induite par la diminution de la valeur des « biens salaires » (les biens de consommation qui servent justement à reproduire la "force de travail"), et diminution provenant d’une hausse de la productivité dans les branches les produisant.

Appliquée à la mondialisation, il y a bien baisse de la valeur des biens salaires (vêtements, chaussures, appareils ménagers etc.) et baisse constatée par une diminution des prix de ces marchandises, désormais importées et non produites dans le cadre d’un Etat-nation. Il y a bien plus-value relative et le coût de reconstitution de la force de travail diminue : on peut théoriquement diminuer les salaires en France sans que le pouvoir d’achat des salariés diminue puisqu’ils acquièrent désormais de quoi se vêtir, se nourrir pour moins cher dans les usines de la grande distribution branchée sur les produits de délocalisation.

De fait, Marx considérait que la plus-value relative ( baisse de la valeur de la force de travail) était un gain global du système qui pouvait être partagé entre hausse du pouvoir d’achat, hausse du profit, hausse de la rente publique (impôt). Dans le cas de la mondialisation - processus qui crée massivement de la plus-value relative - il y a possiblement partage entre profits et salaires mais très probablement évincement de la rente publique.

Le pouvoir d’achat peut augmenter, ce qu’admettent les auteurs de la lettre du CEPII. Mais les entreprises des vieux pays anciennement industrialisés peuvent aussi bénéficier de la baisse de la valeur de la force de travail, soit en délocalisant, soit en faisant pression sur les salaires internes aux fins de résister à la concurrence mondialiste. De fait elles peuvent récupérer en profits une partie des gains de pouvoir d’achat: le pouvoir d'achat des salariés augmente beaucoup en raison de l'effondrement des prix des "biens salaires", désormais importés , mais les entreprises récupèrent une partie de ce pouvoir d'achat en tentant de comprimer les salaires. La question étant de savoir si la plus- valur relative est partiellement ou totalement récupérée par les entreprises.

 Par contre, le prédateur public est très probablement le plus mal placé pour bénéficier de la plus- value relative et se trouve exposé aux récriminations  des entreprises qui menacent de nouvelles délocalisations. Curieusement son évincement est peu visible car la masse taxable se réduit en mondialisation: l’Etat amaigri apparait trop gros dans un PIB qui ne s’accroit plus au même rythme que naguère dans l'ancien Etat-Nation. D'où de nouvelles récriminations des entreprises trop taxées...

Plus globalement le modèle de Marx concernant la plus-value relative et sa répartition doit être revisité dans la cadre d'une réalité mondialisée où ce qu'il appellait les "sections de production"  - celle des biens capitaux ( investissements) et celle des biens salaires (consommation) -  se trouvent désarticulées par la disparition relative des Etats- Nations. Plus simplement exprimé , en mondialisation, tous les salaires apparaissent comme des coûts et non des débouchés puisque le marché n'est plus national mais mondial. D'où la tendance généralisée à la surproduction de biens capitaux inutilisables ( par exemple la Chine avec ses infrastructures vides d'utilisateurs) , ce que Marx désignait par la contradiction entre la création de valeur et sa "réalisation" (concrètement la difficulté de  vendre  ce qui est crée, donc des marges en baisse et des questions d'insuffisantes rentabilité).

 

 Bien évidemment il est de fait impossible de procéder à une évaluation chiffrée de cet ensemble de phénomènes que l'on ne peut apprécier que qualitativement par des indices qui confirment la robustesse du modèle ( le parti pris théorique). Et dans la présente configuration du monde , ce qui confirme le paradigme de Marx est un ensemble de faits: capacités de production excédentaires partout dans le monde, carnets de commandes en baisse, faiblesse des marges industrielles justifiant un manque d'investissements faute de bébouchés, et justifiant l'investissment spéculatif dans d'irréelles innovations financières, dislocation des équilibres bilantaires et des paiements extérieurs justifiant de nouvelles spéculations, etc.

Au delà -  et néanmoins -  la qualité d’un raisonnement qui ne peut dépasser en toute honnêteté le simple domaine du qualitatif, est parfois supérieure à celle qui prétend mesurer avec précision, sans dévoiler de discutables prémisses. 

Il est vrai que les économistes ont oublié Marx depuis longtemps: comment intégrer ce vieux philosophe de réputation sulfureuse dans la connaissance du monde moderne?  

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