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28 juin 2016 2 28 /06 /juin /2016 16:39

 

Vu de haut il pourra bientôt être dit que l’aventure de l’union européenne est finalement passée par 4 grandes  phases : celle de la construction (années 50-70) celle du mode mondialiste quasi parfait (années 80 et jusqu’en 2007), celle de la décomposition masquée ( 2007-2016), enfin celle de la décomposition active ( aujourd’hui).

La construction (années 50-70)

La première bien connue ne soulève guère de questions. L’Europe des 6 ou du marché commun disposait d’un projet clair : éloigner tout risque de guerre en promouvant les vertus apaisantes du commerce chères à Montesquieu. Il ne s’agit pas de mettre en place une société de marché mais une société à économie de marché complétement régulée par le modèle keynésien de représentation et de régulation du monde. La coopération l’emporte sur la compétition, ce qui signifie que l’homogénéisation - déjà en cours à l’intérieur de chaque Etat, ce qui est le principe classique de fonctionnement des Etats[1] -  se manifeste par le haut et non par le bas. Bien évidemment cette homogénéisation est aussi alimentée par un modèle fordiste de croissance garantissant des gains de productivité importants à redistribuer.

La phase mondialiste quasi parfaite (années 80- 2007)

La seconde est celle du marché unique, de l’idéologie de la fin de l’histoire avec l’effondrement du bloc soviétique, de  l’élargissement vers le sud et l’est, de  la fin du politique et des Etats au profit des règles et de la bonne gouvernance, de l’édification paradoxale d’une machinerie gigantesque productrice de directives , résolutions, normes, sanctions, toutes orientées vers l’ordre d’un marché non faussé, du développement fantastique des « Autorités Administratives Indépendantes », du développement d’agences de notation des Etats, etc... Le tout baignant dans la remise -par les Etats-  des clés de la monnaie à la Finance[2]. Désormais les taux de change ne sont plus définis par décret mais par le marché, les Etats cessent d’accéder à la monnaie en raison de l’indépendance des banques centrales, une indépendance qui deviendra radicale avec la naissance de l’euro-système. I ’idée de projet se dissout dans le marché généralisé, et s’il existe une volonté, c’est bien celle de faire de l’Union européenne un modèle, certes réduit, mais parfait de la mondialisation néo-libérale.

C’est l’introduction de l’euro qui fait de la zone correspondante le modèle réduit et parfait de la mondialisation néolibérale : les taux de change à l’intérieur de la zone ne sont plus politiquement fixés, ne sont plus outils de correction des déséquilibres, et disparaissent[JCW1]  pour laisser la place à la circulation libre du capital. Cette disparition est aussi celle d’un élément fondamental de la souveraineté : aux Etats de s’adapter selon les mouvements du marché. La disparition des taux de change fait ainsi disparaitre toutes les cloisons, transformant les sociétés en êtres dépourvus de peau protectrice. Bien évidemment il ne s’agira plus de coopérer (premier stade la construction) mais d’entrer dans une concurrence généralisée y compris celle des Etats, en particulier de leur politique fiscale et sociale. Le principe d’homogénéisation est abandonné, la construction se poursuivant selon un mode bancal : il faut créer des avantages compétitifs donc des différences[3] que l’on essaiera de combler en permanence, non par le haut comme au temps de la coopération, mais  par le bas. On passe ainsi d’un modèle d’homogénéisation par le haut à une modèle d’hétérogénéisation combattue par un éternel et précaire nivellement par le bas. Nous ne sommes plus très loin des sempiternelles réformes structurelles.

La phase de la décomposition cachée (2007-2016)

Plusieurs dizaines d’années plus tard l’hétérogénéité est devenue problématique. Le modèle réduit européen de mondialisation est d’abord bloqué par la crise mondiale de surproduction que la dette croissante ne peut plus masquer[4] : les subprimes (USA) sont la goutte d’eau qui fait déborder le vase. Les masse financières gigantesques déployées au titre de la sécurisation des taux de change[5], masses devenues le très lourd prix de la remise des clés de la monnaie à la Finance, déstabilisent de non moins gigantesques établissements financiers qu’il faut sauver ….par des Etats dont on voulait rétrécir le périmètre d’intervention… A partir de 2008, à l’échelle de l’UE, il faudra se rendre compte de la catastrophe correspondante et essayer d’en masquer les effets.

 Le modèle néolibéral adopté par l’Union européenne a renforcé les spécialisations productives dans tous les pays : plus d’industrie en Allemagne, plus de finance à Londres , plus de services en France, plus de bâtiments en Espagne, plus de tourisme en Grèce, et parfois même des innovations comme celle de la fraude fiscale au Luxembourg. Les gains de productivité associés à ces spécialisations étant différents, les revenus entre pays ne peuvent que se différencier de manière croissante et n’ont pu être masqués que par des soldes extérieurs éloignés des écrans radars des statisticiens : la Grèce, voire la France ont pu continuer à vivre sous la protection de l’Euro alors que la même monnaie unique en détruisait la substance. A l’inverse l’Allemagne a pu s’offrir un mercantilisme de grande dimension par le biais d’une monnaie sous-évaluée. Bref, le modèle fait entrer en décomposition l’aventure européenne : il fallait s’unir ou se rassembler mais la méthode choisie aboutit au résultat inverse.

Face aux déséquilibres que le principe de concurrence ne peut corriger, il a fallu tenter de mettre en congruence ce qui ne pouvait pas l’être en ayant recours à des bricolages réglementaires et financiers : austérité budgétaire pour le sud pour rassurer une Allemagne qui ne peut accepter de transferts mais qui a besoin de poursuivre son mercantilisme, effondrement de l’investissement en raison du multiplicateur budgétaire négatif, maintien de la liberté de la Finance avec sa spécialisation londonienne pour respecter le principe d’indépendance des banques centrales sans lequel l’existence même de l’euro disparaitrait. Il faudra même aller plus loin en intervenant directement sur les Etats, l’Italie, mais surtout la Grèce dont un gouvernement est écarté (2011) avant la mise sous tutelle directe[6] (été 2015).

Les politiques d’austérité, indispensables sauf à mettre en cause l’ensemble de l’édifice, font apparaitre la réalité : des Etats européens qui ne font que s’éloigner les uns des autres sur le plan économique avec toutes les conséquences politiques et sociales. Mieux , à l’intérieur des Etats, des différenciations croissantes entre zones gagnantes et zones perdantes de la mondialisation, une hétérogénéisation que les Etats, parce que démunis de leurs attributs classiques ne peuvent plus compenser[7]. Le référendum sur le Brexit est ainsi révélateur d’une extraordinaire réalité : un royaume uni tellement disloqué que certains imagineraient légitime l’indépendance de la ville de Londres par rapport au reste du territoire.

Bien évidemment l’étape la plus remarquable de cette décomposition cachée est l’intervention massive de la BCE pour masquer la réalité de la dette publique dans nombre d’Etats : en rachetant cette dernière, en pratiquant durablement une politique de taux zéro, on permet la reproduction comateuse du système de décomposition.  Avec ce curieux résultat : celui d’une Finance qu’on a voulu libérée, que l’on veut maintenir libre, et qui se trouve partiellement assujettie à un effondrement de sa rentabilité.

La phase de décomposition active de l’Union Européenne (2016… ?)

Cette phase ne peut être appréciée que par rapport aux grandes forces en présence qui vont de par le symbole du Brexit pouvoir se déchainer plus ouvertement. De ce point de vue l’Histoire retiendra que c’est la Grande Bretagne, pourtant située à la périphérie de l’ordre institutionnel bruxellois, qui ouvre le bal de la phase active de la décomposition.

Ces forces sont nombreuses : les lobbyistes de l’économie réelle, ceux de la Finance, le personnel politico-administratif du monde bruxellois, les entrepreneurs politiques des divers pays, les salariés, les citoyens, les consommateurs, les épargnants de ces mêmes divers pays[8], les entrepreneurs politiques des pays étrangers. Chaque groupe est porteur d’intérêts directs ou porteur d’une composition ou « bouquet » d’intérêts[9].

La résultante des forces en jeu est donc complexe tant les éléments constituants le sont. Et cette complexité est d’autant plus grande que pour nombre d’acteurs il y a difficulté à distinguer ce qui relève de l’intérêt objectif – parfois difficile à mesurer- et ce qui relève de l’idéologie.  Toutefois il semble que les forces de désintégration devraient logiquement l’emporter sur celles à vocation intégrative.

L’idéologie d’un intérêt général post national est extrêmement puissante et donc c’est une alliance de forces européistes qui devraient logiquement continuer à s’imposer dans l’immédiat. Avec 3 possibilités : la marche vers plus d’horizontalité, celle d’un libre échange en continuelle expansion ; celle de la verticalité, c’est-à-dire celle d’un fédéralisme ; enfin, la moins européiste, celle « oblique » d’une coopération renforcée entre Etats.

Les deux premières sont explosives.

La première n’est compatible avec l’euro que si les continuels perdants du libre- échange acceptent en permanence la contrainte correspondante de la dévaluation interne, donc la baisse continue des rémunérations et protections associées. Parce que le libre- échange permet de ne plus voir dans les salaires un débouché, et n’y repérer qu’une contrainte de couts, la tendance à la baisse des rémunérations devient récurrente. Et le pays dominant ne peut en être épargné : même l’Allemagne ne pourra rester compétitive qu’en faisant pression sur les rémunérations. De ce point de vue l’euro apparait bien comme un double outil : d’abord sociologiquement une arme efficiente de lutte de la classe dominante contre la classe dominée, ensuite économiquement un instrument accélérateur de la crise mondiale de surproduction. L’européisme de l’horizontalité marchande trouve ici une limite : les entrepreneurs politiques nationaux ne pourront se reconduire au pouvoir ou conquérir le pouvoir dans l’ordre libéral que si l’euro disparait….et avec lui nombre des institutions européistes correspondantes….De ce point de vue l’affrontement entre les politiques nationaux, pris dans le piège de la contestation de plus en plus radicale des dominés, et le personnel politico-administratif bruxellois devrait prendre de l’ampleur, ces derniers ne pouvant se reconduire au pouvoir qu’en développant un laxisme croissant sur les règles fondamentales de fonctionnement de l’eurozone. Affrontement de classes (à la base) qui débouche sur des affrontements secondaires à l’intérieur de l’oligarchie ( le sommet) diraient les marxistes…le tout dans un marasme économique se perennisant  (austérité continue) et débouchant sur la fin du vivre ensemble que devaient normalement assurer jusqu’ici les Etats. Ou le maintien d’un certain vivre ensemble ou l’euro : il faudra choisir.

La seconde, le « plus d’Europe » peut donner le change par des politiques fiscales voire sociales plus harmonisées. Bien évidemment on peut rediscuter sur les migrations, le terrorisme, etc. On peut même imaginer un gouvernement de la zone euro avec un parlement responsable[10]. La limite est pourtant très claire : sans redistribution depuis les zones excédentaires vers les zones déficitaires, la situation restera bloquée pour nombre de pays du Sud. Cette redistribution n’étant pas politiquement acceptable pour l’Allemagne, nous nous retrouvons dans une situation proche- certes moins douloureuse – de la première. C’est dire que là encore, une intégration plus forte passe d’abord par la disparition de la monnaie unique. Ce qu’aucun entrepreneur politique classique ne peut évidemment reconnaitre.

La troisième n’est envisageable qu’à la condition de la disparition de la monnaie unique. Sans cette disparition, des projets intergouvernementaux, par exemple d’investissements massifs dans des infrastructures, dans le redéploiement écologique, etc. ne peuvent assurer automatiquement les transferts obligatoires vers les zones déprimées, donc transferts qui ne peuvent qu’être bloqués par l’Allemagne.

La Grande Bretagne a ouvert le bal de la décomposition puisque désormais la porte autorisée par l’article 50 du Traité est ouverte. La question est alors de savoir qui, du centre institutionnel bruxellois, c’est-à-dire la zone euro, va la franchir le premier. Parce que les acteurs politiques se doivent d’être prudents dans leurs stratégies de conquête ou de  reconduction au pouvoir, ils doivent emprunter la sortie de façon indirecte mais surtout intelligente, c’est-à-dire sans mettre en cause directement une monnaie unique promue au rang de Talisman.

Parce que les humains ne peuvent jeter un Talisman, il faut trouver un moyen propre pour s’en débarrasser. Le Blog recommande à cet effet de s’attaquer d’abord à son environnement immédiat c’est-à-dire à la BCE qui doit être simplement réquisitionnée[11]. Une réquisition qui devrait logiquement entrainer le déclenchement de la fin avec le départ précipité de l’Allemagne. Une stratégie de sortie ferme mais intelligente , celle contournant le Talisman, pour  laisser la responsabilité de sa mise au rebut à l’Allemagne ne peut être le fait que d’un grand pays : la France est désormais porteuse de ce choix stratégique.

Quand plus rien n’est réparable, la sagesse consiste à précipiter l’effondrement définitif pour reconstruire un tout autre monde. La Grande Bretagne a déverrouillé la prison. A la France d’en faire sortir les prisonniers.

 

 

[1] http://www.lacrisedesannees2010.com/2015/04/avenir-des-etats-declin-fragmentation-union-desunion-partie2.html

[2] http://www.lacrisedesannees2010.com/article-la-finance-ou-la-reussite-de-la-petition-des-marchands-de-chandelles-frederic-bastiat-1845-121172557.html

[3] http://www.lacrisedesannees2010.com/2014/10/la-surclasse-mondialiste-interdit-la-fin-de-la-crise.html

[4] On pourra mieux comprendre cette question en lisant l’ensemble des textes de la rubrique : http://www.lacrisedesannees2010.com/tag/critique%20des%20raisonnements/ que l’on trouve sur le blog.

[5] Les opérations de change sont en masse environ 100 fois supérieures à celles des operations économiques réelles d’exportation et d’importation

[6] http://www.lacrisedesannees2010.com/2014/12/test-du-modele-du-monde-tel-qu-il-est-le-protectorat-grec.html

[7] http://www.lacrisedesannees2010.com/article-etats-effondres-failed-states-dans-la-mondialisation-120988085.html

[8] http://www.lacrisedesannees2010.com/article-le-monde-tel-qu-il-est-78572081.html

[9] Il est clair que les entrepreneurs politiques dont l’intérêt est la conquête ou la reconduction au pouvoir utilisent aussi les groupes d’intérêts qu’ils sont censés représenter. Et c’est parce que le premier ministre britannique a mal saisi les forces en présence que son objectif privé de reconduction au pouvoir fut un échec.

[10] http://www.lacrisedesannees2010.com/2015/12/un-authentique-parlement-de-la-zone-euro-est-il-pensable.html?

[11] http://www.lacrisedesannees2010.com/2016/05/une-requisition-de-la-bce-au-service-des-zones-devastees-par-l-euro.html


 [JCW1]

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21 avril 2016 4 21 /04 /avril /2016 08:48

 

Il est inutile de rappeler qu’un réel âge d’or de l’Europe et de l’euro passe par le recyclage des excédents et   de ceux de l’Allemagne en particulier[1].

L’Allemagne d’aujourd’hui n’est pas l’Amérique de 1945

Un certain âge d’or du capitalisme avait été ouvert après la seconde guerre mondiale par une Amérique qui, soucieuse de ses intérêts de long terme, recyclait son considérable surplus commercial en exportant aide et investissements directs vers l’Europe et le Japon. Dans un cadre de guerre froide, un tel transfert correspondait au « containment » de l’Union Soviétique et au maintien de l’hégémonie américaine[2].

Dans un monde que l’on prétend mondialisé, L’Allemagne et son personnel politico-administratif ne mettent en avant que des intérêts strictement nationaux, en particulier ceux d’électeurs rentiers. Il est donc logique et parfaitement justifié, de voir l’Allemagne refuser de construire un grand projet Européen, comme naguère les USA construisaient un projet mondial. Les grecs ne bénéficieront ainsi jamais d’un plan Marshall, et ce d’autant plus que le reste du monde accepte, jusqu’ici, d’absorber le surplus Allemand.

Allons plus loin et ajoutons de la fantaisie au raisonnement. Historiquement, les USA se sont trouvés très vite, après la période de reconstruction, en position débitrice, un peu comme les pays du sud de la zone euro aujourd’hui. Pour autant, le débit fut, comme on le disait dans les années 60, un déficit « sans pleurs ». La raison est simple : les acteurs excédentaires du reste du monde acceptent tous des actifs, quels qu’ils soient, libellés en devise américaine, c’est-à-dire le dollar. Parce que le dollar, en particulier la dette publique américaine, est la liquidité ultime ou absolue, aucun agent n’est venu jusqu’ici exiger un quelconque paiement : être payé en dollars est le mode de règlement le plus universellement accepté. Ce qui n’est évidemment pas le cas des soldes TARGET grecs que la banque centrale allemande ne peut accepter. Les actifs grecs des soldes correspondants n’ont pas la qualité des dollars….même si ceux-ci sont imprimés par des banques américaines sur l’ensemble de la planète. Les USA ont pu poursuivre jusqu’ici à crédit, par déficit régulier et croissant, leur expansion et leur domination mondiale. La Grèce restera bloquée par son déficit. L’Allemagne n’a pas les mêmes intérêts que les USA et ne remplacera jamais ceux-ci sur cet espace réduit qu’est la zone Euro.

La zone euro restera donc, en principe, le parking de ceux qui sont en panne de croissance, parking visité par le meccano BCE qui tente, avec les moyens du bord, de réanimer ce qui est paralysé.

Parmi ces moyens du bord, il y a l’helicopter money. Si les USA poursuivent leur expansion grâce à la création continue de dollars[3], pourquoi la BCE ne pourrait-elle pas réanimer la croissance de la zone euro par le biais d’un déversement de monnaie sur les zones déficitaires ? Le déficit américain nourrit la demande mondiale, ce qui est interdit à l’échelle de la monnaie unique, mais pourquoi alors ne pas remplacer ce déficit interdit, par de l’injection monétaire nourrissant directement la demande dans la zone ? Ce qu’on appelle « l’helicopter money ».

On sait l’opposition radicale du personnel politico-administratif allemand au regard d’un tel projet. Mais on sait aussi que cette opposition s’inscrit dans une représentation du monde qui est l’ordo libéralisme. Si on dépasse cette pure vision pour se plonger vers une argumentation, si possible, plus objective, quels sont les avantages et inconvénients du recours à l’helicopter money  (HM) pour l’Allemagne ?

Le bricolage d’un « ersatz » de transfert.

Nous pouvons pour cela construire un tableau présentant les avantages et inconvénients en fonction des diverses modalités imaginables de l’helicopter money ( HM).

Type de HE et clé de répartition

En % du PIB de chaque pays

En % du PIB de chaque pays

En faveur du sud (grèce)

En faveur du sud (Grèce)

 

Utilisation

Résultats

Utilisation

Résultats

Etat

-Remboursement dette publique

 

-Investissements

-Avantageux pour l’Allemagne

-Risques d’inflation

-Répression financière

-Remboursement dette publique

 

 

-Investissements

-Avantageux pour la Grèce

-Sécurisation relative de l’épargne allemande

-Répression financière

Entreprise

-Remboursement dette privée.

 

-Investissement

 

-Achat de dettes

-Avantageux pour l’Allemagne

-Risques d’inflation

-Répression financière

-Remboursement dette privée.

 

 

-Investissements

-Avantageux pour la Grèce

-Sécurisation relative de l’épargne allemande

-Répression financière

Ménages

-Epargne

 

-Consommation

-Avantageux pour l’Allemagne

-Risques d’inflation

-Epargne

-Consommation

-Avantageux pour la Grèce

 

 

L’examen du tableau appelle plusieurs remarques:

Si on considère comme résolue la question de l’acceptabilité par l’Allemagne d’une clé de répartition du HM en faveur des pays du Sud[4], une question très brûlante est celle de ses conséquences sur la finance.

Finance en berne et répression financière

De ce point de vue, il faut considérer que le HM est d’abord une forte exception au principe classique de la création monétaire  : la monnaie est jusqu’ici, dans sa totalité, la contrepartie d’une dette, ce que certains appellent « l’argent dette ». Le HM met fin à ce monopole, et introduit l’idée qu’il est possible de créer de la monnaie, bien sûr à coût nul, sans la rémunération qui lui est associée, c’est-à-dire le taux de l’intérêt. Une première conclusion est que l’on entre ainsi dans un mécanisme de répression financière avec, d’une part des risques inflationnistes, et d’autre part le rétrécissement du marché de la création monétaire jusqu’ici réservé aux seules banques. De ce point de vue, le rentier, allemand ou non, peut se poser de légitimes questions concernant la rentabilité de son épargne, question abordée sous un autre angle dans le point qui suit.

Car une autre question complètement liée au mécanisme de la répression est celle de l’affectation du HM entre Remboursements de dettes privées ou publiques, Investissements privés ou publics et épargne. De ce point de vue le HM est un mécanisme d’aggravation des effets déjà constatés sur le QE, à savoir la baisse des coûts donc des taux d’intérêt sur les dettes publiques et les obligations d’entreprises[5]. Là aussi il faut s’attendre à une répression financière accrue et donc une rémunération très faible de l’épargne.

On peut certes imaginer un interdit juridique d’utilisation du HM au remboursement de la dette, et donc une surveillance active de sa bonne utilisation au profit de l’économie réelle. Et il est vrai que sans cet interdit, le HM peut aussi ressembler au QE et à ses inconvénients , à savoir la montée de la spéculation avec tous ses risques. Mais alors, on entre dans un processus d’interventionnisme croissant et à la répression financière s’ajoute un interventionnisme qui n’est même plus couvert par l’idéologie d’un intérêt général lequel n’est concédé qu’aux Etats : en Quoi la BCE est-elle légitime pour surveiller les entreprises et ce de manière très procédurière ? Et en quoi serait -elle garante de la bonne affectation des ressources ?

Une hétérogénéité enfin combattue ?

Une autre question est celle de la capacité d’un HM à réduire l’hétérogénéité entre le nord et le sud . Il est en effet évident que le HM sur les ménages grecs, ne peut que développer les importations à court terme, alors que ce même HM sur les entreprises grecques développera aussi les importations de court terme, pour n’autoriser les exportations que dans le long terme. C’est dire que le processus est beaucoup plus consommateur de temps, qu’une modification d’un taux de change, ce qui nous renvoie à la monnaie unique. Et la comparaison peut être faite avec ce qui était le « QM » américain de l’après-guerre : la reconstruction a certes exigé du temps, mais à l’époque il y avait des barrières douanières et donc des productions nationales en voie de reconstruction, relativement protégées.   

Si l’on dresse un bilan relativement à notre question de savoir si un HM peut produire les effets d’un transfert refusé et pourtant exigé pour le fonctionnement normal d’une zone monétaire, nous disposons des conclusions suivantes :

Un ersatz qui fait des gagnants et des perdants

Parmi les perdants d’un HM nous avons :

- d’abord la finance dont le périmètre d’activité se réduit par la fin du monopole de « l’argent dette » le risque d’inflation, la baisse des taux, et le probable interventionnisme d’une banque centrale ou des Etats, cherchant à limiter la transformation le HM en QE, lequel fut d’emblée matière première de la spéculation.

- Les rentiers victimes d’une finance réprimée qui n’a pas plus les moyens de proposer des produits hautement rentables à sa clientèle. Les pays où la rente est la plus importante, sont aussi ceux où les régimes de retraites par répartition sont les plus fragiles et où le vieillissement démographique est le plus accentué. De ce point de vue l’Allemagne est de loin le pays le plus touché. D’où déjà les réactions indignées des entrepreneurs politiques allemands et responsables des grandes institutions d’épargne, comme les Sparkassen face à la politique de la BCE. A cela il faut ajouter que la baisse de l’euro normalement associée à un HM , ne joue pas non plus en faveur des rentiers et retraités allemands.

Parmi les gagnants, nous aurons vraisemblablement tous les agents qui vont bénéficier du transfert que les règles bruxelloises interdisaient. La fiction d’un transfert par ce tiers qu’est la BCE, deviendra, au moins provisoirement réalité pour les déficitaires : Etats et entreprises, voire ménages du sud.

A noter que pour la nation la plus importante à savoir l’Allemagne, les entreprises notamment exportatrices- donc l’ensemble du secteur industriel- ne sont pas nécessairement défavorables à un HM qui produit de nouveaux marchés dans des conditions de rémunérations non dégradées : la baisse de l’euro joue en défaveur de la valeur ajoutée dégagée par les intrants importés, mais en faveur de la valeur ajoutée à l’exportation. Cette spécificité joue, on le sait, à plein dans une chaine de la valeur très émiettée et ce qu’on appelle une production « by germany ».[6]

Ces conclusions restent très globales et doivent être nuancées en fonction des modalités concrètes du HM que la BCE pourrait théoriquement organiser : déversement plutôt sur les Etats ? plutôt vers les entreprises ? plutôt vers les ménages ?  Et au-delà quelles modalités concrètes de répartitions : PIB ? Niveau de déficit ? importance de la population ? Combinaison de plusieurs paramètres ?

Mais un ersatz qui est aussi un acide destructeur

Il est de ce point de vue évident que l’Allemagne pourrait atténuer son opposition radicale si le HM prenait pour critère l’importance du PIB : les risques associés qui se conjuguent au détriment des rentiers peuvent être compensés par des garanties : suppression de la hantise du défaut du sud et de la hausse des impôts correspondante, amélioration des régimes de retraites, avec indexation sur l’inflation, etc. Plus globalement, prise de conscience qu’il faut choisir entre cette mauvaise solution, et celle de porter le poids de ce qui pourrait apparaitre comme un peuple responsable d’une troisième catastrophe européenne…

De fait l’opposition radicale viendrait plutôt du système financier qui fera tout pour éviter la diminution radicale de son poids dans l’économie.

Si toutefois le scénario du HM devait, malgré les multiples oppositions, se manifester il resterait système assis entre 2 chaises : interventionnisme accru et donc plus de surveillance, plus de règlements, plus de barrières, et moins de marché[7]….sous la houlette d’un acteur- la BCE- situé en dehors du champ politique… Il est clair que le chemin menant au HM a pour destination ultime la fin de l’indépendance des banques centrales….

L’euro ne peut se maintenir qu’avec de gigantesques transferts réels du nord vers le sud. Parce que Politiquement impensable, un substitut, un ersatz de transfert appelé HM, peut être envisagé. Mais la « consommation productive de l’ersatz » fonctionnera comme acide et détruira la clé de voûte du système euro à savoir l’indépendance de sa banque centrale, une destruction qui entrainera l’ensemble de l’édifice euro zone.

 


 

[1] http://www.lacrisedesannees2010.com/2016/02/bien-comprendre-la-logique-devastatrice-de-l-euro.html

[2] On pourra ici s’appuyer sur l’ouvrage de Yanis Varoufakis : « le minotaure planétaire », Enquêtes et perspectives, 2015 .

[3] Et une expansion qui permet aussi l’expansion de biens d’autres pays, le déficit américain nourrissant une demande planétaire croissante

[4] De fait l’opposition Allemande sera forte sur le principe et modérée sur son application car le maintien de l’ouverture des frontières permettrait, en cas de privilège accordé au sud, aux entreprises allemandes d’aller bénéficier, en se délocalisant, des faveurs de la BCE.

[5] Selon le flash eco : http://cib.natixis.com/flushdoc.aspx?id=90851 et le modèle construit à ce effet, l’actuel QE confirme ce point de vue et ajoute une hausse des primes sur titres risqués aboutissant à une réduction de la production.

[6] Nous retrouvons ici l’idée que l’économie allemande est relativement moins  concernée que d’autres  par la question du taux de change.

[7] Comment en effet construire/reconstruire le sud en le laissant au grand vent d’une concurrence assortie d’un taux de change irréaliste ?

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18 avril 2016 1 18 /04 /avril /2016 07:51

 

Dans ce court papier nous nous proposons de comparer l’actuelle politique des banques centrales et leurs effets avec celle du Trésor français, au cours de la reconstruction de l’après- guerre. Nous envisageons également l’hypothèse d’un « helicopter money ».

Lorsqu’aujourd’hui la BCE se livre au QE, elle achète encore essentiellement de la dette publique. Il s’agit même de dette domestique puisque le QE est le fait de chacune des banques centrales de l’euro –système. De ce point de vue, elle achète des obligations du Trésor, comme naguère les banques nationalisées achetaient des bons du Trésor afin de respecter les « planchers » de l’époque[1].

Quelles sont les différences ?

La première réside dans l’initiative : Banque Centrale du côté du QE et Trésor du côté des « planchers ». D’un côté un souverain, de l’autre un patron non élu d’une entité formellement indépendante.

La seconde est que du côté du QE il s‘agit bien d’une monétisation, au moins temporaire, qui va accroitre le bilan de la Banque Centrale, tandis que du côté des planchers il s’agit d’éviter la monétisation pure. En effet le Trésor à l’époque pouvait recourir aux avances directes de la Banque de France laquelle n’était pas indépendante. Les « planchers » évitaient ainsi au gouvernement l’accusation de recourir à la « planche à billets »[2].

La troisième concerne l’objectif : dans le cas des « planchers » il s’agit de parfaire le circuit du Trésor, et de libérer l’Etat des contraintes d’une dette à des fins de développement. Le projet est clair : reconstruire le pays et tout faire pour disposer d’un outil de maximisation des investissements réels. Dans celui du QE le projet est flou : interdire la déflation, mais aussi améliorer le bilan des banques, limiter le coût de l’endettement public, et au final interdire une prochaine crise financière. L’idée d’investissements réels n’est pas absente mais elle n’est pas centrale. Au-delà il développe des effets pervers aujourd’hui bien analysés[3].

Il existe une quatrième différence, celle des taux : la BCE ne maîtrise pas le taux de la dette alors que dans le cas du circuit du Trésor l’État fixait autoritairement le taux de l’intérêt.

Manifestement, en première lecture, l’achat obligatoire de dette publique est une stratégie autrement performante que l’achat sur un marché secondaire par une entité non désignée pour tracer un projet de société. Ajoutons qu’on voit mal comment cette nouvelle innovation que serait « l’helicopter money » pourrait aujourd’hui fonctionner -sous réserve de l’accord de l’Allemagne- aussi bien que les planchers. Nous y reviendrons.

Peut-on aujourd’hui revenir aux « planchers » ?

La question la plus importante serait de savoir s’il est possible aujourd’hui d’en revenir au circuit du Trésor. Que se passerait- il en cas de rétablissement de la répression financière qui accompagne une telle politique ?

Quels comportements de la part des divers acteurs en cas de rétablissement du circuit ?

On peut tout d’abord penser que les titres gelés détériorent la qualité du bilan du système bancaire : la dette publique cesse d’être liquide.

On peut en déduire que la notation et le cours sont altérés d’où des difficultés sur le marché monétaire et celui de l’endettement bancaire privé dont les fonds monétaires.

La conséquence en sera une perte de productivité globale et de compétitivité au regard de l’extérieur : les taux demandés aux clients seront plus élevés, d’où leur fuite vers des zones non concernées par un circuit du Trésor, en clair l’étranger, avec en bout de chaine déplacement des comptes clients vers des espaces non soumis à la répression financière. S’agissant des comptes clients les choses sont complexes : fuite directe en raison d’une opinion de sécurité plus grande de la valeur de la monnaie étrangère, fuite indirecte pour bénéficier de crédits libellés en monnaie étrangère à l’étranger (mais avec risque de change à incorporer dans les taux).

De tout ceci il est imaginable de penser que le rétablissement du circuit dans un seul pays n’est pas sans risques…..et suppose le rétablissement d’outils que l’on croyait obsolètes.

La seule façon d’éviter tout jugement par le marché de la qualité du bilan du système bancaire est de l’extirper dudit marché. Cela passe par la nationalisation intégrale de la totalité du système bancaire.

Ce qui pose la question du traitement des banques étrangères, et de l’ensemble des outils financiers non-résidents. Peut-on nationaliser des entreprises étrangères même de droit français sur le sol national ?

Nous ne prétendons pas ici répondre à cet ensemble de questions. Nous voulons simplement mettre en avant les difficultés qui surviendraient après la fin de l’euro, c’est-à-dire le nécessaire et fort brutal rétablissement de la répression financière.

Poursuivons ce court papier en revenant sur « l’helicopter money ».

L’illusion du maintien de l’euro grâce à « l’helicopter money »

Il n’est guère besoin d’insister sur l’opposition radicale de l’Allemagne vis-à-vis d’un tel projet. Les actuels débats dans ce pays montrent que la cohorte croissante des retraités pose de réels problèmes politiques. Si un tel projet devait se concrétiser il semble clair que l’Allemagne quitterait  la monnaie unique,  et donc l’helicopter Money signifierait la fin de l’Euro. Notons qu’une telle décision pourrait se nourrir d’arguments relativement sérieux concernant l’inflation. Il est clair que l’helicopter Money est une monétisation pure, c’est-à-dire une création monétaire ne reposant pas sur l’achat d’un actif. On peut donc penser que le risque inflationniste est beaucoup plus important que celui engendré par un QE classique[4]. Or ce risque est intolérable du point de vue de la cohorte des retraités allemands qui verrait son   épargne fondre.

Même en admettant l’hypothèse très irréaliste d’un maintien de l’Allemagne dans la zone il reste que l’helicopter money développe un ensemble d’effets pervers que l’on peut brièvement présenter

Tout d’abord il signifie une marginalisation du système bancaire lequel ne peut réagir que fort négativement au regard d’un tel projet. De fait l’helicopter Money correspond à une réduction massive de parts de marché du système bancaire.

Au-delà il faut souligner les effets pervers des deux formes possibles de l’hélicoptère Money soit une création monétaire au titre de l’investissement soient une création monétaire au titre de la consommation.

Au titre de l’investissement on peut imaginer un helicopter Money au profit d’une banque européenne d’investissement chargée de répartir les montants alloués entre divers utilisateurs : branches professionnelles , Etats, collectivités locales , etc. Cette procédure pose de multiples problèmes : comment répartir le flux de monnaie nouvelle entre pays ? entre branches professionnelles et Etats ? Quels décideurs finaux ? quelle logique d’affectation des ressources ? les montants distribués seront -ils affectés au désendettement ou à l’investissement réel ? etc.

S’agissant de la consommation que certains appellent le « QE for the people » on peut également se poser de très importantes questions ; quel effet d’épargne supplémentaire ? quel impact sur l’équilibre extérieur ? quel impact sur la demande interne ? et au final quelle réduction de l’hétérogénéité intra européenne que la monnaie unique n’a cessé de renforcer ?

Autant de questions qu’il est utile de se poser mais  le vrai problème de l’helicopter Money est le refus obstiné de l l’Allemagne.(A suivre...)

 


 

[1] A partir d’octobre 1948 les planchers contraignent les banques à détenir dans leurs bilans un volume de dette du Trésor. Ce volume est un pourcentage des disponibilités totales détenues par les banques. Très élevé dès son lancement ce pourcentage était encore de 25% en 1960. Il diminuera largement ensuite pour disparaitre à la fin des années 60.

[2] Cette différence est toutefois ténue car dans les deux cas il y a renoncement à la monétisation pure, l’émission de monnaie s’effectuant avec la contrepartie d’un achat d’actifs. De fait cette monétisation ne diminue pas dans l’un et l’autre cas la dette publique. La différence résulte plutôt dans le fait que dans le cas de la BCE, il est supposé que l’achat est temporaire alors que dans le cas des « planchers » elle est durable.

[3] Cf Patrick Artus et Marie Paule Virard ; « La folie des banques centrales » ; Fayard ;2016.

[4] Rappelons que Milton Friedman avait employé l’image de l’hélicoptère pour illustrer la théorie quantitative de la monnaie et l’idée associée de voile monétaire : une quantité supplémentaire de monnaie n’affecte en aucune façon l’économie réelle.

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28 mars 2016 1 28 /03 /mars /2016 17:08

 

Le N° 343 de Flasheconatixis est intéressant à plus d’un titre[1] : il donne des arguments relativement solides face à ce que ses auteurs pensent être le cout du démantèlement de la monnaie unique.

3 arguments sont ainsi analysés et mis en valeur : un mix d’actifs et dettes externes pesant jusqu’à 6 à 7 fois le PIB de certains pays, une segmentation des chaines de la valeur devenue peu recomposable, enfin un effet d’accumulation et de concentrations  sur des zones constituant planétairement des trous noirs industriels.

Le premier argument part de la constatation qu’une modification souveraine de parité serait aujourd’hui porteuse d’effets financiers autrement considérables qu’à l’époque des Etat-Nations.

S’agissant de la France l’addition des actifs et dettes externes des entreprises, des banques et de l’Etat ne représentait que 60% du PIB en 1990. Cette même addition représenterait en 2016 620% de PIB. C’est dire que dans ces conditions le simple effet mécanique d’une dévaluation de 20% développerait des conséquences gigantesques. Une répartition nouvelle des patrimoines des acteurs considérés représenterait un montant proche du PIB….

Certes, il y aurait en théorie, à l’échelle macroéconomique un large effet de compensation entre acteurs, mais à l’échelle microéconomique nous aurions- répudiation des dettes ou pas- un tsunami colossal.

Le second argument part de la constatation que la montée continue des importations européennes depuis l’ensemble des pays émergents (en pourcentage du PIB, multiplication selon les pays de la zone entre 3 et 5) a eu pour effet de supprimer les concurrents domestiques candidats à la greffe sur les chaines de la valeur. Clairement, une dévaluation ne serait d’aucun effet sur la composition des dites chaines. Dit autrement, l’élasticité/prix à l’importation serait proche de zéro pour l’ensemble des composants importés. Un indice d’une telle réalité serait selon Natixis la poursuite de la montée des importations en volume malgré la récente baisse du taux de change de l’euro.

La conclusion serait alors que toute dévaluation ne ferait que provoquer une hausse de prix des importations, avec ses effets en termes de baisse de revenus domestiques, donc de baisse de pouvoir d’achat, et au final de baisse de la demande intérieure.

Le troisième argument, argument qui ne fait que renforcer le second, repose sur la quasi-impossibilité d’obtenir des relocalisations industrielles. La mondialisation, avantages comparatifs obligent, a abouti à l’émergence de zones à très forte concentration industrielle : Asie du Sud Est, Mexique, etc. Les effets de taille ont ensuite permis un ravitaillement quasi planétaire avec une relative désindustrialisation du reste du monde et même de certains pays émergents. Ces mêmes effets de taille supposent aussi de très grands marchés homogénéisés par le libre- échange et la relative absence de risque de change. On verrait donc mal des relocalisations sur des marchés dont l’étroitesse résulterait aussi du rétablissement d’une souveraineté monétaire.

Au total la dévaluation n’entrainerait que des désavantages.

Il n’est pas douteux que le retour de la souveraineté monétaire sera un chemin difficile. La monétisation envisagée dans le blog[2] dans le cadre du respect de tous les contrats, est la solution la moins périlleuse, mais il est clair que le problème du retour vers davantage d’auto centrage des activités industrielles et agricoles consommera beaucoup de temps, le frein le plus important n’étant pas les capitaux en recherche de valorisation, mais la disponibilité d’une main d’œuvre compétente dans nombre de métiers disparus dans la mondialisation des chaines de la valeur.

Pour autant, les couts sans doute considérables d’un retour à la souveraineté doivent être comparés à ceux du maintien d’un système monétaire aux effets catastrophiques en termes économiques, sociaux et politiques[3]. Entre le rétablissement difficile d’un ordre et la marche vers la barbarie, il faudra choisir.

 

[1] http://cib.natixis.com/flushdoc.aspx?id=90392

[2] http://www.lacrisedesannees2010.com/2014/08/fin-de-l-euro-et-fin-de-la-privatisation-des-monnaies.html

[3] http://www.lacrisedesannees2010.com/2016/02/bien-comprendre-la-logique-devastatrice-de-l-euro.html

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22 février 2016 1 22 /02 /février /2016 15:54

                                      

Résumé des conclusions :

- La réduction des déséquilibres entre zones économiques inégales et de même monnaie suppose des transferts.

- Machines à homogénéiser, les Etats voient dans les transferts une source de légitimation.

- Un outil  de transfert et donc de légitimation privilégié est l’Etat Providence.

-L’euro chevauchant des zones économiques inégales correspondant à des souverainetés différentes contrarie le fonctionnement normal des Etats.

- L’Etat de l’économie la plus performante ne peut que s’opposer à des transferts.

- l’Union monétaire produit de la désunion économique et sociale entre nations.

- L’union monétaire fabrique un ensemble articulé « centre/périphérie » produisant l’affaissement de toute possibilité de choix démocratique dans les zones périphériques.

- En raison d’un taux de change inadapté, il est pour toute périphérie impossible de rejoindre le centre en respectant les règles du jeu.

- Cette impossible jonction concerne aussi les Etats Providences de la périphérie.

- La pérennisation de la monnaie unique engendre des effets dépressifs sur la zone en particulier sur son Etat Providence,

- Les effets dépressifs se propagent sur l’ensemble de la planète en raison du poids important de l’économie européenne dans le monde.

- Le projet de construction d’un   Etat Providence mondial est une utopie.

Le monde politico-médiatique ne permet en aucune façon de comprendre la nuisibilité génétique de l’Euro.

Bien sûr, il ne lui est plus possible,  sous peine de dé-crédibilisation, de nier l’existence de difficultés gravissimes, mais la réponse est toujours la même : l’euro nous sauve de difficultés autrement plus graves, à savoir une faillite généralisée.

Il est donc important d’expliquer, le plus simplement du monde, en quoi l’euro constitue l’une des grandes barrières  de la marche de l’humanité vers davantage de solidarité aussi bien interne (protection sociale) qu’externe ( respect des identités culturelles de chaque peuple).

1) Bien fixer le cadre du raisonnement : La monnaie unique dans un espace national où les échanges entre régions sont déséquilibrés.

Pour cela, nous raisonnerons à partir d’un exemple très concret, celui d’un Etat-Nation où bien sûr une seule monnaie circule. Imaginons deux régions, l’ex-bassin minier du Nord et du Pas de Calais dans ses relations avec la région parisienne. Pour simplifier encore, nous supposerons que  la France ne comporte que ces deux régions.

 Sans donner de chiffres, on sait immédiatement que la première est  déficitaire, tandis que la seconde est excédentaire. Clairement, les houillères ayant disparu[1] pour ne laisser que du vide, un espace de consommation et de solidarité (personnes âgées, malades, personnes en situation de handicap) ne peut être assis sur un espace de production disparu et donc des transferts proviennent de la région réputée excédentaire.

Comment les choses se manifestent sur le plan du système financier et en particulier des banques ? Pour simplifier nous imaginerons qu’il n’existe qu’une seule banque pour la région des Houillères (« banque des houillères » : BH) et une autre pour la région Parisienne (« Banque de Paris » :BP).

Puisque la première région est déficitaire,  les flux financiers se dirigent depuis  BH vers BP. Ces flux ne font que traduire le fait que, par exemple, les clients de BH paient leurs fournisseurs dont le compte se trouve sur BP. La monnaie « fuit » ainsi BH pour se diriger vers BP. Matériellement, chaque banque bénéficiant d’un compte à la banque centrale, cette fuite se repère au niveau de cette dernière et celle-ci  va débiter en continu le compte de BH et créditer celui de BP.

Matériellement, puisque la région des Houillères ne produit plus, les marchandises achetées proviennent de la région parisienne qui, elle, est censée produire beaucoup. A ce flux physique correspond un flux des paiements en sens contraire.

Constatant que  BH se vide progressivement, quelles sont les solutions qui permettraient d’éviter la rupture entre les deux régions, avec en particulier la disparition du système de solidarité sociale dans les houillères ?

Il en existe théoriquement 6 :

1- BP accorde continuellement des crédits aux clients de BH, ce qui alimente les comptes clients qu’elle gère, et donc son compte à la banque centrale.

2- BP accorde continuellement des crédits à BH, laquelle peut ouvrir de nouveaux crédits à ses clients. De moyens de paiement sont ainsi distribués que BH pourra transférer  vers BP.

3- La  Banque de France (la banque centrale) fait crédit à BH et alimente le compte de cette dernière. En retour BH pourra faire crédit à ses clients et l’équilibre des paiements sera à nouveau assuré.

4- Le Trésor qui est l’organisme financier public au-dessus des deux régions, subventionne la région des Houillères ( RSA pour les anciens mineurs, aides diverses, aide à l’investissement des entreprises, investissements publics, etc.) Ces subventions viennent compenser la fuite de monnaie de BH vers BP.

5- Aucun crédit ni subvention n’est accordé à personne et la région des Houillères se détache progressivement du reste du corps social et politique. Il n’y aurait pas à proprement parler de rupture, mais  émergence d’une zone de marginalisation très éloignée des standards de la région parisienne. Laissons le lecteur imaginer ce que serait la région sans les retraites des houillères, la reconfiguration du patrimoine immobilier, l’absence de sécurité sociale, l’absence de réels outils de formation, l’absence du Fond d’Industrialisation du Bassin Minier (FIBM), etc. Il n’y aurait même pas les entreprises de la Grande Distribution qui constituent l’essentiel du tissu économique et qui, toutes, se nourrissent des seuls fonds de transferts….

6- L’Etat introduit une nouvelle monnaie dans les Houillères, une monnaie ne s’échangeant avec l’ancienne que sur la base d’un taux fort réduit. On peut ainsi espérer que les habitants de la région vont moins consommer de produits, devenus excessivement chers, en provenance de la région parisienne et vont créer des activités devenues compétitives en raison du taux de change. Le résultat sera une exportation vers la région parisienne. De quoi rééquilibrer les flux entre les deux banques. En attendant l’équilibre, le système de solidarité se fera plus  réduit : moins de soins, moins de médicaments, moins d’aides diverses.

Laquelle ou lesquelles de  ces 6 solutions, théoriquement envisageables, sera (seront) retenue(s) ?

Les solutions 1 et 2 ne sont évidemment pas crédibles et on ne voit pas pourquoi BP ferait crédit à des débiteurs insolvables.

La solution3 est envisageable dans le cas d’une Banque centrale soumise au Trésor : l’Etat donne l’ordre de créer de la monnaie au profit de BH, laquelle ouvre des crédits auprès de ses clients. Proche d’un « Quantitative easing for the people » elle est peu pensable dans le cas d’une banque centrale indépendante.

La solution 4 est celle  historiquement constatée dans à peu près tous les pays du monde : la région déficitaire est largement subventionnée par les pouvoirs publics. Son défaut est naturellement qu’elle alimente les clientélismes et devient un enjeu majeur des marchés politiques.

La solution 5 n’est envisageable que fort rarement et peu de nations laissent en déshérence complète une région. La raison en est que le fonctionnement normal des marchés politiques débouche sur des mesures d’homogénéisation, de mise à niveau au moins partielles ou approximatives, qui elles -mêmes fabriquent une forme de légitimation du pouvoir. Ce que nous appelons « marchés politiques ».

La solution 6 n’existe pas au sein des Etats classiques car historiquement la monnaie, attribut de la souveraineté est « une » et permet l’homogénéisation recherchée par le pouvoir. Elle peut se vivre dans des conglomérats, très rarement dans des Etats fédéraux ou des empires, mais jamais au sein d’Etats Nations classiques. Cela signifie que la fin de l’Union monétaire qui existe dans un Etat, est politiquement impensable. A Paris comme à Lens on utilisera la même monnaie. Il y a bien « irréversibilité » de la monnaie unique comme il est devenu habituel de le dire pour l’Euro.

A y regarder de plus près, les solutions 5 et 6 sont historiquement non vérifiées car elles sont contraires au principe même du fonctionnement des Etats. Sans revenir à la question de la nature profonde des Etats, souvent examinée sur le blog de JC Werrebrouck[2], on sait qu’un Etat est logiquement producteur d’une identité commune, en ce sens qu’ il produit  – répétons-le- de l’homogénéité et ce, même s’il est décentralisé ( souveraineté sur un espace délimité par des frontières, système juridique, linguistique, monétaire, militaire, etc. mais aussi principes d’égalité, d’unité nationale et territoriale, etc. Mais enfin principe de solidarité entre citoyens, principe très souvent porteurs de légitimité politique)

Dans ces conditions lorsque des déséquilibres entre régions émergent les solutions 5 et 6 apparaissent comme des échecs politiques majeurs et au nom de la solidarité qui se niche dans l’idéologie d’un intérêt général, la solution des transferts  et aides diverses s’impose… donc au final s’impose la solution 4.

Si l’on dresse le bilan des possibles face à un déséquilibre régional, nous avons :

- Sur le plan financier, Impossibilité du recours durable au crédit, surtout dans un monde où l’indépendance des banques centrales est la règle (solutions 1,2 et 3).

- Sur le plan politique, Impossibilité des choix sécessionnistes (solutions 5 et 6).

Le seul choix est donc celui des transferts dont les caractéristiques quantitatives et qualitatives sont historiquement très variables. Ainsi on peut avoir le choix de solutions complètement rentières ( la population est subventionnée pour rester fidèle à l’ordre politique en place) ou au contraire de mise à niveau ( la région déficitaire bénéficie d’un programme visant à l’alignement sur la productivité de la région excédentaire). Dans les faits, au gré des marchés politiques,  c’est souvent un mix qui finira par s’imposer

Les conséquences macro-économiques.

La solution des transferts pose celle de son financement.

 Dans notre exemple, le déséquilibre correspondait au fait que le charbon n’est plus acheté par la région parisienne, laquelle va acheter du pétrole et va ainsi bénéficier d’un effet coût et d’un effet revenu. Les parisiens feront des économies lesquelles pourront être redéployées vers de nouvelles consommations et/ou de nouvelles formes de solidarité. Les producteurs de la région parisienne verront leur efficience productive s’améliorer - une énergie moins coûteuse -  et la valeur ajoutée correspondante pourra se déverser sous la forme de profits, de salaires, voire de baisse de prix. De la même façon, si l’on suppose que les producteurs de pétrole sont dans la région parisienne, les revenus de cette profession viendront s’ajouter à la demande globale.

En contrepartie, la région parisienne perd sa clientèle du bassin houiller. Le redéploiement, faisant suite à la fin du charbon, est toutefois globalement avantageux car le « système productif nouveau » (disparition du charbon coûteux et généralisation du pétrole moins cher) est plus efficient. Si au-delà on raisonne en « économie ouverte » (avec échanges extérieurs) le changement risque d’autoriser de nouvelles exportations.

Si l’on raisonne en économie sans échanges extérieurs[3], ce que les économistes appellent « l’économie fermée », la solution politique des transferts ne peut se faire que sur la base d’un prélèvement fiscal supplémentaire venant gommer tous les effets positifs du passage au pétrole. En revanche, ce même prélèvement vient aussi gommer les effets négatifs de la perte de débouchés correspondants à la crise du bassin houiller.

D’où la conclusion : en économie fermée le rétablissement de l’équilibre régional par le biais des subventions permet de maintenir les débouchés (les subventions deviennent des  chiffres d’affaires) tout en assurant la solidarité (les subventions sont des revenus, des marques de solidarité et des capitaux de substitution). En revanche la compétitivité de l’ensemble n’est pas améliorée.

Remarque : C’est donc la solution 4 qui s’impose, celle que l’on pourrait désigner « solution de  l’Etat-nation ». Dans les faits l’Etat-Nation c’est aussi une banque centrale sous contrôle de son ETAT, et donc la possibilité de passer par la solution 3. Macro économiquement, cette solution provoque une demande globale excédentaire et des hausses de prix affectant la compétitivité externe. Historiquement la « solution de l’Etat-Nation » peut être un mix de solution 3 et 4 , mix qui fût la grande caractéristique de la France avec son modèle social, avant la naissance du projet de monnaie unique.

2) L’application du raisonnement au cas de déséquilibres des échanges entre nations sous monnaie unique (zone euro).

Chacun a déjà pu comprendre que derrière l’exemple du bassin minier et de la région parisienne pouvait  se cacher celui de la Grèce et de l’Allemagne.

Ici bien sûr nous ne pouvons raisonner en économie fermée et la zone euro est elle-même ouverte sur le reste du monde.

Le dispositif TARGET 2 comme cadre des échanges entre pays de la zone euro.

Les raisonnements jusqu’ici menés entre régions d’une même nation sont à reconduire au niveau d’un espace de plusieurs nations. Lorsqu’il n’y a pas de monnaie commune, on sait bien que la fuite de monnaie précédemment analysée se trouve rapidement bloquée. Par exemple, si l’Italie dont la monnaie était la Lire est en déficit vis-à-vis de la France , dont la monnaie était le franc,  les échanges vont se bloquer rapidement, car on ne voit pas pourquoi la France viendrait subventionner les achats de l’Italie. Si par exemple le commerce entre France et Italie se fait en dollars, le déséquilibre italien fera que la France ne retrouvera jamais les dollars éventuellement prêtés à L’Italie. Historiquement la solution fut  celle d’une restriction de la liberté des échanges, voire une manipulation des taux de change.

La construction européenne avec son projet de marché unique, de libre circulation des marchandises et du capital, ne peut dans le cadre de l’euro accepter de blocages. En clair les problèmes perçus lors de l’exemple précédent entre BH et BP doivent, au niveau des nations, disparaitre. Plus clairement encore, il fallait mettre en place un dispositif institutionnel efficace, garantissant la libre circulation des paiements sur toute la zone, et ce quelle que soit la situation des pays y adhérents.

Il faut bien comprendre le caractère fondamental de cette obligation. Si par exemple la Grèce est en déficit vis-à-vis de l’Allemagne parce qu’elle achète trop de voitures ou trop d’armes à ce dernier pays, il faut néanmoins assurer les paiements et transferts correspondants. Car si ce n’était pas le cas cela voudrait dire que l’euro grec n’est pas équivalent à l’euro allemand…et donc il n’y aurait pas de monnaie unique…

Le dispositif retenu fut de maintenir des banques centrales nationales aussi chargées d’assurer les transferts entre banques. Sans imaginer un quelconque transfert il fut décidé que les déficits, par exemple de la Grèce , deviennent des créances allemandes automatiquement inscrites au bilan de la Banque centrale allemande. Ces créances s’appellent dans le jargon européen, « créances TARGET ».

Concrètement en cas de déséquilibres, des actifs figurant aux bilans des banques du pays déficitaire sont transférés au bilan de la banque centrale du pays excédentaire.

Déséquilibres récurrents et transferts théoriques dans le cadre de TARGET.

Prenons le cas de la  Grèce en situation déficitaire et de l’Allemagne en situation excédentaire, et reprenons les différentes solutions envisagées dans le cadre du bassin minier et de la région parisienne

Réexaminons les diverses solutions précédemment envisagées.

Les solutions 1 et 2 ont d’une certaine façon largement fonctionné au service de la Grèce, de son Etat et de ses entreprises et ménages : Toutes les banques européennes se sont précipitées avec comme produit phare des taux d’intérêt très bas, inconnus jusqu’alors dans le cadre de la Drachme. D’où un déséquilibre qui ne pouvait être que croissant : les marchandises allemandes notamment exportées  en Grèce sont largement financées par du crédit bon marché. Elles sont aussi favorisées par un taux de change qui ne peut plus bouger : La Grèce ne peut plus dévaluer pour résister à l’invasion des importations, voire exporter davantage : la monnaie unique devient un étau.

Bien évidemment, s’il n’y a pas de base productive suffisante en Grèce (comme plus haut dans le bassin minier orphelin de son charbon) capable de produire du revenu, le manège ne peut  durer : il a cessé progressivement avec les plans d’aide de 2010 et 2012, puis l’arrivée de la « Troïka ». Et il faut bien comprendre cette arrivée à la lumière des créances TARGET : La banque centrale allemande s’inquiète des actifs grecs qu’elle doit règlementairement conserver à son bilan.

La solution 3 est juridiquement impossible  car la BCE ne finance pas les Etats, sauf contournement des textes, ce qui s’est fait pour la Grèce[4] mais aussi pour nombre d’autres pays, comme l’Irlande ou le Portugal.

La solution 4 fut, de fait, largement pratiquée notamment par le biais des « fonds structurels » qui ont permis l’octroi à la Grèce d’environ 4% annuel de son PIB pendant de très nombreuses années. Elle s’est poursuivie avec le plan de 2012 qui a permis de faire passer la dette du secteur privé vers le secteur public.

La solution 5 n’a pas été retenue jusqu’à aujourd’hui et la Grèce n’était pas abandonnée par le reste de la zone.

La solution 6 est celle de la sortie de la Grèce de la zone euro.

Si l’on dresse un bilan des 6 solutions concernant les rapports entre Grèce et Allemagne, deux  points doivent être retenus :

-il est erroné de dire que la Grèce n’a jamais bénéficié de transferts, simplement ceux-ci se sont concentrés dans les fonds structurels- environ 200 milliards d’euros depuis 1981- lesquels furent  largement gaspillés dans le cadre de lobbys, experts en jeux sur les marchés politiques, tant grecs qu’étrangers. La preuve en est le délabrement de l’économie grecque, avec en particulier, un recul des investissements, lesquels sont passés de 23,7points de PIB en 2008 à 11,6 en 2014. Tous les Etats, y compris la Grèce sont responsables de cela. Par contre les marchés politiques ont néanmoins autorisés l’affermissement d’un début d’Etat- Providence notamment dans le domaine sanitaire.

Globalement si la Grèce a bénéficié de transferts ils n’ont pu compenser les déséquilibres, eux même aggravés par l’énorme chute de l’investissement (on ne prépare plus l’avenir) dans le cadre d’un taux de change fixe.

- Les solutions 1,2 et 3 ont fonctionné à l’excès ( une dette de plus en plus inquiétante en raison de sa masse et de l’étroitesse de son potentiel de solvabilité), d’où l’envolée des taux et les mémorandums imposés par la « Troïka ». Elles tentent de fonctionner depuis 5 ans  mais à l’envers en provoquant un  énorme effet dépressif : 26 points de PIB partis en fumée depuis 2009 et probablement une dizaine de points supplémentaires avec la mise en place du nouveau plan[5]. Avec bien sûr des conséquences parfois dramatiques en termes d’effondrement d’un Etat- Providence. Et d’une certaine façon il faut bien comprendre l’enfermement catastrophique de la position allemande. Sans ce fonctionnement à l’envers, les créances Target sur le bilan de la Banque centrale allemande sont de plus en plus problématiques : la Grèce transfère des créances, mais quelle valeur leur accorder ? Et si cette valeur est nulle cela veut dire dans l’idéologie allemande que la banque centrale est menacée…qu’elle doit être recapitalisée avec l’argent des contribuables allemands, etc.

La conclusion est donc celle de l’alternative entre une solution 5 ou 6, et celle d’un retour massif à la solution 4. Comme cette dernière solution n’est guère envisageable sur les marchés politiques du reste de l’Europe (Paris peut être solidaire avec Lens, mais Berlin ne veut pas être solidaire avec Athènes), il ne reste que le choix du départ ou de la marginalisation dans un espace très assombri.

L’Euro est venu détruire les productions locales comme le pétrole devait détruire le bassin minier du nord de la France.

  L’Euro devait assurer le rapprochement des économies : il en assure l’écartèlement avec bien sûr des conséquences en termes de solidarité et de protection sociale.

Quelles sont les conséquences macro –économiques ?

Le raisonnement mené sur les rapports entre Grèce et Allemagne peut être étendu à l’ensemble de la zone. Les solutions 1, 2, 3 et surtout 4 sont très limitées et se heurtent frontalement à l’impossibilité  d’envisager une réelle politique de transfert à l’intérieur de la zone. Alors que les transferts ne soulèvent que peu de difficultés à l’intérieur des Etats nations classiques, ils se heurtent à de grandes difficultés à l’intérieur de ce qui reste un espace international. Le choix de l’euro devenant celui de la servitude et la probable marginalisation pour les zones dont le taux de change unique est inadapté à la réalité économique. Globalement, il n’y aura pas de transferts du nord excédentaire vers le sud déficitaire. Ce que l’on savait en théorie est désormais confirmé par la réalité empirique : les négociations de la nuit du 12 au 13 juillet 2015 resteront une date dans l’histoire.

Parce que le système financier du sud voit la monnaie fuir  vers le nord (on peut reproduire le raisonnement mené plus haut entre BH et BP), parce que les solutions type endettement ont atteint leurs limites (solutions 1,2 et 3),  parce que les transferts sont interdits (solution 4), et  que le maintien de l’euro reste la « commune volonté » (l’euro constituerait une « irréversibilité »  donc il n’y aurait pas de solution 6) :  la seule réalité qui s’impose est la cure durable d’austérité (marche forcée vers la solution 5).

Mais cette « solution » est un drame pour l’ensemble de l’humanité puisqu’elle planifie durablement un déficit de la demande globale planétaire.

En effet, il faut empêcher la fuite de monnaie vers le nord, donc supprimer le déficit par la seule diminution des dépenses globales. Concrètement il faut moins consommer, moins investir, diminuer les dépenses publiques de toutes natures (régaliennes, sociales et de solidarité)….autant de diminutions qui correspondent à une contraction de  débouchés pour un même montant. Quand tout est bloqué, maintenir l’Euro, c’est provoquer un déficit global de débouchés et donc une tendance planétaire à la récession.

En plus clair encore : ce que nous avons démontré pour la relation Bassin minier/Région Parisienne dans le cadre d’un monde fermé, se retrouve à l’échelle planétaire. Avec toutefois une différence importante : le système fermé national pouvait théoriquement se rééquilibrer, en terme macro-économique, en abandonnant le bassin minier à son sort. Offres et demandes étaient remodelées dans la continuité d’un équilibre. Même chose dans le cas beaucoup plus probable de transferts financés par l’impôt. Tel n’est plus le cas du système planétaire : la demande globale  diminue sous l’effet de pays qui se maintiennent dans la zone sous régime  d’austérité obligatoire. L’offre étant inchangée, la tendance planétaire à la récession se confirme….sauf si en d’autres points du monde l’endettement peut se propager[6].

 Maintenant il reste évident que les plus performants pourront dans un espace déprimé planétairement tirer leur épingle du jeu. L’Allemagne peut ainsi continuer à prospérer sur la base d’un mercantilisme ouvert. Par rapport à l’exemple de la Région Parisienne dont on supposait l’impossible exportation en contrepartie de la perte de débouchés dans le bassin houiller, l’Allemagne non alourdie par le poids des transferts, peut connaitre un excédent jusqu’à plus de 8 points de PIB….en 2015, avec il est vrai des dépenses de solidarité très inférieures à la France (25,4 points de PIB contre 31,7 pour la France). En jouant le jeu de la frayeur sur les créances TARGET, qui, il est vrai, continuent d’alourdir le bilan de la Banque centrale allemande, le pays correspondant est le seul à tirer son épingle du jeu.

Les politiques d’austérité dans le sud finissent par gonfler ce qui est déjà un excédent de la zone vis-à-vis du reste du monde (3 points de PIB de la zone pour 2015). Politique et résultat  contestés par le reste de la planète qui considère qu’il n’a pas à souffrir de la monnaie unique dans un contexte où la Chine  déjà intrinsèquement en difficulté,[7] se trouve face à une Europe qui est son premier partenaire commercial : la pression déflationniste européenne ajoute brutalement aux difficultés exportatrices de la Chine.

A l’échelle planétaire, parce que la monnaie unique interdit tout transfert, toute solidarité, elle exige aussi une sur-compétitivité dont se trouvent victimes les pays candidats à la construction  d’Etats Providences nationaux. D’où les difficultés du Brésil, de l’Argentine, de l’Afrique du sud, et de tous les pays émergents avec bien sûr, au premier plan,  la Chine dont la croissance est devenue depuis quelques mois inférieure à la croissance américaine….[8]Comme la concurrence entre Etats n’en affaiblit pas le nombre, il est illusoire d’imaginer un monopole, c’est-à-dire un Etat mondial, harmonisant l’équilibre entre demande et offre planétaire, équilibre lui-même assorti de l’édification d’un Etat providence planétaire.

La conclusion est donc simple:

Sauf difficile retour à une certaine forme d’Etat-Nation, celle qui reste soucieuse de la souveraineté monétaire, l'avenir est fait  de dévastations à une échelle continuellement élargie.

 


 

[1] 220000 salariés en 1947…contre pratiquement zéro aujourd’hui, avec une population totale qui n’a pas beaucoup variée.

[2] http://www.lacrisedesannees2010.com/2015/04/avenir-des-etats-declin-fragmentation-union-desunion-partie1.html

[3] Ce qui suppose dans notre exemple que le pétrole soit produit dans la région parisienne….

[4] Cf notamment : http://cib.natixis.com/flushdoc.aspx?id=86184

[5] Lorsqu’on impose un excédent primaire pour rembourser la dette (solde budgétaire positif) on diminue la demande globale et le PIB se contracte. Pour plus de détails voir : http://www.lacrisedesannees2010.com/2015/07/peut-on-enfouir-la-bombe-atomique-grecque.html

[6] De ce point de vue il faut savoir que les banques centrales ont injecté plus de 40000 milliards de dollars dans les circuits financiers, soit environ 80% du total du PIB planétaire…..Ces banques centrales se sont ainsi considérablement alourdies avec des bilans gigantesques : 25% du PIB US pour la FED, et jusqu’à 65%du PIB pour la Banque centrale du Japon. La chine prend aujourd’hui le même chemin avec une vitesse accélérée.

[7] La chine vient de réagir en dévaluant sa propre monnaie les 11et 12  Aout dernier dans l’espoir de reprendre ses exportations vers l’Europe. Et cette baisse est immédiatement suivie d’autres : Taïwan, Malaisie, Corée du Sud, Singapour,  Australie, etc. De quoi se diriger vers une guerre des monnaies aux fins de lutter contre la récession.

[8] La presse spécialisée parle encore de 5 à 6% de croissance. Pour autant Patrick Artus, chef économiste chez NATIXIS, prétend au terme d’une analyse économétrique minutieuse  que la croissance chinoise est aujourd’hui d’un peu plus de 2%.

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11 février 2016 4 11 /02 /février /2016 10:37

 

Le Monde du 11 février publie un texte d’appel à un changement de politique économique en Europe . Ce texte est signé par 80 économistes.

La tribune ne traite pas de la crise en général et de ses remèdes possibles mais de la seule impasse européenne. Bien sûr, il est question d’abandonner le néolibéralisme au profit d’un keynésianisme classique.

Tout y est :

- Constatation que les politiques de rigueur notamment dans le sud sont porteuses d’un affaissement de la demande globale et de stratégies de moins en moins coopératives, avec de fait une scission croissante entre pays ;

- Constatation que la faiblesse de l’investissement global se trouve n’être que la conséquence d’une absence durable de débouchés ;

- Constatation qu’un excédent extérieur global de 3% de PIB pour la zone est l’indice d’une absorption trop faible ;

-Constatation de déséquilibres majeurs à l’intérieur de la zone euro, avec  plus de 8% de PIB d’excédent pour l’Allemagne, et des déficits de 4 à 5% de PIB pour certains pays du sud ;

- Constatation d’un coût social et humain désastreux pour une bonne partie des populations concernées.

Face à ces constatations il est proposé des solutions :

- Un nouveau pacte productif à la fois écologique et social ;

- un programme de soutien à l’activité.

Très classiques, ces programmes ne sont pas chiffrés et  la question de leur financement est abordée de façon fort allusive :

- Augmentation de la demande intérieure allemande permettant de gommer progressivement les déséquilibres intra-zone ;

- Plan d’investissement européen centré sur la transition écologique en insistant sur la priorité qu’il faudrait accorder à la zone sud ;

En cas de refus de l’Allemagne, proposition de la France en vue de constituer un pacte avec les pays du sud (50% du PIB de la zone) aux fins d’en finir avec le néolibéralisme.

Les auteurs ne proposent pas les clés de l’édification d’un tel pacte…..

Ils n’évoquent pas non plus la question centrale de l’euro comme cause ultime des déséquilibres constatés, car beaucoup, à l’instar de Michel Aglietta, sont fermement attachés au maintien de l’euro.

Les auteurs n’abordent pas clairement la question des transferts gigantesques - et de fait de plus en plus gigantesques avec l’approfondissement continu de soins palliatifs prodigués- entre le nord et le sud.

Les auteurs, parce qu’économistes sérieux savent parfaitement qu’une monnaie unique suppose un principe d’homogénéisation, lequel passe  notamment par des abandons de souveraineté. Les Allemands ne sont évidemment pas prêts à voir leur facture fiscale s’alourdir au profit de ceux qu’ils considèrent comme des étrangers…. qui, par ailleurs, seraient cigales quand ils sont fourmis. Ils ne sont pas non plus prêts à accepter un quelconque « quantitative easing for the people » complètement étrangers à leur profonde culture ordo-libérale et à leur « croyance » selon laquelle il faudrait dans cette hypothèse recapitaliser la BCE avec de l’argent public allemand.

Les  allemands vont donc s’opposer avec radicalité à un tel projet.

Proposer un pacte aux pays du sud en dehors de l’Allemagne n’est pas non plus suffisant, car une fois encore des déséquilibres extérieurs devront être maitrisés et cela pose la question de leur financement public : La France  (ou l’Italie ou l’Espagne) peut-elle envisager des transferts publics vers la Grèce ?

Parce que l’on ne veut pas aborder la question des taux de change, laquelle est la solution pour éviter soit les déséquilibres soit les irresponsables dévaluations internes, résultants des transferts impensables entre pays qui ne peuvent accepter que les impôts des uns servent le déficit des autres, les 80 signataires restent dans l’idéologie propre au post-souverainisme.

Et puisqu’il est exact que l’euro relève de la « religion commune », ce que certains d’entre eux admettent en silence, il n’est d’autre solution que de réclamer le retour à la simple souveraineté monétaire. La réorganisation drastique des banques qu’ils souhaitent se doit d’être envisagée à l’ombre d’une banque centrale contrôlée par le souverain.

La vraie déclaration à émettre auprès de nos amis allemands est d’annoncer notre volonté de rétablir la pleine autorité de l’Etat sur sa banque centrale. Un tel projet doit être la pièce centrale de la prochaine élection présidentielle.

Bien évidemment chacun connait la suite de l’histoire : les allemands n’accepteront pas et les marchés  s’enflammeront immédiatement ….ce qui justifiera du plein retour à la souveraineté monétaire. L’Euro périra ainsi en mode panique comme nous l’avons si souvent écrit… mais c’est l’Allemagne qui en portera la responsabilité historique.

A partir de là, et seulement à partir de là,  OUI  tout deviendra possible et les propos des 80 signataires de la tribune du « Monde » entreront en pleine cohérence.

Les économistes qu’ils soient de gauche ou de droite sont toujours enfermés dans la contradiction fondamentale : parce que l’euro est affaire de religion , il est impossible de proposer un discours sérieux sur l’impasse économique majeure que la zone traverse.

 

 

 

 

 

 

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21 décembre 2015 1 21 /12 /décembre /2015 15:00

« Changer l’Europe maintenant » tel est le souhait de Thomas Piketty dans sa chronique publiée par le Monde en date du 20/21 décembre.

Outre une Conférence sur la dette chargée de l’alléger, l’auteur reprend l’idée d’un nouveau parlement de la zone euro, ce dernier étant  à la tête d’un vrai budget fédéral, et légiférant sur des thèmes devenus fédéraux : fiscalité unifiée sur les sociétés, investissements dans les infrastructures et les Universités, etc. La légitimité d’un tel parlement proviendrait de son ancrage sur les parlements nationaux, lesquels désigneraient des députés issus de leurs rangs dans une proportion respectant le poids démographique de chaque Etat.

De telles propositions relèvent de l’incantation et ne respectent pas le principe de réalité.

1) Quelles qu’en soient les modalités, alléger les dettes publiques dans le cadre d’une conférence prévue à cet effet revient à un défaut aux effets dévastateurs sur le système financier planétaire. Il est exact que les 200 milliards d’intérêts payés par l’ensemble des Etats de la zone euro permettraient, en choisissant le défaut, de se redéployer profitablement sur 100 programmes Erasmus[1] porteurs d’avenir. Mais ces mêmes 200 milliards assurent encore aujourd’hui la sécurité du système financier planétaire. En cas de défaut, les bilans bancaires exploseraient et la dette publique qui, en ce qu’elle ne consomme pas de capitaux propres, est la matière première fondamentale des banques. Si donc il est question d’alléger les dettes publiques, il faut aller beaucoup plus loin et reconstruire un tout autre monde. Il est peu probable que les marchés politiques de la zone puissent faire émerger de telles propositions.

2) Ces mêmes marchés politiques ne peuvent engendrer l’idée d’un authentique Parlement aux compétences législatives allant vers le fédéralisme.

On voit mal l’Irlande ou mieux le Luxembourg accepter leur quasi disparition en tant que paradis fiscaux. Si, pour le Luxembourg (700000 habitants dont 50% d’étrangers), le débat pourrait apparaitre marginal[2] , les choses sont autrement importantes pour l’Irlande dont la faiblesse de l’IS constitue la pierre angulaire de sa stratégie économique de braconnage.

Bien sûr on pourrait n’envisager qu’un regroupement de quelques grands pays (Allemagne, France, Italie, Espagne) mais cela reposerait la question du lâchage de quelques autres plus fragiles et dangereux pour l’existence même de la zone euro (Portugal, Grèce etc.) Si certains s’intègrent davantage et fabriquent plus de convergence, que dire du rattrapage des autres qui continueraient de diverger avec les risques politiques et sociaux correspondants?

Mais le problème est en fait beaucoup plus grave. Dans ce nouvel espace qui serait authentiquement législatif, l’Allemagne deviendrait minoritaire avec un pourcentage de députés proportionnel à son poids démographique (37% des députés dans l’hypothèse la plus favorable, celle du scénario des 4 plus grands pays, et environ 25% des députés dans le scénario de l’ensemble de la zone). C’est dire que dans ces conditions, l’Allemagne ne pourrait plus s’opposer aux transferts qui sous-tendent obligatoirement toute union monétaire. C’est par conséquent reconnaitre que le marché politique allemand ne fera jamais naitre ni bien sûr accepter un tel projet de souveraineté d’un parlement de type nouveau. Et il faut le comprendre : pourquoi l’Allemagne se plierait à de tels transferts tuant ses capacités exportatrices qui en font son modèle et au final son vivre ensemble ?

Certes les européistes seraient tentés de considérer que les députés désignés perdent symboliquement leur identité nationale, et qu’il n’y aurait que des députés européens. Comment peut-on imaginer que les députés désignés par le parlement allemand puissent décider de lois budgétaires allant contre les intérêts supérieurs de leur pays et intérêts étroitement surveillés par la cour constitutionnelle de Karlsruhe?

La conclusion est donc simple : soit le nouveau parlement émerge comme parlement croupion en ce qu’il ne peut dépasser le cadre de l’ordo libéralisme allemand (une règle constitutionnelle concernant la gestion de l’euro s’impose à lui), soit il n’émergera jamais. En attendant les entrepreneurs politiques allemands peuvent continuer à parler d’Europe et se montrer plus européistes que leurs voisins français : il s’agit de masquer l’essentiel, et au final de gagner encore un peu de temps sur l’inéluctable échéance. Et une échéance qu’il faut effectivement redouter lorsqu’on est allemand, puisque cette dernière signera la fin de la mécanique monétaire qui a abouti à un « subventionnement » sans précédent des exportations et du vivre ensemble qui lui est associé.

 

[1] Le programme Erasmus ne dispose qu d’un budget de 2 milliards d’euros.

[2] Mais ô combien essentiel pour la finance mondiale qui ne pourrait guère accepter ce type de fédéralisme

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22 novembre 2015 7 22 /11 /novembre /2015 16:15

Le Colloque organisé le samedi 21 Novembre par la Fondation pour une Europe des Nations et des Libertés a vu ses divers participants partager l'idée d'une fin de l'Euro comme préalable à toute reconstruction. A cet égard ,Il nous a semblé utile de reprendre un article déjà ancien publié sur le blog.

Résumé:

La monnaie unique ne disparaitra pas au terme d'un renoncement négocié mais, à l'inverse, selon un mode panique. Le retour d'un ordre stable réintroduisant des monnaies nationales ne pourra se faire que sur la base d'une garantie publique de tous les contrats, financée par émission monétaire de banques centrales devenues obéissantes.

La fin des dévaluations internes au profit de dévaluations externes ne règlera pas spontanément et rapidement les questions de croissance, d'emploi et d'équilibre des échanges extérieurs. Par effet de contagion, une guerre des monnaies à l'échelle mondiale posera la question de l'ordre international à reconstruire. Extraire la monnaie de l'emprise mondiale de la finance deviendra l'outil majeur du rétablissement des souverainetés.

Les conditions concrètes de la disparition de l'euro ont déjà été étudiées. Il est ainsi plus que probable que le changement s'effectuera en mode panique, c'est- à- dire sans concertation entre les pays concernés.

Cette panique dont la manifestation peut être rapidement décrite ne pourra s'éteindre que par le retour de la répression financière (partie 1). Sur la base de cet ordre nouveau probable, seront ensuite examinées les conséquences à plus long terme de la fin de l'euro (partie 2).

Partie 1 - PANIQUE et MESURES IMMEDIATES

On peut imaginer que la panique proviendra de la nouvelle crise de la zone euro, celle correspondant à l'échec des dévaluations internes mises en place dans la plupart des pays de la zone(1).

Des marchés affolés vont brutalement enclencher un "flight to quality" avec effondrement d'actifs souverains de pays de la périphérie au profit d'achat de dette publique allemande. D'énormes perturbations bilantaires, d'abord au niveau des banques, produiront l'évaporation des fonds propres, l'insolvabilité immédiate, et la disparition de la liquidité.

Une telle situation peut rapidement devenir incontrôlable et débouchera probablement sur le retour d'un Etat souverain renouant avec sa monnaie comme productrice d'un ordre social maitrisé.

A - DEMANTELEMENT CONTRE GARANTIE PUBLIQUE DU RESPECT DES CONTRATS

Au-delà du protocole technique qui ne soulève guère de problèmes (maintien du système des prix internes par définition d’une unité de compte ayant valeur légale et correspondant à un euro, surcharge d’un tampon sur chaque billet avant impression de nouveaux billets par la Banque Centrale nationale, échange rapide des pièces, etc..), une garantie juridique est promulguée par le ou les dirigeants politiques ayant pris la décision : garantie portant sur le maintien nominal de la valeur de tous les actifs au moment où est prise la décision.

La prise de décision vaut par conséquent gel de toutes les positions et peut-être fermeture momentanée de la Bourse . Il est d’ailleurs évident que décision de sortie et décision de garantie publique se trouvent dans le même acte juridique. C'est dire que les pays pouvant procéder de manière autoritaire, par simple ordonnance de l’exécutif, disposent d’un avantage. Ce qui pose la question du déclenchement de la panique dans les pays qui ne peuvent agir ou réagir avec la célérité qui s’impose (2).

La garantie de la valeur nominale suppose la définition d’un point fixe qui n’est autre que la définition de la nouvelle parité, laquelle doit être déclarée intangible bien au-delà de la période de temps nécessaire à une réorganisation générale aux effets neutres sur tous les bilans et contrats. Le champ de la garantie offerte à tous les agents économiques du pays sortant concerne les détenteurs d’actifs étrangers : ménages, entreprises, institutions financières, Etat lui-même. Il s’étend aussi aux non-résidents et étrangers détenteurs d’actifs nationaux.

La notion d’actif doit aussi être précisée. Il s’agit bien sûr de tous les titres financiers : actions, obligations privées et publiques, produits structurés, produits d’épargne et comptes bancaires, etc. Pour ces titres la garantie repose sur la seule variation (perte ou gain) mécanique de valeur, calculée sur la base du nouveau taux de change. La valeur sur laquelle s’applique le nouveau taux étant celle correspondant à l’heure fixée dans l’acte juridique de décision de sortie. Mais il s’agit aussi de tous les contrats de l’économie réelle et ce, y compris, les contrats de travail des travailleurs frontaliers.

La garantie publique est le point fixe qui se substitue à l’Euro, une sorte de SAS permettant le passage d’une zone où les taux de change ne sont pas maitrisés vers une zone où ces même taux sont politiquement définis. La garantie publique du respect des contrats signifie que, si les agents économiques du pays sortant ne peuvent perdre, ils ne peuvent davantage gagner. A titre d’exemple, si des français titulaires de contrats d’assurance-vie incorporant des titres publics grecs ne peuvent être victimes du rétablissement de la Drachme, ces mêmes français titulaires de contrats semblables incorporant de la dette publique allemande ne peuvent bénéficier du rétablissement du Mark. La garantie correspond donc bien à la volonté de neutralité sur les bilans des agents vis-à-vis d’une sortie de l’Euro. Et cette neutralité est bien ce qui interdit tout mouvement spéculatif. Le déclenchement des CDS est lui-même interdit en ce que la sortie ainsi envisagée n’est en aucune façon un « incident de crédit » .

La garantie de l’Etat sortant est autrement plus rigoureuse que les garanties offertes par les Etats, qui, en Octobre 2008, ont dans un même geste bloqué tout effet de panique chez les déposants des banques dont on pouvait anticiper l’effondrement. Alors qu’à l’époque, le risque n’était que potentiel et qu’un effet d’annonce pouvait suffire à bloquer la panique, dans le cas présent d’un démantèlement, il faut aller plus loin et effectivement payer les victimes. Et le prix à payer est d’autant plus important que le pays sortant est lui-même impécunieux. On voit ainsi mal l’Etat Grec sortant sur la base d’une dévaluation massive être à la hauteur de sa garantie. Et on voit aussi mal les Etats gagnants d’une sortie, redistribuer les gains aux perdants. Outre, qu’encore une fois la sortie n’est pas coopérative ni négociée, les gagnants sont aussi des agents privés pour lesquels la réévaluation est un profit qui devrait rester privé. Concrètement une entreprise allemande dont les débiteurs sont français doit logiquement bénéficier de la réévaluation du mark, et on ne voit pas comment ce bénéfice pourrait être utilisé pour assurer les garanties de l’Etat Grec. Pour autant, s’il est aisé de bloquer les bénéfices au nom du respect intégral de tous les contrats (cela ne coûte rien), il faut bien trouver les moyens financiers susceptibles de dédommager les victimes d’une sortie de l’Euro.

B - LE RESPECT DES CONTRATS PAR DES BANQUES CENTRALES QUI MONETISENT

Si le respect intégral et rigoureux des contrats implique un dédommagement des perdants sans que les gagnants ne puissent aider, il faut trouver un tiers chargé d’assurer le passage de l’ancien au nouveau monde, si possible sans destruction du projet européen. Il faut en effet avoir en tête l’énorme effet destructif d’une explosion non contrôlée de l’Euro. Dès lors, la solution qui s’impose est le recours aux banques centrales nationales qui sont réquisitionnées dès l’annonce de la sortie(3).

De fait, il ne s’agit que d’accélérer un processus déjà engagé avec la BCE, qui aujourd’hui tente de maintenir la fiction de l’Euro avec des interventions massives sur les dettes publiques du sud. La présente action de la BCE est déjà bien une tentative d’endiguement de la panique déstabilisatrice avec des « spreads » qu’il faut contenir pour l'éviter, un krack obligataire, et un « Bank-run »(4).

La procédure est donc simple : Pour les pays qui quittent la zone en dévaluant, l’ordonnance de réquisition stipule que la Banque centrale de l’Etat sortant, crédite le compte du Trésor correspondant, à hauteur des engagements de ce dernier au titre de la garantie du respect de tous les contrats. Les fonctionnaires du Trésor fixent le montant des dédommagements et ordonnent à la Banque les paiements correspondants. Le cas échéant des magistrats et commissaires au compte attestent de la bonne exécution des garanties . L’unité de compte retenue pour le dédommagement peut être la nouvelle monnaie nationale. Ainsi l’exportateur allemand de marchandises vers la Grèce – si ce dernier pays quitte la zone- se voit payé par son client dans la monnaie dont il dispose, auquel il faut ajouter le prix de la dévaluation, prix exprimé en Drachmes, et au final supporté par la Banque centrale de Grèce. Toujours s’il s’agit d’une sortie grecque, La Société Générale voit, à l’actif de son bilan, ses obligations publiques grecques transformées en drachmes, valeurs augmentées du montant de la dévaluation. On pourrait multiplier les exemples. Bien évidemment s’élèvent d’immenses balances en Drachmes que le « bateau des passagers clandestins » cachait si bien, et que le dispositif « Target 2 » cachait plus difficilement. Il faut donc imaginer que ces balances en Drachmes sont acheminées vers les Banques centrales des Etats correspondants (dans notre exemple celle d’Allemagne pour l’exportateur allemand, et de France pour la Société Générale) et transformées en nouvelles monnaies nationales.

Au final la monnaie émise (dont la quantité est égale au produit de la dévaluation par le total des engagements) se trouve stockée dans les pays qui sont dans une situation favorable : peu ou pas de dévaluation, peu de dette extérieure, dette publique faible ou nationalisée. De quoi provoquer une hausse des prix plus rapide que dans les pays ayant massivement monétisés. Le dispositif, retenu, sans doute trop brièvement exposé, et ne réglant pas toutes les situations (comment traiter les CDS même s’il n’y a pas juridiquement « accident de crédit » ?) évacue complètement l’idée de défaut, de soutien au système bancaire, de surveillance des spreads de taux etc.

Partie 2 - LES CONSEQUENCES A PLUS LONG TERME DE LA FIN DE L'EURO

A - L'EFFACEMENT DU GRAND BOND EN ARRIERE IMPULSE PAR L'EURO

La première forme du grand retour en arrière imposé par la mise en place de la monnaie unique était le développement de divergences que devaient précisément faire disparaitre l'euro : déséquilibres croissants des échanges extérieurs entre pays, désindustrialisation accélérée dans le sud contre maintien de positions industrielles dans le nord, économie de consommation ou de rente dans le sud, contre économie de production dans le nord, etc. Le tout dans un contexte de croissance beaucoup plus faible que celle du reste du monde.

La seconde forme du grand retour en arrière était plus grave. Induite par les politiques de dévaluation interne, elle allait considérablement accroitre les divergences et des stratégies non coopératives suicidaires.

La dévaluation interne, toujours présente à l'heure où ces lignes sont écrites, ne pouvait en effet passer que par une pression sur les coûts directs et indirects du travail : baisse de la quantité et/ou de son coût. Une telle baisse à des effets favorables au niveau micro-économiques en ce qu'elle pouvait augmenter les marges et /ou la compétitivité des entreprises. Toutefois le PIB n'étant que la contrepartie de la somme des demandes internes et externes de chaque pays, la pression sur le coût du travail n'est macro économiquement efficace que si la chute de la demande interne est surcompensée par un accroissement plus élevé de la demande externe.

Hélas, l'histoire concrète a montré que pour tous les pays, depuis 2010/2011, la surcompensation était impossible, et ceci pour au moins deux raisons :

La première est que le prix du travail n'est pas suivi dans sa baisse par celle parallèle de tous les autres prix. En particulier il y a rigidité pour un certain nombre de services et surtout , le poids de la dette va croître par augmentation de sa part relative dans le budget des ménages. La chute de la demande de consommation est ainsi devenue considérable ( plus importante en pourcentage que celle du taux de salaire) dans un certain nombre de pays, ce qui explique la baisse des PIB correspondants sur plusieurs années (Grèce, Portugal, Espagne, etc.).

Par ailleurs, et il s'agit d'une seconde cause de l'impossible surcompensation, la demande externe est elle- même appauvrie par la politique de dévaluation interne de tous les autres pays. Il n'est pas non plus question de bénéficier d'une élasticité prix des exportations puisque la déflation est beaucoup plus faible que la baisse du coût du travail. Ainsi pour faire diminuer les prix de moins de 5% en Grèce, il a fallu diminuer les revenus de plus de 20%. Par contre, il est vrai qu'à la marge, la considérable chute de la demande interne entraine mécaniquement par effet d'élasticité des importations au PIB, une baisse mécanique des importations, donc de la propension à importer. Ce fait est fortement constaté pour l'Espagne. Mais ce même fait bloque les espérances des autres pays pratiquant également une politique de dévaluation interne

La politique de dévaluation interne devait aussi entrainer d'autres effets:

- La hausse du chômage laquelle découle directement de la contraction de la demande globale.

- L'impossible amélioration des soldes publics avec au-delà d'un faible rendement de l'impôt, l'effet de ciseau découlant d'un taux d'intérêt réel nettement supérieur au taux de croissance du PIB, ce qui signifie une aggravation inexorable du service de la dette (5),

- Enfin, la ré- industrialisation impossible puisque dans le contexte établi, rien ne vient justifier l'investissement (6). La politique de l'offre - au delà des interrogations sur son fondement théorique ( le sens de la relation profit-investissement fait toujours l'objet de passionnantes discussions académiques) - qui est la finalité des politiques de dévaluation interne n'a que peu de sens dans un univers aussi dépressif.

Bien évidemment, les premières mesures, avec notamment les décisions financières d'urgence et le passage de la dévaluation interne à la dévaluation externe effacent complètement le lugubre paysage antérieur.

B - UNE SIMPLE DEVALUATION MONETAIRE SERA-T-ELLE SUFFISANTE ?

La réanimation de l'outil taux de change constitue bien sûr un avantage puisque les dévaluations externes sont en théorie autrement plus efficaces que les dévaluations internes.

A l'inverse de la dévaluation interne, tous les prix sont affectés par le changement de parité et la demande interne n'est affectée négativement que si les importations - en supposant que les exportateurs étrangers ne changent pas leurs politiques de prix - sont incompressibles, soit une élasticité nulle. En revanche, la hausse de la demande externe est infiniment plus probable. La France est concernée par cette hausse de la demande externe dans la mesure où elle se situe dans des productions moyennes assez sensibles aux prix. Sa demande interne est aussi assez bien concernée par une modification de parité car elle importe davantage pour consommer que pour produire (7).

De ceci, il résulte que la dévaluation par réintroduction d'un taux de change, correspond à la mise en place d'un processus infiniment préférable à la dévaluation interne. En la matière, tout dépendra de la valeur des élasticités prix des importations et des exportations, ce qui nous renvoie au théorème dit des "élasticités critiques" de Marshall-Lerner. Et ce processus est en principe le retour de la croissance puisque les demandes aussi bien interne qu'externe peuvent logiquement augmenter.

Ce jugement doit pourtant être nuancé.

Tout d'abord, il convient d'introduire dans le raisonnement, des coûts de risque de change que l'euro avait fait disparaitre. Il est possible d'en diminuer l'importance en adoptant des taux de change fixes. Il n'est toutefois pas possible de les faire disparaitre. Ces coûts resteront proportionnels à la longueur des chaines de valeur et impulseront peut-être sa réduction et donc un processus de relocalisation pour les pays qui dévalueront. Un tel processus ne s'enclenche que dans la durée et ne produit pas de résultats immédiats.

En second lieu, l'élasticité prix de la demande d'importations peut entrainer un effet revenu négatif comprimant la demande interne. C'est le cas lorsque la dévaluation entraine une hausse des valeurs importées (pétrole). Auquel cas la demande interne entraine la chute du PIB, chute qui ne peut être compensée que par une forte élasticité prix des exportations.

En supposant qu'il n'existe pas d'effet revenu négatif, la hausse de la demande interne peut toutefois être bloquée par une inélasticité de l'offre: la non substituabilité des importations par des productions nationales s'expliquant par l'impossibilité de produire localement. C'est malheureusement la situation présente, notamment pour la France: les biens importés peuvent techniquement être substitués par des productions domestiques en cas de dévaluation . Malheureusement des décennies de désindustrialisation ont fait table rase de compétences techniques et de savoirs faire, voire même d'outils de formation, capital qui exige de nombreuses années pour se reconstituer.

Une autre difficulté résulte du risque de guerre des monnaies. Les dévaluations internes étaient non coopératives et développaient des externalités: l'exportation possible du chômage. Les dévaluations externes ne le sont pas moins. L'ensemble de la zone euro dispose d'un Excédent de 2,6% de son PIB avec un euro dont le taux de change est probablement plus élevé que la moyenne des taux qui se formerait sur la base des anciennes monnaies reconstituées (8). C'est dire que l'excédent global pourrait s'élever davantage encore et géner les pays émergents. C'est dire aussi qu'au delà de possibles guerres des monnaies à l'intérieur de l'ex-zone, une réelle guerre des monnaies peut se matérialiser avec des nations (Chine en particulier) qui, jusqu'à présent, disposaient de solides possibilités exportatrices au regard de pays du sud (Grèce, Italie, Portugal, Espagne, etc.)

La fin de l'euro c'est assurément la fin des politiques suicidaires et donc la fin du grand bond en arrière. Elle n'est pourtant pas un bond en avant automatique (9).

C - L'EXIGENCE D'UN ORDRE MONETAIRE ET ECONOMIQUE NOUVEAU

La zone euro est encore aujourd'hui un modèle réduit de mondialisation malheureuse : une offre potentielle excède une demande muselée par les politiques de dévaluation interne. D'où un surplus exportable et une demande qui, tout en étant muselée, est artificiellement gonflée par la croissance de la dette (10).

La mondialisation vit encore sur ce modèle initié dans les années 70 du siècle dernier. A l'époque, il s'agissait de délocaliser des productions comme solution aux premières formes d'un fordisme déclinant. Les gains de productivité qui s'affaissaient étaient compensés par la dévaluation du travail : les salaires des pays périphériques étaient autrement avantageux que ceux du centre. Les débouchés des implantations délocalisées n'étaient pas locales et correspondaient à des exportations vers le centre: la fameuse alliance de Wal-Mart et du parti communiste chinois. Simultanément, centre et périphérie doivent contenir les salaires: le centre pour ne pas être envah, et la périphérie pour rester compétitive alors que le poids et le nombre de ses acteurs en concurrence entre-eux ne cesse de s'élargir.

La mondialisation devient ainsi "malheureuse" en ce qu'elle va correspondre à un déséquilibre croissant entre offre et demande globale, déséquilibre masqué par une montée des dettes publiques et privées plus spécifiquement au centre.

La zone euro toute entière est ainsi devenue le modèle réduit de cette mondialisation malheureuse avec une Allemagne devenue Chine de l'Europe en raison de son surplus exportable et donc de sa demande interne très insuffisante, et un sud, dont la France, jouant le rôle des USA importateurs.

La disparition de l'Euro ferait peut-être disparaitre le modèle réduit de mondialisation malheureuse mais ne ferait pas disparaitre le modèle global. Et si d'aventure le surplus exportable de ce qui serait devenu l'ex-zone euro devait s'accroitre en raison des dévaluations externes, la situation deviendrait insupportable pour l'ex- périphérie devenue ensemble de pays émergents connaissant toujours une demande interne largement insuffisante. Clairement l'euro leur permettait de ne point dévaluer. Sa disparition est donc probablement la naissance d'une guerre mondiale des monnaies dont l'origine repose sur une demande mondiale inférieure à l'offre.

La disparition de l'euro militerait ainsi pour un nouvel ordre monétaire basé sur un principe général de coopération et non de concurrence entre les nations. Une coopération visant à la recherche d'un équilibre extérieur de chaque nation. Cela passe bien sûr par un contrôle politique négocié des parités et la fin du processus de privatisation des monnaies commencé dans les années 70 du siècle dernier.

En finir avec l'euro c'est aussi la possibilité et la tentation de soustraire les monnaies à l'empire mondial de la finance. C'est aussi le possible rétablissement des souverainetés disparues avec la privatisation des monnaies (11). C'est enfin le possible cheminement vers une forme renouvelée de l'Etat-Nation.

C'est en conséquence le possible rétablissement d'une démocratie confisquée. Un mouvement dont le cheminement et les contours sont difficiles à imaginer aujourd'hui.

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(1) Les derniers chiffres publiés le 14 aout dernier, avec un T2 de +0 de croissance pour la zone après un T1 de +0,2 sont là pour attester de l'échec. La déflation en cours avec le recul de la vitesse de circulation de la monnaie sont un autre signe de l'échec.

(2) De ce point de vue la France, avec sa Constitution de 1958 dispose d'un avantage comparatif énorme sur l'ensemble de la zone.

(3) Il s'agit du premier acte de la répression financière avec comme point d'aboutissement probable la soustraction de la monnaie à l'emprise de la finance ou la fin de la "loi d'airain "de la monnaie, idée déjà défendue par l'auteur dans le N° 34 de MEDIUM (janvier, février, mars 2013).

(4) C'est tout le sens qu'il fallait donner au "Longer-Term Refinancing Opérations" (LTRO) qui permettait au final en 2012 et 2013 le refinancement des Etats. C'est aussi celui de son prolongement: le "Target Longer- Term Refinancing Operations" qui, lancé dans quelques semaines pour un autre objectif, pourra servir à refinancer l'ancien LTRO pour lesquelles les banques italiennes et espagnoles restent débitrices après avoir trop financé leur Etat respectif.

(5) Ajoutons que la baisse des dépenses publiques, qui est une composante de la dévaluation interne, connait des effets dévastateurs en raison de la sous-estimation du multiplicateur budgétaire: 0,7 pour le modèle MESANGE de l'INSEE, alors que le FMI l'annonce à 1,2 et que des estimations sur la zone Sud évoquent des multiplicateurs encore plus élevés.

(6) Selon EUROSTAT, la FBCF de la zone euro diminue globalement et passe de 19,4 à 17,7% de son PIB de 2009 à 2013. celle des pays du sud s'effondre: passant de 19,9 à 12,1 pour la Grèce, de 23,6 à 17,7 pour l'Espagne, de 19,4 à 17,3 pour l'Italie, de 20,5 à 14,8 pour le Portugal, etc. Moins d'investissements, c'est moins de croissance de la productivité, et en mondialisation, c'est moins de marge. Il est très difficile d'imaginer par la violence de la dévaluation interne en Grèce ou en Espagne l'émergence de petites Chines européennes.

(7) L'Allemagne - dont l'une des caractéristiques est de beaucoup importer pour beaucoup produire et exporter en raison des typologies de ses chaines de la valeur - serait gagnante dans une reconstitution du mark : élasticité faible en raison du caractère haut de gamme de son industrie (0,3 selon NATIXIS), et baisse du coût de ses consommations intermédiaires.

(8) Un taux de change moyen des monnaies reconstituées inférieur au taux de change de l'euro est possible si la réévaluation du mark est relativement modérée. Du point de vue du solde extérieur de l'ex-zone euro, l'abaissement du premier supposerait une hausse très élevée du second.

(9) A ces difficultés il faudrait ajouter que le rôle de l'Etat dans le contexte du vingt et unième siècle n'est plus celui des trente glorieuses. L'innovation par les grands programmes publics laisse aujourd'hui la place à des innovations de conception reposant davantage sur des PME et innovations centrées sur les process, l'organisation et le marketing.

(10) La spirale dépressive fait aussi que la demande est muselée par le comportement des ménages, lesquels se mettent à épargner davantage tout en refusant d'investir. D'où, par exemple en France, un taux d'épargne qui passe de 14,7% du revenu disponible en 2013 à 15,9 au premier trimestre 2014, épargne qui s'accumule selon le baromètre de la Banque de France sur des comptes bancaires. Il est vrai que le risque de déflation développe celui de la "trappe à liquidités".

(11) Avec la possibilité de frapper les monnaies à bon escient . Cf à cet égard un texte étonnant : http://www.lesechos.fr/idees-debats/cercle/cercle-107637-frapper-monnaie-a-bon-escient-1034473. On pourra aussi se tourner vers nombre d'articles déjà publiés sur ce blog.

Zone

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6 novembre 2015 5 06 /11 /novembre /2015 14:09

 

Le temps est passé et mes lecteurs ont probablement compris que malgré toutes les précautions nécessaires (cf la seconde partie), il est impensable d’imaginer de gagner des élections sur la base d’une proposition de sortie de l’euro.

Se séparer de l’euro comme nouvel Avatar des Lumières serait un désastre électoral

 Tout ce que nous avons imaginé sur la pédagogie et finalement la lutte contre la « religion officielle » reste trop peu crédible. La raison ne peut l’emporter sur les émotions et le mensonge facile ne peut que triompher sur une  raison aussi bien abstraite qu’abrupte. C’est dire que la panique (prétendument et imaginairement régulée par l’utilisation de l’article 16 de la Constitution) verrait, dans la rigueur de cet outil, le motif majeur du rejet du parti osant proposer de telles solutions.

Si l’article 16 a pu être un authentique vecteur de résistance démocratique en 1961 lors du putsch des généraux d’Alger, comment expliquer qu’il pourrait être utilisé aujourd’hui alors que nulle liberté formelle n’est menacée ?

Comment expliquer que son utilisation à l’inverse de celle de 1961 aboutirait à moins de liberté ? Comment expliquer qu’il faut instaurer un contrôle des changes, alors que l’euro est quasi universellement perçu comme une nouvelle liberté ? C’est qu’il est très difficile de démontrer que la fin de la croissance, la dette, la nouvelle difficulté de faire société, etc. sont conséquences logiques de la monnaie unique….et tellement plus facile de constater concrètement que l’euro simplifie la vie et élargit l’éventail des possibles.

L’euro n’est donc pas une contrainte, une souffrance qui en ferait un bourreau, mais un droit fondamental, un objet rendant plus universel l’idée de « liberté frappée » donnée aux monnaies particulières de jadis.

Il faut donc introduire dans le programme des élections présidentielles une toute autre approche qui, pour autant, devra s’ancrer sur la nécessité d’un dépassement lui-même forgé dans la rigueur et l’honnêteté intellectuelle.

Et de ce point de vue, cette autre approche, devra reprendre nos développements sur l’idée d’une impossible réforme de l’euro, en particulier l’impossibilité d’imposer les nécessaires transferts entre nations excédentaires et nations déficitaires[1].

Le contournement des transferts interdits

C’est dire que toutes les explications -auprès des électeurs - de l’impossible fonctionnement de l’euro-zone  restent essentielles, mais qu’à l’inverse, au lieu d’en conclure qu’il faut mettre fin au dispositif, il faut au contraire trouver une solution permettant l’équivalent d’un transfert….qui toutefois n’en serait pas un réellement…. S’il y avait transfert – l’équivalent de 15 plans Marshall avions nous annoncé[2]- la question de l’euro ne se poserait pas et, à terme, un retour à l’équilibre à l’intérieur de la zone serait pensable. Ce transfert, payé par quasiment la seule Allemagne est bien évidemment impossible, mais est-il possible de lui découvrir un substitut plus acceptable pour cette même Allemagne ?

La réponse est affirmative et consiste à dire qu’il peut être créé - de par la BCE et les banques centrales de l’euro-zone-  de la « monnaie sans dette » pour un montant équivalent à ce qui serait exigé pour le rétablissement de l’équilibre et donc une réelle convergence entre Etats de la zone.

Proposer une création monétaire massive ne reposant sur aucun actif serait bien davantage que du QE, lequel n’est que du rachat de titres orienté autour du sauvetage des banques et des Etats. Parce que simple échange de monnaie contre titres, le QE est amortissable, même si dans les faits, il est probable que certains titres soient de nulle valeur . A l’inverse, une création monétaire non appuyée sur des titres, revient à une quasi-subvention au profit des Etats déficitaires. Son idée est relativement ancienne et fait suite à l’image « du déversement de monnaie par hélicoptère » de Milton Friedman et Ben Bernanke, ce qui est devenu dans la littérature l’ « Helicopter Money ».

Concrètement, la communication du Front National reposerait ainsi sur la refonte du système européen de banques centrales. Une refonte pouvant se borner à la possibilité offerte, aux banques centrales nationales des pays déficitaires, d’ émettre de la monnaie au profit d’investissements ayant vocation à assurer la convergence, et donc assurer que le taux de change de 1 contre 1, qui est celui de la monnaie unique, devienne réaliste. Sur le plan communicationnel il y a  bien un projet positif : l’euro est une construction maladroite mais il est possible de réparer et de maintenir l’ouverture et les libertés qu’il était censé apporter.

Gagner des voix par la mise à mort de l’ordo libéralisme[3].

Une telle proposition va bien sûr à l’encontre de la « religion » et naturellement de l’Allemagne. On peut citer en vrac tous les arguments qui vont la contester :

- Les traités interdisent le financement direct des Etats ;

- Il est impossible d’émettre de la monnaie sans actif correspondant ;

- Il n’est pas concevable d’avoir des banques centrales avec fonds propres négatifs ;

- Il faudrait recapitaliser les banques centrales et en particulier la BCE, or l’Allemagne n’acceptera pas de payer ;

- La dette publique est une matière première fondamentale pour la finance et l’épargne ;

- etc...

Au-delà, d’autres arguments seraient  évoqués :

- « l’Helicopter Money » ne peut que signifier une hausse généralisée des prix ;

- le non amortissement, donc le non remboursement fait disparaitre tous les coûts d’opportunité et garantit l’inefficience généralisée dans le choix des projets ;

- les Etats déficitaires ne reçoivent aucune incitation permettant l’alignement progressif sur les Etats du nord de la zone.

- La concurrence « libre et non faussée » est détruite par une monétisation pouvant toucher sélectivement les entreprises ;

- Le principe général de l’argent-dette est malmené et le système bancaire peut être marginalisé par un capitalisme d’Etat ;

- Etc.

Cette avalanche d’arguments peut évidemment être évoquée, expliquée et surtout tenue en échec par, une fois encore, le retour à la raison : « l’helicopter money » était d’un usage fort banal au XX ième siècle ; il n’existe aucune exigence de passif sur les banques centrales, et donc l’argument de recapitalisation n’a aucun sens ; « l’Helicopter money" doit se transformer impérativement en production, plus particulièrement en investissements générateurs de croissance et donc en alignement progressif sur l’Europe du nord. Etc.

Bien davantage encore, un grand souci de pédagogie permettra, par comparaison, de montrer qu’un « helicopter money » est autrement efficient que les QE d’aujourd’hui, lesquels aboutissent :

- à une distorsion des prix des actifs (les banques centrales n’achètent que des actifs peu risqués et laissent sur le marché les primes de risques) ;

- à un accroissement considérable de la liquidité engendrant bulles et volatilité croissante ;

- à une non descente de cette liquidité vers l’investissement productif.

Gagner des voix en mettant l’Allemagne au pied du mur

Par contre, ce qui dans ces explications - les plus simples et les plus pédagogiques possibles  - ne pourra pas être contesté est l’opposition radicale de l’Allemagne. D’où des propos extrêmement clairs qu’il faudra savoir tenir et qui, cette fois, ne seront pas pénalisants électoralement : si l’Allemagne s’oppose à ce qui permettrait un fonctionnement harmonieux de la zone, alors nous nous dirigerons vers son démantèlement. Il s’agit de mettre l’Allemagne au pied du mur et de montrer que dans cette hypothèse, elle est – et elle seule - responsable d’un éventuel futur désastre aux conséquences planétaires.

Résumons les propositions susceptibles d’entrainer une adhésion :

1) Parce que l’euro réduit considérablement l’éventail des choix et qu’il conteste  la démocratie, Il n’est pas aujourd’hui possible de construire un programme politique sérieux et honnête sans évoquer la question de l’euro.

2) Parce que des trésors de pédagogie n’arriveront pas à contester son visage de nouvel « Avatar des Lumières », il est suicidaire de proposer aux électeurs sa mise à l’index et son démantèlement.

3) Le chemin du succès électoral dans l’honnêteté, consiste donc à élaborer une stratégie respectant les croyances populaires, tout en détruisant l’ordo libéralisme allemand qui préside à sa construction et à son ancrage dans la durée.

4) Les transferts impossibles, parce que bloqués par l’ordo libéralisme, sont activés par un moyen détourné : la fin de l’indépendance des banques centrales désormais chargées de monétiser les déficits des Nations du sud de la zone.

4) L’Accord de monétisation proposé dans le programme prévoit des conditions qualitatives à détailler et à réglementer, mais qui surtout ne concernent que les seuls investissements réels susceptibles de rétablir les équilibres dans le respect de la contrainte écologique, essentiellement l’agriculture et l’industrie.

5) S’agissant de la France, pays qui est le seul à supporter des dépenses militaires au bénéfice de toute l’Europe, l’accord proposé prévoit une monétisation exceptionnelle dans les industries de la défense.

5) Ce même accord prévoit des clauses quantitatives (par exemple combinant poids du PIB et déséquilibres, avec bien sûr monétisation interdite pour le nord) inscrites dans la durée : la monétisation cesse lorsque le taux de change intra-zone de 1 contre 1 devient crédible.

6) Le refus potentiel de l’Allemagne renverse le paysage électoral : ce n’est pas la France qui veut quitter l’Euro mais l’Allemagne qui ne supporte pas le changement institutionnel.

7) Le chemin proposé concernant la question de l’Euro doit être expliqué dans ses détails. Il suppose pour cela de former un grand nombre de personnes susceptibles d’exposer clairement la problématique et de répondre dans un souci de grande honnêteté aux questions des électeurs.

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28 octobre 2015 3 28 /10 /octobre /2015 09:41

 

Quand nous parlons d’élections nous parlons de la mère de toutes c’est-à-dire  l’élection présidentielle.

2 sortes de problèmes se posent : le contenu du discours d’une part, et la façon dont il est reçu d’autre part. Ces deux problèmes sont maintenant liés : la façon de parler agit sur la réaction des acteurs, mais inversement le comportement des acteurs va rétroagir sur le discours.

S’agissant d’un projet d’abandon de l’euro et de ses effets sur les électeurs, les comportements ne sont certes pas connus ex-ante, mais par contre  on connait  l’éventail des possibles. Ce dernier passe de l’absence de toute réaction (comportements économiques et sociaux inchangés) à des mouvements de déstabilisation ou de panique (spéculation gigantesque avec toutes ses conséquences en tous domaines)

La connaissance de l’éventail des possibles permet alors la construction de scénarios et de discours associés. A priori, c’est bien évidemment celui qui « contient » (au sens de « containment ») la panique qui doit être valorisé, l’inverse signifiant un échec électoral majeur.

Maintenant la probabilité de l’occurrence de la panique est grande puisque nous  sommes  dans un espace de rationalité très limitée : l’euro est affaire de religion avec des acteurs ou des prêtres intéressés au développement de la panique.

Le discours portant sur la proposition de la fin de l’euro se doit par conséquent être extrêmement construit….y compris en expliquant les risques de panique qui en seraient les conséquences….avec les outils pratiques censés la contenir.

Expliquer sereinement le probable couple panique/spéculation.

Ce point de vue a déjà été abordé dans le blog et les différents articles qui se sont attachés à le développer montrent que de fait la sortie ne peut se faire que sur le mode panique. Pour autant il faut durant la campagne électorale aborder la question de la sortie comme question à proposer aux partenaires européens. Non pas une question sur l’autorisation qui serait donnée à la France de quitter l’euro système : l’autorisation est juridiquement impossible, mais  d’une décision du peuple français. La candidate du Front National doit par conséquent simplement déclarer que si elle est élue, elle entamera les consultations nécessaires afin d’assurer le transfert de souveraineté monétaire selon un mode organisé. Il ne s’agit pas de claquer la porte mais si possible de la refermer en douceur et de passer à d’autres formes de coopération.

Une version plus modérée, celle qui sera sans doute retenue est de déclarer qu’en tant que présidente élue, elle organisera un référendum sur le maintien de la France dans la zone. Cette version plus douce allonge la période dangereuse de transition. Mais une hypothèse  réaliste est de considérer que la spéculation commencera dès les résultats de l’élection présidentielle, c’est-à-dire avant le référendum.

C’est la raison pour laquelle il est nécessaire de déclarer au préalable, c’est –à-dire durant la campagne, que si la spéculation et la panique se développent, une utilisation immédiate de l’article 16 de la Constitution de la 5ième République sera décidée. On peut même imaginer que cet Etat d’urgence soit déclaré, avant même l'installation de la présidente, par le biais d’un accord avec le président sortant dont on peut penser qu’il serait soucieux du respect des engagements du nouveau quinquennat.

Sans spéculation entre le résultat de l’élection présidentielle et le référendum, l’utilisation de l’article 16 est néanmoins importante car elle seule permet , aves l’immédiateté nécessaire,  de trancher définitivement et placer le reste de la zone , en fait l’Allemagne, face au choix de la liquidation de la monnaie unique ou de son maintien sur une base très rétrécie.

Bien expliquer le mécanisme de l’article 16 comme arme de résistance démocratique

Le scénario de la panique étant infiniment probable, il est fondamental que la candidate du Front National décrive  immédiatement les effets à attendre de son probable déclenchement : l’explication de la montée des taux sur la dette souveraine, l’impossible fonctionnement de l’Agence France Trésor, la fuite massive des capitaux et la montée du solde TARGET2, le gel des projets d’investissements, l’insolvabilité brutale du système bancaire français, etc. Chaque évènement de panique anticipée se devra d’être expliqué de façon détaillée….révélant ainsi qu’au moment de son déclenchement les paroles correspondent bien aux faits… et que la violence de l’article 16 est bien justifiée. Bien expliquer les formes de la panique est preuve de compétence.

Et le mécanisme de l’article 16 doit être expliqué de façon précise en particulier les conditions de sa mise en service :« menaces graves et immédiates » qui pèsent sur les institutions de la république, et atteinte au fonctionnement régulier des pouvoirs publics. Il faut aussi  en expliquer son extraordinaire portée : pleins pouvoirs du président qui prend « les mesures exigées par les circonstances ». Mais aussi insister sur les limites : consultation préalable du premier ministre, des présidents des deux assemblées et du Conseil Constitutionnel, possibilités d’interventions ultérieure de la part de ce même conseil ou mobilisations de parlementaires, etc. Il faut aussi expliquer le pourquoi de la mobilisation d’un outil fort rarement utilisé : saisie provisoire de la Banque centrale,  et du système financier, contrôle des changes, etc. Il faut enfin expliquer que cette mobilisation s’achèvera lorsque le gouvernement nouveau et le parlement, le résultat du référendum étant connu,  pourront gérer le fonctionnement normal des institutions. Ce qui peut également signifier le maintien de l’euro si tel devait être le résultat du référendum….

Ce travail fondamental doit se faire parallèlement à celui, tout aussi pédagogique, du pourquoi d’un rétablissement de la souveraineté monétaire.

Expliquer la cause principale du mal vivre ensemble.

En la matière  il est essentiel de partir du point de vue des agents qui victimes de l’euro ne se rendent pas compte de l’identité du bourreau. Il faut donc commencer par les problèmes de l’emploi, de la précarisation, de la réduction du périmètre des services publics, du repli communautaire et de la ghettoïsation,  etc. Questions qu’il convient de rattacher à une croissance qui n’est disparue que dans la seule zone euro. Des comparaisons avec le reste du monde doivent par conséquent mettre en avant cette étrange spécificité. Il faut ainsi bien expliquer que la croissance disparue, celle qui crée des emplois et des recettes pour l’Etat Providence, est corrélée avec la mise en place de l’euro-zone. Passer beaucoup de temps à détailler tous les liens, les relations de cause à effet, les exemples, etc. sera essentiel à la crédibilité de la candidature.

Il conviendra ensuite de démontrer, de façon rigoureuse et indiscutable, que l’auteur principal des problèmes quotidiens, l’euro, est bien un bourreau.

Expliquer que la zone euro est un bourreau

Ainsi il faudra répondre aux injonctions issues du catéchisme courant (« on ne peut plus être cigale et il faut impérativement devenir fourmis », « nous n’avons plus les moyens », « il faut savoir se serrer la ceinture » etc.) par le fait que la zone vit en dessous de ses moyens et qu’elle fournit une part croissante dans l’épargne mondiale. Chiffres à l’appui, il est essentiel de révéler le plus concrètement possible que les citoyens de la zone sont globalement des fourmis, et que les « sacrifices » imposés par la religion de l’euro sont injustifiés. Ils sont donc bien le fait d’un bourreau.

Expliquer que le bourreau ne peut se métamorphoser en personnage sympathique: l'euro n'est pas réformable.

Plus difficile, mais ô combien essentiel, sera de montrer que le bourreau ne peut pas se transformer en personnage sympathique. Il faudra donc des trésors de pédagogie pour montrer que la croissance ne pourrait  revenir que s’il existait un système de transferts à l’intérieur de la zone et que ces transferts sont de fait interdits. Il faut ainsi montrer que l’Allemagne n’est pas un bourreau heureux mais un Etat-Nation qui n’entend pas renoncer aux avantages que la monnaie unique lui à conférée jusqu’ici. C’est sans doute la partie la plus difficile d’une campagne électorale qui se doit d’être la plus honnête et la plus pédagogique possible. Et il faudra, concernant ce sujet, savoir s’entourer des spécialistes reconnus internationalement.

Il faudra enfin montrer qu’il n’y a pas de solution et que le seul effet du fonctionnement de l’euro-système produit une aggravation continue de la crise, avec des effets délétères en termes d’inégalités à l’intérieur des pays et entre pays, en termes de communautarisation et de ghettoïsation. Il faudra ainsi être patient et prendre le temps d’expliquer que tous les mécanismes mis en place depuis le déclenchement de la crise ne sont que des moyens de gagner du temps, et temps qui dans un même mouvement accumule des mégatonnes supplémentaires au profit de l’explosion à venir. Il faut donc bien explique que sortir de l’euro maintenant est préférable à son explosion demain. Parmi les mécanismes mis en place depuis 2009, il faudra insister sur l’émission de liquidités émises par la BCE, bien expliquer qu’il s’agit d’un processus de création ex-nihilo dont les seules fins sont bien le soutien d’un système financier qui lui-même n’est pas en mesure de soutenir l’économie réelle. Bien expliquer cela et de façon très détaillée est important pour mieux comprendre par la suite l’impérieuse nécessité d’en finir avec l’indépendance des banques centrales.

Il est maintenant évident que la campagne électorale ne doit pas transformer l’euro en bouc émissaire et qu’il faudra expliquer que le retour à une meilleure qualité du vivre ensemble suppose des changements importants dont certains pourront être douloureux. La campagne devra donc aussi se décliner en mode projet avec la construction d’un chemin nouveau à emprunter : le vivre ensemble suppose la construction d’un avenir défini comme désir partagé.

(A suivre)

 

 

 

 

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