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26 juin 2024 3 26 /06 /juin /2024 13:13

Quel que soit le résultat des élections législatives nous entrons en période de conflit au plus haut niveau, celui au sein de l'exécutif. Le président tirait, tire, et va tirer les ficelles dans la perspective d'un projet de carrière personnelle prodigieusement ambitieux. Il apparait en effet de plus en plus clairement que La Présidence de la République n'était qu'une étape, et - vu l'âge de son titulaire- nous sommes encore simplement en milieu d'une carrière qui se veut grandiose.

Le vrai problème est donc celui d'une cohabitation qui doit se concevoir comme tremplin vers une carrière prestigieuse hors de France et probablement contre la France. Chacun sait en effet que le président a toujours développé un européisme anormalement militant au regarde des seuls intérêts français. Piétiner la France pour valorise l’UE est une démarche militante admirée par les partenaires qui se sont toujours méfiés de la robustesse de l’architecture étatiste de la France. Ce piétinement vaut récompense et c’est bien l’agenda d’un président qui veut devenir patron d’une UE devenue grand Etat fédéral.

 Pour Matignon les choses seront plus modestes:comment faire tourner le quotidien sur le plancher des vaches? Plus savamment comment d'un côté réparer et de l'autre comment détruire pour être plus crédible au regard du futur employeur « Fédération des Etats Européens »?

Jusqu'à présent les entrepreneurs politiques, mus par leur intérêt personnel devaient tenir compte de quelque chose comme l'intérêt général. On utilise toujours les outils et moyens de la puissance publique à des fins privées mais jusqu'à présent l'intérêt général était sur le devant de la scène.  Aujourd'hui la dislocation, la mondialisation et donc la disparition du citoyen, voire de la démocratie elle-même, permet à un entrepreneur politique de s'autonomiser par rapport à la vieille contrainte d'un intérêt général. De ce point de vue notre président est le modèle parfait de l'entrepreneur politique post-moderne. Il est probablement au premier rang de la marche triomphale vers la fin de l'Occident.

 Bien évidemment il se veut au premier rang mais il ne fait que suivre le mouvement général d’un capitalisme financiarisé et  déterritorialisé se débarrassant d’une démocratie devenue poids trop lourd. C’est que naguère le fordisme générateur d’énormes gains de productivité supposait la redistribution et le partage à l’intérieur d’un conflit de classes, alors qu’aujourd’hui il peut abandonner tout esprit redistributif ( apparition de rémunérations stratosphériques, disparition des usines, etc.) et ne voir dans  la démocratie qu’un cout inutile qu'il faut contenir (référendum de juin 2005). A l’époque du fordisme, ce qu’on appelait l’élite ne pouvait faire secession - peu de paradis fiscaux, monnaie souveraine, surveillance du compte de capital, etc.- et se devait de partager à l’intérieur d'un territoire et  d’une démocratie plus ou moins réelle. Aujourd’hui, cette même élite, parce que pouvant bénéficier d’un espace mondial a perdu tout contact avec la base et peut faire sécession donc voir dans la démocratie un objet trop lourd qu’il faut contourner ou contenir. L’Etat dit "de droit" devient possible « coup d’Etat permanent» selon les expressions d’un Marcel Gauchet ou d’un Arnaud Montebourg. Ce même Etat baignant dans un capitalisme d'enclaves (Quinn Slobodian) ou ""archipélagique" (Vanessa Ogle) s'évapore en laissant la place à "l'individu désirant", à la haine et à la violence politique (Luc Rouban). Le président intellectuellement très équipé se sert de ce changement de paradigme pour booster sa carrière personnelle. En ce sens il est l'équivalent politique de l'élite économique mondialisée.

Il n'a pas oublié le vieux slogan de Joseph Shumpeter qui - s'intéressant aux entrepreneurs économiques-  parlait de "destruction créatrice". Notre président va donc détruire et assurer l'échec d’une cohabitation tenue par des "mal- sentant de la foi libertarienne". A ce titre il deviendra la figure du héro méritant. L'histoire ne s'arrête pas.

La probable prochaine cohabitation, quelle que soit sa version, ne sera donc pas de la même nature que les trois précédentes. L’époque n’était pas la même et les présidents- naturellement eux aussi entrepreneurs politiques- ne pouvaient, en raison de leur âge, ambitionner une future carrière. Il s’agissait de se maintenir au pouvoir et non pas de considérer ce dernier comme simple marche- pied en vue d’une position plus grande. Au-delà, les entrepreneurs politiques de l’époque étaient encore cadenassés par l’idéologie d’un intérêt général se manifestant dans un espace encore démocratique, espace peuplé de citoyens et équipé d'une monnaie et de frontières. Matignon n’était  pas dans une logique de résistance face à la destruction, mais dans une logique de  conflictuelle conservation.

Si le RN gagne les élections législatives il doit être très conscient de ce contexte très particulier : le président va rester au pouvoir et organiser la guerre civile qu’il annonce avec cynisme. En 2027 il laissera à de nouvelles "petites mains" le soin de faire rentrer le pays dans le rang. La grandeur d’un homme dépourvu de tout scrupule  se paiera de la ruine du pays. 

 

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14 juin 2024 5 14 /06 /juin /2024 10:13

Les prochains jours seront agités…et vont le rester longuement. Nous proposons ci-dessous une réflexion tentant de dépasser les simples commérages médiatiques.

Les entrepreneurs politiques

Tout d’abord il faut admettre que les instances politiques, en particulier l’Etat lui-même,  sont animées par des acteurs qui sont, comme tous les humains animés par des intérêts privés : le consommateur cherche à maximiser son bien-être, le salarié est à la recherche de meilleures rémunérations, l’entrepreneur économique tente de maximiser son profit….l’entrepreneur politique cherche à conquérir le pouvoir ou à se reproduire au pouvoir.  Et il est correct de parler « d’entrepreneurs politiques » car il s’agit d’individus qui - non salariés le plus souvent- sont en quelque sorte des « franchisés » d’entreprises politiques. Par exemple, un député est un personnage qui utilise une « marque » ( Modem, PS, RN, etc.) pour conquérir une place dans l’Assemblée Nationale. Il est donc bien un entrepreneur franchisé et comme tout franchisé, il utilise la marque en « vendant/produisant » des produits politiques ( ils produisent la loi donc « l’universel » de la société). La vente des produits politiques se réalise sur un marché politique qui correspond comme beaucoup de marchés économiques à un lieu et un temps qui est ici le « jour des élections » se déroulant dans des espaces publics (écoles , mairies, etc.)

Les entreprises politiques

Les entreprises politiques  ne disposent pas d’actionnaires mais de « militants » ou supporters animés par une idéologie présentée et vécue comme un « intérêt général ». A ce titre ils restent convaincus que l’Etat- monopoleur/ dépositaire des règles du jeu global- se doit de travailler en ce sens et tentent de le capter pour assurer la réalité de cet intérêt prétendu général. Les entreprises politiques et leurs franchisés sont en concurrence sur le marché politique comme les  entrepreneurs économiques le sont sur les marchés économiques. L’Etat est ainsi le réceptacle unique des produits politiques qui ont été les mieux « vendus » c’est-à-dire qui sont le produit d’une victoire électorale. Une entreprise politique qui, en démocratie gagne les élections, devient ainsi monopoleur de la production de l’universel de la société. Ce monopole est un gain politique et d’une certaine façon l’entreprise politique et ses entrepreneurs est une machine qui utilise les outils de la puissance publique à des fins privées : accès au pouvoir ou reconduction au pouvoir. Vendre des produits économiques se trouve assorti de coûts privés, mais vendre des produits politiques est assorti de bénéfices privés (pouvoir) et de coûts publics (impôts). Les entrepreneurs politiques et leurs entreprises ne supportent que fort indirectement les coûts de leur activité. Comme dans les entreprises économiques qui généralement vendent des gammes de produits, les entrepreneurs politiques vendent des gammes appelés « programmes ».

Cohérences programmatiques de jadis.

La France a connu une période appelée : « 30 glorieuses » dans laquelle les programmes des entrepreneurs politiques semblaient  d’une grand cohérence. Voici ce que nous écrivions à propos de cette période :

 « Le régime fordien de croissance donne lieu à des synthèses programmatiques relativement aisées en raison d'une certaine congruence des intérêts des divers acteurs.     L'acceptation du salariat est d'autant plus facile que la redistribution est réelle et réellement nourrie par de réels gains de productivité. Le partage des gains est aussi l'intérêt des entrepreneurs économiques dont l'offre rapidement croissante de marchandises se doit de disposer de débouchés croissants et réguliers. Une régularité toute promise par les entrepreneurs politiques qui construisent un Etat-providence porteur de social-clientélisme et donc de bulletins de vote. Salariés et consommateurs ne connaissent pas d'intérêts opposés dans un monde largement constitué d'un "dedans" protecteur, bien séparé d'un "dehors" :  séparation garantie par les entrepreneurs politiques qui protègent la Nation. Le dedans est lui-même relativement douillet : puisque protégé, il limite sérieusement les risques de prédation offerts par une possible exacerbation de la concurrence. Parce que la concurrence est ainsi contenue, les moins performants du jeu économique ne sont pas exclus : l'éventuelle sous-efficience se paye de moins de richesse mais non d'exclusion radicale. Les seuls relativement exclus sont ainsi les épargnants victimes de la répression financière qui caractérise aussi le régime fordien: la fameuse "euthanasie" des rentiers chère à Keynes. » 

 

Globalement dans ce type de monde les entrepreneurs politiques peuvent offrir sur les marchés politiques une assez grande cohérence programmatique donc des produits politiques crédibles…renforçant la crédibilité des entreprises politiques et de leurs entrepreneurs. L’idée d’intérêt général était porteuse de sens et si les entrepreneurs politiques mobilisaient les outils et moyens de la puissance publique à des fins privés, ce qui ne peut leur être reproché tant cela est dans la logique de leur positionnement, ils étaient légitimés par des résultats visibles : croissance spectaculaire, moyennisation de la société, sécurité croissante dans tous domaines, capacité à se projeter dans un avenir positif, etc.  Globalement nous pouvions vivre dans une société de relative confiance. Tel ne peut plus être le cas aujourd’hui en mondialisation.

Incohérences programmatiques d’aujourd’hui.

 Voici ce que nous écrivions il y a quelque temps pour caractériser cette nouvelle période dans laquelle nous sommes encore :

« Le salaire qui était simultanément "coût" et "débouché" dans un monde où l'économie se représentait comme circuit, n'est plus qu'un coût à minimiser. Le consommateur qui peut accéder sans limite aux marchandises mondiales ne voit plus son intérêt soudé à celui  du salarié. L'épargnant cesse d'être la victime de la répression financière et reprend le pouvoir dans les entreprises à financement désintermédié. La finance jusqu'ici réprimée, se libère et ne voit plus son profit assis sur l'investissement de long terme mais bien davantage sur la simple spéculation.

 La concurrence exacerbée par l'ouverture sans limite, d'abord du marché des biens réels, puis sur l'ouverture elle- même sans limite du compte de capital, segmente les producteurs entre ceux qui sont suffisamment armés pour résister à la concurrence et ceux qui le sont moins. Alors que l'employabilité était un mot vide de sens dans un fordisme qui intégrait les plus démunis, elle devient progressivement le mot à la mode. Avec le souci , comme l'énonce la langue bureaucratique, de s'intéresser aux "personnes les plus éloignées de l'emploi".

Cette non-employabilité est le fruit du changement de paradigme, qui fait que la mondialisation dérégulée, ne peut plus assurer un équilibre entre offre globale et demande globale. Au temps du fordisme, il appartenait aussi aux grandes entreprises politiques de veiller à ce que le salaire soit autant "coût" que "débouché", ce qui correspondait aussi à leur propre intérêt en ce qu'elles bénéficiaient des retombées électorales de la construction de l'Etat-providence, lui même devenant une sorte d'assurances de débouchés pour les entrepreneurs économiques. Ce modèle disparait avec la mondialisation dérégulée et il ne peut plus exister d'acteurs qui, en surplomb du jeu économique, veille à la redistribution des gains de productivité à l'échelle planétaire.

Parce que le salaire n'est plus qu'un coût à comprimer, les gains de productivité ne sont plus redistribuables, et il en résulte une tendance générale à la surproduction.

  D'où le caractère devenu sauvage de la concurrence : il n'y a pas de place pour tous au "grand banquet de l'écoulement de la marchandise" et donc de sa vente profitable, et ce malgré les énormes dépenses au titre de cet écoulement, dont la publicité et ces nouveaux métiers dits du "marketing" dont le fordisme se passait aisément. Parce que la mondialisation dérégulée est un régime de crise permanente de surproduction, on comprend mieux que les pays du centre qui ont abandonné  le fordisme classique seront davantage touchés par les questions d'employabilité.

Les grandes entreprises politiques chargées d'exprimer le nouvel universel ne peuvent que payer le prix de cette énorme dislocation. »

 

On comprend ainsi très bien que les entrepreneurs politiques travaillant sur un marché politique - dans lequel les citoyens attachés à leur vieil Etat-Nation refusent globalement la mondialisation – se trouvent en grande difficulté. Cette dernière va apparaître sous la forme d’une très grande incohérence programmatique. Entreprises politiques dites de droite, comme de gauche ou du centre, ou dite « populistes », se trouvent progressivement démonétisées en raison d’une  grande incohérence des programmes rendant fort grande la distance entre les promesses et la réalité constatée. On peut donner quelques exemples : Impossibilité de faire baisser le coût du travail tout en maintenant l’Etat-providence , Impossibilité de réindustrialiser malgré les aides, Impossibilité de maintenir une agriculture ne pouvant emprunter les normes mondiales, Impossibilité de rétablir les comptes extérieurs tout en glorifiant une monnaie unique surévaluée  comme bouclier de protection, Impossibilité de contenir la dette publique qui grossit avec le maintien artificiel d’un Etat- providence comme produit politique de base, Impossibilité de maintenir la cohérence des territoires et de contrer la désertification, Impossibilité de contenir l’immigration par la fin des frontières, Impossibilité de lutter contre les fraudes diverses en raison de la liberté de circulation du capital et la présence de paradis fiscaux à l’intérieur même du territoire de l’UE, Impossibilité de concilier les intérêts du salarié avec ceux du consommateur, Etc.

Prospective

La confiance disparue, les entrepreneurs politiques deviennent, au mieux, une armée taxée d’incompétence généralisée.  Les produits politiques qui assuraient le maintien ou la reproduction au pouvoir ne sont plus, comme par le passé, facilement commercialisables. D’où des « stocks invendables » matérialisés par l’absentéisme aujourd’hui….mais la probable violence demain. D’où l’accélération de la course aux mensonges dans la concurrence entre entreprises politiques, ou les tentatives de cartellisation/décartellisation renforçant l’incohérence programmatique et le risque de rejet. De quoi, dans un pays qui s’était construit autour d’un Etat puissant, précipiter sa marche vers un chaos déjà très perceptible et qui fait le régal des plateaux de TV.

L’entrepreneur politique en chef, celui qui est au-dessus de toutes les entreprises politiques et qu’on appelle le chef de l’Etat a lui-même participé à sa propre déstabilisation en accélérant la course à la mondialisation, en cartellisant des entreprises politiques déjà démonétisés (2017) et en précipitant le calendrier électoral (aujourd’hui). Il espère encore que cette dernière décision sera le piège dans lequel chutera la nouvelle entreprise populiste qui, devenue grande,  se propose d’engloutir les concurrents démonétisés. Cette nouvelle entreprise politique devenue grande devrait se méfier car, comme les autres, elle est incapable de produire une cohérence programmatique. Durant la campagne, qui ve oser évoquer le produit politique "finance'"? le produit politique "fin de l'indépendance de la banque centrale"? le produit politique "monnaie unique"? Autant de  produits à priori devenus invendables sur le marché poltique.  l'entrepreneur politique en chef propose un autre produit plus douillet": la dépolitisation du politique au nom de la rationalité". Forme suprême de l'incohérence programmatique....et probablement de l'inculture technocratique.

Hélas, si l'on va plus loin, cette incohérence programmatique est le fait de ce qoi est devenu une incohérence sociètale. Il n'est plus possible pour l'entreprenuriat politique de rester généraliste  face à l'éclatement de la société. De la meme façon que les grandes surfaces de la "Grande Distrition" sont délaissées au profit de magasins  spécialisés, le marché politique devient espace éclaté peuplé de niches. Ce qui questionne les fondements mêmes de ce qu'oa appelle le politique à savoir un "commun" d'un groupe, commun s'imposant à chacun. S le commun se contracte, ou se fragmente comment ne pas comprendre l'évaporation du politique et ses incohérences ?  Seules des questions géopolitiques majeures et menaçantes peuvent réintroduir le commun. La gestion de la guerre en Ukraine sera -t-elle apporteuse d'un renouveau sociétal?  En attendant et à court terme la France entre dans une période particulièrement difficile.

 

 

 

 

 

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10 juin 2024 1 10 /06 /juin /2024 16:29

La précipitation avec laquelle le président a enclenché le calendrier électoral est probablement une ultime tentative pour empêcher l’accès au pouvoir du RN. Parier  sur les difficultés  organisationnelles engendrées par un calendrier très serré est probablement d’une efficience fort limitée et le scénario d’une victoire complète du RN est envisageable.

D’où le commencement des difficultés d’un parti parvenu au pouvoir. C’est qu’en effet la voie de la cohabitation difficile est la plus probable et le président choisira d’empêcher son adversaire de gouverner en utilisant l’ensemble des pouvoirs qui restent à sa portée. L’objectif présidentiel sera en effet de préserver son ambition de présidence européenne pour l’après 2027. En organisant l’échec d’un parti mal préparé pour le pouvoir, Il lui sera facile de montrer qu’il est le seul homme capable d’éloigner ce qu’il appelle « l’extrême droite », non seulement du sol français mais, par contagion, du sol européen. L’autre stratégie qui consisterait à démissionner serait à l’inverse fort mal perçue au regard d’une carrière future. Le scénario est donc bien celui d’une cohabitation difficile assurant le futur d’une UE par essence engoncée dans une bureaucratie porteuse du déclassement constaté par rapport aux USA et la Chine.

Dans ces conditions le RN doit refuser une cohabitation classique, voire refuser le pouvoir lui-même si le président, trop attaché à ses perspectives de  carrière personnelle, se montre rebelle. La question devient donc - avant même les échéances du 30 juin et du 7 juillet-  de voir dans quelle mesure il faut lier le résultat des élections législatives à la question des outils de pouvoir dont la maitrise est indispensable au projet de reconstruction de la France. A ce titre une liste de ces outils devrait logiquement être publiée afin d’assurer la complète transparence aux électeurs.

Bien évidemment cette liste dépend du programme de transformation du pays que le RN doit présenter. Les articles récemment publiés sur le Blog[1] permettent de se faire une idée de l’immense travail à déployer. Ces mêmes articles permettent de mettre en évidence la grande incohérence programmatique du RN sur les questions économiques. De façon résumée on ne peut  résoudre les questions de rémunération, de prix de l’énergie, de retraites , etc. sans mettre en cause la dette publique dans ses modalités actuelles, le fonctionnement du système financier, le taux de change, l’indépendance de la banque centrale, la liberté de circulation du capital, etc. Toutes questions qui mettent en cause celles  du respect des traités et de leur possible contournement par des moyens juridiques à mettre en place, et moyens qui supposent au moins la signature du chef de l’Etat (promulgation de la loi) voire même des décisions qui ne relèvent que de sa seule volonté ( Référendum).

Clairement la liste des outils que le nouveau pouvoir doit maitriser devrait être publiée et proposée durant la campagne électorale qui s’ouvre. Et la liste est sans doute assez longue voire difficile si par exemple le RN prend cosncience que la haute administration lui restera fondamentalement hostile. Comment en effet licencier les cadres de Bercy?  Le  prix d’une telle publication serait bien évidemment une hausse de la difficulté  d'accéder  au pouvoir : le RN n’en veut-il pas trop ? penserons les électeurs. Et tout aussi évidemment les exigences du RN jugées inacceptables deviendraient des munitions utiles pour un président qui pourrait ainsi affirmer bruyamment, durant la brève campagne, son rôle de garant des institutions et barrer la perspective du succès électoral. La campagne électorale sera peut-être houleuse mais va probablement évacuer les grands thèmes qui pourraient apporter un minimum de cohérence programmatique. De quoi sécuriser le président et garantir l’échec d’un RN parvenu au pouvoir. Incapable d’assurer une cohérence programmatique qui ne sera même pas évoquée durant la campagne et qui ne pourra pas être mise en œuvre, l’échec est quasiment assuré. Monsieur Macron a  donc peut-être trouvé dans la décision de dissoudre les moyens d’assurer sa future carrière de patron d’une grande Europe protégée de « l’extrême droite ». La dissolution est probablement le dernier piège tendu par Monsieur Macron à ses adversaires. L'histoire retiendra que ce président est le meilleur représentant de ce qu'est "l'entrepreneuriat  politique": la capacité à  mobiliser  les outiles et instruments de la puissance publique à des fins strictment privées. Les prochains jours révèleront clairement une réalité où l'on verra un président devenir l'organisateur actif  d'un chaos à des fins strictement personnelles. 

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7 juin 2024 5 07 /06 /juin /2024 21:04

Une décision importante vient d’être prise par le chef de l’Etat français. Nous ne chercherons pas à la commenter. Par contre, nous tenterons dans le texte ci-dessous de comprendre la nature de la cible des nouvelles armes développées contre la Russie. Une cible que nous ne voyons pas avec des lunettes de militaires mais davantage avec celles d’un anthropologue. Quelle est la nature profonde de la société russe dont l’Occident déplore son comportement au regard de l’Ukraine ?

 On peut s’étonner de caractéristiques sociétales a priori assez éloignées de ce que l’on trouve dans l’occident classique : un Etat laissant très peu de place à la société civile, un demos davantage objet que sujet, un repli sur soi contrarié par une interaction sociale souvent brutale et violente, une très difficile émergence de droits de l’homme dont celui du respect de la vie. Ces caractéristiques sont elles-mêmes des qualificatifs divers d’une même réalité : la faculté d’un pouvoir très éloigné, à nier toute autonomie réelle à une population, simple moyen de sa propre fin, à savoir sa reconduction au pouvoir.

 1 -  Anatomie de l’Etat Russe.

En Russie comme ailleurs, l’aventure étatique fût probablement la cristallisation d’une évolution qui, selon l’expression de Pierre Clastres, devait aboutir à ce que ce dernier appelait « un coup d’Etat fondant l’Etat ». Partout dans le monde le « big bang » des Etats fut l’appropriation du « commun » d’une société, ce que l’on appellerait dans le langage moderne les biens publics. L’histoire assez classique des Etats fut le passage d’un âge patrimonial plus ou moins long (le groupe au pouvoir gère le commun comme son bien propre), à un âge institutionnel (le groupe au pouvoir reconduit sa domination par un partage et la reconnaissance de droits attribués à un demos). Dans certains cas, l’âge institutionnel peut se déliter avec passage à un âge relationnel où l’Etat lui-même semble s’affaisser devant le marché (démocratie puis mondialisation). L’âge relationnel qui semble être le moment présent des Etats de l’UE délègue au marché et aux économistes l’édification d’un intérêt général. Le marché devenant la nouvelle patrie à défendre. Signalons qu’il n’existe aucune théorie de l’histoire et rien ne dit qu’il existe un passage ordonné entre les âges : des retours ou des ordres inversés sont toujours possibles. Rien ne dit non plus que la réalité correspond à des âges complètement séparés et complètement distincts. Ainsi il n’est pas impossible de penser que l’UE pourrait évoluer, après son âge plus ou moins relationnel  vers un stade intermédiaire que certains appellent déjà la marche vers « l’étaticité ».

Ce qui semble caractériser l’histoire de l’Etat russe est l’importance de l’âge patrimonial, la difficulté du passage à l’âge institutionnel et, plus récemment, sa greffe sur un âge relationnel qui lui reste fondamentalement étranger.

2 -  Une construction impériale sans équivalent.

L’âge patrimonial s’est parfaitement adapté à la construction d’un empire où - à l’inverse de ce qui se passait en occident (Grande-Bretagne et France arrimées depuis longtemps à l’âge institutionnel) - la métropole n’est pas géographiquement séparée des colonies. Alors que la France se distingue de l’Algérie par une frontière naturelle, il n’existe pas de barrière physique entre la colonie et l’Etat patrimonial russe. Et comme l’âge patrimonial est celui où les sujets sont dépourvus de l’essentiel de ce qu’on appelle les droits de l’homme, voire du simple respect de la dignité humaine,

 le colonisateur peut utiliser ses sujets comme matière première de la colonisation. Parce que dépourvus de droits de propriété qui n’existent que pour les dominants, les sujets peuvent être instruments de la colonisation et être déportés en masse vers de nouveaux lieux. D’où la multitude de groupes russophones dans des espaces a priori très éloignés mais jamais séparés de la métropole par une barrière naturelle qui n’existe pas. Phénomène que nous n’avons pas constaté avec les autres colonisations où, même en Algérie, il n’y avait pas de réelles déportations et où ce qu’on appelait les pieds noirs étaient des volontaires très autonomes au regard de l’Etat central. Les cas contraires -sauf l’énorme exception que fût le commerce triangulaire- étaient marginaux et concernaient surtout une déportation des colonisés récalcitrants vers d’autres colonies, donc des personnes dépourvues des droits de propriétés de l’âge institutionnel de la métropole.

Dans le cas de la Russie, les moyens de production de la colonisation et de l’expansion de l’âge patrimonial, doivent historiquement rester ce qu’ils sont à peine d’effondrement de l’empire en expansion : les déportés doivent conserver leur rang et ne doivent jamais accéder aux droits de l’homme classiques. Il en résulte une distance réduite entre le colon et le colonisé, ce qui n’était pas le cas des empires coloniaux occidentaux. Dans le cas inverse, une stratégie d’accès aux classiques droits de l’homme entrainerait un effondrement de l’empire, ce que « Catherine la Grande » tentait d’expliquer aux philosophes des lumières et en particulier Diderot. Constatons qu’aujourd’hui encore les déportations restent une pratique assumée : enfants et familles ukrainiennes, minorités des espaces de l’Asie centrale, etc. Pas de droits de l’homme classiques, par contre l’empire masque son hétérogénéité par une idéologie de la grandeur : l’empire tente de devenir civilisation. Les colonisés savent qu’ils sont des minorités, savent qu’ils sont peu de choses et se rattachent volontairement et parfois avec enthousiasme à ce qui dépasse leur identité culturelle. De ce point de vue la révolution de 1917 et le marxisme furent un formidable catalyseur d’épanouissement de l’empire et donc de l’idée d’une authentique civilisation.

3 -  Un point d’appui sur des structures anthropologiques à privilégier.

 Classiquement les paramètres  des droits de l’homme : vie et  liberté, reposent sur un troisième qui devient le point d’appui des deux premiers : la propriété. C’est dire que l’âge patrimonial de l’Etat russe ne permet pas l’arrimage à la notion classique de propriété : vie et liberté seront toujours sous la dépendance du pouvoir. D’où la difficulté de faire naître un âge institutionnel allant jusqu’à la démocratie. Au mieux on aboutira à une citoyenneté qui restera bloquée sur le patriotisme ou le nationalisme alors qu’en Occident il sera possible d’aller plus loin. D’où l’asymétrie fondamentale dans une situation de guerre : un coût de la vie de plus en plus élevé dans un cas ( l’Occident dépassant l’âge institutionnel et déjà plongé dans l’âge relationnel), et très faible dans l’autre (Russie dont l’âge institutionnel reste enkysté dans un âge patrimonial). Dans un cas nous aurons potentiellement la doctrine du zéro mort dans la guerre et dans l’autre il sera naturel d’extirper de l’univers carcéral des personnes que l’on enverra sur le front.

D’une certaine façon l’Etat russe se trouve très aidé par des structures familiales qui selon la classification d’Emmanuel Todd relèvent du type souche, voire communautaire, avec des caractéristiques culturelles qui restent éloignées de celles de l’occident classique où la valeur égalité l’emporte. Le poids de l’autorité indiscutable s’impose avec ses conséquences sur des droits de l’homme qui n’ont pas la même signification qu’en Occident.  La dimension âge patrimonial de l’Etat Russe est ainsi en relative congruence avec des structures familiales qui ne vont pas contester frontalement la violence du pouvoir.  La perspective d’une révolution a ainsi beaucoup plus de chance de se réaliser par le haut que par le bas.

4 -  Un  point d’appui récent sur des Etats vivant l’âge relationnel.

Mais l’Etat russe qui passe déjà difficilement le cap de l’âge institutionnel est retenu, voire confirmé dans son âge patrimonial par sa greffe sur les Etats de l’âge relationnel (Occident). Les richesses de l’immense empire peuvent être valorisées auprès des Etats devenus vassaux d’un mercantilisme privé. C’est bien évidemment le cas -véritablement caricatural- de l’Allemagne dont le  mercantilisme permettra d’alimenter une rente gazière gigantesque accaparée par les détenteurs/défenseurs de l’âge patrimonial russe. De quoi nourrir- non pas avec des droits mais avec des marchandises- les dépendants du pouvoir russe. De quoi, par conséquent, légitimer la forme patrimoniale du pouvoir par une population qui reste à l’écart des agitations du post-modernisme occidental. Mieux : de quoi distribuer des salaires considérables et du capital qui l’est davantage encore, à ceux qui s’engagent dans la machinerie militaire. C’est dire que malgré une démographie très difficile l’Etat patrimonial russe peut encore alimenter la machine de guerre par une offre suffisante de personnel : les chaînes d’inscription à la guerre sont le point de départ d’un changement radical de niveau de vie pour nombre de familles de colons mais plus encore de colonisés dans l’immense empire. Au final,  de quoi connaître l’équivalent de la société de consommation occidentale dans un monde carcéral. Les immenses espaces de la Grande Distribution peuvent cohabiter avec ceux  des colonies pénitentiaires.

5 -  Un Etat sans limite territoriale

L’empire lui-même ne peut connaître de limite. Dans le cas de la colonisation occidentale, des barrières naturelles permettaient la distinction entre des colonies et des métropoles, elles-mêmes déjà marquées par les frontières des célèbres traités de Westphalie (1648). Simultanément, l’âge institutionnel et son débouché sur l’idée de citoyenneté et de droits de l’homme, délégitime rapidement le fait colonial occidental, lequel débouchera sur l’apparition de très nombreux Etats en formation au vingtième siècle. Historiquement, l’affaire ne fut pas facile et aurait pu l’être beaucoup moins encore en l’absence de barrières naturelles entre colonies et métropoles. Imaginons par exemple les difficultés supplémentaires- pourtant déjà  considérables- dans le cas de la France et de l’Algérie si cette dernière avait été directement accolée à la métropole.  Le cas de la Russie, au regard de l’idée de décolonisation est très différent. Parce que l’âge patrimonial peut se pérenniser et que la colonisation s’est accompagnée de déportations, il est très difficile de connaître une décolonisation. La violence naturelle de l’âge patrimonial s’y oppose, et surtout il est facile de compter sur ce qui est devenu les minorités russophones réparties sur l’immense territoire. C’est ce qui est présentement vécu avec un mouvement complexe de décolonisation/recolonisation. En occident parce que le colon était très différent du colonisé, la décolonisation s’en finit pas de se radicaliser y compris et surtout dans les anciennes métropoles. En Russie colons et colonisés sont peu différents et le colonisé ne rejette pas la culture du colon. A priori impensable en occident, la recolonisation se trouve envisageable dans l’ordre Russe. Avec toutefois une limite : une colonisation vers des espaces fondamentalement étrangers à  l’espace russe (l’Afrique actuelle) se heurtera à des déboires majeurs. Il sera moins difficile de se réinstaller dans les ex territoires de l’Union Soviétique que d’occuper le sahel après évincement de la présence française.

6 - Un Etat menaçant menacé ?

Et pourtant l’empire est plus ou moins menacé car les droits de l’homme frappent à la porte et les espoirs - fondés ou non - de l’âge relationnel s’affirment. Non pas nécessairement par le canal démocratique car une grande partie des droits de l’homme peut se vivre en dehors de la liberté démocratique, mais bien plutôt par le canal économique. L’économie prédatrice et rentière monopolisée par les tenants du pouvoir peut faire l’objet d’une contestation grandissante, voire se transformer en luttes de clans débouchant sur de possibles fragmentations. Et déjà, au quotidien, une difficulté croissante à gérer les conflits d’intérêts entre groupes de décisions et la peur qui, finalement, empêche toute innovation au niveau des microdécisions. Davantage encore, la digitalisation de l’économie et les espoirs du monde numérique favorisent la fuite hors de l’empire des plus modernes. De quoi accélérer la crise démographique. Au-delà des apparences nous sommes vraisemblablement dans la crise des Etats figés dans l’âge patrimonial.

7  -  Conclusions au regard de la Russie

- Les réalités d’aujourd’hui sur le théâtre russe paraissent confirmer ce qui précède : le « sultanat électoral » que vient de vivre le pays ne semble guère embarrasser ce que chacun peut considérer comme une distraction dominicale où l’on est invité au jeu du plébiscite comme on peut l’être au jeu de monopoly. C’est dire que la liberté au sens occidental n’a encore que peu de sens. Le Wokisme est loin d’obtenir droit de cité.

- La guerre est coûteuse, et même avec une croissance ,  il deviendra de plus en plus difficile de jouer le jeu de la société de consommation avec des moyens de production qui se reconvertissent en usines de guerre. La croissance peut certes s’accélérer  avec la généralisation d’une économie de guerre, mais elle ne pourra masquer durablement une perte des niveaux de vie.

- La guerre, elle-même, est un moyen de conserver un âge patrimonial menacé par des périphéries dissidentes qui pourraient déboucher sur  des exemples de réussite légitimant un âge relationnel : un succès économique et politique de l’Ukraine n’était pas acceptable. Une guerre qui soude une communauté est donc utile pour le pouvoir mais son coût devra se reporter sur les dépendants, plutôt sur les colonisés que sur les colons.

- Cette même guerre ne pourra que se limiter aux anciens espaces et La Russie, cruellement contestée dans sa volonté de devenir chef d’orchestre d’un Sud global,  devra probablement se retirer de l’Afrique.

- Enfin cette guerre développe ce qu’elle combat : le passage de l’Etat ukrainien d’un âge patrimonial à un âge institutionnel flirtant avec l’âge relationnel européen. Plus simplement exprimé, l’Etat Russe engendre à sa périphérie ce qu’il n’est pas,  et que classiquement on appelle « l’Etat Nation souverain ». Si le marché généralisé de l’âge relationnel connait quelque peine à souder une société,  la guerre de l’Etat Russe resté  patrimonial ne permettra pas davantage de souder et développera  des risques de rupture.

8  - Conclusions au regard de l’Occident en général et de l’UE en particulier.

On aurait pourtant tort d’imaginer que le temps - même long - travaille pour l’Occident. L’UE connait à l’inverse de ce qui peut se passer pour le pouvoir patrimonial russe, une crise de son âge relationnel dont elle est  pourtant l’auteure et probablement le modèle. La fin des institutions a permis le modèle du marché à toutes les formes d’interactions sociales. Les droits de l’homme s’y sont considérablement élargis et sont devenus infiniment élastiques. D’où la désintégration des structures de base comme la famille - même celle égalitaire chère à Todd- et la course au wokisme. Face à l’effondrement, le pouvoir politique devenu résiduel est tenté de réagir afin - comme le pouvoir patrimonial russe- de se reproduire au pouvoir. De ce point de vue, il n’est pas impossible d’imaginer que -ruse de la raison-  le despotisme soviétique devienne l’outil d’un redressement occidental. Globalement l’âge institutionnel impossible pour l’UE (impossibilité de passer à un Etat central européen) peut devenir envisageable dans une logique guerrière. La mobilisation des Mirage 2000-5 pourrait-elle sauver, voire promouvoir, le soldat Macron ?

 

 

 

 

 

 

 

 

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27 mars 2024 3 27 /03 /mars /2024 09:08

Nous proposon ci-dessous une bande video qui présente une  caractérisitique de grande modération au regard de la réalité russe et de la guerre en Ukraine. Expliquer ce qui se passe dans les réalités humaines n'est pas chose simple et les intellectuels les plus méticuleux ne sont pas à l'abri de biais cognitifs reposant sur des a-priori idéologiques. Au dessus du savoir existe un méta savoir et la science la plus élaborrée repose toujours sur un cadre qui n'eat pas la science elle-même et qui fait de son histoire une suite d'erreurs rectifiées. C'est au demeurant ce que va nous apprendre- une fois de plus - le nouveau téléscope spatial (James Webb") qui est entrain de révèler  notre modèle du Big- bang comme erreur scientifiaue. Si l'on revient sur terre nous sommes onfrontés au conflit d'interprétation concernant la guerre en Ukraine. Globalement nous avons des intellectuels ( sociologues/historiens/économistes/politistes/etc.) dont le méta savoir est de type occidental, qui s'opposent à d'autres intellectuels dont le meta-savoir est de type pro-russe. Bien évidemment cela donne des visions totalement opposées de la réalité. L'analyse de cette opposition relève - comme dans les sciences dites exactes -  de choix dans la sélection des faits dont on veut produire la compréhension. Les intellectuels pro-russes, très nombreux mettront ainsi toujours en avant l'impérialisme américain , la CIA, etc. Les intellectuels pro- occidentraux mettront toujours en évidence le resprct de l'ordre juridique intenrnational, l'impérialisme russe, etc. Et cette sélection des fiats autorisera bien évidemment une interprétation générale de la réalité très diférrente.  Il est simplement dommage que lesdits intellectuels n'annoncent pas clairement le paradigme dans lequel ils se trouvent. 

Si nous proposons cette video aujourd'hui, c'est précisément parce que son auteur, très modeste et peu connu, se borne à la présentation des faits ...sans les faire reposer sur une théorie à priori.

Bonne écoute.

 

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27 mars 2024 3 27 /03 /mars /2024 05:52

La présente note s’intéresse moins à l’analyse de la faiblesse de l’impact des sanctions occidentales sur l’économie russe que sur la spécificité d’un modèle anthropologique jusqu’ici peu défriché. On peut en effet s’étonner de caractéristiques sociétales a priori assez éloignées de ce que l’on trouve dans l’occident classique : un Etat laissant très peu de place à la société civile, un demos davantage objet que sujet, un repli sur soi contrarié par une interaction sociale souvent brutale et violente, une très difficile émergence de droits de l’homme dont celui du respect de la vie. Ces caractéristiques sont elles-mêmes des qualificatifs divers d’une même réalité : la faculté d’un pouvoir très éloigné, à nier toute autonomie réelle à une population, simple moyen de sa propre fin, à savoir sa reconduction au pouvoir.

 1 Anatomie de l’Etat Russe.

En Russie comme ailleurs, l’aventure étatique fût probablement la cristallisation d’une évolution qui selon l’expression de Pierre Clastres devait aboutir à ce que ce dernier appelait « un coup d’Etat fondant l’Etat ». Partout dans le monde le « big bang » des Etats fut l’appropriation du « commun » d’une société, ce que l’on appellerait dans le langage moderne les biens publics. L’histoire assez classique des Etats fut le passage d’un âge patrimonial plus ou moins long (le groupe au pouvoir gère le commun comme son bien propre), à un âge institutionnel (le groupe au pouvoir reconduit sa domination par un partage et la reconnaissance de droits attribués à un demos). Dans certains cas, l’âge institutionnel peut se déliter avec passage à un âge relationnel où l’Etat lui-même semble s’affaisser devant le marché (démocratie puis mondialisation). L’âge relationnel qui semble être le moment présent des Etats de l’UE délègue au marché et aux économistes l’édification d’un intérêt général. Le marché devenant la nouvelle patrie à défendre. Signalons qu’il n’existe aucune théorie de l’histoire et rien ne dit qu’il existe un passage ordonné entre les âges : des retours ou des ordres inversés sont toujours possibles. Rien ne dit non plus que la réalité correspond à des âges complètement séparés et complètement distincts. Ainsi il n’est pas impossible de penser que l’UE pourrait évoluer, après son âge plus ou moins relationnel  vers un stade intermédiaire que certains appellent déjà la marche vers « l’étaticité ».

Ce qui semble caractériser l’histoire de l’Etat russe est l’importance de l’âge patrimonial, la difficulté du passage à l’âge institutionnel et, plus récemment, sa greffe sur un âge relationnel qui lui reste fondamentalement étranger.

2 Une construction impériale sans équivalent.

L’âge patrimonial s’est parfaitement adapté à la construction d’un empire où - à l’inverse de ce qui se passait en occident (Grande-Bretagne et France arrimées depuis longtemps à l’âge institutionnel) - la métropole n’est pas géographiquement séparée des colonies. Alors que la France se distingue de l’Algérie par une frontière naturelle, il n’existe pas de barrière physique entre la colonie et l’Etat patrimonial russe. Et comme l’âge patrimonial est celui où les sujets sont dépourvus de l’essentiel de ce qu’on appelle les droits de l’homme, voire le simple respect de la dignité humaine, le colonisateur peut utiliser ses sujets comme matière première de la colonisation. Parce que dépourvus de droits de propriété qui n’existent que pour les dominants, les sujets peuvent être instruments de la colonisation et être déportés en masse vers de nouveaux lieux. D’où la multitude de groupes russophones dans des espaces a priori très éloignés mais jamais séparés de la métropole par une barrière naturelle qui n’existe pas. Phénomène que nous n’avons pas constaté avec les autres colonisations où, même en Algérie, il n’y avait pas de réelles déportation et où ce qu’on appelait les pieds noirs étaient des volontaires très autonomes au regard de l’Etat central. Les cas contraires- sauf l’énorme exception que fût le commerce triangulaire-  étaient marginaux et concernaient surtout une déportation des colonisés récalcitrants vers d’autres colonies, donc des personnes dépourvues des droits de propriétés de l’âge institutionnel de la métropole.

Dans le cas de la Russie, les moyens de production de la colonisation et de l’expansion de l’âge patrimonial, doivent historiquement rester ce qu’ils sont à peine d’effondrement de l’empire en expansion : les déportés doivent conserver leur rang et ne doivent jamais accéder aux droits de l’homme classiques. Il en résulte une distance réduite entre le colon et le colonisé, ce qui n’était pas le cas des empires coloniaux occidentaux. Dans le cas inverse, une stratégie d’accès aux classiques droits de l’homme entrainerait un effondrement de l’empire, ce que « Catherine la Grande » tentait d’expliquer aux philosophes des lumières et en particulier Diderot. Constatons qu’aujourd’hui encore les déportations restent une pratique assumée : enfants et familles ukrainiennes, minorités des espaces de l’Asie centrale, etc.

3 Un point d’appui sur des structures anthropologiques à privilégier.

 Les deux paramètres classiques des droits de l’homme : vie, liberté, reposent sur un troisième qui devient le point d’appui des deux premiers : la propriété. C’est dire que l’âge patrimonial de l’Etat russe ne permet pas l’arrimage à la notion classique de propriété : vie et liberté seront toujours sous la dépendance du pouvoir. D’où la difficulté de faire naître un âge institutionnel allant jusqu’à la démocratie. Au mieux on aboutira à une citoyenneté qui restera bloquée sur le patriotisme ou le nationalisme alors qu’en Occident il sera possible d’aller plus loin. D’où l’asymétrie fondamentale dans une situation de guerre : un coût de la vie très élevé dans un cas ( l’Occident dépassant l’âge institutionnel et déjà plongé dans l’âge relationnel), et très faible dans l’autre (Russie dont l’âge institutionnel reste enkysté dans un âge patrimonial). Dans un cas nous avons la doctrine du zéro mort dans la guerre et dans l’autre il sera naturel d’extirper de l’univers carcéral des personnes que l’on enverra sur le front.

D’une certaine façon l’Etat russe se trouve très aidé par des structures familiales qui selon la classification d’Emmanuel Todd relèvent du type souche, voire communautaire, avec des caractéristiques culturelles qui restent éloignées de celles de l’occident classique où la valeur égalité l’emporte. Le poids de l’autorité indiscutable s’impose avec ses conséquences sur des droits de l’homme qui n’ont pas la même signification qu’en Occident. La dimension âge patrimonial de l’Etat Russe est ainsi en relative congruence avec des structures familiales qui ne vont pas contester frontalement la violence du pouvoir.  La perspective d’une révolution a ainsi beaucoup plus de chance de se réaliser par le haut que par le bas.

4 Un  point d’appui récent sur des Etats vivant l’âge relationnel.

Mais l’Etat russe qui passe déjà difficilement le cap de l’âge institutionnel est retenu, voire confirmé dans son âge patrimonial par sa greffe sur les Etats de l’âge relationnel (Occident). Les richesses de l’immense empire peuvent être valorisées auprès des Etats devenus vassaux d’un mercantilisme privé. C’est bien évidemment le cas -véritablement caricatural- de l’Allemagne dont son mercantilisme permettra d’alimenter une rente gazière gigantesque accaparée par les détenteurs/défenseurs de l’âge patrimonial russe. De quoi nourrir- non pas avec des droits mais avec des marchandises- les dépendants du pouvoir russe. De quoi, par conséquent, légitimer la forme patrimoniale du pouvoir par une population qui reste à l’écart des agitations du post-modernisme occidental. Mieux : de quoi distribuer des salaires considérables et du capital qui l’est davantage encore, à ceux qui s’engagent dans la machinerie militaire. C’est dire que malgré une démographie très difficile l’Etat patrimonial russe peut encore alimenter la machine de guerre par une offre suffisante de personnel : les chaines d’inscription à la guerre sont le point de départ d’un changement radical de niveau de vie pour nombre de familles de colons mais plus encore de colonisés dans l’immense empire. Au final de quoi connaître l’équivalent de la société de consommation occidentale dans un monde carcéral. Les immenses espaces de la Grande Distribution peuvent cohabiter avec ceux  des colonies pénitentiaires.

5 Un Etat sans limite territoriale

L’empire lui-même ne peut connaître de limite. Dans le cas de la colonisation occidentale, des barrières naturelles permettaient la distinction entre des colonies et des métropoles, elles-mêmes déjà marquées par les frontières des célèbres traités de Westphalie (1648). Simultanément, l’âge institutionnel et son débouché sur l’idée de citoyenneté et de droits de l’homme, délégitime rapidement le fait colonial occidental, lequel débouchera sur l’apparition de très nombreux Etats en formation au vingtième siècle. Historiquement, l’affaire ne fut pas facile et aurait pu l’être beaucoup moins encore en l’absence de barrières naturelles entre colonies et métropoles. Imaginons par exemple les difficultés supplémentaires- pourtant déjà  considérables- dans le cas de la France et de l’Algérie si cette dernière avait été directement accolée à la métropole.  Le cas de la Russie, au regard de l’idée de décolonisation est très différent. Parce que l’âge patrimonial peut se pérenniser et que la colonisation s’est accompagnée de déportations, il est très difficile de connaître une décolonisation. La violence naturelle de l’âge patrimonial s’y oppose, et surtout il est facile de compter sur ce qui est devenu les minorités russophones réparties sur l’immense territoire. C’est ce qui est présentement vécu avec un mouvement complexe de décolonisation/recolonisation. En occident parce que le colon était très différent du colonisé, la décolonisation s’en finit pas de se radicaliser y compris et surtout dans les anciennes métropoles. En Russie colons et colonisés sont peu différents et le colonisé ne rejette pas la culture du colon. A priori impensable en occident, la recolonisation se trouve envisageable dans l’ordre Russe. Avec toutefois une limite : une colonisation vers des espaces fondamentalement étrangers à  l’espace russe (l’Afrique actuelle) se heurtera à des déboires majeurs. Il sera moins difficile de se réinstaller dans les ex territoires de l’Union Soviétique que d’occuper le sahel après évincement de la présence française.

6 Un Etat menaçant menacé ?

Et pourtant l’empire est plus ou moins menacé car les droits de l’homme frappent à la porte et les espoirs - fondés ou non - de l’âge relationnel s’affirment. Non pas nécessairement par le canal démocratique car une grande partie des droits de l’homme peut se vivre en dehors de la liberté démocratique, mais bien plutôt par le canal économique. L’économie prédatrice et rentière monopolisée par les tenants du pouvoir peut faire l’objet d’une contestation grandissante, voire se transformer en luttes de clans débouchant sur de possibles fragmentations. Et déjà, au quotidien, une difficulté croissante à gérer les conflits d’intérêts entre groupes de décisions et la peur qui, finalement, empêche toute innovation au niveau des microdécisions. Davantage encore, la digitalisation de l’économie et les espoirs du monde numérique favorisent la fuite hors de l’empire des plus modernes. De quoi accélérer la crise démographique. Au-delà des apparences nous sommes vraisemblablement dans la crise des Etats figés dans l’âge patrimonial.

7 Conclusions.

-Les réalités d’aujourd’hui sur le théâtre russe paraissent confirmer ce qui précède : le « sultanat électoral » que vient de vivre le pays ne semble guère embarrasser ce que chacun peut considèrer comme une distraction dominicale où l’on est invité au jeu du plébiscite comme on peut l’être au jeu de monopoly. C’est dire que la liberté au sens occidental n’a encore que peu de sens.

-La guerre est couteuse, et même avec une croissance ,  il deviendra de plus en plus difficile de jouer le jeu de la société de consommation avec des moyens de production qui se sont reconvertis en usines de guerre. La croissance peut certes s’accélérer  avec la généralisation d’une économie de guerre, mais elle ne pourra masquer durablement une perte des niveaux de vie.

-La guerre, elle-même, est un moyen de conserver un âge patrimonial menacé par des périphéries dissidentes qui pourraient déboucher sur  des exemples de réussite légitimant un âge relationnel : un succès économique et politique de l’Ukraine n’était pas acceptable. Une guerre qui soude une communauté est donc utile pour le pouvoir mais son cout devra se reporter sur les dépendants, plutôt sur les colonisés que sur les colons.

-Cette même guerre ne pourra que se limiter aux anciens espaces et La Russie, cruellement contestée dans sa volonté de devenir chef d’orchestre d’un Sud global,  devra probablement se retirer de l’Afrique.

-Enfin cette guerre développe ce qu’elle combat : le passage de l’Etat ukrainien d’un âge patrimonial à un âge institutionnel flirtant avec l’âge relationnel européen. Plus simplement exprimé, l’Etat Russe engendre à sa périphérie ce qu’il n’est pas,  et que classiquement on appelle « l’Etat Nation souverain ». Si le marché généralisé de l’âge relationnel connait quelque peine à souder une société,  La guerre de l’Etat Russe resté  patrimonial ne permettra pas davantage de souder et développera  des risques de rupture.

 

 

 

 

 

 

 

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22 décembre 2023 5 22 /12 /décembre /2023 17:33

Cette phrase figure dans le livre dont l’auteur est président d’une grande entreprise et par ailleurs ingénieur général des mines. Nous tairons le nom bien que  les Echos des 22 et 23 décembre font l’éloge du livre. En poursuivant la phrase nous trouvons ceci :

 « Certes, c’est un organe vital parce qu’il permet aux entreprises de financer l’investissement et ainsi d’améliorer la productivité du travail et parce qu’il permet aux individus de lisser leur consommation tantôt en empruntant (étudiants) tantôt en épargnant (pour leur retraite) . Mais c’est un organe qui n’ayant pas d’autre utilité que d’alimenter les autres organes doit garder un poids léger (4% du PIB en France), sauf à capter des marges indues par faille régulatoire, défaut de concurrence ou naïveté des clients ».

Il faut savoir de quoi on parle et il est probable que l’auteur confonde les 4% de PIB avec un bilan bancaire agrégé représentant un peu plus de 4 fois le PIB de la France. Le seul bilan de la BNP – en ne comptant pas les actifs hors bilan - est aujourd’hui supérieur au PIB de la France. Effectivement, si la finance est à l’économie ce que le cœur est au corps, il y a manifestement un hypertrophie cardiaque hallucinante. Signalons par exemple que le bilan de Total Energie, une entreprise qui est effectivement dans le monde de l’économie réelle et qui est l’une des plus importantes du pays, est 10 fois inférieur au bilan de la BNP ? Signalons aussi que le corps - très petit- est plus solide que le cœur -trop gros- car l’actif de Total, même à une époque de contestation des énergies fossiles, est autrement plus fiable que celui de la BNP qui est trop constitué de titres à valeur très aléatoire. Au-delà, Total pourrait probablement s’émanciper des banques alors que la BNP se repose sur cette mère des banques qu’est la BCE.   Ne multiplions pas inutilement les exemples mais signalons quand même que le seul marché des changes brasse quotidiennement la valeur annuelle du PIB agrégé de l’Allemagne et de la France !

N’allons pas plus loin. Nous voulions simplement mentionner cette « fake-news » et beaucoup regretter qu’un quotidien réputé sérieux se livre à sa diffusion en l’état.

 

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19 juin 2023 1 19 /06 /juin /2023 06:00

Nous publions ci-dessous une vidéo extraite de la chaine ELUCID  créée par Olivier Berruyer. Concrètement il s'agit d'un interview d' Emmanuel Todd. Le titre brutalement asséné est suivi d'un contenu tout aussi radical: avec comme hypothèse centrale, l'abandons par  les élites européennes du projet européen au profit d'un ralliement complet au monde anglo-saxon. Les arguments développés relèvent d'une description intéressante: déplacement de la richesse depuis les banques suisses vers les paradis fiscaux Anglo- saxons , montée de la confiance envers l'OTAN au détriment de Bruxelles, etc. Simultanément, Emmanuel Todd s'interroge sur les fondements d'un tel mouvement en développant sa thèse de l'irrationnalité de l'élite européenne, une élite incapable de se rendre compte de réelles difficultés américaines qu'il croit pouvoir lire dans des statistiques démographiques indiscutables: augmentation de la mortalité infantile aux USA, baisse de l'espérance de vie, etc. 

La pensée d'Emmanuel Todd, toujours vigoureuse, pourrait encore s'affiner en prenant en compte les grands mouvements du monde: délitement de l'Etat-Nation à l'occidentale dans l'idéologie de la mondialisation (avec son exception américaine), et construction d'autres Etats, qualifiés naguère de périphériques ou "mous", et  se nourrissant de la même mondialisation. Cet élargissement du cadre permettrait de mieux saisir ce qu'il appelle la fin de l'Europe, à savoir un effondrement provoqué par un projet devenu celui d'un autre temps. Une construction à contre -temps sur laquelle des noyés cherchent à se raccrocher. Dans ce cadre élargi on pourrait ainsi mieux saisir ce que Todd appelle l'irrationnalité. l'élite européenne n'est pas irrationnelle, elle joue simplement un mauvais jeu car n'en connaissant pas les règles fondamentales. Plus concrètement si l'élite allemande avait eu conscience de ces réalités fondamentales, elle aurait pu mieux construire et sécuriser ses relations avec la Chine et la Russie. L'élite allemande n'est pas irrationnelle, elles est simplement insuffisamment compétente. 

Bonne écoute et bonne réflexion..

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7 décembre 2022 3 07 /12 /décembre /2022 15:08

Le prix plafond pour le pétrole russe est entré en vigueur ce 5 décembre comme prévu au niveau négocié de 60 dollars le baril. Le texte ci-dessous que nous avions publié le 9 septembre dernier reste d'actualité. Tentant d'étudier les conséquences à venir d'une telle décision , les premières réactions de l'OPEP n'infirment pas son contenu. Cette dernière laissant inchangées ses quotas , il n'y a pas d'alignement sur les intérêts de l'Occident au détriment de la Russie. Il n'y a pas non plus alignement sur l'intérêt de la Russie et donc pas de coup de pouce à cette dernière en favorisant une hausse du prix du brut. Les analyses ci-dessous développées le 9 septembre dernier sont donc validées par la réalité géopolitique du moment.

Bonne relecture.

L’idée des pays occidentaux importateurs de pétrole russe est de limiter les moyens guerriers de la Russie par une réduction de ses capacités financières.

Sur un plan théorique il s’agirait de faire comme si le marché du pétrole pouvait devenir un monopole bilatéral : un seul producteur, la Russie, en face d’un seul demandeur, l’occident. Si tel était le cas on assisterait à la formation d’un prix d’équilibre dépendant des capacités de négociation des acteurs. Le point de vue occidental étant qu’il existerait de fortes capacités de substitution entre pétrole russe et autres ressources et donc que les prétentions russes pourraient être très largement contenues. Au final le plafond de prix invoqué correspondrait à l’idée que la résistance occidentale serait plus importante que celle de la Russie.

La réalité est autre et chacun sait qu’il existe d’autres producteurs et d’autres pays consommateurs dans le monde. La problématique est donc du point de vue occidental de construire artificiellement un monopole bilatéral qui n’existe pas. La voie choisie est donc d’élever des barrières entre l’offre russe de pétrole et ses acheteurs potentiels non occidentaux.

La solution qui consisterait à arrimer les autres acheteurs à la prétention occidentale n’est guère imaginable. Bien sûr on pourrait envisager un prix inférieur au prix payé par ces autres acheteurs (essentiellement chine et Inde) , lesquels auraient intérêt à participer à une entente générale au niveau de l’achat de pétrole russe. Toutefois le cout géopolitique d’une telle démarche (alignement sur l’occident) serait supérieur à l’avantage économique (gain sur le prix du baril).Cette idée étant irréaliste Il convient  d’empêcher le déplacement de l’offre de pétrole depuis ses destinataires occidentaux vers d’autres destinataires. Une intervention militaire étant impensable (arraisonnement de tankers se dirigeant vers la Chine ou l’Inde) seule la voie du marché est possible sous la forme de contrainte notamment auprès des propriétaires des navires voire subventions auprès de ces mêmes propriétaires ou des destinataires eux-mêmes. C’est semble- t-il ce qui est envisagé avec l’interdit de couverture d’assurance et de réassurance sur les cargaisons de pétrole russe, voire le subventionnement des compagnies d’assurances elles-mêmes.

Du point de vue russe, tout sera fait pour trouver une substitution plus ou moins parfaite entre réduction des exportations vers l’occident et augmentation vers le reste du monde notamment par le canal de la Chine et de l’Inde. En particulier on peut aisément imaginer des transporteurs largement indemnisés et rémunérés pour ce travail de réorganisation planétaire de la logistique. Le schéma nouveau de l’organisation serait approximativement celui çi : les pays recevant le pétrole russe achètent moins à l’OPEP tandis que cette dernière voit ses débouchés compensés par une livraison plus importante à l’Occident. A offre et demande mondiale inchangée il y a simple réorganisation des destinations. Reste à savoir si cette réorganisation planétaire est acceptable par le reste du monde et notamment l’OPEP.

Chine, Inde et autres pays qui vont recevoir le pétrole russe seront gagnants puisque la Russie se doit de prendre la main sur les fournisseurs OPEP traditionnels. Toutefois  cette opération représente- t-elle un gains à l’échange pour l’OPEP ? En oubliant les rugosités du changement organisationnel (qualité des bruts et degré API, qualités/spécialisation  des installations de raffinage, couts d’acheminements, etc.) le cout de la réorganisation est d’autant plus élevé que le prix plafond fixé par l’Occident est faible. Chine et Inde peuvent gagner beaucoup et supporter des couts de réorganisation élevés si la Russie accorde des marges importantes. L’OPEP ne gagne rien et supporte les couts de réorganisation. Elle peut réagir en contractant son offre avec effet de hausse de prix mais cela peut inciter les importateurs non occidentaux de pétrole russe à recycler le brut correspondant vers d’autres pays et gêner l’OPEP. On le voir rien n’est écrit. Par contre il faut reconnaitre que cette décision est un réel manque à gagner pour la Russie : Plus le prix plafond serait faible et plus il faudrait accepter des rabais auprès de clients non occidentaux qu’il convient de privilégier. Au total les gagnants seraient l’occident et les pays acheteurs de brut russe, les perdants étant la Russie et probablement l’OPEP.

 

 

 

 

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31 octobre 2022 1 31 /10 /octobre /2022 08:58

 Après une polémique concernant une accusation de plagiat, le livre de Gael Giraud qui devait être publié en mars dernier est enfin en librairie. L'auteur y propose des outils très nouveaux de compréhension du monde. Invité par Olivier Berruyer dans le cadre de sa chaine "Elucid", il développe largement les thèmes qu'il déploie sur plus de 800 pages. Beaucoup de passages intéressent directement les préoccupations du présent blog et c'est la raison pour laquelle nous nous permettons de publier les échanges très intéressants entre Gael Giraud et Olivier Berruyer. En particulier on pourra suivre attentivement les questions de la finance, des banques, de la crise financière, de l'euro, des banques centrales, etc. Ces échanges  concernent les 15 dernières minutes de la vidéo. les lecteurs également intéressés par la philosophie et la sociologie pourront apprécier les distances ou rapprochements avec les travaux d'un Philippe Descola ou de ceux du regretté Bruno Latour.

Bonne écoute.

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