Plusieurs scénarii sont envisageables à partir des changements intervenus à Athènes.
Scénario 1 : La double inflexibilité du gouvernement Grec et de Bruxelles
Plusieurs étapes sont à envisager et ce à l'échelle de quelques semaines :
- Les retraits sur dépôts bancaires (11 Milliards en janvier sur un total de 160) se poursuivent
- La BCE gèle le dispositif « ELA » d’assistance à la liquidité[1].
- Le Bank run met en faillite les banques.
- Le gouvernement procède à la saisie du système bancaire et exige de la Banque centrale un financement illimité.
- Un strict contrôle des changes se met en place..
- La BCE ferme le compte TARGET 2[2]
- Le gouvernement rétablit la souveraineté monétaire et procède à une dévaluation massive (80%).
-Constatation d’un effet de richesse pour les acteurs du Bank run.
- Le gouvernement annule la dette.
- La crise économique s’aggrave considérablement en Grèce.
- La cohésion bruxelloise est mise à mal au regard des questions géopolitiques (Ukraine/Russie) pour lesquelles la Grèce peut être un acteur majeur.
Ce scénario de l'inflexibilité laisse supposer que l'on se bat autour de l'exemple irlandais du refinancement illégal par la BCE. Il faut en effet se rappeler qu'en février 2013, suite à un certain nombre de péripéties, concernant le système bancaire irlandais fortement adossé sur des banques françaises et allemandes, le Trésor Irlandais a pu émettre des obligations directement monétisées par La BCE. A l'époque, l'Allemagne avait accepté en raison de la très forte exposition de son système bancaire. Elle n'est plus aujourd'hui dans la même situation et sera donc inflexible. En revanche, le gouvernement grec sait qu'il y a déjà eu viol des traités, il peut donc revendiquer un cadeau équivalent à celui de l'Irlande : son inflexibilité potentielle se nourrira de l'exemple Irlandais.
Cette confrontation dure est de fait une confrontation entre l'Allemagne et la Grèce. Au niveau européeen elle débouche sur des conséquences différentes selon ses effets sur les marchés. Deux cas peuvent se présenter :
1) Les marchés restent insensibles au départ de la Grèce.
- Les taux sur dettes souveraines des Etats créanciers ( alourdies de 42,4 milliards pour la France, mais aussi de 37, 3 milliards pour l’Italie et 24,8 milliards pour l’Espagne ) restent inchangés
- Le montant des défauts est constaté et donne lieu à un accroissement de la dette des Etats (environ 2% pour la France, l’Espagne et l’Italie). Cette faiblesse est l’argument principal en faveur de cette alternative.
- Les Etats acceptent le principe de la recapitalisation de la BCE (25 milliards d’euros).
- Le maintien des règles budgétaires bruxelloises aggrave la crise de la demande globale.
- Le maintien au pouvoir des oligarchies européistes est probable au vu de l’effondrement grec (Il sera difficile pour PODEMOS de gagner si la Grèce - en situation de crise aggravée- quitte la zone).
Ce cas de figure n’est pas improbable. Il est néanmoins contestable en raison de l’hétérogénéité de la zone euro. Il l’est aussi au regard d’une exigence de recapitalisation de la BCE par l’Allemagne, ce que contesterait la France et d’autres pays[3]. Il l’est enfin au regard de l’aggravation de la crise qui, mécaniquement, fera monter les dettes publiques au-delà du strict défaut grec. D'où le second cas de figure.
2) Les marchés réagissent sur les maillons faibles.
- Les dettes publiques espagnole et italienne sont attaquées et le spread de taux avec le bund[4] Allemand explose.
- La chute des cours sur titres publics affecte la solvabilité des systèmes bancaires correspondants.
- Un Bank run se met en place. Le dispositif ELA s’avérant rapidement impuissant.
- La BCE utilise massivement l’arme de l’OMT[5].
-Lla coalition gouvernementale allemande cède à la pression de ses électeurs et quitte la zone euro.
Scénario 2 : Bruxelles accepte les exigences grecques
- Les marchés ne réagissent pas et savent désormais qu’il y aura toujours un prêteur en dernier ressort.
- Les autres maillons faibles (Italie, Espagne, Portugal, Irlande) exigent un traitement équivalent.
- L’Allemagne refuse.
- Les oligarchies européistes ( Espagne notamment) sont menacées avec l’arrivée au pouvoir d’entrepreneurs politiques type SYRIZA (Décembre 2015 ?).
- La fin de l’année 2015 correspond,dans ce scénario, à une amplification considérable de ce qui s'est passé en janvier 2015 (le poids de l’Espagne est 6 fois supérieur à celui de la Grèce).
- L’Allemagne quitte la zone euro.
Ce scénario rejoint le premier dans la seconde alternative.
Scénario 3 : SYRISA trahit ses électeurs.
Ce scénario est celui fort classique d'un parti qui ne respecte pas ses engagements électoraux. Il correspondrait aux étapes suivantes :
- Les marchés sont confortés dans l’idée de stabilité et les taux restent inchangés.
- La politique bruxelloise et les oligarchies européistes sont confortées.
- La vision Allemande de la monnaie s’impose et l’Allemagne peut rester dans la zone.
- La Grèce se marginalise ( monnaie de plus en plus destructrice par son taux de change) avec les risques politiques associés.
- Les cures austéritaires se maintiennent dans le sud de l’Europe.
Ce scénario est à priori assez peu probable au regard des premiers choix de SYRISA au moment où ces lignes sont écrites.
Il n’est donc pas inimaginable de penser que la "petite Grèce" – dont les difficultés resteront cependant énormes - viendra à bout d’une Allemagne qui, classiquement - à l'instar de beaucoup d'autres pays- ne peut se réformer et reste figée dans ses croyances.
Les formes prises par l'interaction sociale en Allemagne ont valu à ce pays une responsabilité historique déterminante au cours du siècle passé. Ce poids reste fondamental en ce début du 21ème siècle. Hormis quelques auteurs dont le regretté Ulrich Beck, peu d'intellectuels Allemands s'en rendent compte.
[1] Il s’agit d’un dispositif (Emergency Liquidity Assistance) mis en place par la BCE qui permet aux banques centrales de venir assouplir les questions de Trésorerie des banques de second degré dont elles ont la charge.
[2] Il s’agit d’un dispositif qui permet l’enregistrement des opérations extérieures de chacun des pays de la zone euro dans ses échanges avec d’autres pays de cette même zone. Les comptes TARGET2 figurent aux bilans des banques centrales nationales.
[3] L’Allemagne considère toujours qu’une Banque centrale peut faire faillite (Cf.mon article : "Non Madame Merkel, la BCE ne peut pas faire faillite !) et doit par conséquent être solidement capitalisée. Ce point de vue, complètement erroné en raison du fait qu’une banque centrale est prêteuse en dernier ressort et qu’à ce titre son pouvoir de création monétaire est illimité, correspond bien aux croyances et intérêts Allemands. Le peuple Allemand dans son entièreté est très habité par cette croyance qui ferait qu’une Banque centrale ne pourrait fonctionner sans capital.
[4] Bon du Trésor Allemand.
[5] Il s’agit des opérations monétaires sur titres (Out Monetary Transactions) qui permettent à la BCE d’apporter des liquidités aux banques contre un collatéral de titres privés et publics. Mario Draghi avait déclaré le 6 septembre 2012 qu’il mettrait tout en œuvre avec ce dispositif pour maintenir la cohérence de la zone euro.