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16 juin 2025 1 16 /06 /juin /2025 03:32

Les diverses fédérations bancaires, regroupées autour d’une étude commandée à PwC sont unanimes : l’euro numérique de banque centrale est un projet beaucoup trop coûteux ( plus de 18 milliards d’euros) et génère des problèmes plutôt que des solutions. Cette information, détaillée dans les Echos du 11 juin, figure à côté d’une autre information concernant la Société Générale qui  - elle-même très opposée à la MNBC-  est fière de déclarer le lancement de son nouveau stable coin, l’USDCoinVertible. On notera que cette attitude du système bancaire français rejoint ce qui se déroule présentement aux USA avec un Wal Street qui mise sur les banques et établissements déployant une stratégie crypto ( Tether, Circle, etc.) et un Etat qui met fin au projet de dollar numérique.

Dans l’évaluation commandée à PwC par les fédérations bancaires, on ne parle que des coûts techniques de la mise en place de la MNBC. Par contre, reste sous silence la question fondamentale de l’avenir du système bancaire européen que les autorités de tutelle jugent probablement désuet sans jamais mettre le dossier sur la table. Et un dossier que les banquiers redoutent dans  le plus grand silence. Le système bancaire tel qu’il s’est historiquement construit est-il aujourd’hui obsolète ?

Les technologies nouvelles, en particulier la blockchain, rendent aujourd’hui inutiles les banques et permettent techniquement de les remplacer par la seule banque centrale européenne avec au surplus l’avantage d’assoir définitivement un euro qui cesserait d’être une difficulté pour nombre de pays.

En effet, on pourrait imaginer que la monnaie devienne celle de la banque centrale laquelle effectuerait sur son bilan toutes les opérations pour tous les agents européens y compris celles effectuées par les Trésors de chaque Etat. Bien évidemment, le risque de ce qu’on pourrait appeler l’avènement d’un authentique capitalisme de surveillance généralisée supposerait la mise en place d’une infrastructure démocratique évitant toute possibilité  de déraillement autocratique.

 

Bien évidemment les autorités de la BCE sont beaucoup plus prudentes, n’imaginent pas un instant que le système bancaire puisse disparaître et ne cessent de déclarer haut et fort que la MNBC ne serait au fond que la forme moderne du cash, les billets étant remplacés par le portefeuille électronique caché dans le téléphone portable. Plus simplement encore, la MNBC ne serait que la concurrente des néo-banques et des systèmes modernes de paiement. Il y a pourtant une très grande différence et la MNBC est potentiellement porteuse du risque de siphonage des dépôts bancaires. Si effectivement pour un agent (ménage voire entreprise) il est techniquement plus facile d’effectuer des paiements par voie numérique, ces mêmes agents vont réduire le périmètre de leurs dépôts classiques pour accroître celui de la MNBC. Soit des fonds qui quittent le passif des banques pour rejoindre celui de la seule banque centrale. On peut même imaginer un paiement de l’impôt qui verrait sur le passif de la BCE le débit des comptes des débiteurs (ménages et entreprises) et l’abondement du compte du Trésor. La centralisation est commode mais marginalise les infrastructures bancaires classiques.

Les banques ne peuvent accepter un risque de siphonage qui affecterait aussi lourdement la puissance du multiplicateur du crédit et les gains qu’elles enregistrent par le canal de la dette qu’elles génèrent. C’est bien la forme de l’architecture présente qui fait que les crédits accordés par une banque deviennent dépôts dans les autres banques…et matière première pour de nouveaux crédits produits dans lesdites banques. C’est donc cette architecture qui de façon automatique fait des banques les créatrices de monnaie sur la base de crédits portant intérêt. Jusqu’ici les seules limites étaient ce qu’on appelle le taux de conversion en billets (toute la nouvelle monnaie créée n’est pas que du dépôt bancaire et les usagers exigent du cash pour les petits achats). En ce sens, la capacité créatrice de monnaie est contenue par la conversion en billets. Une autre limite est bien sûr d’ordre réglementaire, par exemple – parmi tant d’autres - le « taux de réserve obligatoire » manipulé par la banque centrale soucieuse de réguler le crédit.

Si les banques sont si hostiles à la MNBC c’est bien parce qu’une nouvelle limite serait créée, un nouveau siphonage équivalent à ce qu’est la conversion en billets. Mais potentiellement les choses seraient plus graves car la conversion des dépôts en MNBC aurait tendance à se développer en raison de la demande des usagers, demande  qui risquerait de faire pression sur la BCE afin que la limite de conversion soit rapidement dépassée. Comprenons en effet qu’il n’est pas facile d’acheter un équipement par exemple une voiture avec des billets, et qu’il est beaucoup plus aisé d’utiliser un téléphone portable. Bloquer le volume de MNBC et affecter ce dernier à l’achat de la baguette de pain sans autoriser de gros volumes (achat d’une voiture) n'est pas rationnel et ce sont les usagers, donc les clients qui viendraient exiger le dépassement de toutes les limites en matière de volume de MNBC. C’est dire que les promesses de limite sur lesquels les débats sont engagés entre les banques et la BCE ne seraient probablement pas respectées. La pression des usagers serait trop forte. Les usagers se moquent des réserves obligatoires qui a priori ne concerne que les banques. Mais ces mêmes usagers au nom de la rationalité exigeront la totale liberté de transformer sans limite leurs dépôts bancaires en MDBC, plus confortable et aussi plus sûre : un dépôt bancaire n’est qu’une dette d’une institution qui peut faire faillite alors que la MDBC serait émise par une institution qui - par construction - ne peut connaître de difficulté.

Les banques considèrent par conséquent que leur combat contre la MNBC est tout simplement existentiel. Non à la monnaie numérique de banque centrale !

Tel n’est pas le cas de la crypto monnaie privée et en particulier les stable coin. Bien évidemment là encore il y a rupture avec l’architecture qui génère des crédits engendreurs de dépôts. La blockchain permet de se passer du système bancaire lequel finalement se retrouve dans la poche de chaque échangiste.  Il ne serait  donc plus question pour le système bancaire de   créer de la monnaie  sous forme  « d’argent -dette » portant intérêt. La blockchain et les stable coin détruisent la chaîne traditionnelle et donc mettent fin au multiplicateur du crédit. Toutefois si le stable coin n’est pas la monnaie de base il peut encore être contenu dans le cercle de la spéculation et des transactions éloignées de l’usage traditionnel. Au-delà, parce qu’articulé à de la dette publique et particulièrement sur les bons du Trésor américain, il peut donner lieu à des opérations de crédit comme peut le faire un compte classique. Créer des stabble coin sans matière première de base est peut-être moins intéressant que de créer de la monnaie à coût nul, mais le geste est quand même porteur d’opportunités.

Bien évidemment, le système bancaire aurait aimé se contenter de sélectionner les outils  adaptés à sa numérisation spécifique et donc se lover dans une digitalisation sans remise en cause fondamentale du système, ce qui est le cas du monde des néo-banques devenu la bonne réponse aux exigences de la clientèle jeune. Hélas il ne peut ignorer le changement complet d’une technologie qui vient contester sa réalité institutionnelle. Dans le même temps, il ne peut ignorer le monde libertarien qui conteste les monnaies d’Etat et ce, même si cette contestation utilise ces mêmes Etats. Le libertarisme est aussi un opportunisme et peut utiliser la force de son ennemi, réalité fondamentale constatée aux USA avec une Silicone Valley qui devient l’allié du nouveau pouvoir étatique. Le système bancaire ne peut donc contester frontalement les crypto-monnaies et tente un processus d’adaptation. Le oui à la crypto monnaie et sa possible maîtrise par les banques n’est pas exempte de craintes et de réserves, mais il est difficile d’y échapper.

Au total,  la résistance à l’avènement des crypto monnaies privées sera faible et tout le lobbying bancaire se portera sur  la contestation de la MNBC.

Jean Claude Werrebrouck – 14- 06- 2025.

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