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22 mars 2012 4 22 /03 /mars /2012 23:00

Jacques Delpla et Olivier Gourinchas proposent une allocation chômage commune à la zone euro.

 

L'idée n'est pas neuve et se trouvait être un axe important du "rapport du groupe de réflexion Union Economique et monétaire 1980"  rapport publié par la commission européenne le 8 mars 1975, et groupe piloté à l'époque par Robert Marjolin. A l'époque le groupe estimait - Page 34 du rapport- que "les possibilités de réequilibrage entre pays de la communauté doivent être considérablement renforcées. A son avis une approche efficace consisterait en l'introduction d'un système communautaire d'allocations de chômage".

 

La monnaie unique n'était pas encore de ce monde, et l'europe de l'époque se trouvait infiniment plus réduite et plus homogène, mais le raisonnement se voulait déjà mundellien. l'annexe du rapport se voulait beaucoup plus précis encore et évoquait la nécéssité de transferts massifs de revenus entre zones économiques et donc aussi entre pays. Le projet reposait sur des principes précis: création d'une caisse européenne financée par des prélèvements sur les salariés et les entreprises, création d'une allocation communautaire s'ajoutant aux prestations nationales des systèmes déjà en place.  Sans oublier le symbole: les prélèvements européens devaient être visibles sur la fiche de paye, d'où sa préférence à toute forme de solidarité opaque dont celle évoquée de prélèvement sur la TVA. Le fédéralisme européen devait ainsi s'enraciner aux fins de créer une conscience européenne.

 

Inutile d'insister sur les suites qui furent données au rapport Marjolin, et les années qui suivirent furent celles de l'immersion de l'europe dans la mondialisation. A l'époque la monnaie unique restait un rêve dont les contours n'étaient pas encore dessinés. Pourtant Robert marjolin et ses collègues connaissaient déjà les conditions nécéssaires à la mise en place d'une telle monnaie.

 

Jacques Delpla et Olivier Gourinchas, sans évoquer les réflexions européennes des années 70, reprennent l'idée d'alloction chômage européenne avec la création d'un fonds capitalisant un Point de PIB. Si le  financement du fonds  n'est pas  clairement explicité, il viendrait en complément et en substitution partielle des assurances chômage existantes dans la zone euro. De quoi, par conséquent, transférer des fonds vers le sud de la zone particulièrement touchée par le chômage. la nouveauté , par rapport aux réflexions et propositions de Robert Marjolin , est toutefois que l'accés à l'allocation européenne de chômage serait conditionnée à la transformation du contrat de travail: les salariés du sud seraient invités à accepter un contrat de travail européen ( à construire) moins rigide que celui en vigueur aujourd'hui. Nous retrouvons la formule à la mode mais assez peu utilisée: il s'agit "d'acheter" les réformes souhaitées plutôt que de les imposer. Et pense t-on, avec une réforme , deux effets: un transfert de fonds depuis les zones prospères vers les zones en difficultés, et un potentiel productif amélioré pour ces dernières.

 

Pour autant, le problème du sud de la zone, est moins une question de flexibilité du travail, qu'une question de déséquilibre extérieur impulsé par un taux de change inadapté. Ces pays ne parviendront pas à l'équilibre extérieur par davantage de flexibilité. Dans un cadre de monnaie unique, les acteurs ont effectué des choix individuellement efficients: produire dans le sud des marchandises internationalement échangeables est couteux, et il vaut mieux y installer des unités de distribution de marchandises aisément importables  et commercialisables en raison d'une monnaie forte.

 

Dans les pays de sud, il ya donc de la place pour la grande distribution, mais certainement fort peu de place  pour de l'industrie. Or ce sont les industries qui assurent les exportations, et en revanche, la distribution qui assure les importations. Double cause d'un même incorrigible déficit extérieur.

 

Si maintenant davantage de transferts provenant d'une allocation de chômage européenne se manifeste, il s'agira d'un vrai cadeau pour la distribution importatrice et d'un geste neutre pour une industrie se devant d'être ultra compétitive du fait de la monnaie unique.

 

Non, l'allocation de chômage européenne n'est pas mundellienne, elle permet simplement de prolonger l'agonie de certains des passagers clandestins de la zone. Agonie faite aussi de stagnation du PIB, car seules les activités industrielles générent de la création et des rendements croissants porteurs de croissance économique. Des  activités industrielles qui se heurtent pour ces pays au mur de l'euro.

 

L'armée des experts étrangers chargée de "reconstruire l'Etat Grec" a tort de s'étonner d'une consommation bien supérieure (près de 75% du PIB) à la moyenne européenne (moins de 58% de PIB): ce fait n'est que la conséquence logique d'une monnaie complètement inadaptée à la situation de la Grèce.

 

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5 mars 2012 1 05 /03 /mars /2012 14:46

                             

 

Un Etat- Nation unitaire classique –surtout s’il  assure depuis longtemps l’identité entre citoyenneté et nationalité-  avec sa monnaie elle même classique, peut à la limite ne pas concevoir de dispositif de redistribution face à l’inégale compétitivité entre régions : il y aura simplement exode des nationaux défavorisés, désertification, et concentration de ces mêmes nationaux vers les zones développées. Tel  n’est pas le cas de l’euro- zone, et la Grèce ne pourra disparaitre : elle est une « zone » fort  étrangère à une quelconque « zone »  d’un Etat-Nation unitaire, car elle  dispose d’une extériorité que 450 années d’occupation n’a pu réduire. Si donc il y a inégale compétitivité, par exemple avec l’Allemagne, il faut -à peine de violence,  ou de sortie de l’euro- zone, imaginer une très puissante redistribution, au moins à la hauteur du déficit commercial. Soit une solidarité probablement plus importante que celle qui peut être imaginée dans un Etat-Nation classique. Et une solidarité qui n’est plus envisageable dans l’idéologie du tout marché et du chacun pour soi.

Si la crise du fordisme et son reploiement planétaire à fait que les Flamands n’acceptent plus de financer les wallons, on voit mal les Bavarois financer les macédoniens. On pourrait bien sûr imaginer une solidarité  type « tiers payant » avec une banque centrale allemande se gavant  de dette publique grecque, par gonflement sans limite de son bilan . Mais ce serait ruiner la loi d’airain de la monnaie sur laquelle s’est elle-même construite la finance libérale. Les présentes inquiétudes  allemandes sur le fonctionnement de TARGET 2 sont là pour en témoigner.

On peut, certes aussi dans le cadre du tout marché, envisager une solidarité provoquée par le redéploiement du fordisme allemand, et ainsi provoquer, à terme, la mise à niveau de la Grèce en termes de productivité. Il y aurait ainsi déplacement de capital, compensant dans la balance des comptes le déséquilibre des échanges commerciaux. Mais une telle hypothèse  est peu réaliste, car le tout marché révèle aussi  que le fordisme allemand a mieux a faire que de s’intéresser à une zone présentant des coûts beaucoup trop élevés, en raison de l’existence de la monnaie unique. Il en est de même pour les entrepreneurs grecs qui ne peuvent investir que dans des activités non soumises à la concurrence étrangère, à peine d’échec assuré. On ne peut, en monnaie unique et sans solidarité, transformer le Péloponnèse en Bade Wurtemberg.  

L’euro suppose ainsi une puissante solidarité que le libre marché ne peut que refuser. Avec ses conséquences en termes de pourrissement de toute l’économie européenne. Le déséquilibre extérieur grec  et son jumeau, c'est-à-dire le déséquilibre public, ne peut être corrigé sans politique restrictive brutale, laquelle à pour contrepartie moins d’exportations allemandes. Il en est bien sûr de même pour l’Espagne, le Portugal, L’Italie, etc.  Cela signifie la fin du très relatif miracle allemand et donc le pourrissement de toute l’économie européenne avec globalement la fin de toute idée de construction de l’avenir : Les investisseurs privés voient les débouchés décliner, et les investisseurs publics, loi d’airain de la monnaie oblige, sont absents depuis très  longtemps.

En signant le 2 Mars dernier le nouveau « Traité sur la stabilité, la coordination, et la gouvernance de l’Union Economique et Monétaire », les chefs d’Etat et de gouvernement rassemblés à Bruxelles ont fait le choix de la finance contre l’Europe. Ils ont aussi oublié les innombrables travaux et rapports  bruxellois qui depuis les années 50 jusqu’aux débuts des années 70 tentaient d’éclairer l’avenir en réfléchissant en profondeur sur l’avenir du continent.  La logique de l’intérêt financier immédiat ne déteste pas de s’arrimer aux croyances populaires, et il est bon pour la finance que  l’Euro soit devenu le « corps vivant de l’Europe » , comme  naguère, l’église pouvait être le corps vivant du Christ.

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19 janvier 2012 4 19 /01 /janvier /2012 15:39

Il n’est pas nécessaire d’être économiste pour prendre clairement conscience que le déséquilibre des finances publiques est probablement apparenté au déséquilibre extérieur, et en particulier à celui correspondant à l’échange des biens et des services. Si les 4 points de PIB du déficit commercial français de 2011 se transformaient en production nationale, il en résulterait davantage de prélèvements sociaux  et fiscaux, et aussi moins de dépenses publiques, orientées vers la gestion du sous emploi et des problèmes qui lui sont attachés. Pour l’année 2011, un équilibre des échanges extérieurs aurait aisément fait entrer la France, sous le seuil réglementaire des 3% de déficit des administrations publiques. Il est donc inutile d’insister sur un fait qui est largement intervenu dans la  récente dégradation de la note de la France.

Par contre, ce qui est moins connu et fort peu évoqué, est le fait que le déficit extérieur nourrit des déséquilibres financiers, qui à l’intérieur de la zone euro deviennent difficilement contrôlables. Jadis, c'est-à-dire avant l’introduction de la monnaie commune, et plus encore avant l’introduction de taux de change flottants,  un déficit commercial non compensé par des mouvements de capitaux, se soldait par une sortie nette de devises, et- à terme - par une possible dévaluation rééquilibrant la balance. La monnaie unique supprime – en théorie- la contrainte extérieure et l’on se trouve dans la question énoncée il y a si longtemps par Jacques Rueff à propos des USA, à savoir la question du « déficit sans pleurs ». D’où le terme pleinement justifié  de grecs disposant d’une « monnaie de réserve à l’américaine ». Eric Dor dans une intéressante étude sur le fonctionnement du dispositif « Target 2 » de l’euro système révèle clairement le problème. 'http://my.ieseg.fr/bienvenue/DownloadDoc.asp?Fich=303790470_2011-ECO-07_Dor.pdf

« Target 2 » fonctionne au niveau européen, comme pouvait le faire, et peut encore le faire, un marché interbancaire. Dans un système monétaire national, l’échange interbancaire se soldait par des excédents et déficits journaliers, que l’on pouvait aussi repérer au niveau des comptes des banques au passif de la banque centrale. Si durablement la banque A voyait sa monnaie fuir vers la banque B, les choses se soldaient momentanément par son endettement auprès de B, le cas échéant avec une aide de la banque centrale. Mais la fuite n’était guère durable, et si A était en permanence victime d’une fuite de monnaie (part de marché trop réduite, qualité de service insuffisante, méfiance, etc.) il en résultait généralement sa disparition, et une plus grande concentration du système bancaire. « Target 2 » reproduit d’une certaine façon ce schéma, mais entre pays différents. De fait, le dispositif technique retenu pour la compensation interbancaire, fait intervenir les banques centrales des pays de la zone. En sorte que désormais,  ce sont les anciennes banques centrales qui se trouvent dans la position de la banque A et de la banque B. En termes concrets, les pays qui connaissent un déficit extérieur, sont des pays dont la monnaie fuit vers les pays excédentaires, ce qui se traduit par un endettement de la banque centrale du pays débiteur, et une position créancière de la banque centrale du pays excédentaire. En termes encore plus concrets, la banque centrale de Grèce, devient de plus en plus débitrice de la banque centrale d’Allemagne. Et le « bank run » qui peut exister en Grèce, peut n’avoir d’autres conséquences que l’accroissement vertigineux d’actifs de la banque centrale d’Allemagne sur la banque centrale de Grèce. Ce fait constitue l’un des aspects les plus magiques de la « drogue euro » : la fuite peut théoriquement devenir infinie, et les grecs peuvent débarquer dans les aéroports des pays excédentaires avec des valises d’euros sans affecter réellement les banques grecques.

L’Europe reproduit ainsi à une échelle plus modeste ce qui se passe à une échelle plus  considérable entre les USA et la Chine. Les USA empruntent à la Chine, ce qui permet de faire fonctionner les usines chinoises. Dans l’euro zone les grecs, mais aussi d’autres pays déficitaires, empruntent à l’Allemagne de quoi faire fonctionner les usines allemandes.

Les dettes publiques « roulent » grâce au fonctionnement des agences et des banques, ces dernières étant elles mêmes incitées par la BCE à se livrer à du « sarko trade ». Ce plus ou moins bon roulement de la dette, en permet un autre plus discret, car seulement lisible dans les comptes des banques centrales : celui d’une accumulation croissante, des moyens de payer les importations en provenance d’Allemagne, pays qui est ainsi amené à financer par le crédit, ses propres exportations. Tout comme la chine, qui paie ses exportations vers les USA en achetant des bons du Trésor américain. Le gonflement du bilan de la banque centrale allemande est une nécessité, et les entrepreneurs politiques allemands n’ont pas les moyens de s’y opposer. Une éventuelle sortie de la zone euro des pays  les plus débiteurs au titre de leurs échanges extérieurs, n’est pas une menace pour la Bundesbank, et encore moins pour l’Etat allemand, qui n’aurait pas nécessairement à recapitaliser - à raison de son poids dans l’euro système , c'est-à-dire 30%- sa banque centrale: Il peut en effet être décidé de monétiser. Par contre,  le vrai danger serait la très vive chute des exportations allemandes.

La dette publique n’est donc que l’apparence d’une autre plus fondamentale, celle engendrée par des déséquilibres extérieurs, les largesses et facilités  de cette dernière  venant nourrir la première plus visible et aussi plus dénoncée. Parce que plus visible, beaucoup d’entrepreneurs politiques évoquent une règle d’or sur les budgets publics. Il serait pourtant plus judicieux d’envisager une telle règle sur les échanges extérieurs. Règle évidemment inacceptable aux yeux des croyants de la mondialisation et des groupes d’intérêts qu’ils représentent.

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11 décembre 2011 7 11 /12 /décembre /2011 14:13

                 

A plusieurs reprises nous nous sommes interrogés sur les risques posés par le possible démantèlement  de la zone euro. Les aspects purement techniques et purement nationaux  sont gérables et font maintenant l’objet d’un large consensus : l’unité de compte nouvelle pour chaque pays correspond à un euro, ce qui ne change pas le système de prix ; surcharge d’un tampon sur chaque billet avant impression de nouveaux billets, comme ce fût le cas dans de nombreuses zones monétaires ; échange rapide des pièces qui ont toujours bénéficié d’une face nationale ; etc.

 

 

Ce qui est moins technique est la décision elle-même, dont la portée internationale est évidemment considérable.

Un principe simple et universel : le respect de tous les contrats

En la matière il s’agit de découvrir un principe simple, aisément communicable, peu sujet à interprétations diverses, et si possible universel, pour ne pas transformer une décision de démantèlement de l’euro-zone en incontrôlable panique. Ce principe doit être une garantie juridique concernant le maintien de la valeur de tous les actifs dans tous les pays concernés, valeur de marché à la date de la prise de décision. Cela peut supposer un arrêt des cotations pendant plusieurs jours.

La garantie publique de maintien de la valeur, suppose au préalable l’existence d’un point fixe, qui ne peut-être que la définition de nouvelles parités, lesquelles deviennent intangibles  pendant le temps de la concrétisation de la garantie, ce qui ne devrait pas excéder quelques jours. Au-delà, après la constatation du respect intégral des contrats,  il faut imaginer un système de flottement concerté faisant l’objet de marges de fluctuations à discuter. Bien évidemment, le champ de la garantie s’étend aux seuls agents résidents détenteurs d’actifs étrangers, et aux seuls agents non résidents détenteurs d’actifs nationaux .

La notion d’actif doit aussi être précisée. Il s’agit :

 -De tous les contrats commerciaux  signés avant la décision de démantèlement et donnant lieu à paiement après sa prise d’effets ;

-De tous les titres financiers : actions, obligations corporate, obligations publiques, produits structurés, etc. Pour  ces titres la garantie repose sur la seule perte mécanique de valeur, calculée sur la base du nouveau taux de change.

Il est bien évident qu’un tel principe est plus douloureux pour les pays qui : procèdent à une dévaluation massive ; connaissent un fort déficit extérieur ; sont lourdement chargés en dette extérieure ; sont le fait d’une dette publique massive et largement internationalisée ; et ne disposent que peu de créances sur l’étranger. Douleur d’autant plus vive si, au-delà, les perspectives de croissance et d’exportations sont limitées. Cette douleur peut être chiffrée. Ainsi la Grèce avec une dette extérieure nette de 115 % de son PIB, devrait pour retrouver une certaine compétitivité, dévaluer de 56,7% selon une estimation publiée dans le Financial Times, ce qui porterait sa dette à 180% de PIB, en principe payable en Euros. Soit la somme astronomique de 410 milliards d’euros. Ainsi le Portugal avec une dette extérieure nette de 88% de son PIB et une dévaluation nécessaire estimée à 42% verrait sa dette passer à 214 milliards d’euros. On pourrait naturellement multiplier les exemples.

Un outil de respect des contrats: le « tiers payeur » extérieur à tous.

Il est clair que pour ces pays,  qui sont déjà la zone la plus fragile du système, la règle de garantie publique est intenable : les moyens des Etats considérés ne sont pas à la hauteur de l’engagement requis. La solution consiste- là aussi sur la base d’un principe universel, donc applicable à tous les pays- à décider que la garantie soit supportée par les banques centrales qui retrouvent les statuts d’avant les années 70. Puisque le démantèlement de l’euro ne peut, par miracle, changer l’existant, à savoir l’insolvabilité absolue de nombre d’Etats, la garantie imaginée, au titre du refus de l’abandon vers la panique la plus radicale, ne peut provenir que d’une extériorité qui surplombe la communauté des Etats : les engagements extérieurs publics ou privés, ne peuvent être assortis d’une clause de respect absolu et universel, que s’il existe un « tiers payeur » qui est la banque centrale. Chaque banque centrale est ainsi, par le biais de chaque Trésor qu’elle alimente, amenée à solder les comptes, c'est-à-dire l’ensemble des engagements et contrats avec son extérieur. Bien annoncée , cette disposition apaise l’inquiétude légitime de l’ensemble des agents européens , mais aussi conforte le possible projet européen. Reconnaissons toutefois, que les croyances collectives et certains groupes d’intérêts qui les renforcent,  ne permettent pas facilement un tel changement qui apparait comme révolution copernicienne.

Resteraient à examiner les modalités de ce qui pourrait aussi être un processus d’extinction des dettes.

Deux solutions peuvent être envisagées dont l’une domine nettement l’autre.

La première consiste à payer en monnaie nationale nouvelle les divers engagements publics et privés. Ainsi, pour les contrats déjà signés, l’exportateur allemand de marchandises vers la Grèce se voit payé par son client dans la monnaie dont il dispose, auquel il faut ajouter le prix de la dévaluation, prix exprimé en drachmes, et au final supporté par le « tiers payeur » qu’est la banque centrale de Grèce. Ainsi la Société Générale voit, à l’actif de son bilan, ses obligations publiques grecques  transformées en drachmes, monnaie dont le montant est augmenté de la valeur de la dévaluation. Ainsi le titulaire d’un produit financier incorporant des sous -jacents grecs verrait son titre converti en drachmes, sur la base de la valeur de marché, calculée à partir du taux de change, et abondé de la dévaluation. On pourrait multiplier les exemples. Bien évidemment s’élève d’immenses balances en drachmes, lesquelles ne font que refléter une réalité que le « bateau des passagers clandestins » cachait si bien. Bien évidemment les détenteurs de ces balances ne sont pas encore satisfaits puisqu’ils deviennent  titulaires d’actifs sans valeurs : les drachmes ne sont pas transformables en marchandises, et l’insolvabilité grecque, est d’abord son immense déficit extérieur, que l’euro avait contribué à puissamment creuser, tout en le rendant invisible. Il faut donc imaginer que les balances en drachmes sont acheminées vers les banques centrales des Etats correspondants, lesquelles sont transformées en nouvelles monnaies nationales. De quoi grossir la taille des bilans, certes, mais qui n’est que la  contrepartie du respect intégral des contrats, le rétablissement de la compétitivité et la naissance d’un nouvel équilibre, indispensable garant  d’un possible avenir européen. La construction européenne ne pouvant continuer à n'être qu'un processus de dislocation devenu extrêmement dangereux avec la monnaie unique.

Une autre solution, de loin préférable, consiste à exiger de l’euro, un immense service avant sa disparition. Il s’agirait, au moment même où est décidé sa fin, de réquisitionner les banques centrales des pays débiteurs aux fins d’abonder le compte de chaque trésor, d’un montant en euros, sensiblement équivalent à la dette extérieure. De quoi obtenir immédiatement une énorme baisse sur le taux de change avant sa disparition, ce qui limitera les dévaluations qui suivront quant à la définition des nouvelles monnaies nationales. Le processus est beaucoup plus simple, et permet d’annuler une grande partie de la dette publique des Etats les plus fragiles. Il est par ailleurs tout aussi rassurant : tous les contrats sont garantis.  

Au final, et quelle que soit la solution retenue, la monnaie émise, que ce soit directement ou indirectement,  se trouve stockée dans les pays qui sont dans une situation favorable : peu ou pas de dévaluation, peu de dette extérieure, dette publique faible et autocentrée. De quoi provoquer une hausse des prix plus rapide que dans les pays ayant massivement monétisé.   Notons aussi que le dispositif retenu   évacue complètement l’idée de défaut, de soutien du système bancaire, etc. Autant de craintes qui disparaissent avec le rétablissement de l’autorité monétaire. Resterait toutefois à faire admettre – mais par quels moyens ?- que le démantèlement ne donne pas lieu au déclenchement cataclysmique de la montagne des CDS. Et de ce point de vue – fait positif- le respect intégral des contrats, est tout sauf un « accident de crédit ».   

Resterait à examiner le mode de décision du démantèlement.

Qui doit déclencher le démantèlement ?

Il est clair que le processus ne peut être législatif tant l’effet de surprise est la condition première de la réussite. Il ne peut non plus être réglementaire tant le dispositif euro se trouve élevé dans la hiérarchie des normes juridiques. De ce point de vue, il n’existe dans la zone, qu’un seul pays suffisamment armé pour prendre une décision rapide : la France. Ce pays dispose en effet d’un dispositif constitutionnel – l’article 16- qui permet à l’exécutif d’agir sans contrainte, avec la vitesse de l’éclair. Le poids du pays dans la zone  - 20 % du PIB total - est tel,  que la seule déclaration portant radiation de la loi du 3 janvier 1973,  entrainera l’effondrement de la valeur externe de l’euro, et l’abandon immédiat de tout projet privé de délocalisation. Les Ordonnances, immédiatement publiées, et exécutoires, rappelant dans leurs attendus, la volonté publique de respect intégral des contrats, rassureront tous les agents. Logiquement, un développement mimétique entrainera des prises de position dans l’ensemble de la zone,  avec ébranlement – exception faite de l’Allemagne qui ne pourra pas admettre le rétablissement de l’autorité étatique sur la banque centrale - d’un processus législatif accéléré. On peut imaginer qu’une négociation préalable ait pu déboucher sur un accord concernant les taux de change.

Le présent texte n’avait pas pour but de proposer un projet détaillé de démantèlement. Il avait simplement comme projet de montrer qu’un tel objectif est possible et surtout raisonnable. Au-delà, il cherchait à contrer toutes les affirmations rapides- dépourvues de toute démonstration sérieuse- que l’on rencontre dans les médias,  et qui annoncent avec force que la disparition de l’euro serait une catastrophe pour l’humanité. Parce que le vrai problème de la zone n’est pas le déficit public,  mais l’effet de déséquilibres extérieurs massifs que l’euro a engendré, il faudra, d’une façon ou d’une autre mettre fin à la présente architecture monétaire. Il n’est donc pas raisonnable de susciter de grandes peurs développées par de prétendus «experts » du sujet.

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28 novembre 2011 1 28 /11 /novembre /2011 13:15

                 

Certains s’étonnent de la résistance de l’euro face aux tempêtes des spreads sur dettes souveraines et à leurs contreparties calamiteuses  dans des  bilans financiers : banques , fonds de pension, etc. Etonnement d’autant plus grand que rien n’est entrepris pour réellement changer les choses malgré l’extrême médiatisation de sommets et d’accords toujours trop tardifs ou toujours inapplicables.

De fait, si le bateau des passagers  clandestins n’a pas encore sombré, c’est en raison de l’acharnement de chacun des passagers à se maintenir à flot au détriment de tous les autres. Au final, il est possible que le résultat corresponde à celui de la logique du dilemme du prisonnier, mais le pire sera retardé jusqu’au bout,  avec un acharnement hors du commun.

Les spreads de taux sont un bon révélateur de la clandestinité des passagers, et sont le signe d’un conflit désormais radical. Jusqu’alors la clandestinité  était quasi coopérative, en ce qu’elle ne débouchait sur aucune externalité négative : L’Allemagne (avec ses acteurs internes)    pouvait fermer les yeux sur une clandestinité  Grecque ( avec ses acteurs internes) correspondant à une garantie de débouchés  pour les marchandises allemandes. En retour, la Grèce pouvait fermer les yeux sur son déséquilibre avec l’Allemagne, qui par le biais de la monnaie unique, lui garantissait haut pouvoir d’achat et taux de l’intérêt faible.

Le simple fonctionnement de la mécanique de la clandestinité, devait aboutir au renversement de la logique des externalités : elles deviennent négatives et sont porteuses de conflits, alors même que l’Euro peut continuer à bien se porter. Ainsi le spread de taux devient pollution pour l’Allemagne, et pas simplement pour ses banques, mais aussi pour sa propre dette publique. Et parce que chaque Etat est indissolublement associé à son système financier, les externalités négatives de chaque clandestin rejaillissent sur tous les autres : le temps du conflit est arrivé chez les porteurs d’un Euro en apparente bonne santé.

Ainsi, chaque clandestin cherche t’il à maintenir son statut en contestant la clandestinité de tous les autres. Ce qui ne va pas sans contradictions. Il est demandé à la Grèce, l’Irlande, Le Portugal, l’Italie, etc. de sortir de la clandestinité, en supprimant leurs déficits publics, lesquels passent  par une dévaluation interne des salaires et des prix. Mais si une telle stratégie est vraisemblablement apaisante sur le prix des Bunds, elle ne l’est guère sur la garantie de débouchés que le partenaire allemand avait acheté en adhérant à l’euro-zone. En sorte qu’il apparait que la déclandestinisation globale s’avère tâche particulièrement difficile.

Aucun acteur - ce que l’on appelait dans un autre texte les « petits un peu ronds » par opposition « aux grands minces » - ne voudra quitter de son plein gré la zone, car chacun espère que des solutions permettant de maintenir la clandestinité seront trouvées.

Tout d’abord celles mettant fin à la clandestinité seront refusées car beaucoup trop coûteuses sur les marchés politiques, et comme nous le disions, le fédéralisme européen ne peut-être un produit politique d’avenir. C’est dire que chaque marché politique interne débouchera par externalisation, et  par imitation, sur la désignation d’un bouc émissaire extérieur, et bouc émissaire  extérieur à tous  : l’indépendance de la BCE. La violence de la crise, se sublimant en processus girardien de désignation d’un coupable. Certes, cette indépendance est  aussi  un produit politique qui se vend bien dans certains pays (marché politique allemand notamment), mais le fait que la déclandestinisation globale s’avère impossible débouchera nécessairement sur la désignation unanime du bouc émissaire. Et d’une certaine façon, l’échec du mini sommet du 24 Novembre dernier révèle déjà cette désignation. Simplement - l’hypothèse du FESF s’éloignant car trop imprégnée de fédéralisme -  il est décidé que ce bouc émissaire, que chacun à en tête, sera caché : « il n’en sera pas parlé, ni positivement, ni négativement » dit-on dans la conférence de presse qui suit le mini sommet. Que le conflit s’aggrave avec l’élargissement des spreads, et le bouc émissaire tant dissimulé sera désigné  en pleine lumière. Il n’y a donc- malgré les commentaires- que peu de doutes sur la suite des événements, la BCE sera très rapidement amenée – par large consensus – à déclarer qu’elle s’apprête à acheter de la dette souveraine sur les marchés secondaire, et ce sur des quantités illimitées. De quoi combattre efficacement l’incendie, sans le réduire… pour très peu de temps encore…

Car la menace d’intervention illimitée sur les marchés secondaires, ne détruit que partiellement les externalités négatives de la clandestinité. Rien ne dit en effet que les marchés primaires sur la dette souveraine seront apaisés par les interventions de la BCE, le risque étant le maintien de spreads en raison de la méfiance vis-à-vis de la BCE en ce qui concerne la durée de son engagement. Et c’est ainsi, que très spontanément, la BCE sera amenée à déclarer son engagement sur une durée illimitée, après celui d’une quantité illimitée. Engagements lourds correspondants de fait au détournement de l’esprit des textes, mais engagements maintenant encore la clandestinité des passagers du bateau euro.

De fait si chacun restera clandestin en ce qu’il pourra encore bénéficier de la drogue euro, la clandestinité globale sera redistribuée.

A l’interne de chaque pays, les « producteurs de l’universel » gagneront tous, excepté ceux de l’Allemagne, qui maintiendra certes sa clandestinité au niveau des échanges extérieurs, mais la perdra au niveau de la valeur de sa monnaie. C’est dire  que seule l’Allemagne pourra retarder la désignation du bouc émissaire, ses « producteurs de l’universel » ne basculant qu’avec le basculement majoritaire des autres acteurs allemands.

Malheureusement le changement de politique de la BCE, si elle permet de maintenir la zone euro, ne permettra pas le règlement de la question fondamentale : comment faire disparaitre ce par quoi tout a commencé, à savoir les déséquilibres externe majeurs que l’euro a introduit. Car la monétisation maintiendra, voire même aggravera ces déséquilibres, qui en retour exigeront davantage de monétisation. L’hypothèse d’un fédéralisme réel, étant exclue par le fonctionnement normal des marchés politiques, d’une part, et la dévaluation interne étant elle-même exclue pour les mêmes raisons d’autre part, il ne reste plus que la dévaluation externe. Et la seule façon de maintenir un peu de clandestinité (un peu de drogue euro) est de rétablir des monnaies internes uniquement convertibles en euros, lesquels restent la monnaie commune. Seule l’introduction de monnaies internes permettra de rétablir l’équilibre intra zone et donc d’en finir avec les insupportables polarisations génératrices d’une dislocation européenne. Et en soustrayant les monnaies internes du grand marché international, donc de la spéculation, les passagers désormais beaucoup moins clandestins, cesseront de se polluer mutuellement.

En la matière, la meilleure façon de cesser le conflit, et d’en finir avec les externalités négatives que chacun produit, est d’imaginer des taux de change autorisant un relatif équilibre extérieur de chaque Etat. Les passagers de l’euro doivent se respecter, et l’apparition d’un déséquilibre significatif  entre deux pays, doit être corrigé par un changement des parités internes : le plus compétitif prenant en charge une réévaluation, et le moins compétitif prenant en charge une dévaluation. Double mouvement entrainant un rééquilibre. Double mouvement également moral : le plus compétitif doit payer le prix des dommages qu’il inflige, et le moins compétitif devant payer le prix de son improductivité.

Dotée d’un  cadre de fonctionnement passant par une double transformation, celle de la BCE qui monétise et celle de l’euro qui devient monnaie commune, la pérennisation de la zone euro est envisageable. Parce que les passagers clandestins veulent le rester le plus longtemps possible, la probabilité de l’avènement d’un tel monde n’est pas négligeable. Le jeu catastrophique rencontré dans l’habituel dilemme du prisonnier n’est peut-être pas celui que l’histoire européenne rencontrera.

 

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5 mai 2011 4 05 /05 /mai /2011 06:20

 

               

Dans « Sortie de l’euro : ordre ou panique » (Les Echos du 27/04/11) nous insistions déjà sur la difficulté de restructurer la zone sans risque élevé de perte de  contrôle du processus. Le présent texte prenant en compte cette donnée, tente d’éclairer un cheminement et ses conséquences sur l’ordre politico/économique qui pourrait advenir. Pour ce faire nous prendrons pour appui la réflexion menée par Jacques Sapir, dans un document de travail intitulé : « s’il faut sortir de la zone euro…. ». Texte de bonne facture, qui explique de façon détaillée, le pourquoi et le comment d’une sortie de la France.

Comment renoncer à une « liberté frappée » si parfaite ?

La question essentielle qui se pose de façon simple est celle  de la désintoxication. Nombreux sont les acteurs pouvant plus ou moins comprendre le pourquoi d’un réarmement monétaire, donc une reconfiguration plus ou moins grande de l’Euro- système, voire sa disparition.  Mais peu sont prêts à accepter l’évaporation partielle ou totale d’une monnaie  qui permet de si bien  fuir la réalité. Car jamais l’expression- souvent donnée à la monnaie- de « liberté frappée » n’a été aussi bien  adaptée. Même le Mark était plus contraignant, pour son porteur exportateur, qui en voyant  son prix monter sans cesse, dégradait parallèlement la compétitivité de ses produits en Europe. Et cette « liberté frappée » est en parfaite congruence avec la liberté de l’individu qui partout en Europe affaisse le citoyen, et développe l’hyper consommateur à la recherche de produits étrangers beaucoup moins coûteux …éventuellement équipés de crédits à la consommation beaucoup moins usuraires.  Mais aussi « liberté frappée » en congruence avec le rentier, qui n’a plus à craindre l’inflation, et renoue presque avec la sécurité de l’étalon-or de ses ancêtres. Mais aussi « liberté frappée » en congruence avec le touriste, qui dispose enfin d’une vrai équivalent général, et voit s’effacer la pesanteur de frontières prédatrices. Et si le salarié industriel dans un des PIGS est souvent perdant, il peut être aidé par les entrepreneurs politiques du lieu, qui voient, avec cette  « liberté frappée » d’un ordre supérieur, leur propre liberté augmenter, parallèlement à la   baisse des taux sur la dette souveraine du même lieu : l’Etat providence  développe sans entraves ses déficits….et ce même avec une banque centrale indépendante.  Les anciennes monnaies, holistiques par essence, bloquaient encore la montée de l’individualisme, au profit du maintien de  l’antique citoyen/salarié. L’euro libère comme le firent naguère les révolutions démocratiques. Il sera donc très difficile de présenter sa disparition comme un progrès, alors même qu’il risque d’apparaitre comme un grand repliement sur les vieilles nations, que depuis 25 ans au moins, l’on voulait quitter. Démonétiser l’euro n’est pas, sans grande gêne, politiquement monétisable. On comprend par conséquent, que c’est à la faveur de la prochaine crise, qu’une difficile et téméraire décision, pourrait être prise. Crise de dette souveraine chez les PIGS, voire même aux USA, avec des effets beaucoup plus redoutables, le point d’ancrage de la finance mondiale se rompant dans ce cas de figure.

Choix d’un nouvel ordre et risques de désordres

Cela étant, comme le rappelle justement Sapir, sortir de l’Euro n’est pas une fin mais un moyen : celui de retrouver des marges de manœuvres, notamment pour assurer la ré- industrialisation, ou maintenir un Etat providence, qui devenu obèse, doit connaitre- en conséquence des crises toujours plus graves de l’euro- une saignée illimitée. Il s’agit donc de limiter au juste nécessaire la volonté d’en finir, et de ce point de vue, la fin de l’indépendance des banques centrales, et le passage de la monnaie unique à la monnaie commune suffisent très largement. Sauf que l’annonce de telles décisions, implique  des réactions chez les partenaires, et simultanément le jugement des marchés.  les entrepreneurs politiques décideurs entrent dans l’inconnu, et font entrer dans l’inconnu tous les agents qui en dépendent. De la même façon que débuter une partie d’échecs, est une aventure où rien n’est écrit  à l’avance, ni la série des prises de position ni le résultat du jeu, décider du juste nécessaire monétaire pour retrouver des marges de manœuvres, c’est embrasser une très vaste aventure.

Et donc, passer éventuellement, de l’ordre à la panique. D’abord dans les bilans bancaires d’au moins l’ensemble de la zone, aussi bien dans les actifs que dans les passifs : vaste redéploiement des actifs souverains au profit des bons du Trésor allemands et effondrement de la valeur des autres actifs souverains, et pas seulement ceux des PIGS ; évaporation mécanique des fonds propres, et panique dans la course à la recapitalisation pour les passifs, avec fortes inégalités de taux, et insolvabilité immédiate pour les établissements les plus en difficulté . Mais panique aussi pour les compagnies d’assurance,  les fonds de pension, les assurances vie, le marché des CDS, avec bien sûr aussi disparition de la liquidité, comme au beau milieu de l’été 2007... Bien évidemment, le blocage des activités de crédit et de financement de l’économie est immédiat. L’effet « ailes de papillon » est bien là, sauf qu’ici, la décision des entrepreneurs politique est davantage qu’un simple battement d’ailes.

Ce nouvel état du monde doit être géré. Issu d’une décision, il développe des comportements imprévus, et largement imprévisibles, qui doivent entrainer de nouvelles décisions, lesquelles sont toujours en retard sur la réalité du monde. L’objectif ultime, étant de bloquer des réactions en chaîne susceptibles d’aboutir à un effondrement généralisé.

 Et parce que l’Euro pouvait être vécu comme une liberté nouvelle, sa négation ne peut que renforcer le mouvement de panique et de crédibilisation de l’ordre politique, la panique elle-même devenant la preuve de son illégitimité. Car ce qui sera lu dans la réalité vécue par les agents est la confirmation que l’Euro était bien la monnaie idéale : dès qu’on y touche, tout bascule.    Il revient alors aux entrepreneurs politiques ayant franchi le Rubicon, de restaurer un ordre qui ne peut plus passer par la quiétude des marchés, et passera par un autoritarisme  en mode croissant. En clair il faut rétablir l’ordre….un ordre qui ne peut plus être celui du marché.

Craindre une possible « route de la servitude »

Cela passe par des changements brutaux. Ainsi, Sapir n’hésite pas à considérer, que la fin de l’indépendance de la Banque centrale- pour bien évidemment passer à la monétisation de la dette- suppose la « réquisition ». La lutte contre la « fuite vers la qualité », supposera le contrôle strict des capitaux aux frontières, avec forte montée en puissance de TRACFIN et sanctions dissuasives. Mais c’est évidement l’ensemble du système financier, qui doit cesser d’alimenter la panique, et doit se mettre au service du nouvel ordre. Ainsi les banques se voient soumises à de nouveaux planchers de bons du Trésor, et puisqu’il faut bien vérifier le respect de la loi, il faut imaginer des changements à la direction des principales institutions, et des prises de contrôle. Avec, potentiellement, une effectivité problématique de ces mêmes prises de contrôle, le nombre et la complexité des opérations menées dans les institutions financières, se trouvant aujourd’hui, à des années lumières de ce qui pouvait exister dans les années 50 ou 60.

Mais il faudra aller plus loin. Puisque la finalité est une ré -industrialisation qui passe aussi par une forte dévaluation- 25% selon l’auteur- il faudra bien imaginer un risque de retour à l’inflation…à combattre avec un contrôle des prix et des salaires, un contrôle des marges dans la Grande distribution…et peut être même une prise de contrôle des centrales d’achats…De quoi développer massivement l’emploi public.

Mais toujours selon l’auteur, la ré- industrialisation passe aussi par des mesures protectionnistes, tandis que la dévaluation, doit donner lieu à des compensations et prélèvements pour les agents non financiers. Ainsi imagine-t-il, des aides pour les entreprises victimes de charges d’emprunts au bénéfice de non- résidents, charges devenues excessives en raison de la dévaluation. De la même façon, serait prévu pour les banques, un solde, certifié par des administrateurs publics, entre accroissements des dettes et des créances résultant de la dévaluation, et solde pouvant devenir aide de l’Etat, sous la forme d’une prise de participation dans le capital….

Tout cela se comprend fort bien, et il faut remercier l’auteur pour cette tentative méticuleuse et honnête d’analyse prospective. Seulement, on peut y voir, pour paraphraser  Hayek, un exemple très angoissant de « route de la servitude ». L’ordre politico/économique que fait émerger la décision d’en finir, avec la chaine continue des crises régressives de la zone euro, est bien celui des « ordres organisés » Hayékiens , avec des agents régis par des commandements et règles finalisées, agents nommés eux-mêmes par des entrepreneurs politiques, qui privilégient dans leur quête de reconduction au pouvoir, davantage l’outil hiérarchie, que l’outil libre négociation, entre les acteurs du jeu social. Et l’on saisit bien la dynamique de « l’ordre organisé » : règles finalisées et contrôles développent des effets secondaires- des comportements d’adaptation- qui vont classiquement dans un  sens inverse, d’où de nouvelles règles et de nouveau contrôles selon un mouvement continuellement ascendant. Avec un système juridique de plus en plus prescriptif réduisant l’éventail des possibles.

Vaincre la panique passe par une gigantesque montée des coûts des comportements qui lui sont associés. Il y a panique pour éviter de grandes pertes. Déjà ce qu’on appelle le classique et paisible « flight to quality » est une stratégie d’évitement moutonnier des coûts…en mode marché. Mais le marché se transforme en panique s’il existe une montée -réelle ou imaginée- très importante des coûts. Il faut donc ériger une montée encore plus vertigineuse des coûts, pour mettre fin à la panique, et rétablir un ordre nouveau, que devront supporter les acteurs paniqués. « L’ordre organisé » Hayékien , en brisant l’autonomie de décision des acteurs, et nombre de leurs droits de propriété, voire de droits plus fondamentaux encore,  est la possible réponse brutale à la fort possible fin de la zone Euro. Peut-on devenir liquidateurs de la zone euro tout en restant protégés de ses débris incandescents ?

Il est  de curieux moments, dans l’histoire des hommes, où il devient impossible de continuer sans de grands changements….lesquels sont perçus comme inacceptables. L’euro- système, devient contre toute attente, une fabuleuse machine régressive hors de contrôle….mais s’en séparer, peut nous diriger vers d’autres formes de régression que beaucoup redoutent. On ne peut plus faire avec l’euro, mais il est difficile de  faire sans lui. Trouvera-t-on l’Hégelienne synthèse ?

 

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27 avril 2011 3 27 /04 /avril /2011 08:41

                                        

Les publications intégrant l’hypothèse d’ une sortie de l’euro s’accumulent. Beaucoup , tel Christian Saint Etienne (« La fin de l’Euro », Bourrin Editeur, mars 2011), redoutent la probable ou l’inéluctable fin du système. D’autres plus nombreux encore, Alain Cotta, Jean Jacques Rosa, Charles Gave, Jacques Sapir…et tant d’autres  souhaitent ouvertement sa disparition, voire tentent d’en éclairer les modalités et procédures de sortie. Et il est vrai qu’il n’est plus possible de parier sérieusement sur le rétablissement des PIGS, voire – selon Lordon-  des « 2 gros cochons » (USA et Grande Bretagne). Les chocs budgétaires pour stopper la croissance de la dette sont devenus -avec le temps et la volonté de maintenir le système tel qu’il est-  irréalistes : plus de 20 points de PIB pour l’Irlande ; plus de 15 pour la Grèce ; plus de 12 pour le Portugal et l’Espagne… mais aussi plus de 7 pour la France. Et même si la purge laissait le malade en vie, il n’aurait plus les forces nécessaires au maintien durable d’un équilibre extérieur, lequel passe par un sursaut de compétitivité …qui ne peut se réaliser sans investissements massifs inenvisageables sans épargne…bien sûr dans le cadre du dogme de non monétisation de la dette…

Pourtant, la zone euro devait idéologiquement créer un ordre humain stable, un ordre de croissance continue avec convergence rapide des économies correspondantes. Certes, la monnaie nouvelle n’était pas une extériorité intimement soudée  au politique comme l’étaient les anciennes monnaies, mais elle était censée jouir du mérite supposé des propriétés du marché économique classique.

Ce dernier point mérite explication.

 Les individus font société et système solidaire  en raison d’objets communs qui font l’universel du groupe. Historiquement, cet objet commun  extérieur à chaque participant,  fût d’abord ensembles de normes, de valeurs, de « règles de  juste conduite » comme dirait Hayek ; puis fût sans doute les systèmes religieux,  lesquels finiront par générer l’Etat et sa puissance comme principe d’universalité : il impose son ordre et tous dépendent de lui. La monnaie appartient pleinement à l’aventure humaine, et fait parti de cet universel : elle est « l’équivalent général » comme dirait Marx et tous les économistes qui n’y ont vu que de l’économicité, là où il y avait surtout du politique. En revanche, les mêmes économistes considèrent que cet universel porteur d’ordre social - l’autre est mon semblable puisqu’il reconnait le même universel- peut correspondre à une autre institution qu’on appelle marché. Montesquieu, Hume, et Steuart, avaient déjà vu que le commerce et l’échange étaient porteurs d’un ordre social jugé harmonieux car paisible. Les individus peuvent paisiblement se rassembler autour de l’économie conçue comme possible universel. Sublimer les passions humaines génératrices de désordres et de violences vers l’intérêt égoïste, était selon Hirschman, le moyen d’aboutir à un ordre humain plus acceptable. Le repliement sur soi et la participation au jeu de l’échange, donc le marché, permet de produire un ordre humain stable où l’extériorité -  l’universel qui contient tous les participants-  devient un système de prix, de prix de marché, lesquels sont autant d’indicateurs de règles  de conduites. Et de justes conduites,  puisque les économistes approfondiront et  expliqueront, les mécanismes de la miraculeuse « main invisible » de Smith.

C’est dans le grand bain idéologique de l’économicité que fût historiquement conçu l’euro. Un système qui devait fonctionner comme un marché. Dans la grande confrontation entre universels européens, les Etats et leurs entrepreneurs politiques vont imaginer une nouvelle main invisible dont l’ancrage sera l’euro. De la même façon que les individus, égoïstes sur le marché, doivent respecter les règles du jeu ( essentiellement droits de propriété et liberté contractuelle) pour construire une totalité mutuellement avantageuse, les Etats égoïstes doivent respecter les règles du jeu de l’euro pour construire une totalité européenne avantageuse pour tous. Et l’ordre qui lui correspond : la quête d’un universel européen qui pourrait à terme devenir un grand Etat… si redouté par Jean Jacques Rosa. L’Euro était bien réellement le bateau des passagers clandestins, comme tout acteur sur les autres marchés est passager clandestin. Dans  ces derniers, les acteurs ne cherchent pas à faire société, et le repliement égoïste, voire narcissique, l’emporte sur la solidarité : les règles de la concurrence et les droits de propriétés toujours menacés sont de fait « protégés »- dans le bon mais aussi dans le mauvais sens du terme- par un grand prédateur au dessus du marché et qui est l’universel au second degré : l’Etat. Tous sont passagers clandestins sur le marché….mais le bateau tient en raison de la présence de l’universel au second degré.

Les choses sont à priori assez semblables pour l’euro. Tous  sont passagers clandestins, et tous mettent en avant un intérêt égoïste qu’il faut évidemment repérer.

D’abord ceux qui allaient devenir les « PIGS » ont avec leurs entrepreneurs politiques tout à gagner dans le jeu de l’euro qui allait s’ouvrir : effondrement des taux de l’intérêt, et passage brutal à la grande consommation gagée sur le crédit, le tout dans un environnement  « monnaie forte », qui allait permettre de « vivre à l’américaine ». De quoi réélire les entrepreneurs politiques du moment, ou d’en choisir de forts semblables, qui eux même peuvent acheter des voix à grands coups de déficits interne et externe devenus miraculeusement indolores.

Mais aussi ceux qui, dans la zone Mark, n’auront plus à en souffrir, puisque les clients devenus prisonniers d’un taux de change fixe, ne pourront plus  procéder à de fort désagréables dévaluations pour les exportateurs de la zone. Mieux, ceux là  pourront siphonner la demandes globale des PIGS , qui en raison d’un euro fort, verront leur faible industrie  se fragiliser davantage.

 L’ordre ainsi crée, par cet universel virtuel qu’est l’euro, est bien un ordre qui satisfait les ambitions égoïstes de chacun des échangistes, mais c’est un ordre qui n’a rien à voir avec le mythe de la main invisible. Et ordre qui se révèlera explosif.

D’abord parce qu’il n’y a pas, surplombant le système, d’universel au second degré « protégeant » les règles du jeu : seuils de déficit et d’endettement  non respectés ; absence de règles d’équilibre de la balance des paiements ; absence de liens imposés entre hausse des salaires et gains de productivité ; absence de pouvoir de surveillance sur le développement du crédit, d’où l’ennuyeux débat d’aujourd’hui sur l’aménagement du « central banking »  ; absence de surveillance et de contrôles statistiques, etc.…et il est vrai que les règles du jeu, notamment celles concernant l’équilibre de la balance des paiements, auraient eu pour effet de très largement tuer les gains à l’échange des partenaires : le bateau euro ne serait plus bateau des passagers clandestins si ces derniers n’obtenaient aucune contrepartie à l’adhésion au système. C’est qu’il faut pouvoir tricher officiellement : pourquoi l’Espagne et ses banques refuseraient ce don du ciel qu’est la baisse du taux de l’intérêt et la fête consumériste qui doit s’en suivre, fête à partager avec ses entrepreneurs politiques ? Pourquoi la France accepterait le système, s’il lui était interdit de profiter de ce qu’elle recherchait en lui, à savoir la pérennisation d’un déficit budgétaire si profitable à l’achat de voix sur les marchés politiques internes ? Pourquoi l’Allemagne si fière de sa monnaie, se verrait interdire le siphonage de la demande globale des partenaires, alors même qu’elle ne voit dans le système qu’une garantie de débouchés externes, prix à payer pour renoncer à sa propre monnaie ?  

Et précisément quand le système est usé, quand les passagers clandestins ont trop absorbé la drogue euro, il  faudra de nouvelles doses.  Les spreads de taux atteignent un niveau insupportable ? Alors il faut les faire disparaitre dans  un ultime maquillage- le FESF- qui sans doute assorti de contraintes, permettra de continuer la fête….surtout si les contraintes- à l’usage - peuvent être levées.

Mais il existe une seconde raison qui rend explosif le simple fonctionnement du système : le passager clandestin, ici l’Etat partenaire, est un acteur infiniment plus complexe que l’individu sur le marché naviguant de façon intéressée dans un système de prix. Il y a entre l’adhérent à la zone euro, et l’individu égoïste à la recherche de gains à l’échange, toute la distance qu’il y a entre un atome simple, et une molécule complexe faite de nombreux atomes. L’atome simple est plus stable que la molécule complexe, qui pour telle ou telle raison ,peut muter et devenir un corps développant de nouvelles propriétés. Clairement, parce que le fonctionnement du système euro modifie à l’intérieur de chaque Etat, les rapports entre agents- par exemple appauvrissement de certains, et enrichissement d’autres acteurs- le contrôle des marchés politiques peut s’en trouver bouleversé. Parce que le simple fonctionnement du système euro, redéfinit les places de chacun à l’intérieur des Etats, les marchés politiques qui l’ont fait naître, peuvent s’orienter vers sa redéfinition voire sa disparition. Le système dont on disait qu’il allait permettre une accélération de la croissance commune, et une homogénéisation des espaces – le thème devenu comique de la convergence-  n’a pas tenu ses promesses, et les entrepreneurs politiques au pouvoir, sont largement contestés et risquent d’être remplacés par d’autres, taxés de populistes, et faisant de la disparition du système le carburant de la conquête du pouvoir.

Parce que l’ordre engendré par l’euro n’est que fuite en avant, il est d’essence instable et le futur probable, ce qu’on appelle «  stratégie de sortie », risque de devenir le passage de l’ordre, en tant qu’ordre social stable,  à la panique, en tant que foule désorientée et désorganisée (René Girard, Jean -Pierre Dupuy, etc.).

Alors que l’échec sur le marché, peut renforcer l’autodiscipline et la confirmation de l’ordre social qui lui correspond : effort, épargne, investissement, performance, etc. l’échec sur l’euro, signifierait la mise en avant de toute sa négativité, si bien cachée dans la clandestinité des passagers du dispositif. L’attachement des Etats au dispositif reposait sur un égoïsme rentabilisé et arbitré  par les entrepreneurs politiques. Sa chute de rentabilité mesurée et redoutée par ces mêmes entrepreneurs politiques, crée nécessairement de la désagrégation. L’attachement collectif des Etats à l’universel virtuel laisse la place à l’abandon et au désordre. Le nouvel égoïsme n’est plus un repliement aux apparences de solidarité : il devient un repliement laissant la place à la violence mimétique, ce qui est le propre de la panique. L’égoïsme orientait les Etats vers une solidarité de façade appelée construction européenne. La même force les orientera dans le mimétisme de la destruction collective des outils préalablement et laborieusement construits. Qu’un seul s’oppose – selon la formule de Christian Saint Etienne-  à la « stratégie du sparadrap » ,  par exemple les nouveaux entrepreneurs politiques finlandais qui ne veulent pas entendre parler « d’euros obligations », et c’est par mimétisme que l’on risque d’assister à l’auto destruction du dispositif.

Conçu pour fabriquer de la convergence et un ordre stable, le dispositif n’a cessé de fabriquer une divergence explosive et divergence accélérée par la crise plus générale qui parcourt le monde. Il faudra une bonne connaissance des phénomènes humains pour envisager le plus correctement possible la photographie de l’Europe après l’euro… et prendre de bonnes décisions.

 

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12 mai 2010 3 12 /05 /mai /2010 12:31

                                 

Note au lecteur : La bonne compréhension de ce texte suppose la lecture des articles du 28/01/2010 (L’euro : implosion ou sursaut ?) et du 16/02/2010 ( pour comprendre la crise : déchiffrer l’essence de l’Etat)

La crise grecque et ses prolongements confirment que ce prêt à porter qu’est la monnaie unique est porteur de méfiance chez les passagers clandestins du bateau euro. Tous veulent  conserver les avantages qu’ils se sont progressivement créés dans le bateau: faibles taux d’intérêt , «  monnaie de réserve à l’américaine », terrain de jeu plus vaste au profit  des entrepreneurs politiques  pour certains, exportations « à la chinoise » pour d’autres . Aucun ne voulant en payer le prix,  c'est-à-dire  le coût de l’entretien du  bateau pour le maintenir à flots : création d’une zone monétaire optimale par vaste édification d’un Etat européen à l’instar de l’Etat fédéral américain, politique de change, contrôle de la banque centrale, etc.

La grande crise des années 2010 devant inéluctablement connaître des développements monétaires, il était logique qu’elle développe d’abord une métastase dans le bateau  le plus sensible : l’euro zone.

La solution toute temporaire à la crise grecque et à ses prolongements immédiats confirme le refus de payer le prix d’une bonne maintenance du bateau. Avec le temps il se confirmera que les entrepreneurs politiques français ont préféré une nouvelle fuite en avant plutôt que d’affronter  leurs collègues allemands et exiger des solutions plus radicales : quel entrepreneur politique français au pouvoir pourrait aujourd’hui ,sans risque, oser vendre sur le marché des idées, outre  « le quantitative easing » semble t’il acquis de haute lutte,  la fin de l’indépendance de la BCE, ou la fin de la libre circulation des capitaux ? De  telles  propositions développeraient –encore aujourd’hui-  un double risque électoral et financier, double risque fonctionnant en boucle. Produits politiques trop innovants aujourd’hui,  il faudra pourtant bien les mettre en place pour éviter un  demain encore plus ruineux.

Une caisse à outils pour deux crises.

Il y a pourtant un progrès  significatif entre la solution imaginée pour la Grèce et la solution acquise dans la nuit du 9 au 10 mai. Dans le premier cas, le dispositif est intergouvernemental et surtout à un coup. C’est dire qu’il faut revoir toute la procédure en cas de besoins nouveaux. Dans le second il est possible de passer à la mitrailleuse : constitué essentiellement d’un « Special Purpose Vehicle » de droit privé luxembourgeois, il vient en appui dans un nombre de cas non défini à priori. Il s’agira toujours de prêts conditionnels à partir d’une matière première qui ne sera plus de la dette des autres Etats prêteurs. Simplement ces derniers garantissent l’activité du SPV. Si les modalités de fonctionnement ne sont pas encore connues , il faut néanmoins noter que le nouveau dispositif n’est pas encore celui d’une mutualisation de la dette qui ferait disparaître les dettes souveraines et donc les Spreads.

Mais surtout un progrès sensible figure sous la forme  d’une intervention beaucoup plus active de la BCE sur le marché secondaire de la dette, ce que Jean Quatremer  appelle une « nuit du 4 août » .

Le nouveau dispositif n’est pas une simple arme de dissuasion : il devra servir sur les futurs champs de bataille annoncés, dés que les taux sur dettes nationales deviendront supérieurs au taux proposé par le SPV. Les besoins futurs pour les PIGS étant très importants, on peut penser que le taux de financement du SPV sera très vite celui qui sera payé par ces derniers. En théorie chaque fois qu’une agence nationale de la dette viendra buter sur un taux supérieur à celui qui  approvisionne le SPV, l’Etat correspondant changera de fournisseur de liquidités, les classiques Spécialistes en Valeurs du Trésor (SVT) se retournant vers le SPV. Sauf à considérer que ce dernier fonctionne avec une marge bénéficiaire ( comme c’est le cas dans le dispositif grec) il deviendrait très vite un acteur essentiel avec une spéculation qui pourrait rapidement  se déplacer sur lui. Avec le risque de passer de la fragilité en détail à la fragilité en gros …c’est la raison pour laquelle de nombreux freins seront sans doute envisagés pour éviter un usage trop aisé du dispositif.

Mais  le nouveau dispositif ne règle en rien la maintenance du bateau, les trous confectionnés par les passagers clandestins (déficits budgétaires) étant rebouchés avec la matière dégagée par de nouveaux trous. La fuite en avant continue par conséquent, fuite concernant désormais dans un même mouvement  le sauvetage des Etats et celui  du système financier beaucoup plus lourdement chargé en dettes publiques qu’en 2008. Le naufrage de l’un signifiant désormais le naufrage de l’autre.

Le dispositif SPV est toutefois  lui-même complété par l’intervention de la BCE sur les marchés secondaires des dettes souveraines, ce que certains commentateurs  appellent l’arme nucléaire.

Cette nouvelle fuite en avant a été politiquement préférée à une sortie de la zone de  ceux des passagers clandestins les plus touchés par la spéculation. Il est vrai qu’un raisonnement fort simple nous permet de comprendre qu’un passager clandestin quelconque, par exemple la Grèce, ne peut quitter le navire sans faire chavirer l’ensemble.

Un passager clandestin prisonnier.

Une sortie précautionneuse de la Zone voudrait que dans une nuit de week-end, un décret annonce le retour de la Drachme, en stipulant que toutes les créances libellées en euros sont converties en Drachmes sur la base d’un taux de 1/1. Cela concernerait tous les éléments de la masse monétaire et le taux de conversion choisi permettrait de ne pas altérer l’expression monétaire des prix internes, tout au moins dans le très court terme. Par contre dans le cadre des opérations avec l’étranger il y a une dévaluation à prévoir, par exemple de moitié. Les titulaires étrangers de dette grecque, comme les nationaux  sont à échéance remboursés en Dracmes. Les bilans privés locaux ne connaissent guère de changement, sauf quand ils sont l’image d’activités faisant intervenir des actifs et passifs en devises étrangères. Selon les cas, actif ou passif, il y a réévaluation ou dévaluation , et donc modification de la structure des patrimoines . La partie de la masse monétaire figurant sous la forme fiduciaire ne constitue qu’un problème fort marginal , et on comprend fort bien que les agents ne se rendront pas à la banque pour convertir leurs derniers euros et chercheront à bénéficier du nouveau taux de change.

La dévaluation, dans un pays très largement déficitaire constitue une forte baisse du pouvoir d’achat sur les marchandises importées. En retour la Grèce devient théoriquement plus compétitive sur ses activités traditionnelles . Les mouvements de capitaux sont en théorie favorables, la fuite étant pénalisante et les rapatriements avantageux. Le mouvement des taux est lui soumis à probable et significative évolution inverse.

On peut débattre à l’infini de la solution retenue sur le paiement de la dette détenue par des étrangers (80% de la dette grecque est aujourd’hui détenue par des non résidents). Le remboursement en Dracmes  ne correspondant pas à une répudiation si le nouveau taux de change est adopté. Il s’agirait d’ailleurs d’une  solution optimale puisque formellement il n’y aurait pas, d’une part , restructuration et renégociation de la dette, et d’autre part maintien insupportable de son poids grâce à  sa monétisation. On peut en effet penser que la sortie de la zone est assortie d’une renationalisation de la Banque centrale, laquelle monétise en fonction de critères politiquement déterminés. Et le critère numéro 1 est évidemment de sortir de l’étau monétaire, donc  l’abandon de la rente financière sur la dette. On peut même penser,  que dans un souci de respect des contrats et engagements, tout serait entrepris pour amortir le choc de la sortie sur la dette dont la maturité n’est pas immédiate. Certes une pression inflationniste s’enclenche en liaison avec une baisse des cours de la dette souveraine, mais il n’est pas interdit de penser que le Trésor rachète lui-même , progressivement, les titres en voie de dépréciation. A terme la dette publique, et la rente correspondante,  disparait et peut ne pas se reconstituer comme le révèle l’expérience de la France d’avant la loi du 3 janvier 1973 laquelle viendra  interdire à son Etat tout accès aux crédits de la banque centrale…. d’où l’émergence de la problématique de la dette.

Ainsi brièvement exposé , on peut penser que, bien menée , une  sortie de la zone, d’un pays étranglé par la dette publique,  est économiquement et politiquement jouable. Et si d’aventure la compétition entre acheteurs de voix , sur  les marchés politiques locaux, devait déboucher sur un retour des déficits, l’inflation et la dépréciation externe viendraient bloquer tout retour de la rente. Au-delà de la redistribution imposée par les entreprises  gagnantes sur le marché politique, chacun est davantage rétribué en fonction de sa productivité, et moins en fonction de son positionnement dans l’accès à une rente en voie de disparition.

Le raisonnement  ci-dessus exposé, est pourtant très probablement erroné en raison des risques de contagion qu,i dans un premier temps, ferait chuter l’euro, puis affaisserait les cours des dettes souveraines de fragilité comparable, puis mettrait en péril la solvabilité des banques, et par contagion au marché inter  bancaire mondial, développerait une nouvelle crise systémique … cette fois sans le secours d’Etats en défauts. Il est d’ailleurs probable que la sortie de la zone se produirait en utilisant un taux de change non plus par rapport à l’euro duquel le divorce est envisagé, mais par rapport au dollar. Ce qui assurerait la rapide disparition de l’euro lui-même. Une sortie individuelle n’est donc guère envisageable. Dans ce bateau des passagers clandestins si  la solidarité est inexistante, il faut néanmoins tout entreprendre pour éviter la ruine collective. Et donc la voie de la sortie n’est pas celle qui sera retenue sur les marchés politiques qui se doivent de découvrir un très complexe compromis assurant la reconduction au pouvoir du plus grand nombre.

C’est dire que les passagers clandestins sont tenus de rester dans un bateau qui prenant l’eau  continueront dans un mouvement ascendant , à boucher des trous en en créant de nouveaux toujours plus vastes . Besogne d’autant plus épuisante qu’il faut d’un même geste maintenir à flot le bateau voisin : celui du système financier dont le destin est a priori indissolublement lié à celui des Etats.

Des marchés politiques en quête d’innovations de produits.

Il est évidemment difficile de décrire les prochaines étapes de la fuite en avant,  et comme le dirait Hegel : « nul ne peut sauter par-dessus son temps » .

Pour autant, l’une d’entre elles  vient immédiatement à l’esprit : il s’agit de la mutualisation de la dette. Le dispositif construit dans la nuit du 10 mai en constitue les prémisses puisqu’il n’est pas intergouvernemental et se trouve issu de la commission. Il n’est toutefois pas organe de mutualisation faisant disparaitre la notion même de dette souveraine. L’étape suivante sera donc la création d’un outil de la dette pour l’ensemble de la zone. Sera ainsi créee une « Agence Zone Euro » sur le modèle de l’Agence France Trésor, laquelle sera chargée de la vente de dette pour l’ensemble de la zone. Si le spread disparait, on peut aussi penser que les taux qui s’y fixeront pour les différentes maturités seront dans un premier temps plus accessibles aux Etats les plus fragiles. Le problème restera toutefois celui de la clé de répartition et des droits de tirage des divers Etats. Nombreux sont les « think tanks » ( Montaigne ; Bruegel ; etc.) qui d’ores et déjà proposent aux entrepreneurs politiques de miraculeuses solutions. Avec néanmoins de gros débats sur les marchés politiques , moins entre entreprises politiques de chaque Etat,  qu’au niveau international.

Solution d’étape qui ne résout en aucune façon la crise générale de la dette et laisse entier le heurt de plus en plus frontal entre une rente croissante et  des Etats providence qui constituent- pour partie et pour partie seulement- la rente des plus humbles et des accidentés de la crise . Le périmètre des PIB étant devenu inélastique, la rente qui se goinfre de la dette devra rogner les avantages sociaux obtenus sur les marchés politiques . Et cette inélasticité est a priori davantage le danger des « petits un peu ronds » de la zone. C’est que la rigueur des plans d’ajustement dans un contexte de crise mondiale ne laissera que fort peu de chance à une augmentation de la demande globale comme ce fût le cas dans les années 90 pour des pays comme le Canada ou la Suède. Ainsi la Grèce qui au nom de l’ajustement, pour ne prendre qu’un exemple,  connaissant  une hausse des prix interne impulsée par une  hausse de TVA (4 points), verra -en raison de l’élasticité/revenu et  prix de la demande- une diminution de la consommation globale. Et diminution aggravée par une élasticité croisée non négligeable de la demande souterraine….ce qui signifiera dans quelques mois une aggravation de sa situation. Donc une augmentation de la part de la rente dans le revenu global. Comme quoi les entrepreneurs  politiques restent dans la fuite en avant.

La solution de la mutualisation de la dette nous  fait donc passer de la fragilité en détails à la fragilité en gros. Avec toutefois cette formidable soupape de sécurité qu’est l’évolution du comportement de la BCE, laquelle aura pour effet , en cas de réussite, de maintenir la zone, tout en contenant sans doute partiellement les effets destructeurs de la rente. De quoi prolonger la fuite en avant…

Réussite effectivement  temporaire, car le remboursement de la dette étant devenu largement impossible le bilan de la BCE deviendra très lourd d’où de nouvelles inquiétudes  sur les marchés.

Mais surtout , puisque la lutte contre l’inflation est abandonnée au profit de l’achat massif de titres publics d’abords nationaux puis ensuite européens – des « Eurobonds »- le différentiel d’inflation  ne pourra qu’augmenter et élargir le fossé entre pays de la zone.

Et possiblement  une entreprise politique française gagnante

A terme des entrepreneurs politiques innovants devront prendre le risque de propositions radicales et reconnaitre l’impossibilité au moins temporaire de poursuivre une  aventure si mal engagée. La cartellisation sur l’euro des entreprises politiques jusqu’ici constatée tant au niveau national qu’au niveau de la zone devra inéluctablement disparaitre. Les entreprises politiques françaises se sont historiquement cartellisées les premières pour faire naître l’euro et en tirer beaucoup d’avantages en termes d’offre pléthorique de produits politiques : l’euro minimisait le coût du déficit qui lui-même pouvait multiplier les produits contre des voix à effet de se maintenir au pouvoir ou de conquérir le pouvoir. L’euro n’étant plus capable de minimiser le coût de la dette, le gonflement de la rente vient vider les rayons de la boutique de l’Etat- providence…. et donc ruiner la machine à capter des voix. Le prix à payer est lourd : en termes   de fréquentation des marchés politiques   ( taux d’abstention) et en termes de parts de marché ( pollution des petits partis) . Les vrais bénéficiaires de la dette ne sont plus des titulaires d’avantages sociaux à crédit,  mais des rentiers majoritairement non résidents . le nombre des bénéficiaires de l’Etat providence étant plus important ,  le pacte sur l’euro, devenu intenable, sera rompu, et l’entreprise politique française qui aura le courage d’offrir ce nouveau produit aura beaucoup de chances d’emporter la mise.            

Et effectivement, en raison d’une histoire de l’euro  qui est spécifiquement française, la probabilité de voir ce produit offert par une entreprise française  est grande. Ce qui ne veut pas dire qu’il est une promenade de santé puisqu’il passe par un conflit avec la quasi-totalité des entreprises politiques allemandes ( démocratie chrétienne, sociale démocratie, verts, libéraux démocrates) et qu’il suppose de grandes capacités de communication vis-à-vis des marché. Mais en cas de réussite cette entreprise s’inscrira dans l’histoire.  La suite du scénario est plus simple et se trouve déjà dans les pistes de réflexion de nombreux think tanks, universités, voire ministères…. Il s’agit généralement de séparer les « grands minces » des « petits un peu ronds » et de retrouver une certaine homogénéité monétaire.   Concrètement on trouverait un euromark avec l’Allemagne, la Hollande et l’Autriche, et un eurofranc  avec la France et nombre de pays de l’Europe du sud. Un taux de change revisitable permettrait à chacun des deux groupes de forger une politique économique adaptée, avec  en particulier la disparition relative d’une rente devenue, en raison du mode de fonctionnement des marchés politiques, économiquement et socialement intolérable.

Un tel scénario signifierait de grands bouleversements dans les méthodes de construction ou reconstruction de la maison Europe, dans un contexte qui restera  celui de la grande crise des années 2010, mais dont la gestion pourra s’inspirer d’une innovation de produit politique majeure .

 

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25 février 2010 4 25 /02 /février /2010 09:47

L’économiste en chef du FMI, Olivier Blanchard,  propose de sanctionner les  « petits un peu ronds » , encombrants passagers clandestins du navire Euro. Puisqu’il est impossible de les amincir par des progrès rapides de productivité, leur permettant tout à la fois de rétablir l’équilibre extérieur, le plein emploi et l’équilibre des comptes publics, il faut en monnaie unique, passer par une dévaluation interne.

Le schéma proposé est ambitieux. Puisque la monnaie unique interdit toute manipulation de la valeur externe de la monnaie, il est urgent  de procéder à une révolution des prix internes. Concrètement il s’agit d’une déflation imposée et généralisée des prix, et si possible déflation coordonnée pour assurer l’homothétie du recul. Plus concrètement encore il est proposé une baisse générale, par exemple de 30%, de tous les prix,  salaires, loyers, transferts sociaux, retraites,  etc.

Il s’agirait bien d’une dévaluation puisqu’il y aurait diminution du pouvoir d’achat international des résidents, en particulier celui les salariés. En même temps, la capacité exportatrice augmenterait en raison de la baisse du niveau général des coûts et des  prix. Et, en principe, l’évolution positive du solde commercial serait porteuse d’un ré enclenchement dynamique de la demande globale, et donc porteuse d’emplois nouveaux. Jacques Delpla voit dans cette proposition, un keynésianisme d’un genre sans doute nouveau, marqué par le double sceau de l’acceptabilité politique (hypothèse d’homothétie dans la déflation et donc d’équité) et de l’efficience économique ( ajustement plus rapide que les politiques traditionnelles de rigueur).

Remarquant toutefois que le poids relatif du stock de dettes serait accru dans les mêmes proportions, il propose à enveloppe constante des budgets bruxellois, un redéploiement  des fonds structurels et de la  politique agricole commune vers les « petits un peu ronds » soumis à la dévaluation interne . On peut imaginer que les dettes privées pourraient également bénéficier de ce redéploiement.

Un tel projet laisse place à de lourdes interrogations.

Tout d’abord il semble bien qu’il s’agit d’une déflation organisée. Cela signifie le rétablissement d’un contrôle des prix avec toutes les difficultés correspondantes. D’abord la mise en place d’une bureaucratie nouvelle chargée du contrôle et de la gestion des litiges. Mais aussi d’inextricables difficultés d’application : dans quelle mesure les prix des marchandises, dont le contenu en input importations  est infiniment variable, doivent ils baisser au même rythme que les marchandises locales ? Faut-il établir des barèmes en fonction du contenu importations de marchandises pourtant produites localement ? Plus encore, faut-il prévoir une diminution des prix des crédits nouveaux, ce qui suppose le contrôle des banques et donc du taux de l’intérêt ? La baisse des salaires pourra t-elle être uniforme ? Et surtout peut-on sérieusement imposer une telle baisse, sans voire apparaitre de gigantesques comportements opportunistes, comme dans le cas des heures supplémentaires à la française dans le cadre de la loi « TEPA » ? La liste des questions n’est évidement pas exhaustive, et seule la mise en pratique peut faire apparaitre l’étendue des problèmes, notamment l’étendue imprévisible d’externalités elles mêmes imprévisibles. Levitt et Dubner (cf « Superfreakonomics ») et plus généralement les bons connaisseurs de la micro économie savent à quel point toute intervention développe des conséquences pour le moins inattendues.

Mais au-delà, une question fondamentale se doit d’être évoquée. Si tous les prix diminuent ,  il est logique que la valeur du stock d’actifs financiers soit rognée dans le mêmes proportions. Pourquoi  jacques Delpla semble soucieux de ne pas déflater  la dette existante, et en contre partie  mobiliser à ce titre les fonds européens devenant indisponibles par ailleurs ? Le coût d’opportunité d’un tel choix a-t-il fait l’objet d’évaluation ?  Pourquoi faut-il ainsi « sacraliser » la dette existante ? Et la réponse consistant à dire qu’une bonne partie de la dette est détenue par des non résidents est insuffisante car l’autre partie est détenue par des résidents  qui eux – mais pour quelle raison ?- ne seraient pas soumis à la même déflation. Pourquoi faudrait-il ainsi créer 2 catégories de résidents, les titulaires de la rente s’opposant à tous les autres ?

Mieux, attendu que durant la période de déflation autoritaire, il faudrait continuer à assurer la gestion de la dette publique avec les moyens habituels des agences des Trésors, lesquels passent toujours par des adjudications, faut-il penser que les dites adjudications seraient « déflatées » comme les autres prix ? En clair les agences pourraient-elles imposer le prix de la dette souveraine nouvelle en imposant un taux ? Dans quel Traité de Sciences Economiques à t-on pu lire qu’un acteur de marché -fusse t-il en situation de monopole- pouvait simultanément fixer, et les quantités, et les prix ?

Les dérapages des économistes qui –très imprudemment -se déclarent  libéraux sont saisissants : au nom de l’ajustement et donc du marché, certains sont prêts à restaurer un ordre, à tout le moins autoritaire, porteur de bien des déconvenues.  Comme quoi il est difficile de sacraliser l’ordre spontané de Hayek en édifiant un ordre organisé. Comme quoi il est difficile de conserver le cercle si on le transforme en carré.

Mais s’agit-il par la voie de l’autorité, de protéger des marchés libres, ou plutôt de protéger les ardeurs prédatrices de la rente ?

Car enfin, il est une façon plus simple pour  sortir de l’étau les « petits un peu ronds », et ce peut-être sans même renoncer à la monnaie unique : rétablir une  souveraineté monétaire dont ce blog se fait l’ardent défenseur.

La rencontre européenne des marchés politiques nationaux a débouché sur le drame de la dénationalisation monétaire dans les années 80 et 90. Bien des mises en gardes furent étouffées dans le climat idéologique de ces  années , climat porteur de sacralisation. Et la Raison – comme toujours  et partout- s’est effacée devant le nouvel objet sacré . C’est que rien ne peut être entrepris contre le sacré. La violence de ce que certains commencent à appeler – à très juste titre - la « grande crise » met à nu – peut-être plus rapidement que prévu- les incohérences des choix nationaux et européens qui furent promulgués. Et les adeptes de la dénationalisation monétaire sont aujourd’hui terrorisés par l’énormité des conséquences résultants des décisions des années 90. Face à l’énormité des coûts associés au démantèlement de la zone euro ces mêmes adeptes poursuivent leur fuite en avant en imaginant des dévaluations internes abracadabrantesques. Et bien évidemment, les entreprises politiques sont encore bien plus démunies devant l’épaisseur du brouillard.

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23 février 2010 2 23 /02 /février /2010 20:38
L'institut Montaigne vient de publier sous la signature de Frédéric Bonnevay un document s'intitulant :"Pour un Eurobond: une stratégie coordonnée pour sortir de la crise".  Reprenant sous forme beaucoup plus académique notre histoire des passagers clandestins à bord du navire Euro, les "grands minces devenant" les pays exportateurs et "les petits un peu ronds" les pays importateurs, Frédéric Bonnevay met l'accent sur la dangereuse divergence des politiques économiques allemande et française.

L'objectif d'une refondation ou plus simplement d'une meilleure intégration s'inscrit sous le seul registre de l'efficience évaluée au travers de  2 objectifs:
- maintenir un coût faible de l'endettement souverain

- diminuer l'aléa moral

L'idée générale consiste à mettre en place une agence d'abord Franco-Allemande chargée de commercialiser une dette binationale libellée en "Eurobonds". Les agences nationales chargées des émissions "d' OAT" et de "Bunds" restant temporairement en activité.
il s'agirait de l'ébauche d'un couplage budgétaire avec investissements communs et support de la charge de dette correspondante par des impôts perçus par l'agence. Concrètement des recette fiscales domestiques relativement homogénéisées - par exemple une partie de l'IS domestique préalablement harmonisé du point de vue taux- serait redistribuée à l'agence chargée de la vente des "Eurobonds", agence pouvant ainsi rémunérer le capital acquis.
Les investissements communs aux deux pays: infrastructures, recherche, haute technologie etc. seraient évidemment décidés dans le cadre d'une structure politique à construire et financées avec la dette binationale ainsi créée.

l'étude n'évoque qu'assez peu la gestion budgétaire de ce qui reste sous la souveraineté de chaque Etat. Elle insiste toutefois sur le fait que progressivement les budgets nationaux concerneraient de moins en moins l'investissement public laissé de plus en plus soit aux collectivités locales soit à la structure supranationale. La cohabitation entre "OAT", "Bunds" et "Eurobonds" cesserait progressivement avec la remise à niveau des comptes publics nationaux. L'idée étant qu'à terme, il y aurait disparition des dettes souveraines.
A terme, d'autres pays seraient incités à rejoindre la nouvelle structure en raison de la garantie d'un coût bas de l'endettement. Les mécanismes de Maastricht et du pacte de stabilité seraient abandonnés au profit d'autres mécanismes branchés sur la nouvelle structure et ce afin d'éviter les comportements de passagers clandestins.
Au fond il s'agit de profiter de la crise de l'eurozone pour aller plus loin vers l'intégration et la construction de ce qu'on appellait déjà avec Jean Jacques Rosa "un grand Etat européen".
l'idée est au fond assez classique, et souffre de son économicisme étroit.
Tout d'abord rien n'est dit sur le nondit européen: la monnaie d'abord dénationalisée puis déliée de tout contrôle supra national avec le traité de Lisbonne restera ce qu'elle est : un objet contrôlé par une oligarchie qui n'a même pas de titre de propriété à présenter pour justifier son existence. Si l'objectif est de maintenir un coût bas de l'endettement, il serait préférable de se débarrasser de ces intermédiaires inutiles: les "Spécialistes en Valeurs du Trésor" (SVT). ET de se ravitailler directement auprès d'une banque centrale, redevenue obéissante envers ses propriétaires. les entrepreneurs politiques notamment français savent  légiférer sur la Grande Distribution en reprochant à cette dernière ses captations de valeur ajoutée (cf la loi dite "LME"). On peur imaginer qu'ils sont tout aussi capables de repérer les aberrations du circuit de la dette publique.

En second lieu les conditions d'une émergence de l'entité intergouvernementale chargée des nouvelles règles budgétaires ne sont pas abordées, parce qu'à priori en dehors du champ de la stricte économicité.Il s'agit là pourtant, des vrais difficultés de la naissance d'un embryon d'Etat européen.
En raison du fait  qu'il n'existe pas de "Demos" européen, on voit mal l'émergence d'un parti européen, donc d'un groupe d'entrepreneurs politiques "vendeurs" de  "l'idéologie de l'intérêt général" qui au delà de son inexistence réelle aurait aussi beaucoup de mal à vivre simplement sur un plan symbolique et culturel. Quand il y a un "Demos" il existe nécéssairement un univers symbolique et culturel construit par une histoire concrète. Et ce sont ces univers qui deviendont en Etat de Droit les matières premières de l'intérêt général vendu par les entreprises politiques.l'idée de nation fût ainsi  très longtemps un excellent produit.

Dans l'espace supra national, point de "demos" et point de matière première pouvant devenir cet objet simplement idéologique qu'est l'intérêt général. Et donc point d'entreprise politique.
Ce fait massif est en outre renforcé, par une crise développant semble t-il, des forces éminemment centripètes: le repli sur soi.
Pour les citoyens ordinaires aux prises avec la crise, les entrepreneurs politiques nationaux sont massivement délégitimés, mais doivent rester en place, pour tenter, dans la tourmente, de conserver l'essentiel, en particulier l'Etat providence...qui bien évidemment est national. il n'existe donc ni demande ni offre idéologique nouvelle, d'où la relative cartellisation des entreprises politiques nationales. l'idéologie d'un intérêt général au dessus des Etats est encore plus difficile à accoucher en temps de crise

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