Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
27 juin 2012 3 27 /06 /juin /2012 08:48

La maladie des banques européennes se lit dans des indices peu contestables. Ainsi leur valeur boursière, en ce début d’été, ne représente que moins de 50% de leurs actifs nets. Vu leur poids dans l’économie- un bilan représentant selon les pays entre 3 et 6 PIB- la puissance dévastatrice de leur défaut serait gigantesque et ne mettrait pas à l’abri les autres banques du monde… même si très souvent elles peuvent apparaitre en meilleurs santé.

Nous voudrions montrer dans le présent papier que tous les remèdes présentement envisagés : séparation des activités et fin de la banque universelle, fin des régulations nationales au profit d’un régulateur européen, union bancaire, recapitalisation, normes de Bâle 3, etc., ne s’attaquent qu’aux effets sans jamais évoquer les causes, à savoir les déséquilibres extérieurs. A cet égard il faut souligner l’excellent travail mené par Olivier Berruyer sur son blog (La-crise.fr).

La mondialisation, et la zone euro en est un modèle en miniature, a fait que les questions d’équilibre des échanges extérieurs ont été reléguées au second plan. Il est du reste intéressant de noter que les critères de Maastricht s’intéressaient seulement aux budgets publics pour lesquels un équilibre était recherché et laissaient de côté la question des balances externes. Or, si la mondialisation, ou à petite échelle la zone euro, fait apparaitre des déséquilibres extérieurs lourds et durables, les conséquences sur le système bancaire seront considérables. De fait un déséquilibre durable entre pays peut  entrainer une rupture du marché interbancaire. Très exactement ce qui se produit sous nos yeux dans la zone euro.

On sait que le commerce international a toujours posé la question du règlement des échanges. Lorsqu’il y a déficit, il faut que le pays créancier reçoive en règlement un actif dont la liquidité est incontestable, c'est-à-dire un actif qui pourra se muter, sans difficultés, en une variété infinie d’autres actifs. Historiquement ce fût l’or et donc l’étalon- or qui va sécuriser les échanges. De ce point de vue, la mondialisation du 19 siècle ne peut être que muselée par l’étalon-or. Bien sûr les déséquilibres peuvent être momentanément oubliés par le recours au crédit, toutefois, la quantité de métal disponible, reste un butoir bien surveillé par les créanciers. Selon notre expression il s’agit là de, la « loi d’airain de la monnaie ».

Cette loi d’airain est à priori levée avec l’introduction d’une monnaie de réserve se détachant elle-même de l’or. Ce sera le cas après 1971 lorsque le dollar cessera d’être convertible en or. La mondialisation pourra davantage s’épanouir si le pays à monnaie de réserve (USA) se met à émettre de la monnaie sans limite pour régler des déficits…et que sans limite les créanciers considèrent que le dollar reste la quintessence de la liquidité… La mondialisation avec ses avantages de « déficits sans pleurs » (USA), et ceux procurés par des excédents illimités payés avec une monnaie de réserve incontestée (Pouvoir chinois) suppose bien évidemment une gigantesque création monétaire, qui est simultanément machine à fabriquer de la dette . Les banques américaines fournissent le crédit permettant l’importation massive de marchandises élaborées par des salariés aux rémunérations dérisoires et les autorités chinoises deviennent créancières d’une montagne de dollars acquis sur l’économie américaine.

Les échanges interbancaires sont au fond de la même nature que les échanges entre pays. Lorsque la Société Générale paie le fournisseur de l’un de ses clients, il faut bien que l’on puisse créditer le compte de ce fournisseur qui, lui, est par exemple titulaire d’un compte à la BNP. La BNP créditera ce compte, mais il faudra bien qu’elle obtienne en contrepartie un actif incontestable versé par la société générale : de la monnaie centrale, des billets libellés en euros, des monnaies de réserve, des titres publics et privés solides dans leur valeur, de l’or…Comme pour les pays, il y a compensation. Les importations peuvent être payées avec le produit des exportations. Dans les banques il y aura aussi compensation et la Société Générale n’aura pas à donner d’actif à la BNP si, le même jour, la BNP est amenée à demander à créditer le compte Société Générale d’un fournisseur de l’un de ses clients. Bien évidemment la compensation ne règle pas tout puisque l’équilibre de la circulation entre les deux banques  relève du hasard, c'est-à-dire des choix des clients dans leurs activités,  les banques sont donc amenées à se faire crédit, très exactement comme les pays.

Mais plus que de même nature, il est possible de dire que les échanges interbancaires, ne font que refléter les échanges internationaux. Globalement, si la balance commerciale entre la Grèce et l’Allemagne est déséquilibrée au profit de l’Allemagne et que ce commerce se déroule en sollicitant les services de Deutsche-Bank et Pireas-Bank, ce déséquilibre va vivement se ressentir au niveau des  2 banques sus- visées. Deutsche-Bank va exiger un actif solide en règlement du déficit qui est aussi le déficit de la Grèce vis-à-vis de l’Allemagne. Il est possible que PIreas- Bank, à court de liquidités, emprunte à sa collègue Emporiki pour payer Deutsche- Bank. Cela signifie, que bien sûr, il existe un marché inter bancaire en Grèce réglant la circulation monétaire au profit de citoyens grecs, mais que ce marché est nécessairement connecté avec Deutsche-Bank. Plus globalement encore, en  mondialisation bien affirmée, les marchés inter bancaires sont internationalisés et fortement guidés par le caractère plus ou moins déséquilibré des  échanges internationaux.

Pour payer Deutsche-Bank, Pireas- Bank sera de plus en plus en difficulté si la balance externe de la Grèce reste lourdement déficitaire. Il faut que de la liquidité circule, en permanence, depuis la Grèce vers l’Allemagne, et cette liquidité doit être fournie par Pireas-Bank. Bien sûr le circuit est plus complexe et les banques centrales des 2 pays interviennent, mais l’idée reste la même.

Pour régler le déficit, Pireas va donc se saigner d’actifs qu’elle ne possédera plus, ce qui va signifier un déséquilibre croissant de son bilan et donc une menace sur ses capitaux propres. Elle pourra aussi assécher son compte courant à la banque centrale, ou devra même emprunter à d’autres banques nationales ou étrangères voire à des banques allemandes concurrentes de Deutsche-Bank. Bien évidemment, elle peut- en théorie - continuer des opérations de crédit interne, et ainsi créer de la monnaie dont la contrepartie est un actif éventuellement transférable à Deutsche-Bank. Mais, en pratique, la chose est impossible puisque son bilan est déjà déséquilibré et qu’elle ne respecterait plus les ratios de liquidité et de solvabilité. Elle peut aussi être sauvée par l’Etat, mais ce dernier est globalement, et en dehors du cas spécifique de la Grèce, devenu impécunieux en raison du déficit gigantesque qu’il a contracté pour compenser la baisse de la propension à dépenser résultant des premières manifestations de la Grande crise en 2008. De ce point de vue Brender, Pisani et Gagna  (« La crise des dettes souveraines » ; La Découverte ; Juin 2012) ont raison de souligner que le déficit public était le bienvenu pour compenser une contraction de la demande globale. Les gigantesques déficits publics ne sont que le prix de l’évitement d’une catastrophe économique planétaire semblable à celle de 1929. Les 3 auteurs ont ainsi estimé que, sans ces interventions, le PIB des grands pays aurait brutalement reculé de 18%.

Et comme l’Etat Grec était déjà, avant la crise, en fâcheuse posture, on peut comprendre l’impossibilité pour Pireas de compter sur son Etat et à l’inverse d’en être victime, car disposant dans son bilan de bons du Trésor en rapide dévalorisation….Ce qui signifie d’ailleurs, dans notre exemple, que Deutsche-Bank verrait d’un mauvais œil un transfert vers son propre bilan d’actifs dévalorisés. De la même façon que ladite banque ne saurait non plus se contenter d’être payée avec des crédits à la consommation alloués par Pireas à des grecs impécunieux. Et, comme toutes les banques de pays déficitaires sont dans une situation plus que difficiles, on voit mal comment le crédit interbancaire pourrait continuer à fonctionner. D’où, l’intervention massive de la BCE, par exemple sous la forme d’un LTRO qui semble tout régler… momentanément.

Dans ce cas de figure, la BCE accepte en collatéral des titres démonétisés (que Deutsche-Bank n’accepterait pas) contre de la monnaie centrale déposée sur le compte de Pireas…ce qui permet à Pireas de faire parvenir les règlements à Deutsche-Bank, et permet du même coup à l’industrie allemande de ne pas perdre ses débouchés grecs.

Il faut donc bien comprendre que ce sont les balances externes déséquilibrées qui mettent en position de rupture les marchés interbancaires. Toutes les banques des pays souffrant d’un déséquilibre extérieur sont donc soumises à des pressions qui développent le risque d’insolvabilité et qui, en retour, entraine la ruine du marché inter- bancaire. Aucun établissement bancaire n’acceptant de prêter à des consœurs dont l’insolvabilité radicale est suspectée.

Parce que les balances sont durablement déséquilibrées la machine à fabriquer de la dette explose, et arrive le moment où il n’y a plus que la BCE qui peut – en sa qualité de prêteur en dernier ressort- continuer à faire circuler les marchandises dans un espace mondialisé.

On peur réfléchir longtemps sur les projets de réformes bancaires : ils sont très nombreux et se multiplient avec l’approfondissement de la crise. Tout cela ne sert à rien, le vrai problème est la pérennisation de déséquilibres économiques majeurs qui, pourtant, sont la nourriture même de la mondialisation.

Entre la multiplication des LTRO et l’imposition d’un équilibre des balances il faut choisir.

 La première alternative n’est sans doute pas la meilleure, puisqu’elle va consister à démultiplier la puissance de la machine à faire de la dette,  et une création monétaire massive. Avec un écart croissant entre pays exportateurs et de plus en plus compétitifs et pays importateurs et de moins en moins compétitifs. Elle a peut-être une vertu : effacer la crise générale de surproduction générée par une mondialisation qui n’a pu à se soucier comme dans l’espace de l’Etat-Nation de l’équilibre entre offre globale de marchandises et demande globale. Les LTRO, y compris leurs équivalents américain ou britannique, sont là pour assurer la bonne circulation des marchandises. Encore une fois, que deviendrait l’industrie allemande ou chinoise s’il n’y avait plus la machine à fabriquer de la dette ?

La seconde suppose une révolution des esprits et se heurte brutalement à l’esprit même de la mondialisation.

Cette dernière dont le principe est, rappelons le, la pérennisation du fordisme par d’autres moyens, a permis le maintien d’une croissance forte à l’échelle planétaire. Elle ne peut accepter les entraves à la bonne circulation des marchandises. Entraves physiques : les marchandises ne doivent pas connaitre de frontières et ne peuvent supporter droits de douanes ou autres contingentements. Entraves des règlements : les paiements doivent être sécurisés. On sait ce que cela signifie. Il ne faudrait pas à titre d’exemple que Pireas-Bank ou que la banque centrale de Grèce crée librement de la monnaie pour régler Deutsche-Bank. Il faut donc, en surplomb de la mondialisation, des autorités monétaires, qui en théorie ne peuvent être manipulées. Cela passe par l’indépendance des banques centrales. Les LTRO, qui prennent ailleurs d’autres noms, sont bien un instrument de sécurisation de la mondialisation et seule une banque centrale indépendante peut assurer la bonne, et surtout sans contrainte, circulation des marchandises.

Le prix à payer est le déséquilibre durable des balances et la crise bancaire. Pour y mettre fin, il faut donc rétablir les équilibres extérieurs autrement que par la recherche d’une compétitivité impossible pour les pays dont le système bancaire ne peut correctement  fonctionner. Cela passe par des règlements : barrières douanières, contingentements, licences d’importation etc.

La mondialisation est parvenue au stade où elle est incompatible avec un fonctionnement sain du système bancaire.

Les deux scénarios que nous venons de rappeler   ne sont pas nécessairement enthousiasmants, par exemple pour les pays du  sud de l’Europe : la dérive vers un assistanat de pays entiers qui vivent sur la base d’un crédit LTRO, théoriquement illimité, ou la relative fermeture et la protection d’un système productif théoriquement déclassé. Il y a sans doute mieux à proposer, par exemple des LTRO qui n’ont pas pour but de maintenir en survie un système bancaire malade, mais des LTRO qui se donnent comme seule mission d’investir de façon colossale dans les pays du sud afin d’aboutir, à terme, à un équilibres des échanges par modernisation des activités…( donc pas des routes ou des aéroports vides) et peut-être aussi l’effacement –durable ?-de la crise générale de surproduction.

Cela passe,  bien sûr par la fin de l’indépendance des banques centrales, ici la BCE, mais surtout par des LTRO politiquement décidés et négociés, qui seraient fléchés vers des investissements de modernisation dans le sud. Des LTRO dont l’objectif n’est plus de gommer les effets pervers sur le système bancaire de la divergence croissante entre les pays, mais au contraire des émissions monétaires pour créer des marchandises substitutives d’importations dans le sud. De quoi, au terme du processus, rétablir l’équilibre bilantaire et le bon fonctionnement des marchés interbancaires.

Les négociateurs européens sont encore très loin de cela. Affaire à suivre.

 

 

 

Partager cet article
Repost0
7 novembre 2011 1 07 /11 /novembre /2011 15:37

 

Le présent texte vient commenter les deux schémas construits pour bien comprendre les enjeux notamment européens dans les semaines et mois à venir.

 schema8

 

 

Le premier représente le système monétaire et financier actuel, avec comme fait fondamental , l’indépendance de la banque centrale et le système de banque universelle qui, entre autres, dispose de la maitrise complète du réseau monétaire en tant que bien public fondamental. La capture du bien public – la monnaie et son réseau -par des intérêts privés signifie aussi la captation d’une rente monétaire que les Etats doivent payer. Les budgets publics, surtout en mondialisation, font eux aussi l’objet de vigoureuses empoignades entre les divers groupes sociaux, parmi lesquels  les entrepreneurs politiques, ce qui signifie des équilibres difficiles voire impossibles. La mondialisation, avec les gigantesques déséquilibres extérieurs qu'elle a engendrés, et son corollaire qu'est  la rente monétaire, explique l’essentiel des endettements publics. De ce point de vue, mondialisation et indépendance des banques centrales sont les deux machoires de l'étau dont l'une produit le déficit et l'autre le fait payer pour générer le gigantesque flux de rente.

La réforme proposée- et c’est l’enjeu du second schéma-  fait disparaitre la rente, voire la renverse au détriment du système financier en faisant disparaitre la fiction de la pénurie monétaire.

  schema7

 

 

 

Elle s’articule autour de plusieurs points :

 

1 Il est mis fin à l’indépendance des banques centrales- d’où la flèche entre la banque centrale et le Trésor sur le schéma-  lesquelles ont pour mission de fabriquer des signes monétaires selon les exigences de l’Etat, instance qui reprend le contrôle de l’accumulation et de son orientation globale.

 

2 La capture de la réglementation, et donc la privatisation de la chose publique, est parallèlement freinée par la déprofessionnalisation massive des fonctions politiques, mesure faisant l’objet d’une inscription constitutionnelle. L’équilibre des budgets de fonctionnement, peut aussi bénéficier d’un ancrage constitutionnel au motif que la fin de la rareté monétaire, ne se prolonge d’une surabondance inflationniste : les budgets de fonctionnement  ne peuvent être alimentés par une quelconque « planche à billets ». Il n'est nullement question d'en revenir aux Assignats.

 

3 Les banques se voient privées des facilités de la création monétaire, ce qui signifie pour l’essentiel le nécessaire achat de liquidités à une agence publique de vente de monnaie, laquelle commercialise une partie de la monnaie produite par la banque centrale. Ce que l’on repère dans le schéma par les rubriques « vente de monnaie » et « achat de monnaie par le système bancaire » .

 

4) La rente est "renversée", et ce n’est plus le Trésor qui paie la rente monétaire, mais le système financier qui alimente les budgets publics. Ce que l’on repère dans le schéma par la rubrique « appropriation de la rente monétaire par l’Etat » et la flèche correspondante.

 

5) La banque universelle disparait au profit de 3 structures, dont la première sert à couvrir le réseau, et à le faire fonctionner selon une logique de service public ( les BEM) et les autres à financer le crédit et l’investissement à partir de la création monétaire de la banque centrale , et création monétaire  commercialisée par l’Etat et l’ agence précitée.

 

Cette réforme n’a rien de technique, et se trouve fondamentalement politique : des groupes sociaux vont perdre, et d’autres vont gagner. Et cette nouvelle donne sociale repose toute entière sur la captation/production de monnaie. Les producteurs et les décideurs ne sont plus les mêmes : ce n’est plus le système  bancaire qui vend la monnaie, mais l’Etat. Renversement qui correspond à un bouleversement global de l’ensemble de la société. Sans toutefois la remettre dans son état antérieur à la loi du 3  janvier 1973 en France, et aux lois correspondantes dans nombre d’autres pays (34 banques centrales vont adopter une législation semblable entre 1990 et 2001). C’est que la situation antérieure, correspondait aussi à des marchés politiques, où partout la professionnalisation du politique était la règle avec les biais correspondants. Cela pouvait signifier parfois «  la planche à billets » que le dispositif proposé récuse. Il n’y a donc pas de retour en arrière, mais un monde autorisant les investissements publics massifs de naguère, tout en améliorant aujourd’hui une gestion budgétaire plus responsable et plus équilibrée.

 

Parmi les groupes sociaux gagnants, il faut compter :

 

1 Les salariés qui ne peuvent que bénéficier d’un retour du développement , lui -même autorisé par le caractère massif de l’investissement public et de la mobilisation des facteurs de la production  qui va lui correspondre ( en cette fin d'année l'INSEE nous indique que l'utilisation des  capacités de production ne cessent de baisser en France). Le renversement du contrôle de la monnaie rétablit le long terme, les projets, et la fin de la dictature d’un futur qui s’écrase sur le présent, en raison de la disparition des investissements publics, voire de l’investissement privé lui-même.

 

2 les entrepreneurs de l’économie réelle qui vont bénéficier des externalités nouvelles produites par le nouvel Etat investisseur et « réducteur d’incertitudes » .

 

3 les citoyens qui tout en continuant – fait invariant de toute société- à utiliser la contrainte publique à des fins privées, seront moins handicapés par le lourd tribut payé à l’entrepreneuriat politique, désormais beaucoup moins résistant en raison des nouvelles dispositions constitutionnelles. Ajoutons , fait essentiel, qu’il sont censés ne plus payer la rente au système financier, et au contraire à récupérer la rente inverse que le système financier devra à l’Etat. Ce qui signifie de nouvelles marges de négociations entre citoyens et les nouveaux gestionnaires - les nouveaux politiques - des outils  de la contrainte publique .

 

Parmi les groupes sociaux perdants, il faut compter :

 

1 les entrepreneurs politiques amenés à ne plus pouvoir investir dans une carrière de long terme et à ne plus pouvoir orienter la nature des produits politiques qu’ils vendent vers cette éternelle finalité : reconduction au pouvoir ou conquête du pouvoir.

 

2 Les entrepreneurs de l’économie financière et de l’économie casino , la dette publique n’étant plus la mère nourricière et le point d’appui de la créativité financière . Cela signifie une cure drastique d’amaigrissement des bilans, et la fin des miracles financiers et des rémunérations sans causes.

 

3 Les épargnants et usagers de l’économie casino. Les premiers, sans redevenir victimes de la répression financière du 20ième siècle devront se contenter de produits d’épargne beaucoup plus rustiques et d’une rentabilité plafonnée par la croissance de l’économie réelle. Les seconds, en raison de l’étroitesse nouvelle des terrains de jeux financiers, et de leur extrême surveillance, par des autorités et régulateurs nouveaux et démocratiquement contrôlés , constateront qu’il n’est plus possible de vivre en état d’apesanteur, et feront le douloureux apprentissage de la pratique de l’économie réelle, où valeur ajoutée n’est plus confondue avec « accroissement de la valeur » .

Le passage du schéma 1 au schéma 2 n’a rien de mécanique et les sociétés humaines ne sont pas des machines, ce qui signifie que des réactions suivront la brutale redistribution des positions sur l’échiquier social. En particulier il faut imaginer la fuite, vers d’autres terrains de jeu, des nouveaux perdants, à la recherche d’espaces moins contraignants. D’où la question de l’international.

 

  Car précisément  Le renversement de la rente ne se conçoit idéalement que dans le cadre d'Etats- Nations dont l'ouverture est plus ou moins contrôlée. De ce point de vue le schéma 2 est insuffisant en ce qu'il ne permet pas l'intégration de l'international.

A suivre...

Partager cet article
Repost0
3 novembre 2011 4 03 /11 /novembre /2011 13:22

 

                          

L’architecture de base de la réforme financière analysée dans notre précédent texte apporte beaucoup, mais laisse sans solutions de très importantes questions.

Les apports solides de l’architecture de base

1 Ce qui semble réglé est le potentiel de croissance et les nouveaux horizons qui peuvent s’ouvrir : la banque centrale sous les ordres du Trésor, et l’Agence France Trésor mutée en « Agence Publique de Vente de Monnaie au Système Bancaire » autorise les investissements massifs dont le pays a besoin  (4OO milliards d’investissements publics et privé auraient été évité en France depuis 1980 selon Delpla et wyploz). En particulier il faut imaginer des investissements publics suffisamment massifs pour remettre en activité nombre de chômeurs et remplir nombre de carnets de commandes trop désertés : Embauches massives, pour remise en état des infrastructures (rail, route, canaux, etc ), pour remise en état du parc de logement, pour la mutation écologique, etc. Massifs investissements publics justifiant la relance de l’investissement privé, avec rapidement le desserrement actif  des contraintes budgétaires : baisse immédiate des dépenses liées au chômage de masse.

2 Ce qui semble également positif est l’émergence progressive d’un monde beaucoup moins soumis aux boursouflures spéculatives. Dans « Sortie de l’euro : en bon ordre ou en mode panique ? » et « Avertissement aux liquidateurs de la zone euro » noua avions insisté sur les grands risques associés à un changement de paradigme monétaire : grand chambardement dans les bilans bancaires avec toutes les conséquences largement imprévisibles d’un effet « aile de papillon » à l’échelle de la planète. L’architecture de base ne promet certes rien, mais elle est prudente en ce qu’elle ne propose pas de changement de paradigme et peut très bien assurer à un euro désormais produit et géré en dehors des aléas de marché un avenir véritable. Sans doute la zone euro restera t’elle « bateau de passagers clandestins », mais désormais les dits passagers, seront infiniment plus responsables en ce qu’ils ne pourront plus se lover dans les délices dangereux du marché. La réforme de la finance  telle que nous l’avons envisagée ne fait plus de la monnaie unique une drogue mais un outil de développement. De quoi sortir de l’euro sans le quitter.

Reste à imaginer les scénarios de l’internationalisation de la réforme de la finance, en nous limitant pour l’essentiel à la zone euro.

Plaçons-nous tout d’abord dans le scénario d’un seul Pays : la France. Avec deux hypothèses possibles : la zone euro ne réagit pas malgré le non respect des règles de la zone, ou à l’inverse les réactions sont possibles et à imaginer.

L’adoption de l’architecture de base par un seul, et l’immobilisme de tous les autres

Dans le premier cas nous sommes en présence d’un scénario idéal, ou presque…

Avec les possibles caractéristiques suivantes : la panique sur les stocks de dettes détenues par les non résidents (un peu plus de 1000 milliards d’euros) est brève puisque la capacité à rembourser devient illimitée, dans le cadre d’un taux de change inchangé en raison du maintien de l’euro. Les dettes des entreprises détenues par des non résidents ne sont pas affectées. Les échanges de biens et services à l’intérieur de la zone non plus. Les bilans bancaires sont peu affectés et seule la rente avec la rémunération de l’épargne se trouve affectée. Faits qui sont aussi la contrepartie d’un taux d’intérêt désormais maitrisé en raison du renversement des règles du jeu. Avec aussi des conséquences positives pour le financement des entreprises désormais libérées d’une contrainte forte.

A ces caractéristiques il convient d’en associer d’autres : compétitivité internationale inchangée, voire dégradée en raison des facilités procurées par de nouveaux débouchés intérieurs largement facilités et impulsés par l’Etat. Les débouchés domestiques devenant larges, l’effort à l’international se trouve moins encouragé. Mais aussi, autre conséquence, début de fuite de l’épargne et de capitaux financiers vers des cieux plus cléments envers la rente. Avec probable délocalisation d’activités que la réforme de la finance voulait en toute hypothèse étrangler : l’ensemble des entreprises casinos. Et même délocalisation de banques, qui à l’étranger peuvent retrouver les délices d’une création monétaire désormais interdite.

Pour autant,  en raison de son aspect libératoire au regard de la loi d’airain de la monnaie, ce scénario ne peut que développer un mouvement mimétique, dont les auteurs sont déjà connus : l’Europe du sud. Ce qui tend à élargir la zone de croissance mais aussi les inconvénients déjà cités. Tant que la croissance procède par réanimation de facteurs de la production non utilisés, les risques de dérapages inflationnistes sont limités. Il faut toutefois signaler- si le courant mimétique est suffisamment puissant et entraine de grands pays : Italie, Espagne etc.- une belle opportunité de dépréciation du taux de change de l’euro en raison des spécificités de sa production, laquelle devient – dans le cadre des présentes croyances monétaires et malgré les précautions prévues dans l’architecture de base – réputée inflationniste. Avec toutes les conséquences en matière de compétitivité nouvelle de la zone, et de possibles réactions chinoise, américaine, etc.

Si la réaction mimétique devait atteindre l’Europe du nord, ce qui est une hypothèse peu réaliste en raison des croyances monétaires dominantes en Allemagne, la zone euro serait métamorphosée, sans doute positivement, et serait internationalement plus compétitive au grand bénéfice de ceux qui l’étaient déjà. Par contre les inégales compétitivités à l’intérieur de la zone demeurent. Elles sont néanmoins relativement plus supportables – mais dans des limites très étroites -  pour les moins compétitifs, qui vont bénéficier d’un taux de change plus favorable dans leurs échanges avec l’extérieur de la zone.

Ce scénario global, qui postule un renversement progressif mais radical des croyances monétaires, est au fond assez optimiste, et le risque réel est plutôt l’hostilité globale, envers ceux des pays qui renoncent à la loi d’airain de la monnaie. D’où un second scénario.

L’adoption de l’architecture de base par un seul…. et l’hostilité des autres…ne change rien...

L’hostilité peut se manifester par des réactions juridiques, voire plus matérielles, difficiles à imaginer, en raison de textes inadaptés à l’hypothèse de la réforme financière envisagée. On peut néanmoins penser, que les pays de la zone déclarent illégal, le renversement des règles du jeu ; en particulier l’abondement du compte du Trésor par la banque centrale pourrait être considéré, à tout le moins,  comme une utilisation abusive des institutions européenne. Dans le cas où le pays – la France dans notre exemple -s’affranchissant de la loi d’airain de la monnaie, se trouverait condamné, il ne resterait plus que l’hypothèse d’une sortie de la zone euro. Les coûts de sortie sont extrêmement élevés, surtout en raison du poids de la dette publique et privée, détenue par les non résidents (1000 milliards d’euros pour la France). Cela signifie à contrario un coût potentiel énorme pour les créanciers…avec la certitude d’un effet domino planétaire, si un défaut intégral était décidé.

Mais Il convient  de se faire plus précis. Si le coût des sanctions infligées par les autres pays est inférieur au coût de sortie de la zone, il est clair que les entrepreneurs politiques du pays, refusant la loi d’airain de la monnaie, décideront de confirmer leurs choix. Ce qui peut entrainer de nouvelles sanctions, dont l’inventaire est évidemment difficile à établir, et sanctions dont le coût finirait par dépasser celui d’une sortie de l’euro. Il faut pourtant bien comprendre, que le choix de la montée des sanctions, et de la sortie est peu vraisemblable, car il devient ruineux pour les entrepreneurs politiques de toute la zone. Nous sommes en effet ici dans une situation qui rappelle l’équilibre de la terreur et de la dissuasion nucléaire. Pousser l’un des membres de la zone vers la sortie, c’est l’obliger à utiliser l’arme suprême se retournant contre l’ensemble de la zone. C’est bien jusqu’ici ce que nous constatons pour un très petit pays : la Grèce. Ainsi les accords de Bruxelles du 26 octobre 2011, sont à la limite du supportable pour les entrepreneurs politiques grecs qui risquent de perdre pied, et une attitude irrespectueuse, voire légère, envers les dits accords reste finalement « comprise », tant les risques sont grands. On se doute que pour un pays comme la France -environ 9 fois le PIB grec- il n’y a plus de risque, mais une certitude d’explosion généralisée, aux conséquences planétaires. On peut donc penser que la logique de l’équilibre de la terreur, rendra fort modérée, l’hostilité de ceux qui souhaitent combattre le renversement du paradigme monétaire.

Equilibre mimétique de la terreur, et prolongation de vie du bateau des passagers clandestins

Le second scénario nous renvoie ainsi au premier : un équilibre mimétique de la terreur se met progressivement en place, avec maintien d’un euro assorti d’un taux de change fortement affaibli. De quoi prolonger un peu plus longtemps le bateau des passagers clandestins. Une prolongation plus durable si le mimétisme se bloque sur l’Allemagne, pays dont les entrepreneurs politiques  ne peuvent être que les derniers à refuser l’architecture de base, voire même la simple monétisation de la dette. La probabilité de voir ainsi l’Allemagne quitter la zone n’est pas négligeable, même si l’addition des avantages du retour au mark – respect des croyances collectives sur la monnaie – est inférieure à celle des coûts associés : gigantesque perte de débouchés pour les entreprises exportatrice, faiblement compensée par des importations moins couteuses. Notons aussi, que l’Allemagne est le pays de la zone dont le passage, de la monnaie unique à l’ancienne monnaie nationale, est le plus aisé : les actifs détenus par les non résidents, ne sont pas menacés comme ils le sont pour un pays périphérique. Le changement de base monétaire n’entrainerait ainsi aucune incontrôlable panique, et son coût technique et politique serait faible. Il pourrait même bénéficier à nombre de résidents  qui empocheraient le potentiel de réévaluation. De quoi faire basculer plus facilement le marché politique allemand vers l’abandon de l’euro.

Il y aurait ainsi effectivement prolongation de la durée de vie du bateau des passagers clandestins en ce que ces derniers cesseraient d’être les victimes, de la sur- compétitivité allemande, ou du mercantilisme monétaire des pays émergents.

Resterait évidement à discuter de scénarios à plus long terme. L’adoption à vaste échelle de l’architecture de base, laisse de côté les inégales productivités, et les déficits massifs des balances de base des plus fragiles. Même entièrement revisitée par la réforme de la finance, la monnaie unique conserve ses défauts de monnaie unique : loin de permettre la résorption des déséquilibres extérieurs, elle ne fait que les aggraver.

A suivre….

 

Partager cet article
Repost0
24 octobre 2011 1 24 /10 /octobre /2011 07:15

                                               

Le premier acte d’une refonte réelle doit être la fin du marché de la dette publique en rétablissant l’autorité monétaire. Cela suppose le rétablissement des droits de propriété de l’Etat sur la banque centrale, une institution à laquelle il va confier un strict monopole de l’émission monétaire au seul profit du Trésor. Le volume de l’émission est politiquement décidé et ce dans le cadre d’un objectif de stabilité monétaire lui-même évalué et contrôlé par des institutions elles mêmes démocratiquement suivies.

La grande transformation des pouvoirs politiques et monétaires : la fin du marché de la dette publique

Un tel acte refondateur ne peut évidemment fonctionner sans une refondation complète du fonctionnement des marchés politiques. Il ne faudrait pas que le bien public monétaire ne fasse l’objet que d’un simple transfert de son appropriation privée, et on ne voit pas en quoi les fins privées des entrepreneurs politiques (reconduction au pouvoir ou conquête du pouvoir) seraient d’une nature supérieure aux fins privées des banquiers et de leurs actionnaires (profit) qui jusqu’ici ont accaparé le bien public en en contrôlant l’émission. Le changement de propriétaire n’est pas une garantie de meilleur exercice de la propriété,  une propriété fort particulière puisqu’elle reste un droit sur un bien public.

La refonte réelle de la finance suppose – au préalable - une  véritable mutation de l’ordre politique. Puisque l’essence du politique est l’appropriation de ce qui surplombe toute communauté humaine –ce que l’on désignait aussi par le terme « d’externalité »dans d’autres publications - il convient de mettre en place des institutions freinant la tendance universelle, à ce que le politique ne soit que l’utilisation à des fins privées, de ce qui est commun à tous. Sans doute  la puissance publique ne peut elle être détenue que par des hommes dont la tendance indépassable est la recherche de la satisfaction privée (le pouvoir comme moyen et comme fin), mais il est probablement possible de diminuer les effets négatifs de cette permanente  et universelle spécificité humaine. Dans l’Etat parvenu à son stade démocratique, la solution  consiste à interdire constitutionnellement  la professionnalisation de l’entrepreneuriat politique  par interdiction du renouvellement des mandats,  mandats eux-mêmes pouvant  au moins partiellement être générés par des procédures non électives, par exemple le tirage au sort. Cette réforme constitutionnelle est la première pierre de la réforme de la finance si l’on veut minorer les errements d’un Etat laxiste avec des entrepreneurs politiques gérant davantage une carrière privée,  bénéficiant par ailleurs des largesses de la planche à billets.

Pour être complet, ce changement de titulaire de la fonction « production de monnaie » doit être strict : il suppose l’interdit radical de la création monétaire par les banques, lesquelles ne pourront prêter que sur la base de fonds qu’elles auront empruntés ou mis à leur disposition par des agents privés et l’Etat lui-même. Tout décalage constaté entre capitaux reçus et capitaux distribués après transformation devenant activité de faux monnayeur, et  à ce titre  pénalement  sanctionnée. Il en est de même pour la banque centrale qui dans le cadre de ses interventions auprès  des banques, ne peut se livrer à des opérations de « quantitative easing », ce qui signifie que les liquidités mises à disposition sont intégralement remboursables.

La production  monétaire se fait ainsi au seul bénéfice du compte du Trésor à la banque centrale. Son cout est nul puisque le prix de revient de la dite production est nul. Cet abondement de ressources- sur ordre donné au gouverneur par l’exécutif-  est fléché, et ne peut entrer dans la masse des recettes publiques. Les ressources ainsi mise à la disposition du Trésor par la banque centrale, permettent d’une part,  d’assurer un investissement public démocratiquement contrôlé , elles permettent d’autre part, d’abonder le compte des banques qui y verront la matière première des investissements privés qu’elles souhaitent financer. Une part de production de monnaie, est affectée à la nécessaire croissance monétaire, résultant de la croissance du volume des échanges impulsés par la croissance économique elle-même. Ce volume de monnaie supplémentaire est démocratiquement décidé et contrôlé.

L’investissement public n’est pas nécessairement  financé en totalité par la production monétaire : il peut aussi l’être par une épargne construite sur un excédent primaire. Si le financement de l’investissement public se fait à taux nul, il n’en va pas de même pour l’investissement privé financé par les banques, à partir de la production de monnaie mise à leur disposition par l’Etat. Outre que l’Etat met à leur disposition une ressource payante - l’Etat est payé, sous la forme d’un taux d’intérêt,  pour la monnaie mise à disposition  - les banques doivent aussi couvrir leurs charges de gestion et disposer d’une prime de risques.

Dans le cas où le budget primaire est déficitaire, il est constitutionnellement interdit à l’Etat d’utiliser les ressources qu’il s’est octroyées sur la banque centrale. La nomenclature et le classement des dépenses est revue et corrigée, certaines d’entres elle dites de fonctionnement étant de fait des dépenses d’investissement.  Travail peu aisé, il est pourtant économiquement essentiel, et doit être démocratiquement contrôlé.  L’interdit d’une couverture d’un déséquilibre du budget de fonctionnement, tel que précédemment redéfini, par la production de monnaie suppose par conséquent le recours à un endettement. Ce dernier doit disposer d’un statut d’exceptionnalité et se doit n’être consenti que sur la seule base d’une majorité parlementaire  qualifiée. Disposition marquant la volonté de mettre fin aux facilités de l’endettement.

Une telle mutation financière réintroduit déjà une disparition progressive de la notion de « service de la dette », et se trouve à terme profitable pour l’Etat, qui n’a plus à payer la rareté monétaire mais au contraire à la vendre. Avec toutes les conséquences en termes de baisse possible de la pression fiscale qu’on peut en déduire, mais aussi la fin relative de la situation rentière des banques, dont l’appropriation de la production monétaire était doublement illégitime : non seulement elles n’avaient pas le droit  de privatiser un bien public, mais elles n’avaient pas non plus de  « titre politique » pour le faire, tel celui  des entrepreneurs politiques d’avant la grande transformation monétaire des années 70.

Le Montant de production de monnaie, est un acte politique gravant dans la réalité, une part du potentiel de croissance du pays. L’investissement macroéconomique, est ainsi partagé entre investissements publics et investissements privés. L’investissement privé est la somme de la production de monnaie distribuée aux banques et des possibilités offertes par l’épargne privée. Le total de l’investissement global est régulé – notamment par le poids de la production de monnaie et l’investissement public- de telle sorte que la croissance réelle puisse être peu éloignée de la croissance potentielle.

Les parts de production de monnaie affectées à l’investissement public et à l’investissement privé relèvent de choix politiques démocratiques. S’agissant de la production de monnaie affectée aux banques, la répartition entre les divers établissements demandeurs s’opère selon un processus classique d’enchères. Il s’établit par conséquent, un prix de marché des ressources monétaires nouvelles captées par les banques. Ce prix de marché entre en concurrence avec les prix qui se forment sur l’épargne privée des agents. L’Etat étant un fournisseur important de ressources monétaires, il est clair que son rôle dans la fixation générale de l’ensemble des taux de l’intérêt est fondamental.

La grande transformation des réseaux bancaires

Selon la vision de Maurice Allais, le réseau bancaire est redécoupé en « banques des échanges monétaires » (BEM), « banques de crédits » et « banques d’affaires ». Un même établissement peut assurer les trois fonctions correspondantes. Il doit cependant apporter la preuve périodique d’une stricte séparation des fonctions.

1 Les BEM constituent le réseau monétaire que nous qualifions de bien public majeur dans l’introduction au présent texte. A l’intérieur de ce réseau, les banques sont en concurrence pour assurer un service public de base : celui de la bonne exécution des échanges de biens et de services initiés par tous les agents économiques. Le marché monétaire classique assure les échanges interbancaires, et la banque centrale y intervient en qualité de régulatrice générale du réseau. Véritables délégataires d’une mission de service public dépourvue de tout risque financier, le cout de fonctionnement du réseau des BEM est assuré sur la base d’un contrat, démocratiquement contrôlé, entre l’Etat ou la banque centrale et les BEM. Le nomadisme des dirigeants entre sphère publique et sphère des BEM est juridiquement interdit. Les BEM ne rémunèrent pas les dépôts et ne se livrent à aucune opération de crédit. Les BEM ne participent pas aux procédures d’enchères portant sur l’acquisition de monnaie vendue par le couple Banque centrale/ Trésor. Elles reçoivent par contre gratuitement, la quantité de monnaie supplémentaire prévue par les nécessités de la croissance économique ( motif de circulation du PIB).

2 Les banques de crédits reçoivent l’épargne des agents privés, et assurent la transformation de cette dernière en prêts classiques : simple découvert, crédit à la consommation, à l’équipement, crédit hypothécaire, etc. La titrisation des créances est juridiquement interdite. Le roulement de l’épargne de court terme en prêts à plus long terme, s’effectue selon des règles de prudence et de transparence, établies par les régulateurs situés sous l’autorité de l’Etat ou de la banque centrale.

 Il est mis fin à « l’indépendance » des régulateurs par rapport à l’Etat ou la banque centrale. Le nomadisme des dirigeants entre banques de crédit et régulateurs est juridiquement interdit.

Les banques de crédit ont accès à la production de monnaie , et la banque centrale abonde le compte de chacune d’entre elle en fonction du résultat de la procédure d’enchères menée par le Trésor. L’agence de commercialisation de la dette –  « Agence France Trésor » pour ce qui concerne la France - est démantelée, puis reconvertie en « agence publique de vente de monnaie au système bancaire ».

 Les banques de crédit doivent apporter à tout moment la preuve qu’aucune création monétaire ne s’établit dans le cadre de leurs activités. La rémunération des banques s’effectue au travers de la différence entre intérêts payés et intérêts reçus. Le total du bilan d’une banque de crédit ne peut dépasser le dixième du PIB du pays d’accueil.

3  Les banques d’affaires sont spécialisées dans tous les services non assurés par les deux premières catégories de banques : opérations de haut de bilan, corporate finance, émission de titres, introduction en bourse, augmentation de capital, financement syndiqué. Mais aussi tous les services de spéculation et de couvertures sur taux de change et taux d’intérêt, marché des commodities, produits dérivés etc. Mais également produits d’épargne et assurantiels au profit des ménages : fonds d’épargne, épargne retraite, assurance vie, etc.

Les banques d’affaires entrent en compétition avec les banques de crédits dans l’accès à la ressource monétaire vendue par le couple banque centrale / Trésor. Les ressources ainsi achetées sont investies dans l’économie réelle, et toute utilisation dans le cadre d’une activité spéculative est pénalement sanctionnée.

Les régulateurs, sous l’autorité des pouvoirs publics, veillent à la limitation drastique de la financiarisation des grandes activités. En particulier les activités de trading sont réservées aux acteurs de l’économie réelle. L’introduction sur un marché, de spéculateurs extérieurs à l’économie réelle, est une exception autorisée par le régulateur, après constatation d’un disfonctionnement de sous- liquidité. Le nomadisme des dirigeants entre  banques d’affaires et régulateurs est juridiquement interdit.

L’un des principes fondamentaux est que les « échanges papiers » ne deviennent plus importants que les échanges réels. A ce titre les, directives sur marchés d’instruments financiers dont considérablement durcies : limitation considérable des opérations de gré à gré par autorisation au cas par cas du régulateur, quasi interdiction de la vente à découvert , ratios contraignants sur les ordres non exécutés en trading informatisé, etc.

De façon plus générale, l’introduction d’une taxe sur les activités de Trading renforce le rétrécissement de la « boursouflure », avec probable mise en liquidation de nombre d’entreprises devenues Casinos au cours des 20 ou 30 dernières années.  

L’activité sur CDS est strictement encadrée, et les positions dites « nues » strictement interdites, cela signifie que les clauses type « opt out » imaginées par les autorités européennes sur les dettes souveraines ne sont plus tolérées. Les CDS sur dettes souveraines, deviennent eux-mêmes  sans objet avec la fin du marché de la dette publique : ils disparaissent.

Les activités hors marché , à l’instar des « dark pool » voient leur encadrement renforcé. A l’inverse, la présence de chambres de compensations devient la règle universelle. Les banques d’affaires ne peuvent se livrer à des activités spéculatives sur comptes propres.  Elles  cessent tout lien et liquident leurs établissements situés dans les espaces d’optimisation fiscale. Le total du bilan d’une banque d’affaires ne peut dépasser le dixième du PIB du pays d’accueil .

 

Un tel renversement des règles du jeu, déplace considérablement les niveaux de satisfaction des différents groupes sociaux. La disparition et le renversement de la rente sur la dette publique devient un coût pour ses bénéficiaires traditionnels. Bénéficiaires qui par ailleurs vont voir leurs revenus sur capitaux spéculatifs s’effondrer. Les classes moyennes elle mêmes, peuvent subir une perte de rendement sur la petite épargne. A l’inverse, le contribuable et d’une manière générale les utilisateurs d’un Etat-providence - par ailleurs à fondamentalement revisiter -  sont avantagés. Il en est probablement de même des salariés bénéficiaires d’une politique macro économique plus favorables à la croissance : baisse relative d’une épargne - souvent mal utilisée dans des "entreprises casinos" - sur compensée par un investissement global beaucoup plus important.

Il est clair que ce renversement des règles du jeu, ne peut s’imaginer dans un seul pays, et se doit être négocié, si possible – et au-delà de la zone euro à reconstruire-  avec tous les acteurs d’une mondialisation qui- elle-même -  doit être radicalement revue et corrigée.

 

…… à suivre…

Partager cet article
Repost0
17 octobre 2011 1 17 /10 /octobre /2011 13:33

 

le texte çi dessous est une réflexion sur la nature du fait monétaire, et sert d'introduction générale à un autre texte en cours d'élaboration, lequel portera sur la refonte générale du système monétaire et financier

 

                               Regard sur la nature de la monnaie

                Introduction générale à un projet de refonte de la finance

 

La monnaie est l’équivalent d’une infrastructure, telle un réseau ferroviaire assurant la circulation des personnes et des biens, ou un réseau électrique assurant la circulation des kilowattheures. L’industrie bancaire assure  la circulation des marchandises en assurant la circulation de la monnaie entre ces ports que sont des comptes abrités dans des banques. Les banques, sont comme la SNCF ou EDF d’avant la libéralisation, et il est impossible de séparer le réseau de ses véhicules : le paiement, largement électronique, est à la fois réseau et véhicule. Comme la SNCF où il apparaissait impensable, avant la libéralisation,  de séparer le réseau ferré du matériel roulant.

Mais il est des différences : le réseau bancaire n’est pas monolithique et se trouve peuplé de banques en concurrence. Qui plus est, cette concurrence peut entrainer des modifications de parts de marché entre les ports. Ce qui n’était pas le cas du chemin de fer ou des compagnies d’électricité d’avant les nationalisations de 1945 : les acteurs restaient des monopoles sur les parts de réseau qu’ils contrôlaient. Le caractère non monolithique du réseau bancaire est peu gênant pour la circulation de la monnaie. Outre qu’il existe une norme monétaire commune au dessus de chaque monnaie de banque (une unité de compte), il existe un marché monétaire assurant la cohérence continue du réseau : la monnaie Société Générale se transforme en tous points de l’espace couvert par le réseau, en monnaie BNP , en monnaie Crédit Agricole, etc.

Une autre différence est le fait que la monnaie comme infrastructure de type réseau, est propriété d’agents nombreux et divers, qui peuvent agir sur lui, en le rendant plus ou moins actif. Derrière cette idée, il y a la plus ou moins grande vitesse de circulation de la monnaie, voire son blocage éventuel. Et cette dernière circonstance, résulte du fait que la monnaie n’est pas seulement infrastructure de la circulation : elle est aussi instrument de l’accumulation. Les économistes diront qu’elle n’est pas qu’instrument de paiement, mais aussi réserve de valeur (tout au moins pour les monnaies « Yang » par rapport aux monnaies dites « locales », selon l’intéressante distinction  de Bernard Lietar). Les conséquences en sont considérables. Cela revient à dire – en poursuivant la comparaison avec la SNCF ou EDF- que par exemple  des trains s’accumulent dans des gares. Et la comparaison est intéressante, car dans l’un et l’autre cas les marchandises cessent de circuler. Et c’est précisément parce que la monnaie est elle-même marchandise  (instrument de stockage de richesse) plus ou moins convoitée qu’elle peut gêner/ faciliter la circulation de toutes les autres marchandises : l’infrastructure réseau est plus ou moins stable.

Et parce que marchandise, elle peut être fabriquée comme toutes les autres marchandises. En se  désaliénant de la « contrainte métallique » les hommes ont, en la matière, généré des gains de productivité infinis : le coût de fabrication de la monnaie est proche de zéro, et pour les banques centrales, et pour les blanques privées, qui depuis un grand nombre d’années se partagent le monopole de la création monétaire. De fait,  il s’agit d’un coût marginal, puisque bien des coûts fixes demeurent, spécificité qui rappelle là aussi – selon les économistes - ces « monopoles naturels » que sont les réseaux classiques.

Historiquement, parce qu’aussi infrastructure de réseau, la monnaie a toujours intéressé le politique : routes, monnaie , postes, sont des services qu’il convient de contrôler pour asseoir le pouvoir. Bien,  d’abord privé, avec tentative de constitution de réseau (les premières banques), le politique est intervenu et a traditionnellement marqué son pouvoir par les activités de frappe : les Hôtels des monnaies. Symboliquement, parce que le réseau fait circuler les marchandises, la monnaie est un "équivalent général". Ce que confirmera la frappe des monnaies à l'effigie du prince: ce dernier est celui qui garantit l'équivalence, et tous se reconnaissent en lui. Pouvoir politique et pouvoir économique se fusionnent dans le symbole de la monnaie frappée.

Les actuels réseaux monétaires – ce qu’on appelle le système monétaire et financier - sont le résultat de la construction historique de ce qui est devenu un bien public majeur, et bien public sans lequel les sociétés modernes connaitraient un retour  à l’état de nature…  avec la vitesse de l’éclair. Beaucoup de services publics pourraient disparaître sans radicalement disloquer une société. Ainsi la disparition du réseau ferré, voire même la disparition du réseau électrique, entraineraient certes des difficultés majeures avec nombre de régressions. Toutefois, ces dernières développeraient davantage d’espaces de solidarité, que du face à face brutal entre individus, lequel serait engendré par la nécessité de survivre. En revanche, un effondrement monétaire serait autrement redoutable et développerait en quelques instants – probablement moins d’une journée- la guerre de tous contre tous. Tout ceci pour dire que la monnaie dispose d’une structure de réseau , qui en fait le premier des biens publics, et probablement la clé de voûte de la société. Elle est ce qui fonde « l’ordre » et  empêche « la panique » et son désordre.

Curieusement, ce bien public majeur, est aussi le bien public le plus fragile en raison du caractère réserve de valeur de la monnaie. Le double caractère de la monnaie se remarque dans le double caractère des banques : « commercial » et « affaires ». Parce que la monnaie est à la fois, moyen de paiement et réserve de valeur, le réseau peut être parcouru de disfonctionnement et de ruptures .

Les risques inhérents à la volonté accumulatrice autorisée par la fonction réserve de valeur, peuvent entrainer des phénomènes spéculatifs, avec alternance de confiance et de méfiance, débouchant sur de possibles ruptures du réseau, par exemple la disparition de la liquidité sur les marchés monétaires. La même volonté accumulatrice peut aussi développer des bulles sur n’importe quel bien évaluable en monnaie. Et cette même volonté, cherchera le plus naturellement du monde, à élargir l’espace du jeu en interconnectant les monnaies (elles deviennent toutes librement convertibles) ; en développant des marchés à terme sur tous les biens de l’économie réelle, et ce si possible à l’échelle de la planète ; en autorisant la liberté de circulation des capitaux ; etc. Autant d’élargissements de l’espace du jeu engendrant un « gigantisme de réseau » exposé à toutes les contagions possibles.

De ce point de vue, la mondialisation correspond à un processus d’interconnexion et d’unification des réseaux monétaires. Jusqu’ici l’interconnexion existait sous le contrôle de « douaniers » situés à la périphérie de chaque réseau national, et « douaniers » corrigeant ou veillant aux externalités engendrées par la dite interconnexion. Tels des fusibles sur des réseaux électriques, chargés de bloquer  la contamination de surtensions  apparues en tel ou tel point du système. De ce point de vue ,  l’unification mondialiste, est utopique en ce qu’elle correspond à la volonté de construire un réseau gigantesque dépourvu de fusibles. Tel un immeuble dont le ravitaillement électrique ne serait pas composé de sous- réseaux (des "lignes") reliés, mais en même temps séparés par des fusibles de protection. Et point n’est besoin d’être physicien, pour savoir que le potentiel d’entropie se développe à vitesse multipliée, avec l’augmentation de la taille du réseau . A titre de simple remarque, l’image du réseau est intéressante pour comprendre l’inéluctabilité d’une crise de l’euro : l’interconnexion entre systèmes nationaux, suppose au moins la maitrise du fusible "taux de change", ce que la monnaie unique ne peut- par définition -  apporter.

Mais parce que l’interconnexion jusqu’à l’unification, sans défenses immunitaires (sans fusibles), porte au plus haut niveau d’intérêt la deuxième fonction de la monnaie (réserve de valeur), les bulles spéculatives et leurs outils ( leviers démesurés, produits synthétiques, outils électroniques de trading, etc.) développent sans limites le fonctionnement entropique du système en voie d’unification. Très simplement, le réseau conçu pour faire circuler des marchandises réelles, fait surtout circuler des paris financiers. Incapable de lutter contre sa propre entropie – à l’inverse des êtres vivants – le réseau monétaire et financier mondial fonce vers son inéluctable auto destruction.

Parce que premier des biens publics de toute communauté moderne, et en même tant bien public devenu historiquement dépourvu de  défense immunitaire en raison de la dualité monétaire (moyen de paiement/ réserve de valeur), il convient de procéder à un toilettage complet de l’architecture du système monétaire et financier.

De fait, il s'agit de procéder à une refondation, dont la nature de la monnaie, nous fait déjà imaginer qu'elle porterait aussi une dimension politique majeure.

Ce que nous verrons ultérieurement.

Partager cet article
Repost0

Présentation

  • : Le Blog de Jean Claude Werrebrouck
  • : Analyse de la crise économique, financière, politique et sociale par le dépassement des paradigmes traditionnels
  • Contact

Recherche