Quand nous parlons d’élections nous parlons de la mère de toutes c’est-à-dire l’élection présidentielle.
2 sortes de problèmes se posent : le contenu du discours d’une part, et la façon dont il est reçu d’autre part. Ces deux problèmes sont maintenant liés : la façon de parler agit sur la réaction des acteurs, mais inversement le comportement des acteurs va rétroagir sur le discours.
S’agissant d’un projet d’abandon de l’euro et de ses effets sur les électeurs, les comportements ne sont certes pas connus ex-ante, mais par contre on connait l’éventail des possibles. Ce dernier passe de l’absence de toute réaction (comportements économiques et sociaux inchangés) à des mouvements de déstabilisation ou de panique (spéculation gigantesque avec toutes ses conséquences en tous domaines)
La connaissance de l’éventail des possibles permet alors la construction de scénarios et de discours associés. A priori, c’est bien évidemment celui qui « contient » (au sens de « containment ») la panique qui doit être valorisé, l’inverse signifiant un échec électoral majeur.
Maintenant la probabilité de l’occurrence de la panique est grande puisque nous sommes dans un espace de rationalité très limitée : l’euro est affaire de religion avec des acteurs ou des prêtres intéressés au développement de la panique.
Le discours portant sur la proposition de la fin de l’euro se doit par conséquent être extrêmement construit….y compris en expliquant les risques de panique qui en seraient les conséquences….avec les outils pratiques censés la contenir.
Expliquer sereinement le probable couple panique/spéculation.
Ce point de vue a déjà été abordé dans le blog et les différents articles qui se sont attachés à le développer montrent que de fait la sortie ne peut se faire que sur le mode panique. Pour autant il faut durant la campagne électorale aborder la question de la sortie comme question à proposer aux partenaires européens. Non pas une question sur l’autorisation qui serait donnée à la France de quitter l’euro système : l’autorisation est juridiquement impossible, mais d’une décision du peuple français. La candidate du Front National doit par conséquent simplement déclarer que si elle est élue, elle entamera les consultations nécessaires afin d’assurer le transfert de souveraineté monétaire selon un mode organisé. Il ne s’agit pas de claquer la porte mais si possible de la refermer en douceur et de passer à d’autres formes de coopération.
Une version plus modérée, celle qui sera sans doute retenue est de déclarer qu’en tant que présidente élue, elle organisera un référendum sur le maintien de la France dans la zone. Cette version plus douce allonge la période dangereuse de transition. Mais une hypothèse réaliste est de considérer que la spéculation commencera dès les résultats de l’élection présidentielle, c’est-à-dire avant le référendum.
C’est la raison pour laquelle il est nécessaire de déclarer au préalable, c’est –à-dire durant la campagne, que si la spéculation et la panique se développent, une utilisation immédiate de l’article 16 de la Constitution de la 5ième République sera décidée. On peut même imaginer que cet Etat d’urgence soit déclaré, avant même l'installation de la présidente, par le biais d’un accord avec le président sortant dont on peut penser qu’il serait soucieux du respect des engagements du nouveau quinquennat.
Sans spéculation entre le résultat de l’élection présidentielle et le référendum, l’utilisation de l’article 16 est néanmoins importante car elle seule permet , aves l’immédiateté nécessaire, de trancher définitivement et placer le reste de la zone , en fait l’Allemagne, face au choix de la liquidation de la monnaie unique ou de son maintien sur une base très rétrécie.
Bien expliquer le mécanisme de l’article 16 comme arme de résistance démocratique
Le scénario de la panique étant infiniment probable, il est fondamental que la candidate du Front National décrive immédiatement les effets à attendre de son probable déclenchement : l’explication de la montée des taux sur la dette souveraine, l’impossible fonctionnement de l’Agence France Trésor, la fuite massive des capitaux et la montée du solde TARGET2, le gel des projets d’investissements, l’insolvabilité brutale du système bancaire français, etc. Chaque évènement de panique anticipée se devra d’être expliqué de façon détaillée….révélant ainsi qu’au moment de son déclenchement les paroles correspondent bien aux faits… et que la violence de l’article 16 est bien justifiée. Bien expliquer les formes de la panique est preuve de compétence.
Et le mécanisme de l’article 16 doit être expliqué de façon précise en particulier les conditions de sa mise en service :« menaces graves et immédiates » qui pèsent sur les institutions de la république, et atteinte au fonctionnement régulier des pouvoirs publics. Il faut aussi en expliquer son extraordinaire portée : pleins pouvoirs du président qui prend « les mesures exigées par les circonstances ». Mais aussi insister sur les limites : consultation préalable du premier ministre, des présidents des deux assemblées et du Conseil Constitutionnel, possibilités d’interventions ultérieure de la part de ce même conseil ou mobilisations de parlementaires, etc. Il faut aussi expliquer le pourquoi de la mobilisation d’un outil fort rarement utilisé : saisie provisoire de la Banque centrale, et du système financier, contrôle des changes, etc. Il faut enfin expliquer que cette mobilisation s’achèvera lorsque le gouvernement nouveau et le parlement, le résultat du référendum étant connu, pourront gérer le fonctionnement normal des institutions. Ce qui peut également signifier le maintien de l’euro si tel devait être le résultat du référendum….
Ce travail fondamental doit se faire parallèlement à celui, tout aussi pédagogique, du pourquoi d’un rétablissement de la souveraineté monétaire.
Expliquer la cause principale du mal vivre ensemble.
En la matière il est essentiel de partir du point de vue des agents qui victimes de l’euro ne se rendent pas compte de l’identité du bourreau. Il faut donc commencer par les problèmes de l’emploi, de la précarisation, de la réduction du périmètre des services publics, du repli communautaire et de la ghettoïsation, etc. Questions qu’il convient de rattacher à une croissance qui n’est disparue que dans la seule zone euro. Des comparaisons avec le reste du monde doivent par conséquent mettre en avant cette étrange spécificité. Il faut ainsi bien expliquer que la croissance disparue, celle qui crée des emplois et des recettes pour l’Etat Providence, est corrélée avec la mise en place de l’euro-zone. Passer beaucoup de temps à détailler tous les liens, les relations de cause à effet, les exemples, etc. sera essentiel à la crédibilité de la candidature.
Il conviendra ensuite de démontrer, de façon rigoureuse et indiscutable, que l’auteur principal des problèmes quotidiens, l’euro, est bien un bourreau.
Expliquer que la zone euro est un bourreau
Ainsi il faudra répondre aux injonctions issues du catéchisme courant (« on ne peut plus être cigale et il faut impérativement devenir fourmis », « nous n’avons plus les moyens », « il faut savoir se serrer la ceinture » etc.) par le fait que la zone vit en dessous de ses moyens et qu’elle fournit une part croissante dans l’épargne mondiale. Chiffres à l’appui, il est essentiel de révéler le plus concrètement possible que les citoyens de la zone sont globalement des fourmis, et que les « sacrifices » imposés par la religion de l’euro sont injustifiés. Ils sont donc bien le fait d’un bourreau.
Expliquer que le bourreau ne peut se métamorphoser en personnage sympathique: l'euro n'est pas réformable.
Plus difficile, mais ô combien essentiel, sera de montrer que le bourreau ne peut pas se transformer en personnage sympathique. Il faudra donc des trésors de pédagogie pour montrer que la croissance ne pourrait revenir que s’il existait un système de transferts à l’intérieur de la zone et que ces transferts sont de fait interdits. Il faut ainsi montrer que l’Allemagne n’est pas un bourreau heureux mais un Etat-Nation qui n’entend pas renoncer aux avantages que la monnaie unique lui à conférée jusqu’ici. C’est sans doute la partie la plus difficile d’une campagne électorale qui se doit d’être la plus honnête et la plus pédagogique possible. Et il faudra, concernant ce sujet, savoir s’entourer des spécialistes reconnus internationalement.
Il faudra enfin montrer qu’il n’y a pas de solution et que le seul effet du fonctionnement de l’euro-système produit une aggravation continue de la crise, avec des effets délétères en termes d’inégalités à l’intérieur des pays et entre pays, en termes de communautarisation et de ghettoïsation. Il faudra ainsi être patient et prendre le temps d’expliquer que tous les mécanismes mis en place depuis le déclenchement de la crise ne sont que des moyens de gagner du temps, et temps qui dans un même mouvement accumule des mégatonnes supplémentaires au profit de l’explosion à venir. Il faut donc bien explique que sortir de l’euro maintenant est préférable à son explosion demain. Parmi les mécanismes mis en place depuis 2009, il faudra insister sur l’émission de liquidités émises par la BCE, bien expliquer qu’il s’agit d’un processus de création ex-nihilo dont les seules fins sont bien le soutien d’un système financier qui lui-même n’est pas en mesure de soutenir l’économie réelle. Bien expliquer cela et de façon très détaillée est important pour mieux comprendre par la suite l’impérieuse nécessité d’en finir avec l’indépendance des banques centrales.
Il est maintenant évident que la campagne électorale ne doit pas transformer l’euro en bouc émissaire et qu’il faudra expliquer que le retour à une meilleure qualité du vivre ensemble suppose des changements importants dont certains pourront être douloureux. La campagne devra donc aussi se décliner en mode projet avec la construction d’un chemin nouveau à emprunter : le vivre ensemble suppose la construction d’un avenir défini comme désir partagé.
(A suivre)