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25 janvier 2012 3 25 /01 /janvier /2012 15:11

Le texte qui suit constitue une contribution provisoire , et donc révisable, à un chantier collectif plus vaste. Il n'est sans doute pas d'un accès très facile, mais prétend aller au fond des choses, en se méfiant des évidences, et des acquis jamais questionnés. Il tente de projeter un regard original sur un objet  qui semble intéresser tous les "mécaniciens /réparateurs"  aux prises avec la grande crise des années 2010. Les habitués de ce blog pourront aller plus vite en ne lisant que les paragraphes dont le titre peut laisser la place à une interrogation.

 

Il est difficile, s’agissant de nos banques centrales, de ne pas parler de clef de voûte tant il est vrai que la grande crise des années 2010 les mettent sur le devant de la scène avec cette formule presque magique, d’organismes  qui seraient « un prêteur en dernier ressort ». Avec sa signification première : sans elles tout s’écroulerait. Et sa signification plus mystérieuse : quand plus personne, plus aucun acteur de la scène – pas même l’Etat -  ne se dévoue pour pérenniser le roulement de la dette, il y aurait , en surplomb de la société, une entité appelée banque centrale,  qui pourrait empêcher l’écroulement complet du jeu. C’est cette idée de « prêteur en dernier ressort », idée de plus en plus souvent évoquée au quotidien, que le présent livre se propose de décortiquer. 

Avec une démarche qui se veut proche de celle pratiquée par nombre de disciplines scientifiques : d’abord le refus du normatif, ensuite la seule volonté d’expliquer ce qui se déroule sous nos yeux.

Le refus du normatif en s’abstenant de toute considération morale sur tel ou tel choix effectué par tel ou tel gouverneur ou ministre des finances. Et la volonté d’expliquer en observant les faits , tels qu’ils se sont déroulés. De ce point de vue, nous attacherons beaucoup d’importance à l’histoire qui seule permet de saisir l’enchainement des faits dans toute leur complexité. Et une histoire qui doit remonter le plus loin possible dans le temps -à l’image de l’astrophysique qui tente de remonter le temps jusqu’au « big bang » de la création de l’univers pour comprendre la matière- ici  pour expliquer ce que charrient au quotidien les banques centrales : la monnaie, l’échange, la dette, l’intérêt, etc.

Ces matériaux présentés et expliqués dans la première partie du texte sont ce qui permet à la clef de voûte  d’assurer, plus ou moins bien, sa mission. Mais aussi parce que chargés d’une histoire complexe, ils ne permettront pas, en toutes circonstances de garantir le fonctionnement efficace du « prêteur en dernier ressort ». D’où des crises, voire de véritables bifurcations donnant naissance à de nouveaux mondes.

Et le raisonnement pourra se dérouler en boucle : si les conceptions que se fait  l’humanité de la monnaie , de l’échange, de la dette, de l’intérêt, etc. se modifient , ou si, beaucoup plus encore, l’humanité,  se trompe sur ces matériaux  qu’elle a elle même engendrée, alors le fonctionnement des banques centrales sera lui-même modifié , et entrainera de nouvelles représentations, et surtout de nouvelles réalités économiques. C’est ainsi que pourra être expliqué cette immense boucle du 2Oième siècle qui passe de banques centrales relativement autonomes à des banques centrales qui ne le seront plus du tout, pour voir réapparaitre en fin de siècle des entités considérés comme complètement indépendantes. Avec toutes les réalités économiques et sociales qui vont lui correspondre et qui seront examinées. La clef de voûte est aussi ce qui explique et fait émerger l’architecture de l’édifice et le mode d’habitat ou d’utilisation qu’il autorise . En sorte que l’on pourrait utiliser la formule suivante : "dis moi dans quel ordre  de banque centrale ta vie est organisée  et je pourrais te décrire l’ univers social  qui fait ton quotidien". De quoi aussi dire que les banques centrales constituent  le « logiciel » ou le « système d’exploitation »   d’un monde.

Voilà ce qui constitue le pari de ce premier texte.

Pourquoi des banques centrales ?

              Les choses paraissent simples à comprendre. Au fond la vocation essentielle d’une banque centrale est d’assurer le bon réglage du débit de monnaie qui au final permettra la bonne circulation de toutes les marchandises dans un espace considéré. Si la monnaie se fait trop rare, les marchandises finiront par ne plus circuler et ne plus être produites. Si par exemple les banques de second degré en raison de mesures restrictives imposées par la banque centrale ne financent plus aucun investissement et ne financent plus le Trésor, il est clair que l’on s’achemine vers une spirale dépressive qu’il est inutile de décrire tant elle est connue. Si à l’inverse, la monnaie se fait excessivement abondante et que la confiance qu’on lui accorde s’érode, la préférence pour les biens réels ou des monnaies étrangères  l’emportera sur le désir de rétention de monnaie nationale, et là encore, la bonne circulation des marchandises en sera altérée. On comprend au travers de ce raisonnement sans doute simpliste en quoi les banques centrales sont bien une clef de voûte : la disparition de la capacité de la monnaie à faire circuler les marchandises correspond à un trouble considérable au détriment de la société, lequel nous fait penser que le signe monétaire est un bien public sans lequel le retour à l’état de nature est assuré. Et clef de voûte qui peut devenir bouc émissaire au sens girardien du terme : si la bonne circulation des marchandises n’est pas assurée, cela peut vite s’orienter vers la désignation unanime d’un coupable, celui d’un organisme qui n’assure par les fonctions pour lesquelles il fût construit.

Mais cette apparente simplicité pose de redoutables problèmes.

Tout d’abord on peut se dire que la monnaie n’est  bien public, qu’en raison d’une situation qui est le plus souvent monopolistique. Si, par exemple, la monnaie était émise par des banques privées en concurrence, le risque de pénurie ou de surabondance pourrait être géré au mieux par une logique de marchés concurrentiels.

Ce qui pose la question du statut de cet objet banque centrale. Pourquoi existent –elles dans la configuration qui est celle aujourd’hui constatée ? Si l’on pouvait régler la circulation monétaire par d’autres moyens, pourquoi un monopole partout constaté dans le monde ?

Mais, en supposant que partout dans le monde, l’idée de systèmes monétaires concurrentiels, soit repoussée au profit de l’idée d’un service public, pourquoi fonctionner , selon la règle quasi universellement constatée, d’une délégation de service public qui va jusqu’à inscrire dans le contrat de délégation,  l’indépendance  du délégué vis-à-vis de l’Etat signataire ? Et si la délégation  existe en raison d’une efficacité ou d’une confiance plus grande que celles généralement accordée aux Etats, pourquoi en est-il ainsi ? Pourquoi ne peut –on faire confiance aux Etats ? Et si les Etats ne sont pas efficients ou honnêtes, quelle confiance accorder à la délégation de service public monétaire qu’ils confient aux banques centrales ?

D’autres questions peuvent être posées. Logiquement, la quantité de monnaie disponible, doit varier avec la variation de la quantité de marchandises à faire circuler entre les agents. Et on comprend que la croissance économique exige une quantité croissante de signes monétaires, mais cette variation ne peut-elle s’opérer que par la création monétaire résultant d’un crédit, comme cela se déroule aujourd’hui, ou bien est –il possible d’imaginer un autre type de réglage du débit, telle une création de monnaie s’abstenant de passer par la production d’une dette ? Bref, est-il possible d’imaginer une banque centrale qui ne fabrique pas d’endettés  en augmentant la taille de son bilan ? Et question qui n’est pas très éloignée d’une autre interrogation : Comment se fait-il, que la création monétaire dont le coût est proche de zéro, fasse l’objet d’un prix significativement plus élevé ? Car le plus curieux dans cette affaire de délégation de service public, est que celle -ci s’arrête en chemin : en dessous de la banque centrale, existent des banques dites de second degré, qui elles ne sont pas censées assurer une mission de service public, et qui gèrent le bien public monétaire comme un bien privé dans le cadre, il est vrai,  d’un marché concurrentiel. Pourquoi donc, ces banques en général, ne paient aucune redevance pour l’utilisation lucrative du service public qui est mis à leur disposition ?

Il est impossible de répondre à toutes ces questions sans aborder, au fond, des réflexions sur la nature  profonde de ce qu’on appelle la puissance publique, la dette,  le marché et la monnaie.

 

La puissance publique n’a pas toujours été ce qu’elle est devenue. Il faut donc expliquer son mouvement et sa genèse au sein d’une collectivité humaine. En prenant toute une série de précautions rarement respectées.

Précautions méthodologiques : refus de normativité et d’exogénéité

Tout d’abord, les diverses théories concernant l’approche de la puissance publique sont le plus souvent normatives, et expriment des idées sur ce qu’elle devrait être,  et non sur ce qu’elle est. C’est en particulier ce que l’on trouve chez les encyclopédistes et les philosophes des lumières. C’est aussi ce que l’on trouve massivement chez les utilitaristes, avec les innombrables descendants d’un Jeremy Bentham que l’on rencontre chez les juristes,  politologues, sociologues, ou économistes qui s’en réclament ou en font la critique sur une base tout aussi normative, comme ce sera le cas chez un John Rawls  un Ronald Dworkin et tant d’autres. Cette approche normative, inacceptable sur un plan strictement scientifique, se comprend dans la mesure où -parce que fait empirique- on essaiera, surtout à partir de la naissance de la modernité, de transformer cette puissance publique en la faisant fonctionner sur la base d’un idéal, qui se ramène le plus souvent à la notion de justice ou d’efficacité instrumentale. Il est difficile de questionner l’Etat sans vouloir le transformer. D’où massivement rencontrée dans la littérature un questionnement mené davantage en terme de comment, plutôt qu’en terme de pourquoi.

Les économistes, assez peu soucieux des enseignements de l’histoire, tombent souvent dans le normatif, et iront plus loin, en proposant des visions exogènes de la puissance publique. Celle- ci n’étant expliquée que ce par quoi elle sert, ou devrait servir, du point de vue des résultats de la théorie économique. C’est fondamentalement le cas de la théorie néo classique, qui n’a besoin d’un Etat que là où il y a défaillance des marchés -biens publics, externalités et rendements croissants- et qui donc, sur un plan normatif, doit se limiter à ce seul service de rendre les marchés possibles, là où ils ne fonctionnent pas. Il n’y a donc pas d’historicité, et l’Etat est une pièce extérieure - exogène - que l’on vient rajouter au système social, afin d’en assurer un rendement optimal. La théorie keynésienne, pourtant fort différente, n’apportera pas autre chose, et l’Etat reste la pièce oubliée qu’il faut rajouter au système social,  en exigeant de lui qu’il fonctionne de telle ou telle façon, c'est-à-dire approximativement, faire en sorte que l’équilibre économique général, soit un équilibre de plein emploi, ce que les seuls marchés ne peuvent produire spontanément.

Fonctionnement critiqué par les successeurs, qui verront dans l’Etat interventionniste, la source de tous les maux. Ce sera le cas notamment avec les nouveaux classiques et l’école des choix publics qui malgré les nouveautés conceptuelles introduites resteront normatifs, l’Etat étant surtout ce qu’il ne doit pas être.

Il ne s’agit évidemment pas pour nous, de détailler ces démarches qui ne cherchent pas à comprendre ce qui est, et s’étonnent simplement de la plus ou moins grande congruence de cette pièce appelée puissance publique, ou Etat, et qu’il faut articuler au reste de la machinerie sociale sans en connaitre ni son identité ni sa traçabilité.

Une petite exception pourrait être apportée, en précisant qu’il existe au moins deux paradigmes  beaucoup plus satisfaisant, en ce qu’ils ne sont ni normatifs, ni véritablement exogènes et qu’ils donnent un petit avant goût de l’identité et de la traçabilité du produit puissance publique : il s’agit des paradigmes libertarien et marxiste. Dans ces deux visions, on a au moins l’avantage de la non normativité, caractéristique fondamentale, et surtout un processus endogène, c'est-à-dire que l’objet étudié l’est depuis sa genèse, laquelle est plus ou moins expliquée. De fait,  la traçabilité  de l’objet puissance publique existe , mais sur la base d’explications peu satisfaisante. Avec Marx on connait la nature profonde de l’Etat et de ses  transformations successives, mais l’histoire, et surtout l’ethnologie, nous ont appris que l’économie comme moteur de l’humanité, relevait d’une vision ethnocentrique du monde. Avec les libertariens, on sait que la puissance publique et son devenir, est la conséquence non attendue de l’interaction sociale ; mais l’individualisme méthodologique de la démarche ne correspond pas aux caractéristiques de  « l’état de nature » primitif qu’ils imaginent, lequel est fort étranger à celui imaginé par Hobbes.

Bref, il est difficile d’accrocher à toutes ces théories, une vision correcte de ces institutions en orbite  plus ou moins proches des Etats, que sont les banques centrales et de ce qu’elles produisent. Quelles que soient leurs statuts concrets, Parce qu’émanation plus ou moins directe des Etats, il est difficile de les identifier sans une identification préalable de ces derniers.

Parce que les Etats sont le siège du politique, c’est cette dernière notion qui doit être identifiée, probablement en tant que concept plus général. Expliquons-nous.

L’origine du politique

Dans aucune humanité les individus sont libres de faire ce qu’ils veulent. Partout  existent des règles contraignantes. La nature de ces règles distingue une société d’une autre. Ce sont donc ces règles qui expriment l’idée même de société, donc un sentiment d’identité ou d’appartenance pour les individus qui la vivent.

Vivre ensemble, et donc faire société, c’est  reconnaître qu’il existe au delà de chacun, un tiers ou un extérieur qui est la loi, c’est à dire un pouvoir. De la même façon qu’une œuvre d’art, par exemple une toile, ne prend sens qu’avec un support extérieur -un clou dans un mur, par exemple- On ne fait société, que par rapport à un extérieur qui est la référence commune. Dans la modernité, cette référence commune est par exemple la constitution. Et même dans notre modernité qui avance l’idée que la loi est fabriquée par les hommes et donc, loi manipulable, on ne touche qu’exceptionnellement à la Constitution.

Il en a toujours été ainsi, et ce quelle que soit l’organisation des sociétés. Le lien social n’existe que parce que les agents qui se croient reliés font référence à cet extérieur.

La naissance de ce qu’on appelle puissance publique est donc l’apparition historique de ce type particulier du moyen de vivre ensemble qu’est l’Etat.

Et en affirmant ceci, on cesse déjà d’envisager ce dernier comme autre chose que l’effet involontaire et inattendu de contrats volontaires, ce que nous critiquions plus haut au sein de la théorie libertarienne.

 

Pour nombres d’ethnologues et de sociologues, en particulier, ceux qui approximativement ne sont pas éloignés de l’œuvre ultérieure d’un   Marcel Gauchet, l’Etat est issu de la transformation des religions, elles-mêmes instances d’un extérieur aux diverses humanités.

Les religions sont l’universel de l’humanité, et toutes les sociétés pré-modernes sont imprégnées par le religieux. Or ce religieux n’est vraisemblablement pas que le fait de nos structures mentales, mais la condition d’existence du fait social lui-même. Les sociétés primitives, autant que les nôtres, ont besoin d’un extérieur, et ce dernier est pour elles, non l’Etat, mais la religion. De ce point de vue la thèse girardienne du « meurtre fondateur » est intéressante, parmi d’autres, pour comprendre la genèse de l’extériorité. Ce concept  correspond à l’idée que tous les membres d’un groupe humain quelconque, sont travaillés par le désir mimétique. On connait la suite du raisonnement girardien: la force du mimétisme débouche sur la violence qui elle-même se transforme en désignation unanime du bouc émissaire. Et c’est « l’extériorisation » de ce dernier, c'est-à-dire sa condamnation unanime qui rétablit l’ordre dans la collectivité. Par comparaison avec ce que l’on croit être notre crise, comme si la BCE devenait, au terme de nos troubles monétaires, l’ultime coupable qu’il faudrait condamner pour retrouver la prospérité.

Au terme d’un raisonnement astucieux sur lequel on ne peut que renvoyer à l’auteur, Girard en conclut qu’historiquement, ce serait la violence mimétique qui aurait fait émerger dans l’humanité la déification des boucs émissaires, et surtout l’apparition d’un rite rencontré chez tous les humains : le sacrifice. Nous ne sommes plus très loin de la dette et du préteur en dernier ressort.

René Girard rejoint, avec sa singularité sur l’imitation,  tous les ethnologues qui lisent dans les sociétés primitives l’universalité du sacrifice, laquelle est toute aussi universellement reconnue comme désendettement. Les dieux, extériorité absolue, sont les créanciers des hommes qui considèrent leur vie et leur bien vivre – le jeu du bouc émissaire rétablit un ordre social qui avait été troublé- comme dette vis-à-vis des dieux. Risquons une comparaison intéressante : les dieux sont des prêteurs de vie qu’il faut sans cesse rembourser par l’institution du sacrifice, à ce titre ils sont l’ancêtre des banques centrales elles même prêteuses de ce que personne ne peut produire, c'est-à-dire de la monnaie centrale. Les banques centrales sont devenues prêteuses en dernier ressort comme les dieux eurent le monopole du prêt de vie.

Le moteur de l’aventure étatique

Si l’on en revient au phénomène étatique le schéma de son développement serait le suivant :

- Dans un premier temps la religion est une extériorité radicale : aucun homme ne peut s’emparer de la religion, en prendre son commandement ou en représenter son pouvoir. Le pouvoir religieux existe en ce qu’il permet de faire société, mais ce pouvoir n’est pas pour les hommes, et il ne saurait être question d’une séparation politique dans la société : il n’existe pas d’homme qui puisse se faire extérieur aux autres hommes. Les hommes sont unis et égaux dans leur commune dépossession. Un peu comme les banques centrales aujourd’hui : elles sont crées par les hommes, mais ces derniers en seraient dépossédés puisqu’ils n’ont juridiquement aucun pouvoir sur leurs dirigeants.

- Dans un second temps,  la coupure avec l’au-delà, va correspondre avec une coupure dans la société : d’un côté, certains seront proches des puissances extérieures, tandis que les autres en seront éloignés. L’homme de pouvoir est né, et avec lui, le pouvoir politique et l’Etat. Et peut être avec lui la dette, la monnaie et les premières bribes de la banque centrale… Nous y reviendrons car si certains pourront occuper la place des Dieux, ces créanciers radicaux, cela peut vouloir signifier qu’ils peuvent s’emparer de leurs pouvoirs et devenir eux-mêmes des créanciers sur tous les hommes. De quoi créer une fusion entre les Etats naissants et les germes des futures banques centrales.

-Dés enchâssement  de la religion de l’Etat lui même, ce qui caractérise l’époque actuelle dans nombre de sociétés dites modernes.

D’où il ressort que la religion a été historiquement la condition de possibilité de l’Etat, et que le fondement de l’Etat est le même que celui de la religion.

Resterait pourtant à se poser une grande question : comment est-on passé des premières formes de religion qui excluent l’apparition du phénomène étatique, aux formes transformées qui vont faire naître l’Etat ? En d’autres termes comment est-on passé de l’égale dépossession de tous les hommes par rapport au sacré, à une dépossession inégale qui fera naître le pouvoir politique et l’Etat ? Comment passer de la créance monopolistique sur la vie, à une créance monopolistique sur les hommes qui devront verser l’impôt, voire le sang ? Poser cette question, c’est poser celle des conditions du maintien de la dépossession complète. Dans les sociétés dites primitives, certes il existe toujours un chef. Il existe par conséquent une fonction politique de représentation de la communauté. Sans cette fonction assurée, il n’y aurait, que des individus incapables de faire société car incapables d’édicter une règle commune, c’est-à-dire la Loi, vis-à-vis de laquelle chacun obéit et se reconnaît.

Pour autant, le chef des sociétés primitives voit son pouvoir extrêmement limité. Son travail consiste à répéter inlassablement qu’il faut respecter l’héritage des ancêtres et les règles de toujours, qui viennent d’un au-delà sur lequel les hommes n’ont aucune prise. Il parle de la loi, mais il n’a aucune prise sur elle et ne peut la modifier. Il n’a aucune prise spécifique sur la définition de l’ordre social. Cet ordre dispose certes d’un commencement : l’origine des temps. Mais cette origine est un extérieur, un temps différent de celui où se succèdent les diverses générations d’hommes. Et depuis, puisque la Loi est un point fixe, il ne s’est rien passé, et surtout il ne doit rien se passer, car tout changement signifierait que les hommes, ou certains d’entre-eux, ont prises sur la société.

Les récits cosmogoniques qui disent la naissance du monde, sont infiniment variés, mais tournent inlassablement autour de l’idée que l’origine des temps relève d’une temporalité autre, de quelque chose d’inaccessible. Cela signifie que l’on bannit l’intervention créatrice des hommes dans la Loi qui les régit. Au fond, comme aujourd’hui avec le célèbre TINA ( There is no alternative) ou ce que nous verrons ultérieurement, sous le vocable de loi d’airain de la monnaie . Cette vision est, bien sûr, irréelle, et les hommes primitifs savent qu’ils ont concrètement changé le monde au travers de leurs pratiques. Par exemple, il ne fait pas de doute que l’agriculture est une invention humaine, mais dans les récits, il n’y a pas de mémoire et l’on dira que ce sont les ancêtres qui nous ont appris à cultiver : l’innovation est radicalement effacée et se trouve reportée sur la ligne de l’origine des temps. Ce que les religions primitives interdisent, c’est le droit de se reconnaître comme agent transformateur de la réalité sociale donc agent de la Loi. Un peu comme aujourd’hui où les hommes ne se sentent pas le droit de bousculer le marché.

Et cette institution permet qu’aucun des hommes n’ait prise sur le destin des autres. Puisque tous sont en quelque sorte séparés de ce qui gouverne les hommes (les puissances mystérieuses de l’au-delà), alors personne ne peut prendre le pouvoir parmi les hommes, hommes qui deviendraient dirigés par d’autres hommes. Comme le dira Pierre Clastres dans une formule célèbre : “la société se construit contre l’Etat”.

Seule la dépossession complète des hommes sur l’au-delà, permet le maintien de la vieille égalité primitive, et s’il existe par exemple des chamanes censés entretenir un rapport privilégié avec les puissances de l’invisible, ils ne sauraient devenir des agents censés fonder la société, en ce qu’ils pourraient devenir des délégués, chargés par l’invisible, de régler les affaires humaines.

Ainsi tout le problème de la naissance de l’Etat, revient à analyser comment les puissances du sacré vont se concrétiser, dans des religions installées, avec des agents spécialisés qui vont fonder une scission entre gouvernants et gouvernés.

En la matière, l’apparition des prophètes, est sans doute un fait probablement décisif permettant de passer des premières religions, dans lesquelles l’extériorité est radicale vis-à-vis de tous, à des religions nouvelles dans lesquelles un individu (le prophète) en vient à affirmer qu’il est dans le secret des dieux, ce qui va le séparer radicalement de l’ensemble des autres hommes. Sans doute existait-t-il plusieurs catégories de prophètes, mais certains- notamment ceux plus connus et qui deviendront les pères des grands monothéismes- affirmeront que les dieux ou Dieu ne veulent plus que la société des hommes soit comme elle est, mais qu’elle devienne autre chose dont précisément les prophètes seraient  les garants.

La parole prophétique ouvre ainsi la voie à l’établissement d’un pouvoir révolutionnaire dont le prophète devient progressivement l’unique occupant possible, et donc le possible fondateur des premières formes d’Etat. Forme renouvelée de l’extériorité qui apparait dans le nid de la première. Mais en même temps radicalement nouvelle puisque désormais l’humanité se dirige vers un processus de privatisation de ce qui était commun : les premiers entrepreneurs politiques sont bien tout de suite des entrepreneurs : il s’agit d’utiliser l’extériorité de façon privative et ce sont bien des groupes domestiques, des familles, des clans, etc. qui vont tenter de monopoliser ce qui deviendra les outils de la puissance publique. Et si l’on devait s’acheminer vers l’échange marchand, il faudra peut-être après avoir privatisé la dette de vie, privatisé ce bien public qu’est la monnaie. Privatisation dont l’un des signes apparents sera par exemple l’inscription du visage du prince sur les monnaies.

Cette instance “autre” étant constituée, des événements historiques nouveaux pourront déboucher sur une autonomisation croissante de l’Etat par rapport à la religion. Ainsi pourra-t-on connaître un grand renversement, c’est-à-dire le passage d’un Etat enkysté dans la religion à une religion enkystée dans l’Etat, passage faisant naître une entité porteuse d’un avenir grandiose : l’Etat-Nation.

Ce passage correspond au rameau occidental de l’humanité. L’autonomisation de l’Etat n’est évidemment pas un processus linéaire et complètement déterminé selon une logique rationalisable et chargée de finalité, il n’existe aucun déterminisme historique évident. Dans le cas de l’Europe qui est la région du monde qui historiquement va accoucher de l’Etat-Nation, il existera très longtemps un double mouvement contradictoire, entre une monarchie d’abstraction œuvrant à l’impersonnalisation de l’Etat (le prince peut mourir, mais l’Etat subsiste) et une monarchie d’incarnation qui fait du prince le représentant de Dieu.

Dynamique de l’aventure étatique et dette

A l’extrême, la religion pourra être séparée de l’Etat et le principe extérieur chargé de faire tenir ensemble les hommes pourra n’être que l’Etat, la religion devenant affaire privée intériorisée. Nous avons là la laïcité à la française. On passe ainsi de l’âge du divin, à l’âge complètement politique. Désormais, des communautés humaines affirmeront leurs particularités au-dedans de frontières qu’il faudra jalousement garder. Il ne faut toutefois pas considérer que cette aventure du phénomène étatique, dont le berceau fut historiquement la religion comme fertilisant, permet, en fin de processus, de supprimer l’extériorité. Pour reprendre la comparaison précédente, une œuvre d’art, dans notre exemple une toile, peut changer de support (on peut remplacer un clou par un piton ou une cimaise).Mais le support lui même, donc ce qui est extérieur à la peinture reste indispensable. Et il n’est pas possible de dire que l’œuvre existe indépendamment de son support, car la toile elle-même est support de la peinture et sans toile, ou autre support, il n’y a tout simplement impossibilité d’exprimer une œuvre. Il en va de même des sociétés humaines : on peut changer les outils du lien social et passer des diverses religions aux diverses formes d’Etat, monarchique, totalitaire, démocratique....sans pour autant passer à la dé liaison et à la fin de l’extériorité. De quoi interroger la monnaie unique et la mondialisation aujourd’hui.

 

Même la démocratie ne correspond pas à la fin de l’extériorité et le passage à la centralité. Concrètement, le pouvoir, même démocratique, représente une généralité au-dessus des intérêts particuliers. La loi, même démocratique, est une contrainte extérieure au regard des actions et projets particuliers de chacun des citoyens. En ce sens, le pouvoir est toujours un rapport d’opposition commandé par la scission indispensable entre un dedans et un dehors.  De la même façon que le support de la toile n’est pas contenu dans la toile elle-même : il reste toujours une extériorité. Et cette scission est bien indispensable, sous peine de voir le lien social lui même disparaître. Pour reprendre notre comparaison, si la toile ne connaît plus de support, elle cesse d’exister en tant qu’œuvre à la disposition du regard de ses admirateurs potentiels.

Outre que l’extériorité est probablement une réalité indépassable, elle est aussi jalousement gardée par ceux qui croient pouvoir en bénéficier. Car derrière l’extériorité il y a toujours la dette, désormais privatisée, et qui plus que jamais va intéresser les entrepreneurs politiques et plus tard les entrepreneurs économiques.

D’abord les entrepreneurs politiques. Sur une longue période de temps, plus particulièrement celle où l’Etat est enchâssé dans la religion, on se contentera de la dette de vie transformée en dette de sang : la population asservie à l’extériorité, se doit d’être disponible pour en sauver son principe et les avantages qu’elle procure au monopole privée qui la contrôle. Cela signifie par exemple l’enrôlement obligatoire dans des armées qui vont défendre le territoire. Et logiquement ce monopoleur privé qu’est le prince devra veiller au complet maintien de sa créance sur ses sujets, y compris en les protégeant contre d’autres prédateurs. Ainsi la transformation des sujets en esclaves, c'est-à-dire des individus endettés à vie auprès d’autres individus n’est pas acceptable en ce qu’elle limite le nombre possible de guerriers pouvant se battre pour le  prince. Ainsi le Pharaon- Bakenranef proclame l’annulation des dettes et l’esclavage des endettés vers 720 AJC pour faire face à la menace d’invasion de l’Ethiopie-  en considérant que le corps des sujets appartient à l’Etat et à lui seul, limite voire interdit le comportement prédateur d’autres agents de la société, qui en viendraient à réduire la dette des sujets envers l’Etat. On pourrait multiplier les exemples où l’extériorité annule certaines dettes privées pour maintenir sa créance monopolistique : code d’Hammourabi, réforme de Solon, comportement de certains empereurs romains, etc. Faits intéressants  à resituer et à mettre en comparaison avec notre monde : comme si les Etats en 2008 avaient souverainement annulé   les dettes privées, plutôt que de les transférer dans leurs propres bilans. Ou autre comparaison possible, comme si les Etats aujourd’hui rétablissaient une dépendance stricte des banques centrales en ruinant les fonds de pension qui se nourrissent des dettes publiques. Le prince utilise la violence de l’Etat à titre privé et cette dernière se doit d’être plus grande que d’autres violences privées qui ne peuvent avoir accès à la contrainte publique.

Marchés politiques et dette publique

Ce qui pose tout de suite l’existence d’entrepreneurs économiques qui vivent à l’intérieur de la société et cherchent à opposer leurs  propres intérêts à l’extériorité. Le monopole brutal des outils de la puissance publique par des individus, clans, familles, etc. peut ne pas être le meilleur moyen de maximiser la rente extirpée sur ses victimes. Avant même que la puissance publique ne se transforme en possible démocratie, un marché politique peut apparaitre et déboucher sur un échange mutuellement avantageux. Le monopoleur brutal et violent peut ainsi devenir « éclairé ». Plus simplement exprimé, cela revient à dire qu’il est de l’intérêt du loup que les moutons soient gras. Si le prédateur, en signe de réduction du  niveau de sa violence, distribue des garanties et protections aux entrepreneurs économiques, ceux-ci peuvent prospérer et contribuer idéologiquement à la « puissance du royaume ». Bien des exemples peuvent être évoqués, mais les plus importants concernent notre problématique de la finance et des banques centrales. Alors même que le monopoleur consent à partager, ne se sent plus créancier ultime, et accepte jusqu’à devenir débiteur envers des personnages appelés banquiers, il peut rester violent et se sentir peu engagé dans le remboursement de ses dettes : ce sera le cas de l’Europe jusqu’aux révolutions hollandaise et anglaise. Avec la ruine des banquiers italiens, les Bardi et les Peruzzi, face à un Edward III en 1345. Mais aussi, en raison de la répétition des défauts, la difficulté de plus en plus grande des grandes monarchies à mobiliser des ressources croissantes pour financer la puissance et donc les guerres. A contrario, l’évolution des Etats vers des formes plus démocratiques pourra restaurer la capacité à emprunter, parfois dans des proportions considérables. Ce sera le cas de la petite Hollande qui pourra emprunter pour payer des mercenaires et se libérer des puissants Habsbourg. Mais ce sera surtout le cas de la Grande Bretagne , cas si bien expliqué par James Steuart en 1767, qui insiste sur la confiance entrainée par l’existence d’un parlement capable de faire augmenter les impôts pour payer des intérêts, mais aussi confiance en une banque nouvelle, la première banque centrale officielle du monde – créée en 1694  après la « glorieuse révolution » - qui pourtant privée, reçoit la charge de contrôler le cours d’une dette publique devenue liquide en toutes circonstances, et devient le prêteur en dernier ressort. Et avec le succès que l’on sait, qui fait notamment l’admiration d’un Necker, et aussi probablement d’un Bonaparte qui essaiera lui aussi de construire une banque centrale , mais dans de toutes autres conditions. Il n’est du reste pas inapproprié de penser que c’est avec la dette publique à l’anglaise et la banque centrale correspondante que Napoléon devra sa défaite finale. Sur ces points il est possible de renvoyer aux volumes « les jeux de l’échange » et « le temps du monde » de l’œuvre de Fernand Braudel.

Plus tard les marchés politiques seront- par le miracle de la démocratie- généralisés. Désormais les outils de la contrainte publique ne seront plus appropriés par un seul- qui pourra les utiliser à son profit, et éventuellement  redistribuer une partie des avantages qu’il en retire – mais possiblement par tous. En sorte qu’il n’est pas erroné de dire avec les libertariens , que la démocratie est le stade de la grande aventure étatique, où « tout le monde peut voler tout le monde ». Propos sans doute exagéré, mais qui exprime bien le fait que désormais, les entrepreneurs politiques sont soumis à un processus de sélection/ reconduction, et que les entrepreneurs économiques peuvent être concurrencés et contestés par de simples citoyens, qui peuvent aussi utiliser privativement l’extériorité. L’extériorité existe toujours, mais désormais elle fait l’objet d’une guerre incessante, entre acteurs beaucoup plus nombreux, et beaucoup plus divers. Les banques centrales qui antérieurement à la leur naissance fonctionnaient à l’envers – les Etats sont des créanciers monopolistes et ne prêtent pas – vont apparaitre comme banque des Etats, et des banques de plus en plus soumises aux aléas des marchés politiques. Et en devenant prêteuses en dernier recours, elles finiront par devenir un appendice des Etats, tout en étant également un appendice des banques classiques. Car la grande question sera : certes elles sont prêteuses en dernier recours,  mais au profit de qui ?  Outil parmi les plus fondamentaux de la puissance publique, elles sont au gré des marchés politiques, plus ou moins appropriées par les divers acteurs du jeu social. Avec des situations extrêmes : parfois simple instrument assurant la matérialité de la dépense publique, le stockage des recettes publiques, une  trésorerie obéissante et abondante ; mais parfois  séparation radicale et liens qui ne peuvent s’opérer qu’au traves du voile d’un marché où agiront des intermédiaires chargés de maintenir la séparation. En fonction des situations historiques rencontrées par les marchés politiques, cet outil particulier de la  contrainte publique, peut rester sous le contrôle direct des entrepreneurs politiques, ou à l’inverse plus ou moins cédé aux entrepreneurs de la finance. On comprend qu’à ces situations opposées, correspondra des régimes de dettes fort différents. Nous y reviendrons. Quoi qu’il en soit, et ce sera très  vrai à l’époque moderne, donc à l’âge démocratique des Etats, les banques centrales seront la frontière et un enjeu de négociation fondamental entre les entrepreneurs politiques et les entrepreneurs financiers dans la construction d’un compromis. Les uns et les autres, cherchant des alliés auprès des entrepreneurs de l’économie réelle et aussi des  très nombreux épargnants, lesquels seront parfois sacrifiés et à d’autres époques grandement favorisés. Mais à ces situations opposées correspondront aussi vraisemblablement des réalités monétaires différentes.

 

Monnaie, dette et banque centrale

La monnaie est d’abord la belle fable des économistes qui n’y voient que la résolution contractuelle et efficace des difficultés de l’échange marchand. Avec toutes les caractéristiques qui vont en découler : elle est la réussite d’une marchandise particulière et appartient donc fondamentalement à l’ordre marchand , lequel n’aurait nul besoin d’extériorité pour fonctionner. Ce point de vue qui débouche volontiers sur le concept de neutralité et de « voile monétaire » rassemble aussi bien les néo classiques que les marxistes, et permet à un Hayek d’exiger la privatisation de la monnaie : elle n’appartient pas à la catégorie des extériorités, n’a rien à voir avec les Etats qui eux-mêmes sont illégitimes. Maintenant comme la monnaie va autoriser le crédit, et donc la dette, il pourra être proclamé que la monnaie apparait probablement en même temps que la dette.

L’analyse ethnographique détruit ce raisonnement.

D’abord, historiquement a existé différentes formes de monnaies, non pas différentes quant à leur matérialité physique, mais quant à leur usage social. Il existait en effet au moins 2 sortes de monnaies : celles qui ont une valeur humaine , et symbolisent un lien spirituel ou social difficile à couper, ce sont les monnaies dites primitives qui participent à l’échange de dons ;  et celles qui ont une valeur matérielle – ou dite « moderne » - et permettent lorsque l’on en dispose d’en finir ou de solder une obligation de réciprocité. On pourrait ajouter à ces deux grands types, une forme intermédiaire : les monnaies dites « locales » ou « parallèles », qui bien que moyen de paiement libératoire, ne délient pas vraiment les participants engagés dans un réseau de réciprocité.

Ce qu’il faut noter, est que contrairement aux affirmations des économistes, la monnaie moderne ne fait pas apparaitre le crédit et la dette. La dette est bien antérieure, puisqu’elle commence par la dette de vie, dès l’origine de l’humanité alors que la monnaie moderne apparait entre le 8ième et le 6ième siècle AJC.

Cette dette de vie illimitée envers l’Etat, qui se constitue dans le nid de la religion, se construit sans monnaie. D’une certaine façon nous avons là la première banque centrale en tant que prêteur en dernier ressort, sans l’existence matérielle d’une monnaie.

Lorsque la monnaie moderne apparaitra, notamment sous forme métallique, nous aurons déjà une forme transformée de l’Etat avec naissance d’un nouveau type de banque centrale. Le plus souvent-  ce fût le cas au moyen orient de l’époque de l’antiquité, mais ce fût d’une certaine façon aussi le cas de l’Amérique espagnole au 16ième siècle- le créancier illimité produit de la monnaie à partir de mines d’or et d’argent. Cette industrie est la banque centrale de l’époque qui nourrit le Trésor, lequel se servira de la monnaie ainsi émise pour rémunérer des mercenaires. C’est qu’on évalue- d’après David Graeber dans « Debt : the first 5000 years » - à 500KG/jour de métal argent le, montant des soldes des armées d’Alexandre. On est déjà dans un monde monétaire moderne où le paiement est libératoire. Le mercenaire n’est pas relié à l’Etat par une dette illimitée et les deux « partenaires », si l’on ose dire, sont dans une logique d’échanges marchands.  Il faudra bien sûr, toute la violence de l’Etat, pour imposer au reste de la société, le caractère obligatoire des paiements effectués par les mercenaires, lesquels ont pour finalité d’assurer leur propre subsistance : les marchands accepteront les pièces fabriquées par la banque centrale, marchands qui seront ensuite invités à payer leur propre dette (l’impôt) au Trésor à partir des mêmes pièces mises en circulation. Geoffrey Ingham parle de « complexe militaro monétaire » pour désigner cette situation, qui n’est pas sans rappeler celle des Etats- Unis , dont les dépenses militaires à l’échelle planétaire sont partiellement financées par création immodérée de dollars. Déjà apparait aussi, avec ce dispositif qui remonte à l’antiquité, ce que l’on pourrait appeler le « circuit du Trésor », devenu si célèbre en France au 20ième siècle avec la possibilité qu’il a eu de financer 2 guerres mondiales, autrement plus coûteuse que celles d’Alexandre, mais également de rétablir un spectaculaire redressement du pays après 1945. Et cette extraordinaire efficacité du système « militaro monétaire » du 20ième siècle s’est déroulée sans base métallique : les banques centrales modernes n’étaient plus des mines activées par des esclaves mais de simples émetteurs de papier qui il est vrai obéissaient avec autant de zèle que les esclaves de l’antiquité.

Resterait à se poser la question de la nature de cette banque centrale faite de mines et d’esclaves : pourquoi le métal dit « précieux »  sera choisi, dans un premier temps, comme signe de garantie des échanges?

Mimétisme et sélection d’une norme monétaire

En la matière, le thème de la rivalité mimétique utilisé pour expliquer le principe général d’extériorisation peut être repris. De fait la monnaie du prince fût une imposition, mais une imposition qui fût aussi probablement bien acceptée par les communautés marchandes en formation. Les paragraphes qui suivent s'inspirent largement des positions d'André Orléan et frédéric Lordon.

De fait, un ordre marchand ne peut fonctionner sans monnaie, et la question est de savoir comment peut naitre une monnaie donc une norme monétaire, sur laquelle chaque acteur pourra s’appuyer. Et en parlant de norme, on comprend déjà que la naissance de la monnaie, est logiquement, ce qui ne veut pas dire historiquement, un processus d’extériorisation : elle est la loi de la communauté, comme il existe un ordre divin et un ordre institutionnel précédemment évoqués.

En faisant abstraction de l’ordre politique qui surplombe les communautés marchandes, il faut logiquement comprendre, que chaque échangiste est animé par le désir de se maintenir dans la communauté donc de ne point en être exclu. Cela passe par la volonté d’échanger contre des biens qui seront acceptés par le plus grand nombre pour le présent comme pour le futur, qu’il faut évidemment se contenter d’imaginer. A la rivalité entre échangistes, il faudra ajouter le comportement mimétique : en tant que participant à l’échange, il me faut

pour ne pas me tromper, et ne pas perdre, repérer ou imaginer les comportements dominants en matière de contrepartie. Quelles est la marchandise que je puis accepter et pour laquelle la communauté considère qu’elle est « richesse », c'est-à-dire , en terme moderne parfaitement liquide ? Nous nous retrouvons ainsi devant le « concours de beauté » de Keynes, où l’exercice consiste à découvrir le point de vue dominant et non pas une quelconque objectivité qui ne peut exister : en la matière seules les croyances sociales sont objectives. La richesse qui sera désignée, le sera ainsi au terme d’un processus de convergence, la transformant par un processus d’imitation en condensé de tous les biens : la monnaie est un équivalent général. Sans doute peut-il y avoir des résistants au processus d’imitation, mais ils seront éliminés en ce qu’ils n’ont pas effectué le bon choix.

Ce processus d’autocréation de la norme, processus encore une fois logiquement examiné et non pas empiriquement constaté, est une réalité providentielle pour les entrepreneurs politiques. En raison de leur poids , de leur statut d’extériorité antérieure, ils peuvent- sans même imposer de façon violente - orienter le choix dominant en matière de richesse vers leur propre avantage : choisir une monnaie qui pourra aussi être liquide au regard d’autres entrepreneurs politiques régnant sur d’autres communautés. La définition de la monnaie sur base métallique devient ainsi une nécessité quasi logique.

Ainsi on comprend mieux cette première forme de banque centrale, composée de mines activées par des esclaves : dés la naissance de la monnaie, longtemps après celle de la dette, quelque chose comme un marché politique se met en place. La monnaie ne peut être une brutale imposition comme la loi pourra l’être : elle est à la fois imposée et acceptée, et si le premier terme n’est pas suivi du second il y aura fuite devant une monnaie qui ne correspond pas à la norme, elle-même issue d’une rivalité mimétique. Ce sera le cas de nombre d’expériences malheureuses, comme celle des « Assignats », que même la violence étatique extrême ne pourra imposer.

Observation qui ne fait que confirmer ce que l’on pouvait dire des banques centrales : parce que pièce essentielle d’une norme monétaire, elles sont le lieu de possibles affrontements sur les marchés politiques et peuvent se trouver à certaines époques fort dépourvues pour imposer de nouvelles normes. Avec parfois des tentatives pour masquer contestations, affrontements, voire prise de pouvoir, en mettant en avant l’idée d’indépendance.

 

 

La monnaie qui finalement s’impose dans un ordre marchand qui connait l’aventure étatique, présente des caractéristiques essentielles. En raison des son mode de construction tel que précédemment évoqué, elle est un système centralisé, tout comme l’Etat, et la compétition pour la gérer et la détenir est importante. Le mode de construction désigne aussi son statut : elle est la richesse. Devenue de par le jeu social dans une configuration mariant marché et Etat, équivalent général de toutes les marchandises, elle n’est pas valeur particulière, mais valeur universelle. Elle est donc la richesse. Mais parce que équivalent général, elle est aussi réserve de valeur, ce qui signifiera qu’elle peut être stockée, donc thésaurisée. Cette caractéristique engendre logiquement la loi d’airain de la monnaie : elle n’apparait pas comme réalité conventionnelle, ou simple construction sociale- ce qu’elle est - et se trouve bien être la richesse objective puisque sa rareté, aussi entrainée par la thésaurisation, freine la circulation des marchandises et la richesse réelle. L’humanité va ainsi voir dans la réalité, la confirmation de ce qu’elle croit, et ce même si cette croyance est la résultante d’un comportement. Le métal est donc rare, et comme les tentatives pour y remédier ont très longtemps entrainé des catastrophes – le système de Law ou celui de Palmestruch par exemple – la rareté va apparaitre longtemps indépassable. C’est ce qu’on appelle la loi d’airain de la monnaie. Autre caractéristique complémentaire et essentielle, parce que réserve de valeur rare, à l’inverse de certaines monnaies archaïques, elle engendre de la valeur et autorise intérêt et rente, donc la financiarisation de l’économie avec comme conséquence annexe la naissance possible d’une aristocratie financière, à la fois éloignée et proche de la centralité politique, mais aussi une logique court termiste en matière d’investissements.

Lorsque l’ordre marchand n’est qu’embryonnaire, le système monétaire qui se met en place n’a rein à voir avec ce qui vient d’être décrit. Tout d’abord le troc, comme le rappelle Fernand Braudel dans « les structures du quotidien » au moyen âge, peut rester dominant et le crédit peut s’opérer sans monnaie, en ayant simplement recours à des outils de comptage, ou des monnaies primitives qui à l’inverse des monnaies qui vont finalement s’imposer partout, expriment la solidarité du groupe. Ces monnaies peuvent exister dans des mondes despotiques , sans passer à la centralité : elles ne naissent pas d’un processus d’extériorisation, et l’Etat n’y voit pas toujours une source de rente. Ces monnaies assurent ainsi la simple circulation, et ne sont pas réserve de valeur. Parce que produites et utilisées à l’occasion d’une relation d’échange, elles ne sont pas accumulables , ne sont ni rares ni abondantes , ne développent aucune loi d’airain, et le plus souvent aucune rente. C’est le cas aujourd’hui encore des quelque 5000 monnaies dites complémentaires que l’on trouve dans le monde. Parfois elles sont soumises à l’instar de l’ « ostracon » égyptienne d’avant la conquête romaine, à la « surestarie » c'est-à-dire un taux de l’intérêt négatif qui correspond au service rendu. Ainsi dans le cas de l’ « ostracon », le dépositaire d’une récolte de blé recevait un titre de créance qui « fondait » avec le temps pour ainsi matérialiser le coût du stockage. Curieusement, le taux de l’intérêt négatif a pu ultérieurement se transformer en taux positif,  tout simplement selon  Bernard Lietar par « abus de surestarie » au moyen âge,  dans les ateliers de « Renovatio Monetae » abus qui devenait  progressivement dépréciation pour les monnaies dominantes et captation de rentes : seigneuriage, dilution, bref quelque chose comme des paléo banques centrales.

Conclusions

Le point de départ de notre trop rapide analyse était l’interrogation concernant le pourquoi d’une banque centrale. La recherche ethnographique et historique permet de capitaliser un certain nombre d’acquis.

Tout d’abord, il faut comprendre qu’une absence de banque centrale parait impensable en raison de la nature de la monnaie qui va envelopper les sociétés marchandes. Sans doute venons nous de rappeler qu’il existe plusieurs sortes de monnaies, et au fond 2 catégories, celles qui seront réserve de valeur et celles qui assureront la simple circulation des biens. Parce que ces dernières gèrent des liens de dépendance entre personnes voire entre des groupes, elles mesurent davantage la valeur des personnes que la valeur des choses. Benveniste, dans son « vocabulaire des institutions indo-européennes » précisait d’ailleurs, qu’à l’origine, dans les langues indo-européennes, la notion de valeur désignait d’abord des personnes. A ce titre, ces monnaies   ne sont pas « équivalent général ». Par contre les monnaies dominantes, les monnaies métalliques, désignent des choses, qui parce que devenant de simples marchandises impersonnelles, acquièrent une valeur indépendantes des personnes. La monnaie vient ainsi surplomber la société, se trouve être extériorité, et au final devra être gérée par une autre extériorité qui est banque centrale. Et cette dernière entité peut  se couvrir d’habits institutionnels très divers : Etat lui-même, mines publiques de métal, hôtel de monnaies, etc.

En second lieu, parce que fondamentalement le politique est aussi une extériorité qui fait l’objet d’une vive compétition entre des hommes , lesquels luttent pour l’ accès aux outils de la contrainte publique, l’Etat va lui aussi se couvrir d’habits institutionnels historiquement variés : despotisme radical des entrepreneurs politiques , despotisme hiérarchisé despotisme éclairé, Etat de Droit etc. A ces variation correspondent dans le même ordre un partage croissant des outils de la contrainte publique, outils qui restent le monopole des entrepreneurs politiques mais qu’ils sont amenés à faire fonctionner aussi au profit d’autres entrepreneurs , ceux de la finance ou de l’économie réelle, mais aussi d’autres groupes sociaux.

De cet émiettement, il résulte en contrepartie un émiettement du contrôle monétaire. Très visible dans le cas du despotisme hiérarchisé du moyen âge où à la limite chaque seigneur pouvait « battre monnaie », il l’est également dans les premières formes de l’Etat de Droit où le seigneur se trouve remplacé par le banquier, lequel jouit d’un pouvoir monétaire encore plus grand , puisque « battre monnaie » pourra souvent se faire sans matière première coûteuse. Parce que cet émiettement affaisse la centralité monétaire et ses avantages considérables pour les entrepreneurs politiques, il est des époques où les Etats tentent de reprendre en quasi-totalité le pouvoir monétaire. Cette reprise du pouvoir pourra se faire de manière douce et négociée, ou de façon beaucoup plus brutale. Ainsi L’Etat  britannique  pourra trouver les moyens de sa puissance contestée en créant une banque centrale qui n’est pas dans sa main : le pouvoir monétaire est partagé, et la dette des sujets envers l’Etat se double d’une dette publique gigantesque dans l’autre sens. Mais la douceur peut se transformer en brutalité, lorsque l’Etat transforme la banque centrale en simple annexe du Trésor, comme ce sera le cas de la France au 20ième siècle, essentiellement pour des raisons militaires: dans ce cas le prédateur ne se contente plus de la dette de sang et exige de fait l’annulation de sa propre dette. La situation correspondant à la mondialisation est de fait inverse : la banque centrale retrouve son autonomie, et mieux se met au service des pouvoirs monétaire émiettés, pour ponctionner une structure qui elle-même, mondialisation oblige, se trouve à la diète. La dette publique devenue gigantesque est de moins en moins gagée par la dette des citoyens – ce qu’on appelle les prélèvements publics obligatoires -  envers l’Etat. En sorte que, si naguère les Habsbourg et les Bourbons voyaient la dette publique augmenter pour faits de guerre, en face de prélèvements insuffisants et contestés,  les Etats modernes voient leur dette publique augmenter pour fait de mondialisation , qui elle-même glorifie le mieux disant fiscal. Nous y reviendrons.

Les métamorphoses de la banque centrale sont donc explicables par le contexte dans lesquelles on la fait fonctionner. Ce qui signifie aussi, qu’il n’est pas satisfaisant de la définir par ce qu’elle fait, mais bien plutôt par ce qu’elle est. Ce qu’elle fait est largement connu et expliqué : émission de monnaie légale, fixation des taux directeurs, régulation des marchés etc. Ce qui est inconnu est son identité. Or c’est pourtant l’identité qui seule permet de comprendre, c'est-à-dire de rendre intelligibles, les gestes de l’institution. Risquons une définition :

Une banque centrale est une institution, logée dans l’interface entre pouvoir financier et pouvoir politique, et chargée d’exprimer le rapport de forces entre les deux, par des actions concernant la circulation monétaire , la monnaie elle-même et la dette. La position  relative des deux pouvoirs : absorption plus ou moins complète de l’un par l’autre, séparation radicale/opposition radicale, coopération mutuellement avantageuse, servitude volontaire, etc. est la source ultime de la compréhension des faits monétaires.

Au-delà,  il est intéressant de résumer les développements précédents par un tableau récapitulatif, historiquement orienté depuis le passé lointain vers le futur. Chaque ligne de ce tableau présenté ci-dessous, correspond à une configuration historique, c'est-à-dire une articulation entre formes de l’Etat, de la dette en général, de la monnaie, de l’articulation banque centrale/Etat et de la dette publique. De fait il s’agit davantage d’une configuration logique que d’une configuration historique, aucune date ne figurant dans le tableau. Par contre, plusieurs lignes expriment bien une époque, notamment les trois dernières. La colonne concernant la dette, exprime bien la réalité du monde tel qu’il a toujours été, et le sera probablement toujours : l’humanité est endettée vis-à-vis de son extériorité, et celle ci se manifeste, depuis l’antique institution du sacrifice, jusqu’au moderne impôt. Ce dernier est le sacrifice des modernes, qui doivent payer pour le maintien de l’ordre supérieur dans lequel ils vivent, comme les anciens se livraient à des sacrifices humains, pour se désendetter vis à vis des Dieux.

Lorsque la dette est infinie, ce qui est le cas de la position esclavagiste, les entrepreneurs politiques qui ont remplacé les dieux, ne peuvent eux-mêmes s’endetter : cela signifie que la dette publique est nulle et que de fait les esclaves sont les préteurs en dernier ressort.

Lorsque la société se complexifie et que d’autres endettés peuvent émerger, par exemple des hommes libres qui deviennent esclaves de leurs créanciers, pour non remboursement de la dette, il y a déjà compétition avec le despote qui  voit sa créance infinie se transformer en créance finie : des hommes qui devaient le prix du sang, ne  sont plus disponibles car devenus esclaves d’entrepreneurs économiques. D’où les multiples annulations générales de la dette privée qui maintiennent les capacités  des préteurs en dernier ressort.

Le bourgeonnement des espaces marchands, amplifie la contestation de la dette envers le prédateur public. La régulation historiquement constatée est l’émergence, ci-dessus expliquée, de la monnaie métallique assortie des paléo banques centrales : la mine de métal travaillée par ses infinis endettés que sont les esclaves. La dette publique – au niveau interne bien sûr, et pas entre Etats -n’a toujours pas de sens.

L’humanité restera longtemps, pour les raisons ci-dessus expliquées, victimes de la loi d’airain de la monnaie métallique. Mais les groupes, notamment les entrepreneurs financiers, contestant la monopolisation des outils de la contrainte publique, seront de plus en plus nombreux et puissants. Ils contestent la dette toujours trop grande, alors même que les besoins de la guerre se font de plus en plus importants : le prédateur (Etat) devient lui-même endetté. Nous avons là les premières formes de la dette publique, formes au demeurant assez définitives, et que l’on va retrouver au stade de la démocratie contestée par la mondialisation. Dette publique parfois intelligente avec des banques centrales bien imaginées (Angleterre). Mais dans d’autres cas calamiteuses (France de la période révolutionnaire)

Lorsqu’apparait l’Etat de droit, la contestation se fait plus radicale, et d’autres groupes, ici non financiers, viennent exiger leur part de réduction de dette. Si l’on ajoute à cela des contextes de guerres totales, il est clair que la dette se renverse, et que le prédateur doit se libérer de la loi d’airain, et fonder une banque centrale entièrement soumise : le préteur en dernier ressort, n’est plus l’esclave ou la mine, mais la planche à billets . Et avec elle, la dette publique qui nourrissait les entrepreneurs financiers disparait. Mais à l’inverse, de quoi nourrir de gigantesques investissements publics, venant eux mêmes nourrir la croissance, et la construction d’un compromis fordien.

Enfin, dernière configuration, lorsque les entrepreneurs politiques sont amenés à négocier la fin de la « répression financière » pour répondre aux exigences techniques de la mondialisation, une nouvelle ère s’ouvre : les banques centrales s’éloignent des Etats et se rapprochent de la finance. Les Etats ne disposent plus d’un préteur en dernier ressort, lequel ne fonctionnera comme tel, qu’au seul profit de la finance. Avec une réponse rapide :prédation contestée d’un côté, et cession du privilège de battre monnaie à la finance de l’autre, assureront le possible épanouissement des dettes publiques.

   

 Variations historiques des formes d’Etat et de ses correspondances en termes de dette, de monnaie, de structure des banques centrale et de dette publique

  

     

Formes de l’Etat

Formes de la dette envers l’Etat

Formes de la monnaie

Formes de la banque centrale/Formes d’action de l’Etat

Réalité  et importance de la dette publique

Despotisme

radical

infinie

Absence ou monnaies primitives

Peuple fournisseur infini

Nulle ou interétatique

Despotisme avec émergence du droit : version1

Infinie mais  contestée : dette privée comme externalité négative

Outils de comptage + monnaie de simple circulation

Idem+ annulation régulière des dettes privées pour maximiser la créance publique

Nulle ou interétatique

Despotisme avec émergence du droit : version 2

finie

Norme monétaire métallique = richesse accumulable

Loi d’airain de la monnaie

La mine de métal fonctionne comme banque centrale

Nulle ou interétatique

Etat moderne 

Partage des outils de la contrainte publique

Finie mais contestée et partagée

Norme monétaire métallique= richesse accumulable

Loi d’airain

Hôtel des monnaies surestarie/dépréciation

Premières banques centrales  modernes

Importante et le plus  souvent intra étatique

Marchés politiques actifs et démocratie de moyennisation

(compromis fordien)

finie

Renouvellement de la norme monétaire

Richesse accumulable

Libération vis-à-vis de la loi d’airain

Généralisation des banques centrales  modernes

Rapide réduction

Marchés politiques actifs et démocratie contestée=mondialisation

Finie mais contestée et partagée

Retour à la loi d’airain de la monnaie et privatisation

Richesse accumulable

Séparation des banques centrales vis-à-vis des Etats

Rapide augmentation en intra et/ou en interétatique

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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19 janvier 2012 4 19 /01 /janvier /2012 15:39

Il n’est pas nécessaire d’être économiste pour prendre clairement conscience que le déséquilibre des finances publiques est probablement apparenté au déséquilibre extérieur, et en particulier à celui correspondant à l’échange des biens et des services. Si les 4 points de PIB du déficit commercial français de 2011 se transformaient en production nationale, il en résulterait davantage de prélèvements sociaux  et fiscaux, et aussi moins de dépenses publiques, orientées vers la gestion du sous emploi et des problèmes qui lui sont attachés. Pour l’année 2011, un équilibre des échanges extérieurs aurait aisément fait entrer la France, sous le seuil réglementaire des 3% de déficit des administrations publiques. Il est donc inutile d’insister sur un fait qui est largement intervenu dans la  récente dégradation de la note de la France.

Par contre, ce qui est moins connu et fort peu évoqué, est le fait que le déficit extérieur nourrit des déséquilibres financiers, qui à l’intérieur de la zone euro deviennent difficilement contrôlables. Jadis, c'est-à-dire avant l’introduction de la monnaie commune, et plus encore avant l’introduction de taux de change flottants,  un déficit commercial non compensé par des mouvements de capitaux, se soldait par une sortie nette de devises, et- à terme - par une possible dévaluation rééquilibrant la balance. La monnaie unique supprime – en théorie- la contrainte extérieure et l’on se trouve dans la question énoncée il y a si longtemps par Jacques Rueff à propos des USA, à savoir la question du « déficit sans pleurs ». D’où le terme pleinement justifié  de grecs disposant d’une « monnaie de réserve à l’américaine ». Eric Dor dans une intéressante étude sur le fonctionnement du dispositif « Target 2 » de l’euro système révèle clairement le problème. 'http://my.ieseg.fr/bienvenue/DownloadDoc.asp?Fich=303790470_2011-ECO-07_Dor.pdf

« Target 2 » fonctionne au niveau européen, comme pouvait le faire, et peut encore le faire, un marché interbancaire. Dans un système monétaire national, l’échange interbancaire se soldait par des excédents et déficits journaliers, que l’on pouvait aussi repérer au niveau des comptes des banques au passif de la banque centrale. Si durablement la banque A voyait sa monnaie fuir vers la banque B, les choses se soldaient momentanément par son endettement auprès de B, le cas échéant avec une aide de la banque centrale. Mais la fuite n’était guère durable, et si A était en permanence victime d’une fuite de monnaie (part de marché trop réduite, qualité de service insuffisante, méfiance, etc.) il en résultait généralement sa disparition, et une plus grande concentration du système bancaire. « Target 2 » reproduit d’une certaine façon ce schéma, mais entre pays différents. De fait, le dispositif technique retenu pour la compensation interbancaire, fait intervenir les banques centrales des pays de la zone. En sorte que désormais,  ce sont les anciennes banques centrales qui se trouvent dans la position de la banque A et de la banque B. En termes concrets, les pays qui connaissent un déficit extérieur, sont des pays dont la monnaie fuit vers les pays excédentaires, ce qui se traduit par un endettement de la banque centrale du pays débiteur, et une position créancière de la banque centrale du pays excédentaire. En termes encore plus concrets, la banque centrale de Grèce, devient de plus en plus débitrice de la banque centrale d’Allemagne. Et le « bank run » qui peut exister en Grèce, peut n’avoir d’autres conséquences que l’accroissement vertigineux d’actifs de la banque centrale d’Allemagne sur la banque centrale de Grèce. Ce fait constitue l’un des aspects les plus magiques de la « drogue euro » : la fuite peut théoriquement devenir infinie, et les grecs peuvent débarquer dans les aéroports des pays excédentaires avec des valises d’euros sans affecter réellement les banques grecques.

L’Europe reproduit ainsi à une échelle plus modeste ce qui se passe à une échelle plus  considérable entre les USA et la Chine. Les USA empruntent à la Chine, ce qui permet de faire fonctionner les usines chinoises. Dans l’euro zone les grecs, mais aussi d’autres pays déficitaires, empruntent à l’Allemagne de quoi faire fonctionner les usines allemandes.

Les dettes publiques « roulent » grâce au fonctionnement des agences et des banques, ces dernières étant elles mêmes incitées par la BCE à se livrer à du « sarko trade ». Ce plus ou moins bon roulement de la dette, en permet un autre plus discret, car seulement lisible dans les comptes des banques centrales : celui d’une accumulation croissante, des moyens de payer les importations en provenance d’Allemagne, pays qui est ainsi amené à financer par le crédit, ses propres exportations. Tout comme la chine, qui paie ses exportations vers les USA en achetant des bons du Trésor américain. Le gonflement du bilan de la banque centrale allemande est une nécessité, et les entrepreneurs politiques allemands n’ont pas les moyens de s’y opposer. Une éventuelle sortie de la zone euro des pays  les plus débiteurs au titre de leurs échanges extérieurs, n’est pas une menace pour la Bundesbank, et encore moins pour l’Etat allemand, qui n’aurait pas nécessairement à recapitaliser - à raison de son poids dans l’euro système , c'est-à-dire 30%- sa banque centrale: Il peut en effet être décidé de monétiser. Par contre,  le vrai danger serait la très vive chute des exportations allemandes.

La dette publique n’est donc que l’apparence d’une autre plus fondamentale, celle engendrée par des déséquilibres extérieurs, les largesses et facilités  de cette dernière  venant nourrir la première plus visible et aussi plus dénoncée. Parce que plus visible, beaucoup d’entrepreneurs politiques évoquent une règle d’or sur les budgets publics. Il serait pourtant plus judicieux d’envisager une telle règle sur les échanges extérieurs. Règle évidemment inacceptable aux yeux des croyants de la mondialisation et des groupes d’intérêts qu’ils représentent.

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12 janvier 2012 4 12 /01 /janvier /2012 08:49

 

L’utilisation du terme « indépendance » pour qualifier ce qui serait la réalité des banques centrales est à lui seul problématique.

Un signifiant qui ne correspond pas au signifié

 Dans sa conception première, il signifie une absence de relation et donc bien sûr une absence de tout lien hiérarchique. C’est sans doute le paradigme  mathématique qui exprime le mieux cette absence de lien lorsque l’on parle de « variables indépendantes ». Or la réalité des banques centrales ne saurait correspondre à cela, sauf à considérer qu’elles constituent des pièces complètement détachées du système social dans lequel elles s’activent. L’emploi d’un terme qui ne saurait correspondre à la réalité a donc un sens : il s’agit d’exprimer une représentation souhaitée du monde, plutôt que d’en désigner la réalité. Plus correct serait l’emploi du terme autonomie. Expression qui a été largement éradiquée  car trop réductrice aux yeux des promoteurs des nouvelles banques centrales : parler d’autonomie est en effet immédiatement interprété comme dépendance d’un système qu’il faut questionner. Or précisément, il s’agissait au moment de la construction et de la généralisation des nouvelles banques centrales, de se dégager de l’idée de dépendance.

Curieusement, il s’agit toujours de banques  proches des Etats mais dès leur naissance – dixseptième siècle pour la première, mais surtout 19ième pour la France, l’Allemagne, etc. -  elles furent symboliquement relativement éloignées de leurs géniteurs. Pour une raison simple : assurer ou restaurer une confiance monétaire très souvent malmenée historiquement. La monnaie est certes pure convention, mais on le sait, pure convention qui a découlé dans les mondes marchands d’un mimétisme produisant le métal comme loi d’airain. Et chaque fois que les entrepreneurs politiques ont cherché à sortir de leur prison monétaire, le prix en fût très élevé. Les premières banques centrales modernes, bien que de conceptions diverses se rattachent toutes à cette idée : il nous faut, nous entrepreneurs politiques, afficher le respect de la loi d’airain, reconnaitre que la monnaie est- de fait- tout sauf une convention sociale.

Lorsque des évènements graves se produisent - 1848, 1870 en France ; 1914 dans les pays belligérants de la première guerre mondiale – le non respect de la loi d’airain n’est accepté qu’en raison de la reconnaissance du caractère exceptionnel du moment, avec la certitude du retour au métal dès que possible. D’où les très grandes difficultés de l’après première  guerre mondiale, et les gestions calamiteuses des premières années de la crise de l’entre deux guerres. De fait, il faudra attendre la préparation de la seconde guerre mondiale, et ultérieurement les 30 glorieuses, pour que l’humanité accepte de s’affranchir de la loi d’airain de la monnaie.

Le succès d’un mot …

Si le terme d’indépendance est relativement peu employé, il faudra attendre les années 1970 pour le voir monter en puissance. A la même époque se développe parallèlement, dans beaucoup de pays, de nouvelles institutions dites indépendantes. Celles-ci désignées en France par l’expression d’ « Autorités Administratives Indépendantes » sont chargées d’assurer la régulation d’un secteur, et se rapprochent souvent des entreprises pour mieux coopérer, voire les surveiller ou les sanctionner. Encore peu nombreuses en France- environ une quarantaine- elles le sont bien davantage en Allemagne (189) , aux Pays-Bas, en Grande Bretagne etc. De fait, il s’agit d’un vaste mouvement qui correspond à une étape de l’aventure étatique, celle pour laquelle les entrepreneurs politiques - au-delà de la concurrence démocratique qui existe entre eux pour le contrôle des outils de la contrainte publique – sont amenés à partager le contrôle avec des groupes privés. Là aussi le terme « d’indépendance » est incorrect, et la jurisprudence du Conseil Constitutionnel considère encore les AAI comme des administrations de l’Etat, mais il est employé, car il correspond bien à l’idéologie du moment.

Le logiciel du droit traditionnel est fort gêné par cette transformation de forme d’action de l’Etat, d’où en France l’inquiétude d’un Sénat qui parle « d’objets juridiques non identifiés » pour désigner les AAI, ou l’utilisation  d’expressions forts étranges pour le juriste, comme celle de « personne publique sui generis ». Appellation qui deviendra pourtant la règle pour la banque centrale, après le Traité d’Amsterdam qui va en faire une institution particulière présentant des caractéristiques propres, ce que confirmera, en France, le Conseil d’Etat dans un avis en date du 9 décembre 1999.

…Que la science va justifier

Mais cette idée de séparation d’un certain nombre d’entités jusqu’ici rattachées à la machinerie étatique, en particulier les banques centrales, est d’abord le fait de la théorie économique. Théorie économique qui aura parfois tellement peur de la non indépendance qu’elle recommandera l’absence de banque centrale. C’est évidemment le cas de la théorie autrichienne, avec sa forte influence aux USA pour retarder la création de la FED, laquelle ne verra le jour qu’en décembre 1913. C’est que, même indépendante de l’Etat,  une banque dite centrale n’a pas à développer en tant que prêteur en dernier ressort , de par sa seule présence un risque de « moral hazard ». D’où la dissolution de la « Second Bank of the United States » en 1830 par le président Andrew Jackson.

150 années plus tard, lorsque se déploie à nouveau l’idéologie de l’indépendance, avec ce que Jean Pierre Patat va appeler « l’ère des banques centrales », la théorie économique va largement profiter, d’une montée empiriquement vérifiée de la stagflation, pour mettre en valeur les vertus supposées d’une indépendance.

D’abord en attaquant le modèle keynésien interventionniste, et en révélant la verticalité croissante de la courbe de Phillips, les monétaristes vont affirmer, que l’injection autoritaire de monnaie supplémentaire, laissera le taux de chômage à son niveau naturel, tandis que la confiance dans la monnaie faiblira en raison de l’inflation . Si Friedman s’insurge contre « la manipulation par l’Etat » de la politique monétaire, il n’ira toutefois pas jusqu’à recommander l’indépendance des banques centrales, en raison des craintes qu’il exprime, au regard d’une telle concentration de pouvoirs, au profit de personnes elles mêmes exemptes de tout contrôle politique. A peu prés à la même époque, T Sargent et N Wallace confirmeront l’ineptie d’une « manipulation par l’Etat » de la monnaie en raison des anticipations rationnelles.

Ces premières attaques se feront aussi sur la base d’un nécessaire retour à la stabilisation des prix, stabilisation érigée en bien public. Il s’agit là d’un retour à la loi d’airain de la monnaie sous une forme modernisée : certes on peut désormais se passer de l’or, mais se libérer de toute contrainte monétaire ne permet pas de promouvoir la confiance des épargnants, lesquels exigeront des primes de risques, et donc feront monter les taux de l’intérêt. Avec les conséquences souvent reprises par ces banquiers centraux entrain de conquérir leur indépendance, à savoir la non maximisation de la croissance et de l’emploi.  Evidemment la démonstration n’est guère convaincante, et il suffit de se plonger dans le passé, pour constater que dans les périodes de forte répression financière, où la notion de prime de risques n’avait guère de sens, la croissance était plus vive, et le plein emploi souvent constaté. De fait, la théorie économique n’a jamais pu être convaincante sur le sujet, et aurait pu  se borner à expliquer quels intérêts, en tout premier lieu, allaient être satisfaits en organisant l’éloignement de l’Etat.

Ces premières attaques au profit de l’indépendance, pouvaient très bien se solder par une indépendance de fait des banques centrales, sans toucher à leur réalité institutionnelle. Il suffisait au fond, de dénoncer toute manipulation politique, et d’exiger que les Etats laissent une complète autonomie de gestion aux banquiers centraux. Mais les développements de la théorie économique iront plus loin et il en découlera une impérative mise en cause organisationnelle des banques centrales.

Des travaux économétriques vont révéler –Bade et Paker (1985), Alesina et Summers (1993), Fischer (1994) – une forte corrélation entre inflation et degré d’indépendance des banques centrales : plus les banques sont indépendantes et plus la stabilité des prix est assurée. Certains de ces travaux en appelleront d’autres à vocation utilitaire. Ainsi GrillI, Masciandaro et Tabellini vont mettre sur pieds un indice, comportant pas moins de 16 variables, permettant de mesurer le niveau d’indépendance des banques centrales. D’autres travaux – notamment la théorie du cycle électoral de Nordhaus (1975) -vont révéler l’irrépressible tentation d’utiliser la politique monétaire à des fins électorales. Travaux qui seront confirmés par de très nombreux autres : Kydland et Prescott (1977), Barro et Gordon ( 1983). Ces derniers vont utiliser la théorie des jeux pour montrer que les stratégies dominantes des entrepreneurs politiques et des agents privés vont aboutir à un « détestable équilibre de Nash ». Avec comme seules solutions possibles pour sortir de ce « dilemme du prisonnier » : la réputation ou la délégation. Comme les entrepreneurs politiques auraient depuis longtemps épuisé leur capital de confiance, il ne reste plus que la délégation du pouvoir monétaire à la banque centrale, laquelle n’aurait comme seul objectif que la stabilité des prix. Tous ces travaux furent à l’origine de très nombreuses thèses universitaires allant souvent dans le même sens, même si parfois des études critiques relativisaient ce formidable engouement pour l’indépendance des banques centrales ( Cukierman 1992).

Hélas, il faut se méfier de tout

Mais bien évidemment, on sent qu’il faudrait aller beaucoup plus loin : qui peut nous assurer de la crédibilité de la banque centrale ? Si la réputation des entrepreneurs politique n’est pas rattrapable, comment forger celle des banquiers centraux ?

Non seulement l’indépendance devient une exigence, mais il faut l’assortir de nouvelles contraintes. D’où, au-delà d’une indépendance juridique, exiger des plans organisationnels et comportementaux, efficients, et donc rassurants, sur l’objectif de stabilité des prix. Là encore, les travaux universitaires se sont multipliés. Ceux de K Rogoff  (1985) conduiront seulement à la prudence : il faut choisir un banquier central très réputé pour sa très forte aversion à l’inflation. Ceux de Blinder (2000) n’iront pas beaucoup plus loin : il faut jouer sur l’effet de réputation pour asseoir la crédibilité.  Plus sévères seront ceux de Walsh (1995) qui, dans le paradigme de la théorie de l’Agence, vont déboucher sur la nécessité  de lourdes sanctions financières automatiques envers le banquier central inefficient.

Mais au-delà des comportements, et de la réputation du banquier central, sur quel corpus théorique doit-il s’appuyer, pour effectivement garantir la stabilité des prix ? Faut-il mettre en avant les hypothèses monétaristes au risque de privilégier le long terme sur le court terme ? Faut-il croire dans la théorie des anticipations rationnelles et « surprendre » les agents économiques dans le court terme ? Faut-il privilégier une règle, telle la règle de Taylor dont la simplicité et le bon sens, se heurte à des difficultés de mesure et à de trop fréquentes interventions de taux ?

Et s’agissant de ces règles, il faut aussi, pour maximiser la crédibilité, que l’on soit assuré qu’elles soient prises à bon escient, ce qui veut dire aussi, un fonctionnement relativement transparent. Quelles seraient donc les règles de transparence ? Les travaux sont ici beaucoup moins nombreux, et il est facile de prendre conscience qu’il doit exister des limites à la transparence, notamment au regard des interventions au quotidien sur telle ou telle banque, la présente période montrant à quel point, des développements  systémiques, sont toujours à craindre, à partir de telle ou telle information.

Si l’on résume le chemin parcouru dans le raisonnement : nous sommes parti d’un constat empirique, la stagflation des années 70, pour mettre en cause la théorie keynésienne justifiant la dépendance des  banques centrales vis-à-vis des Etats, ce qui va justifier la séparation, mais surtout qui va justifier une indépendance au seul titre de la stabilité des prix, et stabilité qu’il faudra assurer par une certaine organisation, et un certain fonctionnement des banques centrales.

Mais la vraie question devient alors : pourquoi la stabilité des prix est-elle devenue si extraordinairement importante ?

Une clef pour comprendre…

De fait, la stagflation des années 70, est favorable à l’économie réelle et aux détenteurs d’actifs réels, et simultanément défavorables aux entreprises financière, et à tout ce qui touche la finance. Cela est très lisible dans les bilans. Dans les entreprises industrielles le passif est rogné par l’inflation, tandis que l’actif se trouve valorisé. Les ménages investissant dans le logement, se sentiront dans les années 70, les plus concernés par cette déformation des bilans : l’emprunteur immobilier voit le poids du remboursement de son crédit s’alléger, tandis que l’actif immobilier s’apprécie continument. Les banques connaissent à l’inverse, la poursuite de la répression financière engagée depuis si longtemps par l’Etat. L’actif devrait pouvoir se développer comme il le faisait pour les entreprises industrielles, mais comme il est composé d’éléments financiers, toute augmentation de taille, se paie d’une dévalorisation absolue importante. A l’inverse, les encaisses monétaires figurant au passif, sont frappées d’une taxe d’inflation. De fait, la stagflation des années 70 ne fait que prolonger, par d’autres moyens, les rigueurs de l’antique «  circuit du Trésor ».

Parvenir à la stabilité des prix est donc une révolte, qui ne peut être menée que par les perdants de l’inflation,  avec en tout premier lieu les banques. Il faut donc parvenir à une redéfinition des tâches des entrepreneurs politiques, dont la maitrise des outils de la contrainte publique, et en particulier les banques centrales, doit être rediscutée.

Si maintenant, il peut être trouvé des économistes qui peuvent démontrer l’impossibilité pour les entrepreneurs politiques d’établir la stabilité des prix, et si l’on peut démontrer que seules des banques centrales devenues réellement indépendantes, sont en capacité d’étouffer l’inflation, il y a possibilité de gagner sur deux tableaux : mettre fin au mode hiérarchique de la dette publique, et passer à une économie de dette.

Mettre fin au mode hiérarchique de la dette publique en interdisant aux Etats de s’approvisionner directement auprès de leurs banques centrales, lesquelles voient leurs liens de dépendance financière coupés, c’est la possibilité pour les banques de second rang de voir s’ouvrir un immense marché de la dette publique. Et un marché qui ne peut que s’accroitre, car le choc désinflationniste qui va se mettre en place va alimenter la dette publique : le resserrement monétaire pour cause de lutte contre l’inflation, augmente le coût du service de la dette en formation, et freine l’augmentation attendue des  ressources budgétaires. C’est ce que constatent Richard Black, Donald Coletti, et Sophie Monnier (1997), auteurs qui, regroupant toute une série d’études croient aussi pouvoir montrer sur un mode utilitariste, que le choix de la désinflation est inefficient sur le plan macro économique. Mais la fin de l’inflation correspond au commencement de la dette.

A ce premier intérêt pour les banques, qui se voient assurées d’un débouché croissant, auprès de celui qui est devenu un client, c’est – à-  dire l’Etat, s’ajoute un second : les actifs bancaires peuvent désormais se développer sans réelle limite, puisqu’ils ne sont plus soumis à l’impôt d’inflation. Si désormais existe dans le système financier un gardien crédible de la stabilité des prix, alors les joies de la dette peuvent s’épanouir. Les bilans peuvent grossir : souvent comparables aux bilans industriels des années 60, les bilans bancaires peuvent désormais dépasser la taille du PIB du pays qui les accueille. Chacun aura évidemment en tête celui de la BNP , banque « plus grosse que la France ». Et curieusement, on pourra même choisir un indice des prix, qui pourra laisser de côté tout ce qui est actif, et en particulier tout ce qui est actif non financier pouvant servir d’appui à des actifs financiers. Nous avons là bien sûr l’immobilier et les « commodities » dont la hausse continue n’infirmera pas la parfaite stabilité des prix, mais qui à l’inverse, pourra nourrir l’économie de dette et donc la finance.

Peut-on alors parler d’indépendance et de crédibilité des banques centrales ? Ces mots n’ont guère de sens. Ce qui s’est produit tout au long de la période de désinflation, qui va parallèlement proclamer l’indépendance des banques centrales, et qui va en Europe édifier la BCE, n’est qu’un progressif basculement de rapports de forces entre acteurs sociaux : les entrepreneurs politiques dans leur quête de reconduction au pouvoir, sont amenés à délaisser de vieilles solidarités, par exemple celles qui se sont nouées au moment de la création du « well fare », au profit de la finance.

Fait historique qui permet de comprendre au-delà des définitions économicistes des banques centrales, la vraie nature de ces dernières. D’où la définition que nous proposons :

 « une banque centrale est une institution, logée dans l’interface entre pouvoir financier et pouvoir politique, et chargée d’exprimer le rapport de forces entre les deux, par des actions concernant la circulation monétaire, la monnaie elle-même, et la dette. La position relative des deux pouvoirs : absorption plus ou moins complète de l’un par l’autre, séparation radicale/opposition radicale, coopération mutuellement avantageuse, servitude volontaire, etc. dépend des forces que chacun d’eux mobilisent et organisent, et se trouve être la source ultime de la compréhension des faits monétaires ».

Définition à méditer.

 

 

 

 

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3 janvier 2012 2 03 /01 /janvier /2012 07:20

Variations historiques des formes d'Etat et correspondances en termes de dette, de monnaie, de structure des banques centrales et de dette publique

Formes de l’Etat

Formes de la dette envers l’Etat

Formes de la monnaie

Formes de la banque centrale/Formes d’action de l’Etat

Réalité et importance de la dette publique

Despotisme

radical

infinie

Absence ou monnaies primitives

Peuple fournisseur infini

Nulle ou inter étatique

Despotisme avec émergence du droit : version1

Infinie mais contestée : dette privée comme externalité négative

Outils de comptage + monnaie de simple circulation

Idem+ annulation régulière des dettes privées pour maximiser la créance publique

Nulle ou inter étatique

Despotisme avec émergence du droit : version 2

finie

Norme monétaire métallique = richesse accumulable

loi d'airain

La mine de métal fonctionne comme banque centrale

Nulle ou inter étatique

Etat moderne

Partage des outils de la contrainte publique

Finie mais contestée et partagée

Norme monétaire métallique= richesse accumulable

Hôtel des monnaies surestarie/dépréciation

Premières banques centrales modernes

Importante et le plus souvent intra étatique

Marchés politiques actifs et démocratie de moyennisation

(compromis fordien)

finie

Renouvellement de la norme monétaire et libération vis à vis de la loi d'airain

Richesse accumulable

 

Généralisation des banques centrales modernes

Rapide réduction

Marchés politiques actifs et démocratie contestée=mondialisation

Finie mais contestée et partagée

Retour à la loi d’airain de la monnaie et privatisation

Richesse accumulable

Séparation des banques centrales vis-à-vis des États

Rapide augmentation en intra et/ou en inter étatique

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Le présent tableau permet de disposer d'une vue synthétique pour comprendre le monde tel qu'il est. Il faut le lire à partir du paradigme de l'Etat tel que je l'utilise généralement dans le blog, à savoir une entité historiquement engendrée par le fonctionnement normal des  collectivités humaines, entité dont les moyens - ce que nous appelons la "contrainte publique"-  sont gérés à titre privé , et parfois mis à la disposition de tel ou tel groupe social, par des entrepreneurs politiques. Parce que fondamentalement prédatrice, l'entité Etat prélève des ressources sur les communautés contraintes. Ce qu'on appelait "sacrifice" à l'aube de l'humanité a pu ainsi devenir au cours de la longue histoire, dette de vie, dette de sang, dette de travail, impôt, etc. En même temps avec la transformation des formes de L'Etat, la prédation fût partagée entre entrepreneurs politiques et groupes dominants, pour finalement aboutir à des formes d'Etat providence qui ont pu correspondre aux "30 glorieuses" et à ce que les économistes ont appelés  le "Fordisme", et aujourd'hui sa forme extrêmement dégradée qu'est la mondialisation.

Si à l'origine la monnaie était un instrument de coopération efficace n'assurant que la simple circulation sans jamais devenir réserve de valeur, elle s'est plus tard transformée en "extériorité", et  à ce titre, est devenue une structure voisine de l'Etat. Et le plus souvent existe une loi d'airain de la monnaie comme il existe une loi d'airain de  l'Etat. cela signifie que l'humanité croit généralement en une rareté des signes monétaires, et une rareté vécue comme aussi naturelle et objective que ne l'ait l'Etat. Seule la période dite démocratique de l'aventure étatique ,a pu correspondre à une libération vis à vis de la loi d'airain de la monnaie.

Parce qu'extériorité semblable  à celle des Etats, la monnaie fait l'objet d'enjeux gigantesques, et l'idée de banque centrale est probablement aussi vieille que l'Etat lui même. Les Etats et leurs entrepreneurs politiques, ont du se battre pour contrôler la prédation qui pouvait aussi passer par la monnaie. D'où l'annulation des dettes privées, en concurrence avec la rente publique, par le pouvoir politique durant toute l'antiquité: Mésopotamie, Grèce, Rome,etc. D'où aussi une étrange resemblance entre le "complexe militaro monétaire" de l'antiquité, avec contrôle des mines de métal au profit du paiement des soldes militaires , et celui d'aujourd'hui, où la puissance militaire américaine repose sur une création monétaire dépourvue de loi d'airain. C'est aussi avec la fin des surestaries abusive, le seigneuriage, la dilution des monnaies etc. qu'à pu s'établir un Etat plus moderne, et une prédation mieux partagée avec ceux qui allaient devenir des rentiers: la dette ne fonctionne plus qu'au profit de la puissance des entrepreneurs politiques, mais se trouve redistribuée au profit des rentiers. la démocratie, stade de l'aventure étatique  qui semble s'éloigner aujourd'hui  , a pu être en raison de son large partage des outils de la contrainte publique, une période très difficile pour les rentiers, et très favorable aux bénéficiaires de l'Etat providence. cette période est aussi celle d'un contrôle strict des banques centrales par les entrepreneurs politiques.

Et derrière cette architecture, se dresse la réalité de ce qu'on appelle la "dette publique". Elle était évidemment nulle dans les premières formes de l'Etat: c'était le peuple qui était soumis à la dette infinie de l'esclavage. Lorsque le despotisme se fait plus modéré, des échanges marchands peuvent être initiés, et la dette privée peut commencer à concurrencer la dette publique. Plus tard la concurrence sera vive entre entrepreneurs politiques et banquiers, et le jeu sera souvent collectivement perdant, notamment dans le moyen -âge européen. Il faudra attendre les banques centrales modernes pour améliorer le résultat du jeu et en particulier la banque centrale anglaise, qui de fait, assurera la victoire définitive sur Napoléon. La fin précaire de la loi d'airain, et la mise sous tutelle des banques centrales, étouffera au vingtième siècle le jeu de la rente et de la dette publique qui lui est associée. Le basculement vers la mondialisation, comme nouvel équilibre des marchés politiques, dictera la fin de la mise sous tutelle des banques centrales, et une croissance considérable de la dette publique. Et avec elle le retour de l'âge d'or de la rente. la dette publique longtemps gigantesque, mais finalement anéantie, retrouve le déploiement qui était le sien jusqu'au début du 19ième siècle.

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21 décembre 2011 3 21 /12 /décembre /2011 13:19

 

Dans « Zone euro : les clandestins le resteront jusqu’au bout » nous disions que la prochaine étape de la clandestinité serait sans le dire l’ouverture maximale des robinets de la BCE. C’est chose faite aujourd’hui avec le lancement  d’offres à 3 ans sur la base d’un collatéral qualitativement  généreux et quantitativement illimité, le tout assorti d’un taux d’intérêt très inférieur aux meilleurs taux offerts sur les dettes souveraines de qualité. Et cette ouverture maximale porte un nom chez les financiers : le « Sarko trade » pour ainsi désigner ce que le président Français aurait obtenu, au terme d’interminables négociations.

A priori, il s’agit d’un cadeau direct aux banques assorti d’un cadeau indirect aux Etats.

Cadeau direct aux banques en ce que ces dernières peuvent se soulager d’une masse considérable d’actifs, dont la qualité sera fort peu vérifiée par la  BCE, contre des liquidités offrant des potentialités importantes. C’est ce qui vient de se passer concrètement pour les banques,  qui viennent d’acheter de la dette espagnole, à partir des fonds de la BCE, opération ayant rapportée 300 points de base.

Mais aussi cadeau indirect aux Etats, qui se trouvent en présence d’un système financier davantage acheteur, en raison de béquilles offertes par la BCE. De quoi financer la dette en espérant des taux acceptables.

Pour autant les effets secondaires méritent d’être analysés.

Dans cette opération il n’y a pas de disparition de collatéral, et celui cédé à la BCE est remplacé par de la dette souveraine fraiche. Seule la différence de qualité peut être évoquée, et il est évident, que si à l’avenir la BCE se fait plus exigeante, en refusant par exemple du crédit à la consommation espagnol comme collatéral, il est possible que l’image des bilans bancaires ne s’améliore guère. Ce qui , de fait, signifie  que l’amélioration de l’image des bilans ne puisse se réaliser que si la BCE accepte un statut de « Bad bank ».

Or la pression en ce sens ne peut que s’aggraver. Si en effet la BCE cherche à se protéger par la qualité, ses opérations d’offre de liquidités vont de fait aggraver la situation des banques avec apparition d’un « collateral crunch ». Parce que dans cette hypothèse la proportion d’actifs de mauvaise qualité augmente dans les bilans, il se crée une pénurie relative de collatéral de bonne qualité – le Bund allemand – par exemple, ce qui signifie un financement inter bancaire toujours aussi fermé. Comme par ailleurs, de façon mécanique, la crise accroit partout le taux de mauvaises créances,  la base des actifs éligibles se réduit. Ce qui réduit, là encore,  la capacité de fonctionnement du marché inter bancaire . Parallèlement, la diminution de la qualité des bilans entraine tout aussi mécaniquement, une moindre incitation à financer des crédits non éligibles en collatéral, comme celui accordé aux PME.

La pression ira donc mécaniquement dans le sens de la facilité : une BCE peu exigeante, et des banques maximisant leur espérance de gain, en prêtant plus aux Etats, et moins aux entreprises et ménages. Choix se matérialisant par moins de croissance, et donc moins de rentrées fiscales …donc une augmentation de la dette …

Mais la recherche de la rentabilité maximale passe aussi par la sélection des dettes souveraines. Si le choix des Etats au détriment des entreprises est acquis, il convient de choisir quelle dette souveraine assurera la meilleure rentabilité bancaire : dette allemande moins rentable mais moins risquée, ou dette espagnole plus rentable mais plus risquée ? Alternative qui invite à penser, que la transmission du cadeau de la BCE fait aux banques, ne se dirigera pas prioritairement vers les dettes souveraines des Etats faibles. Si en effet le cadeau se dirige massivement vers le Trésor  espagnnol, il en résulterait une diminution du spread de taux vis-à-vis  du Bund allemand, situation instable puisqu’affectation non optimale des liquidités acquises sur la BCE. Ce qui signifie un redéploiement de la dite liquidité , assurant le maintien de spreads, dont les déterminants reposent sur des considérations macroéconomiques bien connues. La conclusion est simple, même l’ouverture maximale du robinet de la BCE ne peut réduire la difficulté des Etats périphériques de la zone euro.

Le « Sarko trade » n’est donc que la prolongation prévue de l’agonie du bateau des passagers clandestins. On connait l’étape suivante : fin de l’indépendance de la BCE avec  financement direct des Etats,  et reconfiguration complète voire disparition de l’euro – zone. Affaire à suivre…

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11 décembre 2011 7 11 /12 /décembre /2011 14:13

                 

A plusieurs reprises nous nous sommes interrogés sur les risques posés par le possible démantèlement  de la zone euro. Les aspects purement techniques et purement nationaux  sont gérables et font maintenant l’objet d’un large consensus : l’unité de compte nouvelle pour chaque pays correspond à un euro, ce qui ne change pas le système de prix ; surcharge d’un tampon sur chaque billet avant impression de nouveaux billets, comme ce fût le cas dans de nombreuses zones monétaires ; échange rapide des pièces qui ont toujours bénéficié d’une face nationale ; etc.

 

 

Ce qui est moins technique est la décision elle-même, dont la portée internationale est évidemment considérable.

Un principe simple et universel : le respect de tous les contrats

En la matière il s’agit de découvrir un principe simple, aisément communicable, peu sujet à interprétations diverses, et si possible universel, pour ne pas transformer une décision de démantèlement de l’euro-zone en incontrôlable panique. Ce principe doit être une garantie juridique concernant le maintien de la valeur de tous les actifs dans tous les pays concernés, valeur de marché à la date de la prise de décision. Cela peut supposer un arrêt des cotations pendant plusieurs jours.

La garantie publique de maintien de la valeur, suppose au préalable l’existence d’un point fixe, qui ne peut-être que la définition de nouvelles parités, lesquelles deviennent intangibles  pendant le temps de la concrétisation de la garantie, ce qui ne devrait pas excéder quelques jours. Au-delà, après la constatation du respect intégral des contrats,  il faut imaginer un système de flottement concerté faisant l’objet de marges de fluctuations à discuter. Bien évidemment, le champ de la garantie s’étend aux seuls agents résidents détenteurs d’actifs étrangers, et aux seuls agents non résidents détenteurs d’actifs nationaux .

La notion d’actif doit aussi être précisée. Il s’agit :

 -De tous les contrats commerciaux  signés avant la décision de démantèlement et donnant lieu à paiement après sa prise d’effets ;

-De tous les titres financiers : actions, obligations corporate, obligations publiques, produits structurés, etc. Pour  ces titres la garantie repose sur la seule perte mécanique de valeur, calculée sur la base du nouveau taux de change.

Il est bien évident qu’un tel principe est plus douloureux pour les pays qui : procèdent à une dévaluation massive ; connaissent un fort déficit extérieur ; sont lourdement chargés en dette extérieure ; sont le fait d’une dette publique massive et largement internationalisée ; et ne disposent que peu de créances sur l’étranger. Douleur d’autant plus vive si, au-delà, les perspectives de croissance et d’exportations sont limitées. Cette douleur peut être chiffrée. Ainsi la Grèce avec une dette extérieure nette de 115 % de son PIB, devrait pour retrouver une certaine compétitivité, dévaluer de 56,7% selon une estimation publiée dans le Financial Times, ce qui porterait sa dette à 180% de PIB, en principe payable en Euros. Soit la somme astronomique de 410 milliards d’euros. Ainsi le Portugal avec une dette extérieure nette de 88% de son PIB et une dévaluation nécessaire estimée à 42% verrait sa dette passer à 214 milliards d’euros. On pourrait naturellement multiplier les exemples.

Un outil de respect des contrats: le « tiers payeur » extérieur à tous.

Il est clair que pour ces pays,  qui sont déjà la zone la plus fragile du système, la règle de garantie publique est intenable : les moyens des Etats considérés ne sont pas à la hauteur de l’engagement requis. La solution consiste- là aussi sur la base d’un principe universel, donc applicable à tous les pays- à décider que la garantie soit supportée par les banques centrales qui retrouvent les statuts d’avant les années 70. Puisque le démantèlement de l’euro ne peut, par miracle, changer l’existant, à savoir l’insolvabilité absolue de nombre d’Etats, la garantie imaginée, au titre du refus de l’abandon vers la panique la plus radicale, ne peut provenir que d’une extériorité qui surplombe la communauté des Etats : les engagements extérieurs publics ou privés, ne peuvent être assortis d’une clause de respect absolu et universel, que s’il existe un « tiers payeur » qui est la banque centrale. Chaque banque centrale est ainsi, par le biais de chaque Trésor qu’elle alimente, amenée à solder les comptes, c'est-à-dire l’ensemble des engagements et contrats avec son extérieur. Bien annoncée , cette disposition apaise l’inquiétude légitime de l’ensemble des agents européens , mais aussi conforte le possible projet européen. Reconnaissons toutefois, que les croyances collectives et certains groupes d’intérêts qui les renforcent,  ne permettent pas facilement un tel changement qui apparait comme révolution copernicienne.

Resteraient à examiner les modalités de ce qui pourrait aussi être un processus d’extinction des dettes.

Deux solutions peuvent être envisagées dont l’une domine nettement l’autre.

La première consiste à payer en monnaie nationale nouvelle les divers engagements publics et privés. Ainsi, pour les contrats déjà signés, l’exportateur allemand de marchandises vers la Grèce se voit payé par son client dans la monnaie dont il dispose, auquel il faut ajouter le prix de la dévaluation, prix exprimé en drachmes, et au final supporté par le « tiers payeur » qu’est la banque centrale de Grèce. Ainsi la Société Générale voit, à l’actif de son bilan, ses obligations publiques grecques  transformées en drachmes, monnaie dont le montant est augmenté de la valeur de la dévaluation. Ainsi le titulaire d’un produit financier incorporant des sous -jacents grecs verrait son titre converti en drachmes, sur la base de la valeur de marché, calculée à partir du taux de change, et abondé de la dévaluation. On pourrait multiplier les exemples. Bien évidemment s’élève d’immenses balances en drachmes, lesquelles ne font que refléter une réalité que le « bateau des passagers clandestins » cachait si bien. Bien évidemment les détenteurs de ces balances ne sont pas encore satisfaits puisqu’ils deviennent  titulaires d’actifs sans valeurs : les drachmes ne sont pas transformables en marchandises, et l’insolvabilité grecque, est d’abord son immense déficit extérieur, que l’euro avait contribué à puissamment creuser, tout en le rendant invisible. Il faut donc imaginer que les balances en drachmes sont acheminées vers les banques centrales des Etats correspondants, lesquelles sont transformées en nouvelles monnaies nationales. De quoi grossir la taille des bilans, certes, mais qui n’est que la  contrepartie du respect intégral des contrats, le rétablissement de la compétitivité et la naissance d’un nouvel équilibre, indispensable garant  d’un possible avenir européen. La construction européenne ne pouvant continuer à n'être qu'un processus de dislocation devenu extrêmement dangereux avec la monnaie unique.

Une autre solution, de loin préférable, consiste à exiger de l’euro, un immense service avant sa disparition. Il s’agirait, au moment même où est décidé sa fin, de réquisitionner les banques centrales des pays débiteurs aux fins d’abonder le compte de chaque trésor, d’un montant en euros, sensiblement équivalent à la dette extérieure. De quoi obtenir immédiatement une énorme baisse sur le taux de change avant sa disparition, ce qui limitera les dévaluations qui suivront quant à la définition des nouvelles monnaies nationales. Le processus est beaucoup plus simple, et permet d’annuler une grande partie de la dette publique des Etats les plus fragiles. Il est par ailleurs tout aussi rassurant : tous les contrats sont garantis.  

Au final, et quelle que soit la solution retenue, la monnaie émise, que ce soit directement ou indirectement,  se trouve stockée dans les pays qui sont dans une situation favorable : peu ou pas de dévaluation, peu de dette extérieure, dette publique faible et autocentrée. De quoi provoquer une hausse des prix plus rapide que dans les pays ayant massivement monétisé.   Notons aussi que le dispositif retenu   évacue complètement l’idée de défaut, de soutien du système bancaire, etc. Autant de craintes qui disparaissent avec le rétablissement de l’autorité monétaire. Resterait toutefois à faire admettre – mais par quels moyens ?- que le démantèlement ne donne pas lieu au déclenchement cataclysmique de la montagne des CDS. Et de ce point de vue – fait positif- le respect intégral des contrats, est tout sauf un « accident de crédit ».   

Resterait à examiner le mode de décision du démantèlement.

Qui doit déclencher le démantèlement ?

Il est clair que le processus ne peut être législatif tant l’effet de surprise est la condition première de la réussite. Il ne peut non plus être réglementaire tant le dispositif euro se trouve élevé dans la hiérarchie des normes juridiques. De ce point de vue, il n’existe dans la zone, qu’un seul pays suffisamment armé pour prendre une décision rapide : la France. Ce pays dispose en effet d’un dispositif constitutionnel – l’article 16- qui permet à l’exécutif d’agir sans contrainte, avec la vitesse de l’éclair. Le poids du pays dans la zone  - 20 % du PIB total - est tel,  que la seule déclaration portant radiation de la loi du 3 janvier 1973,  entrainera l’effondrement de la valeur externe de l’euro, et l’abandon immédiat de tout projet privé de délocalisation. Les Ordonnances, immédiatement publiées, et exécutoires, rappelant dans leurs attendus, la volonté publique de respect intégral des contrats, rassureront tous les agents. Logiquement, un développement mimétique entrainera des prises de position dans l’ensemble de la zone,  avec ébranlement – exception faite de l’Allemagne qui ne pourra pas admettre le rétablissement de l’autorité étatique sur la banque centrale - d’un processus législatif accéléré. On peut imaginer qu’une négociation préalable ait pu déboucher sur un accord concernant les taux de change.

Le présent texte n’avait pas pour but de proposer un projet détaillé de démantèlement. Il avait simplement comme projet de montrer qu’un tel objectif est possible et surtout raisonnable. Au-delà, il cherchait à contrer toutes les affirmations rapides- dépourvues de toute démonstration sérieuse- que l’on rencontre dans les médias,  et qui annoncent avec force que la disparition de l’euro serait une catastrophe pour l’humanité. Parce que le vrai problème de la zone n’est pas le déficit public,  mais l’effet de déséquilibres extérieurs massifs que l’euro a engendré, il faudra, d’une façon ou d’une autre mettre fin à la présente architecture monétaire. Il n’est donc pas raisonnable de susciter de grandes peurs développées par de prétendus «experts » du sujet.

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28 novembre 2011 1 28 /11 /novembre /2011 13:15

                 

Certains s’étonnent de la résistance de l’euro face aux tempêtes des spreads sur dettes souveraines et à leurs contreparties calamiteuses  dans des  bilans financiers : banques , fonds de pension, etc. Etonnement d’autant plus grand que rien n’est entrepris pour réellement changer les choses malgré l’extrême médiatisation de sommets et d’accords toujours trop tardifs ou toujours inapplicables.

De fait, si le bateau des passagers  clandestins n’a pas encore sombré, c’est en raison de l’acharnement de chacun des passagers à se maintenir à flot au détriment de tous les autres. Au final, il est possible que le résultat corresponde à celui de la logique du dilemme du prisonnier, mais le pire sera retardé jusqu’au bout,  avec un acharnement hors du commun.

Les spreads de taux sont un bon révélateur de la clandestinité des passagers, et sont le signe d’un conflit désormais radical. Jusqu’alors la clandestinité  était quasi coopérative, en ce qu’elle ne débouchait sur aucune externalité négative : L’Allemagne (avec ses acteurs internes)    pouvait fermer les yeux sur une clandestinité  Grecque ( avec ses acteurs internes) correspondant à une garantie de débouchés  pour les marchandises allemandes. En retour, la Grèce pouvait fermer les yeux sur son déséquilibre avec l’Allemagne, qui par le biais de la monnaie unique, lui garantissait haut pouvoir d’achat et taux de l’intérêt faible.

Le simple fonctionnement de la mécanique de la clandestinité, devait aboutir au renversement de la logique des externalités : elles deviennent négatives et sont porteuses de conflits, alors même que l’Euro peut continuer à bien se porter. Ainsi le spread de taux devient pollution pour l’Allemagne, et pas simplement pour ses banques, mais aussi pour sa propre dette publique. Et parce que chaque Etat est indissolublement associé à son système financier, les externalités négatives de chaque clandestin rejaillissent sur tous les autres : le temps du conflit est arrivé chez les porteurs d’un Euro en apparente bonne santé.

Ainsi, chaque clandestin cherche t’il à maintenir son statut en contestant la clandestinité de tous les autres. Ce qui ne va pas sans contradictions. Il est demandé à la Grèce, l’Irlande, Le Portugal, l’Italie, etc. de sortir de la clandestinité, en supprimant leurs déficits publics, lesquels passent  par une dévaluation interne des salaires et des prix. Mais si une telle stratégie est vraisemblablement apaisante sur le prix des Bunds, elle ne l’est guère sur la garantie de débouchés que le partenaire allemand avait acheté en adhérant à l’euro-zone. En sorte qu’il apparait que la déclandestinisation globale s’avère tâche particulièrement difficile.

Aucun acteur - ce que l’on appelait dans un autre texte les « petits un peu ronds » par opposition « aux grands minces » - ne voudra quitter de son plein gré la zone, car chacun espère que des solutions permettant de maintenir la clandestinité seront trouvées.

Tout d’abord celles mettant fin à la clandestinité seront refusées car beaucoup trop coûteuses sur les marchés politiques, et comme nous le disions, le fédéralisme européen ne peut-être un produit politique d’avenir. C’est dire que chaque marché politique interne débouchera par externalisation, et  par imitation, sur la désignation d’un bouc émissaire extérieur, et bouc émissaire  extérieur à tous  : l’indépendance de la BCE. La violence de la crise, se sublimant en processus girardien de désignation d’un coupable. Certes, cette indépendance est  aussi  un produit politique qui se vend bien dans certains pays (marché politique allemand notamment), mais le fait que la déclandestinisation globale s’avère impossible débouchera nécessairement sur la désignation unanime du bouc émissaire. Et d’une certaine façon, l’échec du mini sommet du 24 Novembre dernier révèle déjà cette désignation. Simplement - l’hypothèse du FESF s’éloignant car trop imprégnée de fédéralisme -  il est décidé que ce bouc émissaire, que chacun à en tête, sera caché : « il n’en sera pas parlé, ni positivement, ni négativement » dit-on dans la conférence de presse qui suit le mini sommet. Que le conflit s’aggrave avec l’élargissement des spreads, et le bouc émissaire tant dissimulé sera désigné  en pleine lumière. Il n’y a donc- malgré les commentaires- que peu de doutes sur la suite des événements, la BCE sera très rapidement amenée – par large consensus – à déclarer qu’elle s’apprête à acheter de la dette souveraine sur les marchés secondaire, et ce sur des quantités illimitées. De quoi combattre efficacement l’incendie, sans le réduire… pour très peu de temps encore…

Car la menace d’intervention illimitée sur les marchés secondaires, ne détruit que partiellement les externalités négatives de la clandestinité. Rien ne dit en effet que les marchés primaires sur la dette souveraine seront apaisés par les interventions de la BCE, le risque étant le maintien de spreads en raison de la méfiance vis-à-vis de la BCE en ce qui concerne la durée de son engagement. Et c’est ainsi, que très spontanément, la BCE sera amenée à déclarer son engagement sur une durée illimitée, après celui d’une quantité illimitée. Engagements lourds correspondants de fait au détournement de l’esprit des textes, mais engagements maintenant encore la clandestinité des passagers du bateau euro.

De fait si chacun restera clandestin en ce qu’il pourra encore bénéficier de la drogue euro, la clandestinité globale sera redistribuée.

A l’interne de chaque pays, les « producteurs de l’universel » gagneront tous, excepté ceux de l’Allemagne, qui maintiendra certes sa clandestinité au niveau des échanges extérieurs, mais la perdra au niveau de la valeur de sa monnaie. C’est dire  que seule l’Allemagne pourra retarder la désignation du bouc émissaire, ses « producteurs de l’universel » ne basculant qu’avec le basculement majoritaire des autres acteurs allemands.

Malheureusement le changement de politique de la BCE, si elle permet de maintenir la zone euro, ne permettra pas le règlement de la question fondamentale : comment faire disparaitre ce par quoi tout a commencé, à savoir les déséquilibres externe majeurs que l’euro a introduit. Car la monétisation maintiendra, voire même aggravera ces déséquilibres, qui en retour exigeront davantage de monétisation. L’hypothèse d’un fédéralisme réel, étant exclue par le fonctionnement normal des marchés politiques, d’une part, et la dévaluation interne étant elle-même exclue pour les mêmes raisons d’autre part, il ne reste plus que la dévaluation externe. Et la seule façon de maintenir un peu de clandestinité (un peu de drogue euro) est de rétablir des monnaies internes uniquement convertibles en euros, lesquels restent la monnaie commune. Seule l’introduction de monnaies internes permettra de rétablir l’équilibre intra zone et donc d’en finir avec les insupportables polarisations génératrices d’une dislocation européenne. Et en soustrayant les monnaies internes du grand marché international, donc de la spéculation, les passagers désormais beaucoup moins clandestins, cesseront de se polluer mutuellement.

En la matière, la meilleure façon de cesser le conflit, et d’en finir avec les externalités négatives que chacun produit, est d’imaginer des taux de change autorisant un relatif équilibre extérieur de chaque Etat. Les passagers de l’euro doivent se respecter, et l’apparition d’un déséquilibre significatif  entre deux pays, doit être corrigé par un changement des parités internes : le plus compétitif prenant en charge une réévaluation, et le moins compétitif prenant en charge une dévaluation. Double mouvement entrainant un rééquilibre. Double mouvement également moral : le plus compétitif doit payer le prix des dommages qu’il inflige, et le moins compétitif devant payer le prix de son improductivité.

Dotée d’un  cadre de fonctionnement passant par une double transformation, celle de la BCE qui monétise et celle de l’euro qui devient monnaie commune, la pérennisation de la zone euro est envisageable. Parce que les passagers clandestins veulent le rester le plus longtemps possible, la probabilité de l’avènement d’un tel monde n’est pas négligeable. Le jeu catastrophique rencontré dans l’habituel dilemme du prisonnier n’est peut-être pas celui que l’histoire européenne rencontrera.

 

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7 novembre 2011 1 07 /11 /novembre /2011 15:37

 

Le présent texte vient commenter les deux schémas construits pour bien comprendre les enjeux notamment européens dans les semaines et mois à venir.

 schema8

 

 

Le premier représente le système monétaire et financier actuel, avec comme fait fondamental , l’indépendance de la banque centrale et le système de banque universelle qui, entre autres, dispose de la maitrise complète du réseau monétaire en tant que bien public fondamental. La capture du bien public – la monnaie et son réseau -par des intérêts privés signifie aussi la captation d’une rente monétaire que les Etats doivent payer. Les budgets publics, surtout en mondialisation, font eux aussi l’objet de vigoureuses empoignades entre les divers groupes sociaux, parmi lesquels  les entrepreneurs politiques, ce qui signifie des équilibres difficiles voire impossibles. La mondialisation, avec les gigantesques déséquilibres extérieurs qu'elle a engendrés, et son corollaire qu'est  la rente monétaire, explique l’essentiel des endettements publics. De ce point de vue, mondialisation et indépendance des banques centrales sont les deux machoires de l'étau dont l'une produit le déficit et l'autre le fait payer pour générer le gigantesque flux de rente.

La réforme proposée- et c’est l’enjeu du second schéma-  fait disparaitre la rente, voire la renverse au détriment du système financier en faisant disparaitre la fiction de la pénurie monétaire.

  schema7

 

 

 

Elle s’articule autour de plusieurs points :

 

1 Il est mis fin à l’indépendance des banques centrales- d’où la flèche entre la banque centrale et le Trésor sur le schéma-  lesquelles ont pour mission de fabriquer des signes monétaires selon les exigences de l’Etat, instance qui reprend le contrôle de l’accumulation et de son orientation globale.

 

2 La capture de la réglementation, et donc la privatisation de la chose publique, est parallèlement freinée par la déprofessionnalisation massive des fonctions politiques, mesure faisant l’objet d’une inscription constitutionnelle. L’équilibre des budgets de fonctionnement, peut aussi bénéficier d’un ancrage constitutionnel au motif que la fin de la rareté monétaire, ne se prolonge d’une surabondance inflationniste : les budgets de fonctionnement  ne peuvent être alimentés par une quelconque « planche à billets ». Il n'est nullement question d'en revenir aux Assignats.

 

3 Les banques se voient privées des facilités de la création monétaire, ce qui signifie pour l’essentiel le nécessaire achat de liquidités à une agence publique de vente de monnaie, laquelle commercialise une partie de la monnaie produite par la banque centrale. Ce que l’on repère dans le schéma par les rubriques « vente de monnaie » et « achat de monnaie par le système bancaire » .

 

4) La rente est "renversée", et ce n’est plus le Trésor qui paie la rente monétaire, mais le système financier qui alimente les budgets publics. Ce que l’on repère dans le schéma par la rubrique « appropriation de la rente monétaire par l’Etat » et la flèche correspondante.

 

5) La banque universelle disparait au profit de 3 structures, dont la première sert à couvrir le réseau, et à le faire fonctionner selon une logique de service public ( les BEM) et les autres à financer le crédit et l’investissement à partir de la création monétaire de la banque centrale , et création monétaire  commercialisée par l’Etat et l’ agence précitée.

 

Cette réforme n’a rien de technique, et se trouve fondamentalement politique : des groupes sociaux vont perdre, et d’autres vont gagner. Et cette nouvelle donne sociale repose toute entière sur la captation/production de monnaie. Les producteurs et les décideurs ne sont plus les mêmes : ce n’est plus le système  bancaire qui vend la monnaie, mais l’Etat. Renversement qui correspond à un bouleversement global de l’ensemble de la société. Sans toutefois la remettre dans son état antérieur à la loi du 3  janvier 1973 en France, et aux lois correspondantes dans nombre d’autres pays (34 banques centrales vont adopter une législation semblable entre 1990 et 2001). C’est que la situation antérieure, correspondait aussi à des marchés politiques, où partout la professionnalisation du politique était la règle avec les biais correspondants. Cela pouvait signifier parfois «  la planche à billets » que le dispositif proposé récuse. Il n’y a donc pas de retour en arrière, mais un monde autorisant les investissements publics massifs de naguère, tout en améliorant aujourd’hui une gestion budgétaire plus responsable et plus équilibrée.

 

Parmi les groupes sociaux gagnants, il faut compter :

 

1 Les salariés qui ne peuvent que bénéficier d’un retour du développement , lui -même autorisé par le caractère massif de l’investissement public et de la mobilisation des facteurs de la production  qui va lui correspondre ( en cette fin d'année l'INSEE nous indique que l'utilisation des  capacités de production ne cessent de baisser en France). Le renversement du contrôle de la monnaie rétablit le long terme, les projets, et la fin de la dictature d’un futur qui s’écrase sur le présent, en raison de la disparition des investissements publics, voire de l’investissement privé lui-même.

 

2 les entrepreneurs de l’économie réelle qui vont bénéficier des externalités nouvelles produites par le nouvel Etat investisseur et « réducteur d’incertitudes » .

 

3 les citoyens qui tout en continuant – fait invariant de toute société- à utiliser la contrainte publique à des fins privées, seront moins handicapés par le lourd tribut payé à l’entrepreneuriat politique, désormais beaucoup moins résistant en raison des nouvelles dispositions constitutionnelles. Ajoutons , fait essentiel, qu’il sont censés ne plus payer la rente au système financier, et au contraire à récupérer la rente inverse que le système financier devra à l’Etat. Ce qui signifie de nouvelles marges de négociations entre citoyens et les nouveaux gestionnaires - les nouveaux politiques - des outils  de la contrainte publique .

 

Parmi les groupes sociaux perdants, il faut compter :

 

1 les entrepreneurs politiques amenés à ne plus pouvoir investir dans une carrière de long terme et à ne plus pouvoir orienter la nature des produits politiques qu’ils vendent vers cette éternelle finalité : reconduction au pouvoir ou conquête du pouvoir.

 

2 Les entrepreneurs de l’économie financière et de l’économie casino , la dette publique n’étant plus la mère nourricière et le point d’appui de la créativité financière . Cela signifie une cure drastique d’amaigrissement des bilans, et la fin des miracles financiers et des rémunérations sans causes.

 

3 Les épargnants et usagers de l’économie casino. Les premiers, sans redevenir victimes de la répression financière du 20ième siècle devront se contenter de produits d’épargne beaucoup plus rustiques et d’une rentabilité plafonnée par la croissance de l’économie réelle. Les seconds, en raison de l’étroitesse nouvelle des terrains de jeux financiers, et de leur extrême surveillance, par des autorités et régulateurs nouveaux et démocratiquement contrôlés , constateront qu’il n’est plus possible de vivre en état d’apesanteur, et feront le douloureux apprentissage de la pratique de l’économie réelle, où valeur ajoutée n’est plus confondue avec « accroissement de la valeur » .

Le passage du schéma 1 au schéma 2 n’a rien de mécanique et les sociétés humaines ne sont pas des machines, ce qui signifie que des réactions suivront la brutale redistribution des positions sur l’échiquier social. En particulier il faut imaginer la fuite, vers d’autres terrains de jeu, des nouveaux perdants, à la recherche d’espaces moins contraignants. D’où la question de l’international.

 

  Car précisément  Le renversement de la rente ne se conçoit idéalement que dans le cadre d'Etats- Nations dont l'ouverture est plus ou moins contrôlée. De ce point de vue le schéma 2 est insuffisant en ce qu'il ne permet pas l'intégration de l'international.

A suivre...

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3 novembre 2011 4 03 /11 /novembre /2011 13:22

 

                          

L’architecture de base de la réforme financière analysée dans notre précédent texte apporte beaucoup, mais laisse sans solutions de très importantes questions.

Les apports solides de l’architecture de base

1 Ce qui semble réglé est le potentiel de croissance et les nouveaux horizons qui peuvent s’ouvrir : la banque centrale sous les ordres du Trésor, et l’Agence France Trésor mutée en « Agence Publique de Vente de Monnaie au Système Bancaire » autorise les investissements massifs dont le pays a besoin  (4OO milliards d’investissements publics et privé auraient été évité en France depuis 1980 selon Delpla et wyploz). En particulier il faut imaginer des investissements publics suffisamment massifs pour remettre en activité nombre de chômeurs et remplir nombre de carnets de commandes trop désertés : Embauches massives, pour remise en état des infrastructures (rail, route, canaux, etc ), pour remise en état du parc de logement, pour la mutation écologique, etc. Massifs investissements publics justifiant la relance de l’investissement privé, avec rapidement le desserrement actif  des contraintes budgétaires : baisse immédiate des dépenses liées au chômage de masse.

2 Ce qui semble également positif est l’émergence progressive d’un monde beaucoup moins soumis aux boursouflures spéculatives. Dans « Sortie de l’euro : en bon ordre ou en mode panique ? » et « Avertissement aux liquidateurs de la zone euro » noua avions insisté sur les grands risques associés à un changement de paradigme monétaire : grand chambardement dans les bilans bancaires avec toutes les conséquences largement imprévisibles d’un effet « aile de papillon » à l’échelle de la planète. L’architecture de base ne promet certes rien, mais elle est prudente en ce qu’elle ne propose pas de changement de paradigme et peut très bien assurer à un euro désormais produit et géré en dehors des aléas de marché un avenir véritable. Sans doute la zone euro restera t’elle « bateau de passagers clandestins », mais désormais les dits passagers, seront infiniment plus responsables en ce qu’ils ne pourront plus se lover dans les délices dangereux du marché. La réforme de la finance  telle que nous l’avons envisagée ne fait plus de la monnaie unique une drogue mais un outil de développement. De quoi sortir de l’euro sans le quitter.

Reste à imaginer les scénarios de l’internationalisation de la réforme de la finance, en nous limitant pour l’essentiel à la zone euro.

Plaçons-nous tout d’abord dans le scénario d’un seul Pays : la France. Avec deux hypothèses possibles : la zone euro ne réagit pas malgré le non respect des règles de la zone, ou à l’inverse les réactions sont possibles et à imaginer.

L’adoption de l’architecture de base par un seul, et l’immobilisme de tous les autres

Dans le premier cas nous sommes en présence d’un scénario idéal, ou presque…

Avec les possibles caractéristiques suivantes : la panique sur les stocks de dettes détenues par les non résidents (un peu plus de 1000 milliards d’euros) est brève puisque la capacité à rembourser devient illimitée, dans le cadre d’un taux de change inchangé en raison du maintien de l’euro. Les dettes des entreprises détenues par des non résidents ne sont pas affectées. Les échanges de biens et services à l’intérieur de la zone non plus. Les bilans bancaires sont peu affectés et seule la rente avec la rémunération de l’épargne se trouve affectée. Faits qui sont aussi la contrepartie d’un taux d’intérêt désormais maitrisé en raison du renversement des règles du jeu. Avec aussi des conséquences positives pour le financement des entreprises désormais libérées d’une contrainte forte.

A ces caractéristiques il convient d’en associer d’autres : compétitivité internationale inchangée, voire dégradée en raison des facilités procurées par de nouveaux débouchés intérieurs largement facilités et impulsés par l’Etat. Les débouchés domestiques devenant larges, l’effort à l’international se trouve moins encouragé. Mais aussi, autre conséquence, début de fuite de l’épargne et de capitaux financiers vers des cieux plus cléments envers la rente. Avec probable délocalisation d’activités que la réforme de la finance voulait en toute hypothèse étrangler : l’ensemble des entreprises casinos. Et même délocalisation de banques, qui à l’étranger peuvent retrouver les délices d’une création monétaire désormais interdite.

Pour autant,  en raison de son aspect libératoire au regard de la loi d’airain de la monnaie, ce scénario ne peut que développer un mouvement mimétique, dont les auteurs sont déjà connus : l’Europe du sud. Ce qui tend à élargir la zone de croissance mais aussi les inconvénients déjà cités. Tant que la croissance procède par réanimation de facteurs de la production non utilisés, les risques de dérapages inflationnistes sont limités. Il faut toutefois signaler- si le courant mimétique est suffisamment puissant et entraine de grands pays : Italie, Espagne etc.- une belle opportunité de dépréciation du taux de change de l’euro en raison des spécificités de sa production, laquelle devient – dans le cadre des présentes croyances monétaires et malgré les précautions prévues dans l’architecture de base – réputée inflationniste. Avec toutes les conséquences en matière de compétitivité nouvelle de la zone, et de possibles réactions chinoise, américaine, etc.

Si la réaction mimétique devait atteindre l’Europe du nord, ce qui est une hypothèse peu réaliste en raison des croyances monétaires dominantes en Allemagne, la zone euro serait métamorphosée, sans doute positivement, et serait internationalement plus compétitive au grand bénéfice de ceux qui l’étaient déjà. Par contre les inégales compétitivités à l’intérieur de la zone demeurent. Elles sont néanmoins relativement plus supportables – mais dans des limites très étroites -  pour les moins compétitifs, qui vont bénéficier d’un taux de change plus favorable dans leurs échanges avec l’extérieur de la zone.

Ce scénario global, qui postule un renversement progressif mais radical des croyances monétaires, est au fond assez optimiste, et le risque réel est plutôt l’hostilité globale, envers ceux des pays qui renoncent à la loi d’airain de la monnaie. D’où un second scénario.

L’adoption de l’architecture de base par un seul…. et l’hostilité des autres…ne change rien...

L’hostilité peut se manifester par des réactions juridiques, voire plus matérielles, difficiles à imaginer, en raison de textes inadaptés à l’hypothèse de la réforme financière envisagée. On peut néanmoins penser, que les pays de la zone déclarent illégal, le renversement des règles du jeu ; en particulier l’abondement du compte du Trésor par la banque centrale pourrait être considéré, à tout le moins,  comme une utilisation abusive des institutions européenne. Dans le cas où le pays – la France dans notre exemple -s’affranchissant de la loi d’airain de la monnaie, se trouverait condamné, il ne resterait plus que l’hypothèse d’une sortie de la zone euro. Les coûts de sortie sont extrêmement élevés, surtout en raison du poids de la dette publique et privée, détenue par les non résidents (1000 milliards d’euros pour la France). Cela signifie à contrario un coût potentiel énorme pour les créanciers…avec la certitude d’un effet domino planétaire, si un défaut intégral était décidé.

Mais Il convient  de se faire plus précis. Si le coût des sanctions infligées par les autres pays est inférieur au coût de sortie de la zone, il est clair que les entrepreneurs politiques du pays, refusant la loi d’airain de la monnaie, décideront de confirmer leurs choix. Ce qui peut entrainer de nouvelles sanctions, dont l’inventaire est évidemment difficile à établir, et sanctions dont le coût finirait par dépasser celui d’une sortie de l’euro. Il faut pourtant bien comprendre, que le choix de la montée des sanctions, et de la sortie est peu vraisemblable, car il devient ruineux pour les entrepreneurs politiques de toute la zone. Nous sommes en effet ici dans une situation qui rappelle l’équilibre de la terreur et de la dissuasion nucléaire. Pousser l’un des membres de la zone vers la sortie, c’est l’obliger à utiliser l’arme suprême se retournant contre l’ensemble de la zone. C’est bien jusqu’ici ce que nous constatons pour un très petit pays : la Grèce. Ainsi les accords de Bruxelles du 26 octobre 2011, sont à la limite du supportable pour les entrepreneurs politiques grecs qui risquent de perdre pied, et une attitude irrespectueuse, voire légère, envers les dits accords reste finalement « comprise », tant les risques sont grands. On se doute que pour un pays comme la France -environ 9 fois le PIB grec- il n’y a plus de risque, mais une certitude d’explosion généralisée, aux conséquences planétaires. On peut donc penser que la logique de l’équilibre de la terreur, rendra fort modérée, l’hostilité de ceux qui souhaitent combattre le renversement du paradigme monétaire.

Equilibre mimétique de la terreur, et prolongation de vie du bateau des passagers clandestins

Le second scénario nous renvoie ainsi au premier : un équilibre mimétique de la terreur se met progressivement en place, avec maintien d’un euro assorti d’un taux de change fortement affaibli. De quoi prolonger un peu plus longtemps le bateau des passagers clandestins. Une prolongation plus durable si le mimétisme se bloque sur l’Allemagne, pays dont les entrepreneurs politiques  ne peuvent être que les derniers à refuser l’architecture de base, voire même la simple monétisation de la dette. La probabilité de voir ainsi l’Allemagne quitter la zone n’est pas négligeable, même si l’addition des avantages du retour au mark – respect des croyances collectives sur la monnaie – est inférieure à celle des coûts associés : gigantesque perte de débouchés pour les entreprises exportatrice, faiblement compensée par des importations moins couteuses. Notons aussi, que l’Allemagne est le pays de la zone dont le passage, de la monnaie unique à l’ancienne monnaie nationale, est le plus aisé : les actifs détenus par les non résidents, ne sont pas menacés comme ils le sont pour un pays périphérique. Le changement de base monétaire n’entrainerait ainsi aucune incontrôlable panique, et son coût technique et politique serait faible. Il pourrait même bénéficier à nombre de résidents  qui empocheraient le potentiel de réévaluation. De quoi faire basculer plus facilement le marché politique allemand vers l’abandon de l’euro.

Il y aurait ainsi effectivement prolongation de la durée de vie du bateau des passagers clandestins en ce que ces derniers cesseraient d’être les victimes, de la sur- compétitivité allemande, ou du mercantilisme monétaire des pays émergents.

Resterait évidement à discuter de scénarios à plus long terme. L’adoption à vaste échelle de l’architecture de base, laisse de côté les inégales productivités, et les déficits massifs des balances de base des plus fragiles. Même entièrement revisitée par la réforme de la finance, la monnaie unique conserve ses défauts de monnaie unique : loin de permettre la résorption des déséquilibres extérieurs, elle ne fait que les aggraver.

A suivre….

 

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28 octobre 2011 5 28 /10 /octobre /2011 09:48

                    

En bloquant toute transformation du FESF en banque appuyée sur la BCE, les entrepreneurs politiques européens limitent encore le risque de monétisation des dettes souveraines et continuent de préférer les ressources publiques, avec il est vrai la contribution des banques au remboursement de la dette. Tel est le sens qu’il faut donner aux décisions du 27 octobre dernier.

Le rôle de la BCE se limitera donc  à l’achat de bonds sur le seul marché secondaire des pays en difficulté. Ces achats sont  devenus non négligeables  (près d’un milliard d’euro par jour au cours de la dernière période) et s’accumulent sur le bilan (170 milliards de dettes souveraine en difficulté).

Au-delà de la technicité apparente , le  compromis obtenu est le fruit de la rencontre entre 2 philosophies monétaires : la loi d’airain de la monnaie a valeur quasi constitutionnelle en Allemagne . Elle ne bénéficie que d’une valeur relative dans la hiérarchie des normes pour la France.

Pour la partie allemande, la volonté de faire payer les banques était en congruence avec celle d’un simple élargissement sans transformation qualitative du FESF : il faut simplement en accroitre sa puissance d’intervention en privilégiant la créativité financière : le rehaussement de crédit, et l’ajout d’investisseurs nouveaux : les véhicules spéciaux.

Pour la partie française, on était prêt, consciemment ou non,  à accroître sans véritable limite le bilan de la banque centrale : il s’agissait donc de protéger les banques : donner de meilleures couleurs à leur bilan et les protéger du défaut, en transformant quantitativement et qualitativement le FESF.

Au regard du compromis obtenu, le point de vue allemand l’emporte magistralement. Mais l’accord ne peut être que fort précaire, en raison de l’énormité des problèmes résultants de l’énormité des endettements publics et privés sur l’ensemble de la zone euro. C’est dire que la partie française n’a pas dit son dernier mot, non par force, mais bien au contraire par faiblesse : les marchés politiques français – mais aussi d’autres pays - finiront par se renverser et bouleverseront les croyances monétaires, probablement dans le sens de ce que nous anticipons dans la « réforme de la finance ».

De ce point de vue, L’Allemagne et ses entrepreneurs politiques, trouvent dans les entrepreneurs politiques chinois, des alliés susceptibles de prolonger l’agonie de la zone euro, et de retarder le probable grand saut vers l’inconnu. Ces mêmes entrepreneurs se feront un cadeau en « portant aide » à l’élargissement du FESF, qui d’une certaine façon, devient partiellement une agence de la dette type «Agence France Trésor ». Il est d’ailleurs amusant de constater que ce FESF en construction,  se trouve en situation d’apprentissage auprès du « Finanzagentur », lequel est l’équivalent allemand de l’AFT. C’est dire que l’on compte bien continuer, grâce à la générosité chinoise, à gérer la dette publique selon son « mode marché » avec  les outils les plus modernes  de la finance traditionnelle..

Le cadeau que les entrepreneurs politiques chinois se font à eux-mêmes est simple à comprendre : outre qu’il est difficile de contester le mercantilisme monétaire d’un généreux investisseur, le dit homme généreux vient surtout prendre des garanties contre un éventuel dérapage de la zone, aboutissant à la monétisation généralisée, et donc à tout le moins, à une dépréciation massive de l’euro. Dépréciation massive sonnant le glas de beaucoup d’exportations chinoises.

Les entrepreneurs politiques chinois n’ont que faire de la loi d’airain de la monnaie. Ils l’ont clairement démontré en 2008 avec un plan de relance pharaonique ( 586 milliards de dollars), plan  largement construit sur création monétaire bancaire et moins par déficit budgétaire. Les chinois savent produire autoritairement de la monnaie pour investir,  quand les européens sollicitent avec peur et timidité le marché. Les croyances monétaires en Chine ne sont pas les mêmes qu’en Europe où un pays- l’Allemagne- veille à l’orthodoxie, et se croit habilitée à punir les incroyants. En bons commerçants, les entrepreneurs politiques chinois savent  se plier aux idéologies locales, comme naguère, où un bon roi avait déclaré que « Paris valait bien une messe ».

 

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