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7 mars 2024 4 07 /03 /mars /2024 18:10

La présente note n’aborde que la question de la réalisation matérielle d’une économie de guerre et laisse de côté les questions et décisions géopolitiques qui y mèneraient. Plus précisément encore,  elle s’intéresse strictement à la question du financement.

D’abord un peu d’histoire.

1 - On sait aujourd’hui que la monnaie métallique s’est progressivement imposée lors de la constitution des Etats premiers voici plusieurs milliers d’années. La monnaie est choisie par le pouvoir en formation et se trouve être moyen de paiement des services de guerriers et en même temps, moyen de règlement des premières ponctions fiscales par les « sujets » du pouvoir, sujets qui deviennent des « endettés ». Ce choix se fait compte tenu des choix des autres Etats en formation. L’or monétaire -  fait politique naissant au terme d’un processus d’essais et d’erreurs-  est historiquement apparu comme moyen ultime de la liquidité et de règlement des dettes.

2 - Quelques milliers d’années plus tard, lors de la première guerre mondiale le même phénomène va se reproduire non plus avec du métal mais avec du papier. Tout d’abord il faudra faire disparaitre le métal en déclarant l’inconvertibilité des billets et donc le cours forcé. Cela sera fait en France dès le lendemain de la déclaration de guerre par la loi du 5 août 1914 qui va introduire le cours forcé des billets et la faculté d’émission de monnaie par la Banque de France, laquelle connait un quasi doublement (passage de 6,8 à 12 milliards de francs). La différence avec la situation créée par la naissance des premiers Etats est de taille : ces derniers furent prisonniers de la rareté de métal (les mines d’or sont naturellement limitées) alors que les Etats désormais solidement implantés peuvent – sans doute après beaucoup d’erreurs au cours des siècles précédents - se permettre une émission potentiellement illimitée de monnaie. A la création de l’illimitation monétaire pourra correspondre un projet d’illimitation de l’industrie et potentiellement illimitation de la guerre elle-même.

 Concrètement dès le mois de septembre 1914, il faudra mobiliser les épouses des soldats et les inviter à produire du matériel de guerre, dans des usines reconverties, et ce au service du front. Le matériel de guerre produit n’est pas une marchandise et se trouve payé par un Etat disposant de moyens monétaires illimités. Economiquement, l’offre globale diminue (les usines fabriquent moins de biens marchands) tandis que la demande globale ne faiblit pas : les revenus, notamment ceux des femmes travaillant dans les usines affectées à la guerre, sont toujours dépensés. Il en résulte logiquement une inflation que l’on essaiera, difficilement, de limiter avec des prélèvements sous forme d’emprunts, notamment emprunts perpétuels assortis de taux d’intérêt incapables de compenser la hausse des prix.

3 -  Aujourd’hui nous sommes dans une situation assez proche de celle des premiers Etats dont les efforts de guerre étaient aussi limités par la rareté du métal précieux. On ne peut passer concrètement à une économie de guerre car nous restons convaincus que nous n’en avons pas les moyens. De ce point de vue les hésitations  du Président de la République française face aux achats sur étagères de stocks d’obus répartis chez des Etats potentiellement vendeurs est intéressant : on est prêt à faire la guerre mais l’argent manque.

La Russie peut encore penser qu’elle est moins limitée en raison de sa maitrise de  l’équivalent des mines d’or des premiers Etats , à savoir ses immenses ressources minières. Son passage en économie de guerre peut donc comme en 1914 en France correspondre à une diminution de l’offre globale. Mais  le marché national peut encore se nourrir, au moins partiellement,  d’une offre étrangère correspondant à une importation (augmentation de 20% des importations entre 2019 et 2023). D’où probablement une inflation plus faible que celle de 1914/1918 en France.  Avec toutefois des limites : la Russie peut-elle accumuler des roupies indiennes illiquides contre du pétrole ?

Illimitation monétaire pour une Europe en guerre ?

Tel n’est pas le cas pour une Europe sans véritable budget central, ses composantes, et en particulier la France, qui en raison de son arrangement institutionnel ne peut se permettre de retrouver la disponibilité illimitée de moyens monétaires pour produire du matériel militaire. Les budgets publics sont déjà très déséquilibrés et il est institutionnellement impossible de ne point en tenir compte. L’euro reste la muselière commune des Etats et la France - prête selon son président à se mobiliser bien davantage-  risque de voir sa note dégradée si son déficit public devait encore s’accroitre pour actionner les usines de guerre. Et il est vrai que son déficit budgétaire exprimé en pourcentage du PIB  risque en 2024 d’être de loin le plus élevé de toute l’Union européenne. Encore grand pays sur le plan militaire, son talon d’Achille reste une finance extraordinairement dégradée.

Fort de ces considérations, quelles sont les stratégies possibles pour construire- face à l’éloignement américain et si telle était la volonté européenne -  une économie de guerre propre à contenir la poussée militaire russe ?

1 -  La première est celle suggérée précédemment, chaque pays tentant de se convertir en économie de guerre. Au-delà d’un accord de coopération très difficile à tenir, nous risquons des disparités gigantesques entre Etats, et seule l’Allemagne, en raison de sa situation toujours très excédentaire, pourrait se risquer à passer en économie de guerre avec un financement très élevé d’entreprises en reconversion vers la fabrication de matériel militaire. Les Etats financièrement très affaissés seraient bien incapables d’alourdir le poids de la dette. Un tel schéma entrainerait d’autres difficultés puisque les facilités de l’achat de matériel américain l’emporteraient sur les coûts de mise en place de la reconversion et de la mobilisation d’un personnel trop rare ( aujourd’hui 68% des achats européens se font déjà au profit d’entreprises d’armement américain). Au-delà l’Allemagne, jusqu’ici très tournée vers la Russie, apparaitrait comme la grande coupable d’un éventuel « containment »  de l’aventure russe.

2 -  La seconde serait  celle de se concentrer sur un achat commun de matériel américain sur la base d’un emprunt européen. Les capacités techniques en la matière sont considérables et permettraient de mobiliser d’énormes moyens militaires. Compte tenu de ce qui reste d’excédents de l’Union Européenne, il serait  encore possible d’emprunter plusieurs milliers de milliards d’euros, permettant de financer annuellement de l’ordre de 300 milliards d’euros de matériel de guerre supplémentaire. Compte tenu des dépenses militaires additionnées des divers pays de l’UE ( plus de 300 milliards d’euros) cela signifierait que le total des dépenses militaires européennes (300 +300= 600) commencerait à se rapprocher de celui des USA ( 886 milliards de dollars).  Cela signifie par conséquent un alignement, à terme, de moyens matériels sur le front ukrainien devant - compte tenu de la supériorité technologique du matériel occidental - faire réfléchir les autorités russes devenues incapables de contenir la puissance occidentale (Les dépenses annuelles deviendraient 5 fois supérieures à celle de la Russie).

Cette solution n’est toutefois pas facilement envisageable et un problème de remboursement de l’emprunt se pose. Si la règle de répartition des charges est celle des PIB, cela signifierait que le poids du service de la dette reposerait essentiellement sur l’Allemagne (probablement plus de 25% du total du service de la dette). De quoi reposer la question de l’Euro, celui des « pays sérieux », sanctionnés, et du « club med » avantagés. De quoi revenir aux années 2010. De quoi, au regard de l’ennemi, mettre en avant une Allemagne devenue ultime responsable d’un éventuel échec russe.

3 -  La troisième, qui ne serait qu’une variation de la seconde consisterait à ne pas glaner le matériel sur les étagères américaines et à se concentrer sur une authentique reconversion des usines européennes. Là encore le choix n’est pas simple et le déséquilibre entre la France et l’Allemagne serait mal vécu : pourquoi l’Allemagne ferait davantage survivre l’économie de guerre française et inversement, pourquoi la France serait moins généreuse vis-à-vis de l’économie de guerre allemande ? De quoi réanimer les vieilles querelles sur les chars, les sous-marins,  et les avions. Ajoutons que le NATO financé à 75% par les USA risquerait lui-aussi de poser quelque problème.

4 -  La quatrième solution serait celle de se débarrasser de l’arrangement institutionnel européen, à savoir mette l’euro hors du circuit de l’économie de guerre et mettre en place une monnaie numérique de banque centrale. Chaque pays serait libre d’imposer à la BCE l’émission monétaire le concernant au titre de sa propre mise en place de son économie de guerre. De quoi retrouver l’illimitation monétaire de 1914. De quoi aussi retrouver le circuit classique du Trésor puisqu’au final la totalité de la monnaie digitale se retrouve au bilan de la banque centrale. Le bilan de la banque centrale se trouve alourdi des dépenses au titre du passage à l’économie de guerre consenti par chaque pays. Bien évidemment, des déséquilibres vont se manifester entre offre globale et demande globale pour chaque pays. Plus un pays se lance dans son économie de guerre et plus le risque inflationniste est élevé. En effet, concrètement des revenus importants seront distribués si les journées de travail s’allongent, si un système de 3X8 se met en place, si des tensions se manifestent sur les intrants, etc. Sans compter tous les effets de redistribution entre toutes les branches d’activité, effets provoqués par l’impact inflationniste. Le passage à une économie de guerre est donc nécessairement coûteux comme il l’était durant le premier conflit mondial.

Un tel système n’est évidemment pas sans inconvénient car il peut donner lieu à des comportements de passager clandestin et inviter les pays à distraire leur monnaie digitale allouée par la banque centrale vers d’autres objectifs en contravention avec, par exemple, les règles du marché unique. De ce point de vue, l’avantage de la monnaie digitale est sa traçabilité et donc la facilité du contrôle du respect des règles du jeu.

Une autre difficulté est évidemment celle des importations d’intrants voire de matériels complets. Soit les entreprises étrangères acceptent un compte en monnaie digitale, soit il faut  accepter la conversion en devises.

Il existe peut-être d’autres stratégies que celles susvisées. Toutefois il nous semble qu’au vu des contraintes d’un euro devenu, hélas, intouchable en raison du climat géopolitique présent, la stratégie de l’adoption d’une monnaie digitale de banque centrale domine les 3 autres.

Finalement, dans le brouillard géopolitique actuel, notons l’apparition d’une certaine ruse de la raison. C’est l’euro qui empêche la construction d’une économie de guerre, mais en même temps c’est ce même euro qui introduirait potentiellement son propre dépassement : la monnaie digitale de banque centrale, une monnaie tant vantée par les dirigeants de la BCE, risquerait  d’introduire à terme le temps de l’après euro.

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7 février 2024 3 07 /02 /février /2024 11:17

 

La note précédente [1], en introduisant la notion du coût de la vie comme élément fondamental dans la compréhension des phénomènes affectant l’agriculture nous a permis de comprendre que le vrai problème de l’Occident et plus particulièrement la France était de voir beaucoup des industries chargées de produire les « biens- salaires » se déplacer dans ce qui était jadis le Tiers-monde. Avec une contre-partie essentielle : l’Occident devient progressivement une immense zone où un revenu non produit se trouve acheteur d’un immense stock de marchandises « biens-salaires » issues du dit ex-Tiers -monde. La France est plus particulièrement exposée au phénomène en raison de son appartenance à une zone monétaire lui assurant un taux de change artificiellement élevé se payant d’un déficit commercial anormalement élevé.

La présente note tentera d’aller plus loin sur les causes de ce que nous avons déjà appelé la construction de territoires incohérents. Non incohérents dans le paradigme libre échangiste des économistes d’aujourd’hui, mais totalement incohérents dans celui des économistes d’hier qui affirmaient haut et fort que le développement est le « noircissement de la matrice des échanges interindustriels » (TEI) de la Nation : on compose la chaîne de valeur qui, elle-même productrice de revenus, permettra d’acheter ce que l’on aura produit. Le tout menant sur le chemin de l’équilibre des échanges extérieurs.

1- le mécontentement du « dernier carré » des agriculteurs français relève de leur impossibilité de rester acteurs d’une  «plus- value relative »[2] dont ils furent historiquement les moteurs centraux. Jadis les gains de productivité de l’agriculture diminuaient le coût de la vie, et permettaient aussi d’offrir de nouveaux débouchés à une classe de « biens-salaires » en continuel enrichissement. En effet les revenus salariaux seront de moins en moins affectés à une nourriture de plus en plus accessible et bon marché (18% aujourd’hui contre plus de 50% en 1950) et de plus en plus affectée à des produits manufacturés devenant de nouveaux « bien-salaires ». Les économistes désignent par « élasticité de substitution », ce phénomène qui, partant de la baisse relative des prix des aliments, vient augmenter la demande des autres « biens- salaires ». Simplement exprimé, c’est aussi parce que la productivité agricole augmente que les débouchés des autres industries chargées de délivrer des « biens salaires » (biens d’équipements ménagers, automobile, santé, éducation, etc.) augmentent. Jadis l’agriculture ne se contentait pas de nourrir les citoyens/salariés, elle nourrissait aussi l’ensemble de l’industrie des « biens-salaires ». La disparition des gains de productivité, voire perte de productivité,  au sein du « dernier carré » des agriculteurs français bloque le système….et autorise l’expulsion de la plupart des activités de confection des « biens salaires » vers le Tiers Monde ou la périphérie de l’Occident[3]. Penser au consommateur français devenu impécunieux exige de rassembler tous les efforts de productivité dans l’ex Tiers-Monde où la valeur de la force de travail reste encore faible. Souvenons-nous, avant même le blocage des gains de productivité agricole, des pénuries de masques, médicaments, etc.

2- Cet affaissement de productivité relève de plusieurs facteurs.

Tout d’abord, la concentration permettant une hausse des rendements est limitée par un facteur relativement fixe, celui des surfaces. Il est très difficile dans l’agriculture de proposer, comme dans l’industrie 4/0 ou l’industrie du numérique, de fonctionner à rendements continuellement croissants   (le coût marginal est rarement nul dans l’agriculture alors qu’il devient quasi courant dans nombre  de branches de l’industrie). Parce que la terre fait l’objet d’une appropriation restée familiale et qu’elle est aussi un mode de vie aux racines anciennes, la concentration est difficile et la surface disponible par exploitation ne peut  s’accroître que modérément (25% entre 2010 et 2020). Dans le même temps, faible concentration d’un côté (élevage par exemple), et monopolisation de l’autre (achat par quelques grandes laiteries par exemple), entraînent des situations contractuelles où  le coût marginal dépasse la recette marginale  (exemple des contrats fixant les quantités et non les prix). La réalité est ainsi souvent celle d’un monopsone.

Un second facteur de la disparition est bien évidemment l’interdit croissant des intrants (engrais, pesticides, molécules diverses) qui généraient les gains de productivité et nourrissaient la «plus- value relative ». D’une certaine façon, ces interdits deviennent, par ricochet, des facteurs d’augmentation du coût de la vie, donc augmentent théoriquement la « valeur de la force de travail » au sens de Marx.

 Un troisième facteur -sans doute très lié au second- est la volonté écologiste de ne plus obtenir de gains de productivité par ponctionnement de la nature et de  la vie en général. On peut ici multiplier les exemples. Le premier est sans doute de constater que le passage à l’agroécologie (haies pour freiner l’érosion et les bioagresseurs, cultures mélangées pour ces mêmes bioagresseurs, cultures sans labour pour l’enrichissement de la matière organique et le stockage du carbone, etc.) maintient les rendements mais supposent de lourds investissements de transition. Le second est la réorientation de la PAC qui, jadis, instance accélératrice de la modernisation et donc productrice de « plus-value relative », est devenue instance partiellement répressive (25% de son montant total est désormais affecté à des conditions de pratiques environnementales sanctionnables). La troisième est sans doute la volonté de limiter drastiquement la production de viande responsable de 13% des émissions de gaz à effet de serre et consommatrice de 65% de la surface des terres agricoles. A ces volontés s’accrochent de nouvelles menaces décourageantes pour les acteurs, voire pour les modes de vie, par exemple la volonté d’entrer en rupture totale avec le remplacement de la viande par des viandes végétales et cultivées…ce qui met en cause les foncements anthropologiques et culturels de nos sociétés.

3- Au total les spécificités productives et la volonté écologique sont responsables de l’émergence de rendements brutalement décroissants, venant en principe augmenter le coût de la vie et, comme dirait Marx, la « valeur de la force de travail ». Grande Distribution et agroalimentaire sont dans la même famille et la bataille autour d’EGAlim 1 et 2, 3 ? ne peut, sauf révolution des règles du jeu, que se terminer par la fin du « dernier carré » et la mondialisation définitive de ceux qui assuraient la circulation des biens alimentaires et leur transformation. La délocalisation des centrales d’achat constitue un bon exemple de cette mondialisation : l’agriculture victime du Titanic espère encore une chaloupe quand ses partenaires échappent totalement au naufrage.  La non-augmentation de la « valeur de la force de travail » occidentale passe par la disparition de plus en plus complète de la plupart des activités liées à la production occidentale des « biens-salaires ». Et la France avec son taux de change négativement inadapté (taux trop élevé) est plus exposée que d’autres, telle l’Allemagne bénéficiant elle d’un taux de change trop faible[4].  Dans cette perspective, ne subsisteraient que les activités de services non délocalisables, en particulier les services à la personne qui eux-mêmes sont rattachés à la catégorie des « biens- salaires » : social, éducation, santé, etc. On pourrait même aller plus loin en délocalisant les bénéficiaires nationaux desdits soins : Aux extrêmes pourquoi ne pas implanter des EHPADS dans l’ex Tiers-monde et bénéficier des services d’un travail moins coûteux ?

4- La solution serait évidemment la prise en charge par la collectivité de l’ensemble de l’agriculture : soit des aides et subventions (prise en charge des coûts de destruction de la nature, des coûts de rétablissement de la qualité des productions et du rétablissement du cadre de vie rural), soit des prix administrés des « biens salaires » agricoles permettant la couverture de tous les coûts et une vie digne pour les agriculteurs. Cette dernière solution supposerait évidemment des droits de douane à hauteur des coûts de rétablissement de la compétitivité. Quelle que soit la solution retenue, nous sommes bien dans un mécanisme d’inversion de « plus-value relative » impulsé par la protection de l’environnement/cadre de vie et le respect de la dignité des agriculteurs. Un coût net supplémentaire doit être réparti entre baisse des « niveaux de vie », baisse de la demande des autres « biens- salaires », et dette publique. On pourrait imaginer des investissements de rupture qui, par magie, permettrait le retour d’une « plus-value relative » avec non plus une diminution des surfaces mais une reconversion et une augmentation consacrée à la récupération de la photosynthèse. Cette dernière qui est le cœur même d’une agriculture captant l’énergie solaire pouvant donner lieu à des produits liés : nourriture, décarbonation de pans entiers de l’économie, énergie, biochimie, biomatériaux, etc…  Hélas, ces innovations exigent des investissements colossaux lesquels imposent un temps trop long.

5- les montants en jeu sont très importants et dépassent de très loin le montant de la PAC : Probablement plusieurs dizaines de milliards d’euros. Ils viennent aussi en concurrence avec des coûts géopolitiques massifs d’un nouveau genre : le passage nécessaire à une économie de guerre.  Deux grandes pistes sont possibles en termes de politique publique : soit le choix du respect des règles du jeu de l’UE, soit le dépassement de ces mêmes règles.

- Le premier choix suppose la prise en charge par la collectivité et donc l’impôt. Au-delà de la PAC actuelle, il faut prévoir un mécanisme de subventions et/ou aide à l’investissement privé, voire investissements publics. Une opération plus facile est  la dérèglementation.  Privilégier l’investissement est évidemment préférable à toute forme de révision règlementaire. Il suffit de comparer les premiers résultats spectaculaires de l’économie américaine qui privilégie l’investissement (cf « l’Inflation Reduction Act ») à ceux très discutables de l’UE qui privilégie le règlement dans son approche globale du respect de l’environnement[5].  Le coût global est d’ordre fiscal et l’impôt finance une production d’aliments nationaux qui vont progressivement se substituer aux aliments importés devenant eux moins compétitifs. Prenons conscience que cette substitution ne sera guère facile car la volonté écologiste de la fiscalité va s’opposer aux gains de productivité : la nature sera davantage protégée au sein d’un ensemble productif d’autant plus difficilement croissant que les importations moins coûteuses resteront présentes.  En attendant la fiscalité supplémentaire déprime l’activité globale (les niveaux de vie baissent du montant de la fiscalité nouvelle) avec effets pervers sur la demande des autres « biens- salaires ». Le choix du respect des règles du jeu de l’UE – en particulier le marché unique- invite, en termes de politique publique à arbitrer entre fiscalité nouvelle et accroissement de la dette publique. Réparer l’agriculture sans casser le marché unique et sans déprimer la demande globale suppose une forte incitation à l’accroissement de la dette publique. L’accroissement continue du périmètre du libre échange par Bruxelles accroit la pression sur les facilités de la dette publique : il vaut mieux, au moins partiellement, s’endetter que de continuer à renforcer la fiscalité à des fins de rétablissement d’une agriculture de plus en plus attaquée par l’ex Tiers-Monde. Arbitrage délicat.

-Le second choix correspond à un vrai dépassement des règles du jeu. Droits de douane, restrictions diverses, et surtout prix administrés en deviennent les outils. Des outils en principe interdits et qui seront dénoncés par tous les acteurs extérieurs au monde agricole. Ils seront aussi dénoncés par l’ensemble de la bureaucratie qui se complait dans les délices de l’abandon de la souveraineté. Pensons par exemple aux autorités administratives indépendantes tel l’office français de la biodiversité (OFB) ou plus encore l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES) qui peut prendre en otage un gouvernement (plan Ecophyto) au nom du respect d’un Etat de droit[6]. L’agroalimentaire réagira et cessera de s’alimenter en intrants agricoles à partir du terroir français. On pourrait à l’infini multiplier les exemples. Et effectivement, on pourrait voir se profiler la « route de la servitude » chère à Hayek. Le problème est pourtant ailleurs. Dans un tel contexte des prix beaucoup plus élevés des produits alimentaires entraînent une ponction de la demande sur toutes les autres branches produisant des « biens-salaires ». Nous sommes plongés dans la question de l’insuffisance de la demande globale de « biens-salaires » en raison d’une baisse des niveaux de vie (« s’alimenter devient trop cher »). La politique publique ici retenue doit prendre en réflexion la « valeur de la force de travail » qui globalement augmente (son coût de reproduction augmente en raison de l’inefficience impulsée par la volonté de protéger la nature et le « dernier carré » d’agriculteurs). Logiquement cela passe par une augmentation des salaires … qui va poser la question de la diminution des marges de toutes les entreprises, en particulier françaises…et va en conséquence poser la question de leur compétitivité tant à l’échelle nationale qu’à l’échelle internationale[7]. Il faudrait que les entreprises produisant les « biens salaires » non agricoles puissent générer des gains de productivité profitant au final aux  salariés selon la logique classique de la « plus-value relative » de Marx, mais elles sont étouffées dans leur volonté de modernisation par la baisse potentielle des marges en particulier en France. La course à la délocalisation ne peut faiblir dans un tel contexte.

Le lecteur averti comprend qu’il faudrait, surtout s’agissant d’une France connaissant un déficit extérieur catastrophique, retrouver des marges à l’international par baisse du taux de change. Hausse des marges à l’exportation et restauration de marges nationales à l’importation. Ce qui pose évidemment la question de la monnaie qui ne peut plus être une simple marchandise assortie d’un prix de marché mais qui doit retrouver un statut de variable politique. La monnaie devient, comme jadis, affaire de politique publique.

6- Au terme de notre réflexion il apparait évident que la crise agricole dépasse de très loin sa seule dimension rurale. Son affrontement pose celle du choix de politique publique à retenir : politique publique à l’intérieur des règles du jeu du globalisme et en particulier de l’UE, ou bien politique publique de rupture consacrant le retour à l’Etat organisateur ? En terme d’efficience Il apparait évident que la stratégie  de rupture domine celui de la continuité. Pour autant cette stratégie est aussi celle qui développerait la probable fin de la monnaie unique, une stratégie ne devenant réellement dominante que dans un contexte beaucoup plus global et très difficile à décrire.

7- Face à un tel risque qu’aucun acteur politique n’est aujourd’hui prêt à prendre, la stratégie de prise en charge par l’impôt sera, le plus longtemps possible, conservée. A l’inverse de celle de la rupture, elle ne saurait entrainer le rétablissement massif de la production et la fin de l’incohérence des territoires avec les effets catastrophiques de l’entretien d’un monde où l’on prend l’habitude de dépenser un revenu qui n’est pas produit. Une habitude aux risques géopolitiques majeurs. Notons aussi que cette stratégie est aussi plutôt le choix de la dette que celui de la production. Penser pouvoir trouver une solution à la question de l’agriculture sans toucher aux règles du jeu accroit la pression sur une dette abyssale qu’il faut pourtant encore augmenter. C’est dire aussi que ce choix augmente mécaniquement la part de marché de la finance dans le total du PIB. Clairement, la dette publique augmentant avec les risques associés, suppose l’apparition de nouveaux produits de couverture porteurs d’opportunités pour la finance…donc de nouveaux débouchés…Plus clairement encore la dette est très difficilement remboursable dans la mesure où le capital qu’elle génère n’est pas productif [8]: on ne peut attendre de la valeur nouvelle à partir d’une simple réparation.

S’agissant de la France les économistes continueront, de façon abracadabrantesque, à évoquer les dangers de la dette alors que le véritable problème du pays est d’abord son incapacité à produire, incapacité tristement lisible dans sa balance commerciale.  

Ce qu’il faut retenir 

1-La crise de l’agriculture ne peut être étudiée en dehors d’un contexte global notamment celui évacuant le double ordre macroéconomique et macropolitique dans lequel les acteurs  déploient leur activité. Le problème est ainsi moins l’agriculture que le contexte lui-même.

2-L’agriculture est productrice du premier « bien-salaire » générateur de la valeur de la force de travail. Elle en fixe les modalités de déploiement de tous les autres « biens salaires » et participe à la construction du rendement de toutes les activités.

3-La crise agricole correspond aux exigences d’acteurs jusqu’ici négligés et qu’il convient de compenser et rémunérer : la nature et les modes de vie. Ce double rattachement est un contexte difficile pour le déploiement rapide d’investissements/innovations de rupture permettant un retour massif de gains de productivité. La crise agricole est donc un affaissement durable de la productivité.

4-Une première stratégie de réponse est celle s’inscrivant dans le respect des règles du jeu de l’UE et de la mondialisation. Elle est fiscalement coûteuse et développe des effets pervers tel un accroissement de la dette publique dont la partie non remboursable augmente en raison de la nature de la crise.

5-Une seconde stratégie de réponse s’affranchit des règles du jeu de l’UE et de la mondialisation et consacre le retour vers un Etat stratège et organisateur. Cette seconde stratégie domine la première en termes d’efficience. Elle suppose une rupture sur les marchés politiques laquelle reste peu probable en raison des risques associés. Cela nous renvoie au choix très probable de la première stratégie.

6-La voie de l’augmentation des parts de marché de la finance dans le total du PIB reste l’horizon dangereux  et indépassable de notre temps. Comme si s’extirper des questions environnetales avait pour prix l’inéluctabilité de l’aliénation financière.


[1] http://www.lacrisedesannees2010.com/2024/02/crise-agricole-moins-bavarder-er-davantage-reflechir-partie-1.html.

[3] Cette « expulsion » est directement lisible pour la seule production d’aliments à partir d’une carte du ciel. Sans donner de date, Luc Vernet de « Farm Europe » précise dans les Echos du 5 février 2024 que L’UE a perdu 10 millions d’hectares de terre agricole, tandis que la déforestation dans le monde pour produire nos aliments concernait une surface équivalente. D’où notre conclusion : l’Occident délocalise toujours davantage la reproduction de sa force de travail dans l’ex Tiers-monde.

[4] D’où une crise agricole en Allemagne n’ayant pas la même profondeur que la crise agricole française. Bien évidemment il n’y a pas que le taux de change qui permet à l’agriculture allemande de rattraper la France. Il y a aussi la taille des exploitations laissées par la RDA ou les rémunérations plus faibles accordées aux immigrés.

[5] De ce point de vue on constate un véritable décrochage de l’Europe. Sur une vingtaine d’années la productivité par tête aux USA augmente de 43% tandis que celle de l’UE n’augmente que de 10%.  Précisons que le "Net Zero Industry Act" que l'Europe vient d'adopter ne permettra pas le déploiement de fonds massifs. Il est clair qu’à ces questions se mêlent des questions de politiques monétaires permettant aux USA une gigantesque dette publique que la construction boiteuse de la monnaie unique européenne ne peut autoriser.

[6] Cf la polémique engagée dans la Tribune « du Monde » des 4 et 5 février 2024.

[7][7] Les marges des entreprises françaises sont beaucoup plus faibles que les marges des entreprises allemandes et cela reste vrai avec la crise énergétique qui frappe plus clairement l’Allemagne. Ainsi pour 2022 le taux de marge en Allemagne ( excédent brut d’exploitation / valeur ajoutée) restait supérieur à 39%, tandis que les françaises ne dépassaient pas les 32%. Là encore le caractère inadapté des taux de change est la cause principale du problème.

[8] http://www.lacrisedesannees2010.com/2024/01/construire-la-colonne-vertebrale-d-une-france-renaissante.html

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1 février 2024 4 01 /02 /février /2024 10:57

La présente note tente de proposer une grille de lecture intelligible de la multitude des faits qui accablent le monde agricole.

Depuis la nuit des temps, l’agriculture est une activité nécessaire à la conservation/reconstitution de la vie. Dans le monde moderne, point n’est besoin d’être économiste pour se rendre compte que cette conservation de la vie se déroule en dépensant tout ou partie de ce qu’on appelle un salaire dans ce qui est devenu la grande distribution, elle-même ravitaillée pour partie par le monde agricole. Plus les prix des produits de l’agriculture sont élevés et plus le coût de la vie est élevé et inversement plus les prix des produits agricoles sont bas et plus le coût de la vie est faible.

Logiquement,  si l’agriculture développe des gains de productivité, ce coût de la vie doit baisser. C’est ce que la France a bien connu au cours du siècle précédent avec une modernisation spectaculaire de son agriculture. Le prix des produits agricoles baissant ou augmentant plus faiblement que les salaires, il devait en résulter ce que simplement on appelle une hausse des niveaux de vie et l’avènement de l’immense classe moyenne qui devait caractériser la seconde partie du vingtième siècle.

Marx et les « biens salaires»… produits par les agriculteurs

Marx, très grand interprète des règles du jeu du capitalisme, parlait de partage de la « plus-value relative » impulsée par la productivité. Dans son langage, si les biens de consommation – ce qu’il appelle les « biens salaires » - achetés avec les revenus distribués par les capitalistes voient leur valeur diminuer en raison de gains de productivité dans l’activité agricole, il doit en résulter logiquement une diminution des salaires, baisse résultant elle-même de la baisse du coût de la vie. Concrètement et simplement, si une vie de salarié est reproduite journellement par un kilogramme de pain et que le prix du pain diminue de moitié en conséquence d’un doublement des rendements agricoles, le coût de la vie est également divisé par 2 et donc le salaire peut lui-même être divisé par 2. Dans cette circonstance, les capitalistes récupèrent la totalité des gains de productivité, ce que Marx appelait la « plus-value relative », celle dépendant des gains de productivité donc de la « dévalorisation » des « biens salaires ». Si maintenant les salariés réussissent à maintenir le niveau de salaire, ces mêmes salariés empochent les gains de productivité. Dans un tel contexte, la lutte des classes au sens de Marx est aussi un combat autour du partage des gains de productivité. Bien sûr Marx emploie un langage beaucoup plus sophistiqué pour les besoins de ses démonstrations, mais il nous faut reconnaitre qu’il fût le grand théoricien de ce que lui-même appelait « l’embourgeoisement de la classe ouvrière », phénomène imaginé avec près d’un siècle d’avance sur la réalité. Un phénomène qui va progressivement se transformer et dont la configuration actuelle est elle-même appelée à se transformer.

Les transformations historiques de la  « plus-value relative ».

1 – Historiquement, il y a eu effectivement partage des gains de productivité et il en est résulté une première approche dans l’édification d’une immense classe moyenne. Globalement, les budgets consacrés à l’alimentation - ceux consacrés à l’achat de marchandises agricoles- vont régulièrement diminuer (18% aujourd’hui contre 31% en 1962 et plus de 50% en 1950). En contre partie ils vont laisser la place à de nouveaux biens, lesquels vont socialement devenir de nouveaux « biens salaires » au sens de Marx : logement, équipement ménager, téléphone, etc. Ces mêmes biens vont logiquement eux-mêmes bénéficier de gains de productivité à partager entre capitalistes et salariés.

2 - Les salariés pouvant désormais arbitrer entre divers « biens salaires » vont devenir de plus en plus exigeants et vont s’intéresser aux prix de ces premiers « biens salaires » que sont les produits de l’agriculture. Ils seront en cela aidés par la grande distribution qui fera pression pour une accélération des gains de productivité. Les agriculteurs doivent être compétitifs comme tous les acteurs de la vie économique. Déjà, des relations asymétriques entre entreprises agricoles nombreuses et grande distribution ou firmes agroalimentaires oligopolistiques vont se nouer. La pression sur les prix imposera une accélération de la modernisation de l’agriculture.

3 - La mondialisation permettra une accélération massive de la construction d’une « plus-value relative » d’un nouveau type. D’abord les entreprises pourront travailler dans des zones où la « valeur de la force de travail » est plus faible (le coût de la vie est plus faible en Asie, en Afrique, etc.). Si les biens fabriqués dans ces zones sont aussi des « biens salaires », il pourra en résulter une baisse de la valeur de la force de travail en Occident : les biens en question permettront de diminuer davantage le coût de la vie et la grande distribution et les firmes agroalimentaires s’y emploieront. De quoi comprendre les armadas d’acheteurs en route vers l’Asie…De quoi comprendre ce que naguère on appelait le grand accord entre WalMart et le parti communiste chinois…. Ce n’est plus WalMart et ses fournisseurs américains qui reproduiront la force de travail américaine mais des entreprises chinoises sur le sol chinois.

4 - Cette baisse de la valeur de la force de travail ne pourra plus nourrir, aussi facilement que par le passé, le partage des gains de productivité. C’est que la désindustrialisation fragilise la condition salariale et engendre un chômage qui pourra être plus ou moins masqué par le maintien d’un Etat-Providence qui lui aussi se trouve être le support d’une partie du coût de la vie. Ce qu’on appelle économie sociale se développe sans gains de productivité et le coût de la vie ne peut diminuer que par des importations massives en provenance du sud. Ce qui se met en place est la possible naissance de vastes zones de l’ex -Tiers monde chargées de la reproduction de la force de travail de l’Occident et, en particulier de la France qui se désindustrialise plus rapidement qu’ailleurs. En contrepartie de vastes zones de l’Occident et en particulier de la France deviennent des espaces où un revenu se dépense sans y avoir été produit. C’est par exemple le cas des espaces privilégiés occupés par des retraités ou inactifs dans le sud de la France… Des incohérences de territoires qui vont se multiplier…

5 - Les usines fabriquant les « biens salaires » disparaissent et se reconstruisent à la périphérie de l’Occident. Dans ce dernier monde et tout particulièrement en France, nous n’aurons plus que des entreprises de logistiques (les bien salaires produits à la périphérie doivent être distribués et nourrir le centre). Ainsi les entrepôts « Amazon » peuvent se développer sur les friches industrielles. A ces entreprises il faudra encore ajouter les entreprises agricoles jusqu’ici non délocalisées qui tenteront - fouettées par la grande distribution et les firmes agroalimentaires- d’apporter leur contribution à la baisse du coût de la vie. Le dernier ajout qui permettra de photographier le nouveau paysage est bien évidemment le maintien d’un Etat social très endetté. Bien évidemment tout ce qui n’est pas « biens salaires » peut encore subsister, notamment les industries de biens d’équipement, les industries de l’armement et toutes celles très nombreuses encore qui, techniquement, s’articulent à ces dernières.

6 - Mais la mondialisation est exigeante en termes de libéralisation des échanges et les traités de libre échange ne peuvent que se multiplier (plus de 40 par la seule UE) pour offrir des débouchés aux entreprises, soit celles restées dans le centre, soit celles déjà délocalisées et qui souhaitent voir croître leur part de marché dans le monde. L’UE est l’archétype de ce modèle et invente la concurrence libre et non faussée. Jusqu’ici l’agriculture n’était pas encore délocalisable comme l’était le capital industriel. Le facteur de production terre/environnement devait rester attaché à son antique espace national. Parce que les traités de libre échange se doivent être globaux et concernent toutes les marchandises, l’agriculture ne peut en être exclue. Cette dernière devra donc se soumettre et accepter que le coût de la vie au centre soit de plus en plus assuré par des firmes agricoles lointaines. La poursuite de l’éventuelle  baisse du coût de la vie doit se payer par une masse toujours croissante de biens salaires importée. Et le renard est entré dans le poulailler car les agricultures du centre se font concurrence et utilisent les outils de l’UE pour s’entredévorer : l’agriculture française est mangée par l’Espagnole ou celle de la Pologne, etc. Ce qui entretient le processus de dévalorisation de la force de travail. Il y a beaucoup plus que des chaussures, vêtements, jouets, appareils électroménagers, etc. qui doivent être importés. Il y a désormais à importer tous les produits agricoles qui étaient historiquement les premiers « biens salaires » : fruits, légumes, viandes, poisson, produits laitiers, etc.

7 - Aujourd’hui, nous sommes avec les questions liées au climat et à l’environnement arrivés au bout de la grande aventure consistant à faire produire à l’étranger la quasi-totalité des « biens salaires » consommés par les vieux Etats-Nations au premier desquels on trouve la France dont on vantait naguère l’excellence agricole. Non seulement l’agriculture européenne se doit d’être asservie par les règles du jeu du capitalisme mondialisé, mais elle est menacée de disparition par les règles concernant la protection du climat et de l’environnement. La course aux gains de productivité est certes désormais bloquée par la foule des règlements et normes concernant les intrants de la production, mais surtout par l’imposition d’un recul des surfaces autorisées à la culture ou l’élevage. Jadis le capital industriel délocalisé laissait à l’état d’abandon des friches industrielles. Aujourd’hui l’agriculture en délocalisation va laisser des jachères. Il ne restera plus que les traces des lieux où naguère la conservation/ reconstitution de la vie se déroulait.

8 - Ce grand mouvement est aussi la fin des classes moyennes protégées par le  capitalisme autocentré et efficient de la fin du vingtième siècle. Les « biens salaires » agricoles ou industriels majoritairement issus de la périphérie continuent de se dévaloriser au rythme des innovations et de la productivité. La concurrence en fait gonfler la quantité et la perte de valeur est surcompensée par des besoins artificiellement créés. La société de consommation devient hégémonique au sein de territoires où des revenus jamais produits et chargés de dettes sont « magiquement » dépensés. Il en résulte une disparition de la plus-value relative tandis que l’Etat social resté exigeant n’est plus finançable que par de la dette publique.

9 - Bien évidemment, ce grand mouvement aux conséquences géopolitiques majeures doit être arrêté et cela confirme bien les conclusions de nos précédents articles. Il sera toutefois très difficile de protéger l’agriculture. S’agissant de l’UE telle qu’elle est, on ne voit pas comment il serait possible de ne plus inclure l’agriculture dans les grands traités de libre-échange. Les avantages compétitifs de la périphérie de l’Occident sont bien évidemment concentrés dans  une agriculture où les taux de salaire et les normes sont très avantageux. Et c’est ainsi qu’au nom de la rationalité économique, l’Occident continuera probablement de confier la gestion du coût de la reproduction de sa force de travail dans les espaces que naguère il avait colonisé : Un libre échange où la baisse de la valeur de la force de travail continuera  d’être l’objectif probablement inconscient de ses promoteurs. Pourquoi, continuera t-on de proclamer, renoncerait-on à faire bénéficier le consommateur de prix à l’importation avantageux ? Pour la France le prix de cette rationalité stupidement économiciste sera plus élevé qu’ailleurs en raison de l’abandon complet de ce qui faisait une partie de son excellence.

10 - N’allons pas plus loin et laissons le lecteur se reporter à nos articles[1] des 1/1/2024 et 12/1/2024.  Toute politique économique sérieuse doit se pencher sur la construction d’un équilibre des comptes extérieurs. Et cela passe par ce qu’on appelait la « colonne vertébrale » de la reconstruction. Bonne relecture de ces deux articles.

 

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27 janvier 2024 6 27 /01 /janvier /2024 10:30

Des informations et faits nouveaux justifient la republication de notre texte en date du 1/10/2023).. Entre la dette et le climat il faudra effectivement choisir et être sérieux. On pourrait ajouter qu'il faudra aussi choisir sériusement entre la dette et l'UE...

En 2022 l'Institut de l'Economie pour le climat (14 CE) nous précise que les investissements climat ont franchi le cap des 100 milliards d'euros et que 2023 serait encore une année de hausse...toutefois fortement entravée par la hausse du cout du crédit et le renchérissement du cout des projets. Le même institut précise qu'il faudrait dans ce contexte, pourtant plus difficile, investir beaucoup plus au cours des prochaines années: au moins 58 milliards d'euros supplémentaires. Or ces investissements sont appuyés sur une partie publique de moyens financiers à hauteur d'un tiers. Le déficit budgétaire pour l'année 2023 dépasse les prévisions de 2 milliards d'euros et les réductions de dépenses pour 2025 (12 milliards de prévus) devront être renforcées. La conclusion est que le financement de la transition est rigoureusement impossible...sauf à changer complètement de modèle.

Le modèle de la dette interdit la protection du climat mais il interdit aussi tout passage à une économie de guerre pour soutenir l'Ukraine. L'Allemagne s'oppose au renouvellement de la "facilité européenne de paix" qui permettait un financement européen d'une partie des dépenses militaires ( achat de matériel neuf pour compenser les stocks partis vers l'Ukraine). La même Allemagne s'oppose à tout mécanisme de soutien collectif au profit de ce même pays. C'est dire qu'il n'y aura pas de commandes européennes groupées pourtant nécessaires pour justifier le financement des investissements dans l'industrie de l'armement. Les banques refusent tout crédit nouveau aux entreprises productrices de matériel militaire sans appui public, ce qui empêche le passage concret à une économie de guerre. Parce que l'Allemagne bloque, nous allons tenter d'utiliser les fonds de livret A, sans percevoir les effets d'éviction évidents sur le marché de l'immobilier....

Entre la dette, l'Europe et l'aide à l'Ukraine il faudra choisir. Hélas la configuration des marchés politiques ne permettra pas de choix rationnel et l'industrie financière restera encore, au moins à court terme, la gagnante des décisions prises: nous continuerons à parler de la dette.

Notre texte publié le 1/10/2023 reste d'actualité. Bonne lecture. 

 

Les débats budgétaires révèlent les énormes difficultés du pays : coûteux réarmement, coûteuses mises à niveau des infrastructures sanitaires, coûteuses mises à niveau des infrastructures énergétiques, etc.. et déjà la perspective d’un appel  à l’endettement public de plus de 285 milliards d’euros pour la prochaine année budgétaire. Une somme qu’il faut comparer avec des recettes attendues de l’ordre de 375 milliards d’euros. Observons que dans un tel contexte les dépenses au titre de l’environnement et du climat seraient de l’ordre de 7 milliards tandis que les besoins au titre d’un respect des contraintes de l’environnement se montent selon le rapport Pisani Ferry à 66 milliards…

Cet écart entre besoins et moyens ne concerne pas que la France. Sa levée repose sur un dogme, celui de disponibilités financières qui ne se conçoivent que dans le cadre de l’émission d’un actif devenant créance de celui qui en est propriétaire. Clairement, on accroit un stock de nouveaux ou anciens endettés et de nouveaux ou anciens créanciers.

La dette, outil inapproprié pour protéger un bien commun.

Cette pratique, reliant par contrat endettés et créanciers, est légitime dans le cadre de relations entre personnes privées. On ne peut en effet imaginer – en dehors de relations strictement personnelles et extra-économiques - qu’un acteur puisse financer un autre sans une reconnaissance de dette. De ce point de vue, même une action est une dette de l’entreprise vis-à-vis de son propriétaire. Simplement, elle peut être de nulle valeur en cas de mauvaises affaires et dans cette circonstance, selon le langage des professionnels, on dira que les « capitaux propres sont mangés ». 

Mais cette pratique n’est pas légitime pour la gestion de ce qu’on appelle les biens communs à reconstruire. En effet, si la température de la planète est un bien collectif à préserver, on voit mal des dépenses de simple préservation être assurées par des créanciers qui, au-delà du remboursement du titre acquis, exigent également une rémunération du capital investi. Clairement, les investissements au titre de l’environnement ne sont pas du capital créant de la valeur. Ils sont simplement du capital qui n’en détruit pas. Ils ne peuvent donc pas être financés par de la dette classique, celle qui relie investisseurs et créanciers dans le cadre de contrats classiques entre personnes privées –entreprises émettant des titres- ou entre personnes publiques et personnes privées (Etat émettant des titres publics). De ce point de vue, les 7 milliards de dépenses prévues au titre de l’environnement ne peuvent être légitimement dépensés à partir de la nouvelle dette anticipée au titre de l’année 2024

Comment mobiliser du capital sans dette ?

Il faut donc imaginer des émissions de capital sans dette, c’est-à-dire l’équivalent d’un don. La pratique de l’évergétisme relevant d’une autre époque, il faut donc imaginer non pas des dons de capital par des personnes privées mais des dons  de la part de la collectivité. Clairement, mobiliser des moyens concrets au profit de l’environnement suppose aussi une mobilisation concrète de moyens financiers qui ne soient pas de la dette. Même une obligation perpétuelle reste une dette à honorer et le temps n’est plus où cette dernière pouvait - comme naguère aux Pays-Bas - financer la protection des sols par des digues anti-inondations. Face à la question posée : la réponse qui vient à l’esprit est donc simple : la voie de l’impôt serait l’unique solution. Cette voie est pour autant largement impensable en raison de la concurrence fiscale entre Etats soumis aux contraintes de la mondialisation….même finissante.  De ce point de vue, les sociétés occidentales simplement peuplées d’individus déliés sont plus mal loties que la Grèce antique ou Rome qui -elles aussi démunies sur le plan fiscal-  bénéficiaient d’un évergétisme impensable chez nous aujourd’hui. Par exemple la générosité de Total Energie, avec son prix maximal de 1,99 euros pour le sans plomb, n’a rien à voir avec le Ptolémée III du troisième siècle av. JC. Elle se trouve même en être le contraire.

Une création monétaire non inflationniste et protégeant un bien commun

 Au-delà d’une fiscalité impraticable, la meilleure solution aujourd’hui est tout simplement la création monétaire, non pas celle des banques qui n’est qu’une dette mais celle de la banque centrale mobilisée par son Etat.

Concrètement, la Banque de France est invitée à créditer le compte du Trésor par une inscription à son passif. Afin d’éviter une centralisation dangereuse, on peut même imaginer un compte spécial de la banque de France au profit de chaque banque, compte figurant à l’actif de ces dernières et compte fléché au profit du seul environnement. Seuls les dossiers solides en matière d’environnement seraient susceptibles de financement sans dette, soit par l’Etat (compte du Trésor à la banque centrale), soit par les banques (leur compte spécial à la banque centrale). Il s’agirait par conséquent d’une subvention spéciale « climat » ou « environnement ». Bien évidemment, au terme du processus la richesse réelle n’augmente guère et se trouve en théorie simplement préservée : le bien commun climat ou environnement est protégé.  Toutefois en termes de PIB, tel qu’il est calculé aujourd’hui (somme de valeurs ajoutées), il y aurait croissance comptable : protéger le climat ou l’environnement est, bêtement, une valeur ajoutée au sens simplement comptable. Cela signifie qu’au final  l’émission monétaire sans dette ne déboucherait sur aucune inflation spécifique.

Reste le grand problème de l’acceptation d’un tel dispositif par les autorités européennes. Posons simplement la question du choix entre survie de l’humanité et dette.

 

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15 janvier 2024 1 15 /01 /janvier /2024 07:48

Notre texte[1] publié le 31 décembre dernier comportait un point essentiel : abandonner la voie sans issue de l’éternelle surveillance permanente des budgets publics au profit de la surveillance constructive de l’équilibre des comptes extérieurs. Cela passait par des renversements ambitieux : la fin de la domination des banques centrales et le retour des Trésors comme entités autonomes et motrices d’une reconstruction. Cela passait aussi par la fin du paradigme de la compétition interétatique à celle de la coopération.

Ce texte était aussi le point d’aboutissement d’une série d’autres articles insistant sur les points suivants : la montagne vertigineuse des nouveaux enjeux qui se portent à l’échelle du monde, donc aussi à la civilisation occidentale et à la France en particulier[2] ; l’impossibilité radicale d’y faire face en perennisant une  logique « d’overdose » d’endettement classique[3]; l’urgente nécessité de dé financiariser nombre d’activités ; avec au final la nécessité de passer, au moins à l’intérieur de l’UE, d’une architecture institutionnelle porteuse d’un affaissement des nations à celle d’une association d’Etats souverains démocratiques[4].

Le présent papier apporte un complément sur l’importance d’une révision radicale de la gestion budgétaire dont nous disions qu’elle devait quitter le champ de l’idéologie de la dette.

1 La gestion budgétaire dans l’ancien fordisme.

 A l’époque du fordisme classique la gestion du budget ne portait que fort peu sur l’aide à la  compétitivité des entreprises. Au-delà des grandes infrastructures construites par l’Etat, ce dernier s’intéressait moins à la qualité de l’offre globale qu’à la quantité de la demande globale. Parce que nourrie par des gains de productivité très élevés (de l’ordre de 5% l’an) l’offre globale était en quelque sorte naturellement compétitive. Le cas échéant la souveraineté sur le taux de change pouvait l’y aider. Par contre il fallait assurer le déversement des grains de productivité en garantissant la demande globale. La construction d’un immense Etat Providence fut ainsi une assurance de débouchés avec pour effet ultime l’édification d’une immense classe moyenne[5]. Nous sommes dans ce qu’on appelait, il y a bien longtemps, les trente glorieuses…

2 La gestion budgétaire dans le nouveau monde.

 Sans revenir sur le pourquoi et les détails de l’édification du mondialisme dont l’UE devait en être le modèle réduit le plus parfait, il est clair que la gestion budgétaire allait changer de manière radicale. Désormais les Etats ne sont plus des aménageurs d’une demande globale qu’il faut développer, mais des contributeurs d’une offre globale compétitive. Et l’UE avec la monnaie unique va devoir devenir très sourcilleuse sur la bonne  gestion budgétaire. Le déficit public, qui naguère s’évanouissait par une fiscalité elle-même nourrie par la très forte croissance engendrée par les gains de productivité, devient l’objet d’une surveillance accrue. Il est apprécié en ce qu’il nourrit la finance (les bons du Trésor sont la matière première indispensable de la multitude des contrats financiers[6]) mais il n’est réellement et durablement toléré que s’il s’inscrit dans des limites raisonnables[7] et repose sur une baisse des prélèvements obligatoires. Par contre il n’est guère apprécié s’il repose sur la hausse de la dépense publique, laquelle vient concurrencer des activités privatisables et financiarisables. Propos qui méritent quelques explications.

Parce que dans la mondialisation, et plus encore dans l’UE, il n’y a plus de frontières il faut se révéler compétitif. Il n’y a plus à nourrir une demande globale qui risquerait de se manifester par un supplément d’importations et de chômage. Il y a à contribuer à la musculation des entreprises et donc concourir à une politique dite d’offre compétitive.

        - Compétitivité par baisse de la pression fiscale

Une façon de procéder est bien évidemment la baisse de la pression fiscale, laquelle augmente directement les marges et au final la rentabilité globale. De ce point de vue les Etats qui ont perdu leurs frontières maintiennent encore la distinction entre  un « dedans » et un « dehors », ce qui entraine leur mise en concurrence dans la course à la baisse de la pression fiscale. La concurrence entre les entreprises est aussi une course aux fins d’amaigrissement des Etats. Et de ce point de vue la bataille est rude pour empêcher une cartellisation des Etats lesquels verraient possiblement un intérêt à ce que, par exemple, les bénéfices soient imposés proportionnellement à l’endroit où les ventes sont réalisées. De ce point de vue le Cartel du pétrole (OPEP) est plus facile à réaliser que celui de la fiscalité. Et mêmes les tentatives européennes nouvelle (emprunt européen) ne sont pas des « moments hamiltoniens ». La cartellisation des Etats est d’autant plus difficile qu’il y a désormais libre circulation du capital, ce qui met en concurrence près de 200 Etats travaillés par une industrie de la finance employant plusieurs milliers d’avocats, comptables, consultants, tournés vers l’aide des plus fortunés et des moins scrupuleux.

Dans ce contexte l’Etat français n’a pas cherché à cartelliser et s’est plié à la nouvelle logique : baisse des impôts sur les bénéfices, baisse des impôts de production, affaissement de la fiscalité sur le capital, CICE, acceptation des « délocalisations fiscales » y compris à l’intérieur de l’UE (Irlande, Luxembourg), etc. L’Etat français ira même au-delà et pratiquera ouvertement une politique de baisse des charges sociales le tout agrémenté d’une politique de subventions sous formes diverses et totalisant selon REXCODE entre 6 et 9,6% du PIB, ce qui est considérable[8].

Et la pression s’accroit dans un contexte européen qui procédé par élargissement et non par approfondissement. Ainsi le passage à 27 Etats en 2004 devait accroitre la pression sur la compétitivité par l’adjonction d’Etats (pays de l’Est) aux normes salariales très inférieures à celles de l’Europe occidentale. Que dire de l’accueil de l’Ukraine dont on voit déjà les problèmes posés par une compétitivité agricole très supérieure à celle de la Pologne, de la Hongrie, etc. ? Au total, la recherche de compétitivité par baisse des prélèvements fiscaux est et sera toujours insuffisante…La seule voie possible étant la cartellisation et la perspective d’un grand Etat mondial. Hypothèse très irréaliste…

            -Compétitivité par baisse de la dépense publique

Elle est à priori encore plus difficile à réaliser car électoralement plus dangereuse. Il s’agit ici de diminuer le périmètre de l’Etat Providence : réduction/ financiarisation des prestations sociales, réduction/privatisation/financiarisation des services publics, privatisation/financiarisation du système de santé. Dans ce cas l’Etat gère une politique de l’offre en se retirant et en offrant des parts de marché à l’offre privée. De quoi retrouver le député/ économiste Frédéric Bastiat dans son combat contre les Etats au 19ième siècle.

 C’est bien évidemment le cas du marché de l’électricité venu largement détruire EDF[9]. C’est le cas du système de soins avec retrait des structures publiques qui se cantonnent aux cas difficiles- d’où ce qu’on appelle la « dégradation du service public »- et élargissement continu des structures financières, type capital- investissements, qui sélectionnent leurs activités (Zöi est un bel exemple des start-up de l’e santé). Par lobbying très actif, notamment auprès des autorités européennes, les apporteurs de capitaux ont réussi à prendre le contrôle de structures dont la réglementation imposait jusqu’ici la direction par des professionnels de santé[10]. De quoi transformer demain des médecins ou dentistes en « cadres moyens taylorisés» de structures entièrement financiarisées[11]. Dans la pratique, nombre d’établissements sont ainsi privatisés et participent à l’émergence de grands groupes complètement financiarisés (Ramsay). C’est le cas des cliniques, de nombreux EHPAD et d’une partie de la sphère médicosociale. Plus globalement encore c’est le cas des Partenariats publics privés (PPP)[12] Notons toutefois qu’il s’agit le plus souvent de fausses privatisations, les structures correspondantes jouissant d’une enveloppe  juridique privée alors que le financement reste largement public. Comme quoi le retrait du périmètre des Etats est une opération très difficile : à la ponction financière sur les déficits, vient s’ajouter la ponction  sur les fausses privatisations (pensons par exemple à Orpéa).

Pour des raisons aussi culturelles[13] déjà entrevues sur le blog la France se trouve en particulière difficulté dans une course à la baisse de la dépense publique qu’elle n’arrive pas à concrétiser : augmentation des emplois publics locaux qui pour beaucoup correspondent à une forme du traitement social des effets du chômage industriel, et surtout augmentation considérable des dépenses de santé et de retraites provoquées par le vieillissement de la population. A cela il faut ajouter que les efforts de rationalisation/privatisation se sont déroulées par développement d'une considérable bureaucratie  que l'on retrouve dans nombre de branches et surtout dans les dépenses dites sociales, en sorte que le front office visible est devenu handicapé par la lourdeur croissante du  back office invisible ( "marché de l'énergie", Hôpital, social, médicosocial, etc.). Comme quoi des gains de productivité microéconomiques espérés sont engloutis par les pertes de productivité non comptabilisées à l’échelle micro économique[14]. Ajoutons qu’il existe des cas d’organisations qui relèvent de la dépense publique et qui vont fonctionner à rendements décroissants sur de très longues durées (facultés de médecines qui en France, par le biais du numérus clausus, vont produire de moins en moins de médecins pour des couts de plus en plus élevé). Nos pourrions multiplier les exemples à l’infini.

 Au total les dépenses de l’Etat régalien sont durablement stabilisées voire en diminution (pensons à l’armée), ce qui pour une population en croissance correspond à une dégradation du service public (pensons aussi à la justice). Par contre celles de l’Etat social augmentent malgré les tentatives de rationalisation/ privatisation. Ainsi on passe de 266,9 à 317,7 milliards d’euros entre 2019 et 2022 pour les dépenses de santé, et de 346 à 375,6 milliards d’euros entre les mêmes dates pour les dépenses de retraites. Plus globalement les dépenses de protection sociales passent de 761 à 849 milliards d’euros entre ces mêmes dates et représentent aujourd’hui près de 33% du PIB.

 3 Une gestion budgétaire dépassée à dépasser

La grande transformation de la gestion budgétaire se solde pour la France par une baisse de la pression fiscale nette de subventions et une impossibilité de voir baisser la dépense publique malgré les tentatives de rationalisation/privatisation et les difficiles réformes des retraites. Il en résulte un déficit budgétaire constant, considérable, et donc difficilement gérable. Globalement l’Etat français cherche à jouer le jeu de la compétitivité mais la démarche est quasi-impossible dans le contexte mondialiste et européiste d’un interdit de solidarité entre Etats, et d’un mur électoral qui interdit une dévaluation massive des retraites dont les titulaires représentent 40% des électeurs, dévaluation couplée à une autre tout aussi massive correspondant aux dépenses de soins. Le modèle culturel français vient ici bloquer le politique dans son aventure mondialiste et européiste.

Globalement l’Etat français ne peut faire face à l’impératif de compétitivité tout en prenant des risques au regard d’un déficit public beaucoup plus élevé que dans le reste de l’UE. Sa dette publique est encore appréciée dans sa fonction de collatéralisation « sûre » dans les contrats financiers[15], mais tend à devenir trop élevée. La France est donc bien dans une nasse, une situation où elle se trouve désarmée face aux immenses contraintes géopolitiques et environnementales[16] dans laquelle elle se situe parmi d’autres pays qui ne sont pas dans une situation significativement meilleure. C’est la raison pour laquelle nous retrouvons le projet/programme de changement radical de paradigme exposé dans « Construire la colonne vertébrale d’une France renaissante »[17]

Cela passe comme exposé dans l’article susvisé par la disparition autoritaire de la dépendance financière, le retour d’un Etat créateur de monnaie[18]…qui ménage l’euro en raison des contraintes géopolitiques majeures du moment. Un tel dispositif, qu’il faut évidemment négocier, déplace les contraintes sur un nécessaire équilibre des comptes extérieurs à coconstruire dans une coopération entre nations souveraines. Simultanément il rendrait plus réaliste un processus de coopération avec une Ukraine qui ne peut sérieusement, même à long terme, intégrer une UE dans son architecture institutionnelle présente.

 

                                                                             Jean Claude Werrebrouck

 

[1] http://www.lacrisedesannees2010.com/2024/01/construire-la-colonne-vertebrale-d-une-france-renaissante.html

[2] http://www.lacrisedesannees2010.com/2023/12/la-reconstruction-passe-par-une-bonne-dose-de-de-financiarisation.html. D’une certaine façon nous entrons dans le schémas du « catastrophisme éclairé » cher à Jean- Pierre Dupuy. Il s’agit obligatoirement de se munir d’investissements de protection contre des évènements inéluctables dont l’émergence doit- être bloquée. Cf son ouvrage : « Pour un catastrophisme éclairé, quand l’impossible est certain » ; seuil ;2002.

[3] Soulignons que la hausse du taux d’épargne (16% contre 14 avant la pandémie) et celle des marges (32,5% de la valeur ajoutée) sont très loin des pharaoniques besoins d’investissements.

[4] http://www.lacrisedesannees2010.com/2023/12/le-socle-de-tout-programme-electoral-serieux.html

[5] http://www.lacrisedesannees2010.com/2021/12/le-redressement-de-la-france.html

[6] Il est selon la règlement 648/2012 – directive dite « EMIR »- la matière première de base exigée dans les chambres de compensation sur tous les dérivés.

[7] Cf les règles budgétaires de l’UE.

[8] Le Vade-Mecum des aides d’Etats est aujourd’hui un livre comportant 338 pages.

[9] On pourra ici se reporter sur tous les articles du blog consacré à l’électricité. Voir notamment : http://www.lacrisedesannees2010.com/2022/10/edf-la-dialectique-du-demantelement-et-de-la-nationalisation.html. L’ARENH est effectivement un transfert de valeur du secteur publics vers des structures privées dont l’activité est essentiellement spéculatives sur un marché administrativement imaginé.

[10][10] Loi du 13 juillet 1975, article L753-760 et décision de la cour de justice européenne du 16 décembre 2010

[11] Les start-up e-santé se disent encore bloquées par la difficulté de remboursement des actes. Pour autant elles mobilisent un effectif croissant de médecins rares retirés à la médecine classique.

[12] On trouvera une analyse précise des difficultés des PPP dans le N°163 (2017) de la Revue Française  d’Administration publique: « Une arme à double tranchant ? Le recours aux partenariats publics privés et la maitrise des risques budgétaires ».

[13]http://www.lacrisedesannees2010.com/2020/04/pour-sortir-de-la-crise-mettre-fin-a-la-schizophrenie-de-la-france.html.  http://www.lacrisedesannees2010.com/article-independance-des-banques-centrales-et-paradigmes-culturels-117604632.html

[14] Ce faisant nous retrouvons ici les travaux d’Ivan Illich avec ses grands concepts de « contre productivité » et de « vitesse généralisée » et  avec la distinction entre production autonome et production hétéronome, cette dernière finissant par devenir obstacle à la réalisation des objectifs qu’elle est censée servir. (Cf ses « œuvres complètes » publiées chez Fayard en 2004 et 2005)

[15] CF la directive EMIR déjà citée.

[16] Des risques qui se multiplient avec de graves conséquences sur l’économie internationale mesurées par le FMI lequel recense aujourd’hui 3000 obstacles contre seulement 700 en 2017. Des conséquences jusqu’ici peu anticipées par les marchés financiers dont les indices de perception des risques sont jusqu’ici relativement stables et modérés. En particulier l’indice de volatilité (VIX) reste très bas en ce début d’année.

 

[18] Un peu comme le propose la très américaine « Théorie Monétaire Moderne » avec Stephanie Kelton dans son ouvrage: « Le Mythe du déficit » (Les Liens qui libèrent, 2021) ou d’une  façon plus classique avec Jezabel Couppey Soubeyrand dans son futur ouvrage chez le même éditeur : « Le pouvoir de la monnaie », ouvrage co écrit avec Pierre De Landre et Augustin Sersiron. Publication ce 17 janvier 2024.

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12 janvier 2024 5 12 /01 /janvier /2024 13:48

Notre texte[1] publié le 31 décembre dernier comportait un point essentiel : abandonner la voie sans issue de l’éternelle surveillance permanente des budgets publics au profit de la surveillance constructive de l’équilibre des comptes extérieurs. Cela passait par des renversements ambitieux : la fin de la domination des banques centrales et le retour du Trésor comme entité autonome et motrice d’une reconstruction. Cela passait aussi par la fin du paradigme de la compétition interétatique à celle de la coopération.

Ce texte était aussi le point d’aboutissement d’une série d’autres articles insistant sur les points suivants :

- la montagne vertigineuse des nouveaux enjeux qui se portent à l’échelle du monde, donc aussi à la civilisation occidentale et à la France en particulier[2] 

-  l’impossibilité radicale d’y faire face en pérennisant une  logique « d’overdose » d’endettement classique[3 

- l’urgente nécessité de dé financiariser nombre d’activités, avec au final la nécessité de passer, au moins à l’intérieur de l’UE, d’une architecture institutionnelle porteuse d’un affaissement des nations à celle d’une association d’Etats souverains démocratiques[4].

Le présent papier apporte un complément sur l’importance d’une révision radicale de la gestion budgétaire dont nous disions qu’elle devait quitter le champ de l’idéologie de la dette.

1 -  La gestion budgétaire dans l’ancien fordisme.

 A l’époque du fordisme classique, la gestion du budget ne portait que fort peu sur l’aide à la  compétitivité des entreprises. Au-delà des grandes infrastructures construites par l’Etat, ce dernier s’intéressait moins à la qualité de l’offre globale qu’à la quantité de la demande globale. Parce que nourrie par des gains de productivité très élevés (de l’ordre de 5% l’an) l’offre globale était en quelque sorte naturellement compétitive. Le cas échéant, la souveraineté sur le taux de change pouvait l’y aider. Par contre, il fallait assurer le déversement des gains de productivité en garantissant la demande globale. La construction d’un immense Etat Providence fut ainsi une assurance de débouchés avec pour effet ultime l’édification d’une immense classe moyenne[5]. Nous sommes dans ce qu’on appelait, il y a bien longtemps, les trente glorieuses…

2 - La gestion budgétaire dans le nouveau monde.

 Sans revenir sur le pourquoi et les détails de l’édification du mondialisme dont l’UE devait en être le modèle réduit le plus parfait, il est clair que la gestion budgétaire allait changer de manière radicale. Désormais les Etats ne sont plus des aménageurs d’une demande globale qu’il faut développer, mais des contributeurs d’une offre globale compétitive. Et l’UE avec la monnaie unique va devoir devenir très sourcilleuse sur la bonne  gestion budgétaire. Le déficit public, qui naguère s’évanouissait par une fiscalité elle-même nourrie par la très forte croissance engendrée par les gains de productivité, devient l’objet d’une surveillance accrue. Il est apprécié en ce qu’il nourrit la finance (les bons du Trésor sont la matière première indispensable de la multitude des contrats financiers[6]) mais il n’est réellement et durablement toléré que s’il s’inscrit dans des limites raisonnables[7] et repose sur une baisse des prélèvements obligatoires. Par contre, il n’est guère apprécié s’il repose sur la hausse de la dépense publique, laquelle vient concurrencer des activités privatisables et financiarisables. Propos qui méritent quelques explications.

Parce que dans la mondialisation, et plus encore dans l’UE, il n’y a plus de frontières il faut se révéler compétitif. Il n’y a plus à nourrir une demande globale qui risquerait de se manifester par un supplément d’importations et de chômage. Il y a à contribuer à la musculation des entreprises et donc concourir à une politique dite d’offre compétitive.

        * Compétitivité par baisse de la pression fiscale

Une façon de procéder est bien évidemment la baisse de la pression fiscale, laquelle augmente directement les marges et au final la rentabilité globale. De ce point de vue, les Etats qui ont perdu leurs frontières maintiennent encore la distinction entre  un « dedans » et un « dehors », ce qui entraîne leur mise en concurrence dans la course à la baisse de la pression fiscale. La concurrence entre les entreprises est aussi une course aux fins d’amaigrissement des Etats. Et de ce point de vue la bataille est rude pour empêcher une cartellisation des Etats lesquels verraient possiblement un intérêt à ce que, par exemple, les bénéfices soient imposés proportionnellement à l’endroit où les ventes sont réalisées. De ce point de vue le cartel du pétrole (OPEP) est plus facile à réaliser que celui de la fiscalité. La cartellisation des Etats est d’autant plus difficile qu’il y a désormais libre circulation du capital, ce qui met en concurrence près de 200 Etats travaillés par une industrie de la finance employant plusieurs milliers d’avocats, comptables, consultants, tournés vers l’aide des plus fortunés et des moins scrupuleux.

Dans ce contexte l’Etat français n’a pas cherché à cartelliser et s’est plié à la nouvelle logique : baisse des impôts sur les bénéfices, baisse des impôts de production, affaissement de la fiscalité sur le capital, CICE, acceptation des « délocalisations fiscales » y compris à l’intérieur de l’UE (Irlande, Luxembourg), etc. L’Etat français ira même au-delà et pratiquera ouvertement une politique de baisse des charges sociales le tout agrémenté d’une politique de subventions sous formes diverses et totalisant selon REXCODE entre 6 et 9,6% du PIB, ce qui est considérable.

Et la pression s’accroit dans un contexte européen qui procède par élargissement et non par approfondissement. Ainsi le passage à 27 Etats en 2004 devait accroître la pression sur la compétitivité par l’adjonction d’Etats (pays de l’Est) aux normes salariales très inférieures à celles de l’Europe occidentale. Que dire de l’accueil de l’Ukraine dont on voit déjà les problèmes posés par une compétitivité agricole très supérieure à celle de la Pologne, de la Hongrie, etc. ? Au total, la recherche de compétitivité par baisse des prélèvements fiscaux est et sera toujours insuffisante…La seule voie possible étant la cartellisation et la perspective d’un grand Etat mondial. Hypothèse très irréaliste…

            * Compétitivité par baisse de la dépense publique

Elle est à priori encore plus difficile à réaliser car électoralement plus dangereuse. Il s’agit ici de diminuer le périmètre de l’Etat Providence : réduction/ financiarisation des prestations sociales, réduction/privatisation/financiarisation des services publics, privatisation/financiarisation du système de santé. Dans ce cas, l’Etat gère une politique de l’offre en se retirant et en offrant des parts de marché à l’offre privée. De quoi retrouver le député/ économiste Frédéric Bastiat dans son combat contre les Etats au 19ième siècle.

 C’est bien évidemment le cas du marché de l’électricité venu largement détruire EDF[8]. C’est le cas du système de soins avec retrait des structures publiques qui se cantonnent aux cas difficiles - d’où ce qu’on appelle la « dégradation du service public» et élargissement continu des structures financières, type capital- investissements, qui sélectionnent leurs activités. Par lobbying très actif, notamment auprès des autorités européennes, les apporteurs de capitaux ont réussi à prendre le contrôle de structures dont la réglementation imposait jusqu’ici la direction par des professionnels de santé[9]. De quoi transformer demain des médecins ou dentistes en « cadres moyens taylorisés» de structures entièrement financiarisées. Dans la pratique, nombre d’établissements sont ainsi privatisés et participent à l’émergence de grands groupes complètement financiarisés (Ramsay). C’est le cas des cliniques, de nombreux EHPAD et d’une partie de la sphère médico-sociale. Notons toutefois qu’il s’agit le plus souvent de fausses privatisations, les structures correspondantes jouissant d’une enveloppe  juridique privée alors que le financement reste largement public. Comme quoi le retrait du périmètre des Etats est une opération très difficile : à la ponction financière sur les déficits, vient s’ajouter la ponction  sur les fausses privatisations (pensons par exemple à Orpéa).

Pour des raisons aussi culturelles[10] déjà entrevues sur le blog , la France se trouve en particulière difficulté dans une course à la baisse de la dépense publique qu’elle n’arrive pas à concrétiser : augmentation des emplois publics locaux qui pour beaucoup correspondent à une forme du traitement social des effets du chômage industriel, et surtout augmentation considérable des dépenses de santé et de retraites provoquées par le vieillissement de la population. A cela, il faut ajouter que les efforts de rationalisation/privatisation se sont déroulées par développement d'une considérable bureaucratie  que l'on retrouve dans nombre de branches et surtout dans les dépenses dites sociales, en sorte que le "front office" visible est devenu handicapé par la lourdeur croissante du " back office" invisible ("marché de l'énergie", Hôpital, social, médicosocial, etc.). Comme quoi des gains de productivité microéconomiques espérés sont engloutis par les pertes de productivité non comptabilisées à l’échelle micro économique. Ajoutons comme exemple emblématique le cas des facultés de médecine en France qui toutes vont fonctionner à rendements décroissants sur de très longues périodes de temps (division par 3 du numérus clausus entre 1972 et 2000 et qui simultanément vont bénéficier des largesses du "plan Université 2000").

 Au total les dépenses de l’Etat régalien sont durablement stabilisées voire en diminution (pensons à l’armée), ce qui pour une population en croissance correspond à une dégradation du service public (pensons aussi à la justice). Par contre celles de l’Etat social augmentent malgré les tentatives de rationalisation/ privatisation. Ainsi on passe de 266,9 à 317,7 milliards d’euros entre 2019 et 2022 pour les dépenses de santé, et de 346 à 375,6 milliards d’euros entre les mêmes dates pour les dépenses de retraites. Plus globalement les dépenses de protection sociales passent de 761 à 849 milliards d’euros entre ces mêmes dates et représentent aujourd’hui près de 33% du PIB.

 3 - Une gestion budgétaire dépassée à dépasser

La grande transformation de la gestion budgétaire se solde pour la France par une baisse de la pression fiscale nette de subventions et une impossibilité de voir baisser la dépense publique malgré les tentatives de rationalisation/privatisation et les difficiles réformes des retraites. Il en résulte un déficit budgétaire constant, considérable, et donc difficilement gérable. Globalement, l’Etat français cherche à jouer le jeu de la compétitivité mais la démarche est quasi impossible dans le contexte mondialiste et européiste d’un interdit de solidarité entre Etats et d’un mur électoral qui interdit une dévaluation massive des retraites dont les titulaires représentent 40% des électeurs, dévaluation couplée à une autre tout aussi massive correspondant aux dépenses de soins. Le modèle culturel français vient ici bloquer le politique dans son aventure mondialiste et européiste.

Globalement, l’Etat français ne peut faire face à l’impératif de compétitivité tout en prenant des risques au regard d’un déficit public beaucoup plus élevé que dans le reste de l’UE. Sa dette publique est encore appréciée dans sa fonction de collatéralisation « sûre » dans les contrats financiers[11], mais tend à devenir trop élevée. La France est donc bien dans une nasse, une situation où elle se trouve désarmée face aux immenses contraintes géopolitiques et environnementales dans laquelle elle se situe parmi d’autres pays qui ne sont pas dans une situation significativement meilleure. C’est la raison pour laquelle nous retrouvons le projet/programme de changement radical de paradigme exposé dans « Construire la colonne vertébrale d’une France renaissante »[12]

Cela passe, comme exposé dans l’article susvisé, par la disparition autoritaire de la dépendance financière, le retour d’un Etat créateur de monnaie[13]…qui ménage l’euro en raison des contraintes géopolitiques majeures du moment. Un tel dispositif, qu’il faut évidemment négocier, déplace les contraintes sur un nécessaire équilibre des comptes extérieurs à co-construire dans une coopération entre nations souveraines. 

                                                                    


[1] http://www.lacrisedesannees2010.com/2024/01/construire-la-colonne-vertebrale-d-une-france-renaissante.html

[2] http://www.lacrisedesannees2010.com/2023/12/la-reconstruction-passe-par-une-bonne-dose-de-de-financiarisation.html

[3] Soulignons que la hausse du taux d’épargne (16% contre 14 avant la pandémie) et celle des marges (32,5% de la valeur ajoutée) sont très loin des pharaoniques besoins d’investissements.

[4] http://www.lacrisedesannees2010.com/2023/12/le-socle-de-tout-programme-electoral-serieux.html

[5] http://www.lacrisedesannees2010.com/2021/12/le-redressement-de-la-france.html

[6] Il est selon la règlement 648/2012 – directive dite « EMIR »- la matière première de base exigée dans les chambres de compensation sur tous les dérivés.

[7] Cf les règles budgétaires de l’UE.

[8] On pourra ici se reporter sur tous les articles du blog consacré à l’électricité. Voir notamment : http://www.lacrisedesannees2010.com/2022/10/edf-la-dialectique-du-demantelement-et-de-la-nationalisation.html

[9][9] Loi du 13 juillet 1975, article L753-760 et décision de la cour de justice européenne du 16 décembre 2010

[10]http://www.lacrisedesannees2010.com/2020/04/pour-sortir-de-la-crise-mettre-fin-a-la-schizophrenie-de-la-france.html.  http://www.lacrisedesannees2010.com/article-independance-des-banques-centrales-et-paradigmes-culturels-117604632.html

[11] CF la directive EMIR déjà citée.

[13] Un peu comme le propose la très américaine « Théorie Monétaire Moderne » avec Stephanie Kelton dans son ouvrage: « Le Mythe du déficit » (Les Liens qui libèrent, 2021) ou d’une  façon plus classique avec Jezabel Couppey Soubeyrand dans son futur ouvrage chez le même éditeur : « Le pouvoir de la monnaie », ouvrage co écrit avec Pierre De Landre et Augustin Sersiron. Publication ce 17 janvier 2024

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13 décembre 2023 3 13 /12 /décembre /2023 18:06

Quelques conseils simples pour candidats sérieux aux prochaines élections                        

On ne peut construire un projet sans en connaître le but. Il convient de bien distinguer  les fins et les moyens.

La finalité est probablement commune à tous les candidats sérieux. L’objectif commun est, raisonnablement, de construire une société apaisée par la confiance qui doit lier les différents groupes d’acteurs du jeu social, confiance enracinée dans une sécurité aussi bien intérieure qu’extérieure. La confiance collective est l’humus sur lequel pourra s’édifier un projet.

De cette finalité découle des moyens généraux ordonnés en quelques  points, chacun étant la condition de la bonne réalisation du précédent. Cet ordonnancement se doit pourtant d’éviter l’impression d’un retour impossible vers « l’âge d’or » et doit tenir compte, dans un programme détaillé, de réalités anthropologiques que l’histoire sculpte en permanence : l’avenir ne saurait être un retour vers le passé. Les points qu’il faut articuler sont les suivants :

                                                                               1 - Reconstruction d’une immense classe moyenne aux  prises avec des activités reconnues utiles pour tous. 

                                                                                  2 – Edification d’une base d’appui de la reconstruction autour de 5 blocs : Instruction/Education, Environnement/Ecologie, Santé, Energie, Défense aussi bien intérieure qu’extérieure. Cette édification utilise une matière première dans un ordre juridico-économique à construire.

                                                                                                     3 - L’énormité des moyens matériels à rassembler suppose de sortir radicalement d’une économie de la dette : la masse monétaire et financière ne peut plus augmenter par la seule dette avec ses conséquences en termes de crises financières régulières et ses politiques publiques destructrices appelées « réformes structurelles ». Raisonnablement la finance ne peut occuper une place 10 fois supérieure à l’économie réelle sans qu’on s’y intéresse. Que des candidats refusent d’entrer dans cette réflexion prioritaire et en déduire des actions n’est pas sérieux.

                                                                                             4 - L’industrie financière doit cesser d’être tournée sur elle-même et contre l’économie réelle, elle doit se déployer autour d’une banque centrale cessant d’être indépendante et donc désormais mise au service de la reconstruction. Ne pas voir que la BCE s’est - de par ses opérations de quantitative-easing livrée au sauvetage de la  seule finance n’est pas sérieux.

                                                                                           5 - Les 5 blocs doivent se construire par échanges mutuels, ce qui suppose une économie de marché désormais enracinée dans un projet, et donc  une planification programmée des activités. Mécaniquement,  les échanges entre les 5 blocs reconstruisent par le jeu d’un juridico-économique à choisir, une industrie, une agriculture,  des services privés et publics.

                                                                                            6 - La connexion du chantier avec l’extérieur privilégie le détricotage progressif de l’ordo-libéralisme bruxellois et la coordination croissante avec ce qui pourra apparaître comme une association d’Etats-Nations souverains et, bien évidemment, de culture démocratique. Ne pas voir que les nations sont de retour et ne pas en imaginer les avantages et dangers possibles n’est pas sérieux.

 

Un projet politique sérieux doit détailler ces moyens généraux et en particulier les points 3, 4 et 5. De ce point de vue, il doit questionner l’ensemble des conséquences juridiques et géopolitiques associées au projet. Les fins et moyens susvisés doivent être rassemblés dans un document de campagne aussi bref que possible (moins de 10 pages). La distinction radicale de ce type de  projet avec ceux présentés jusqu’ici très classiquement doit être  dans l’analyse précise de la sur-financiarisation mondiale - pièce maîtresse particulièrement dévastatrice de la France, de son économie, et de sa société -   et des moyens d’y remédier. Le constat  de la sur-financiarisation doit-être présenté de façon compréhensible pour les citoyens, doit être analysé du point de vue de ses conséquences précises, et doit être suivi de la présentation d’un autre avenir possible.

Nous publierons prochainement un texte plus précis sur la dé-financiarisation comme travail indispensable à tout effort de reconstruction du pays.

 

 

                                                          

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1 novembre 2023 3 01 /11 /novembre /2023 07:44

Note de lecture : On peut regretter que les médias aient présenté l’accord européen du 17 octobre sur l’électricité sans analyse ni explication sérieuse. La question est sans doute complexe mais il était possible de simplifier et on peut regretter la légèreté des articles publiés.

 Le texte ci-dessous est de nature un peu technique mais il est essentiel pour comprendre le véritable enjeu d’une économie de l’électricité. Bonne lecture.

 

Les européens ont convenu le 17 octobre dernier du maintien d’un marché de l’électricité. Les réseaux étant largement interconnectés, les centrales aux coûts différenciés obéiront - selon le fonctionnement classique des marchés- à la logique du prix de marché égal au coût marginal, c’est–à-dire le coût de production de la centrale la moins compétitive et néanmoins nécessaire au fonctionnement du réseau.

Compte tenu du développement des énergies renouvelables et de leur fonctionnement intermittent, compte tenu aussi du caractère non stockable de l’électricité, on sait déjà que le dit marché est  fait de bric et de broc et de croc-en- jambes bien méconnus des usagers. Ne prenons qu’un exemple, celui de la priorité du renouvelable sur le classique : Si le vent se met à souffler et que la demande d’électricité n’augmente pas au même moment, alors il sera imposé au classique de s’ajuster et de diminuer sa production du montant de la production des éoliennes. Nous laissons au lecteur imaginer semblable situation sur les marchés industriels, par exemple l’industrie automobile où il serait exigé d’un compétiteur qu’il se retire du marché pour laisser davantage de  place à un concurrent... On pourrait multiplier les exemples et confirmer que le marché de l’électricité est concrètement un faux marché pour lequel les droits de propriétés des uns et des autres ne sont pas respectés. De ce point de vue l’accord du 17 octobre ne crée rien de nouveau et laisse une place énorme aux divers régulateurs animateurs d’une gigantesque bureaucratie.

Le contenu de l’accord du 17 octobre

Techniquement, il confirme l’idée que la logique de marché et du coût marginal doit être contenue par un dispositif réglementaire permettant d’effacer la très grande volatilité des prix rencontrée à la fin de l’été 2022 avec l’envolée du prix du  gaz. Dans le même temps, il est décidé d’apporter une aide aux investissements dans les énergies décarbonées. Ces deux objectifs sont censés être atteints par des CFD (Contrats sur différences) bien ciblés sur les énergies renouvelables. Dans ce type de contrat un prix de référence est fixé par une autorité et si le prix de marché est plus faible, c’est l’Etat qui va combler la différence. Inversement si ce même prix de marché est plus élevé, il appartiendra au producteur de verser la différence à l’Etat. Un tel dispositif garantit la rentabilité des investissements tout en en interdisant une éventuelle composante rentière. L’accord du 17 octobre ne dit rien de précis sur le prix de référence mais il est clair qu’il est source de conflits car étant  un prix administré par une autorité. N’étant pas un prix de marché, il est sous la surveillance suspicieuse de la Commission bruxelloise et de sa volonté de voir respecter les règles du marché…pourtant encore une fois fait de bric et de broc et générateurs de crocs-en-jambe permanents… N’ignorant sans doute pas ce dernier aspect, les négociateurs n’ont même pas eu recours à des modèles permettant de tester les décisions…

Ce qu’il y a de foncièrement nouveau est que l’électricité produite par les centrales nucléaires françaises est également bénéficiaire de CFD. Principe acquis de haute lutte par le gouvernement français contre le point de vue allemand. Mais surtout principe qui ne permet pas à l’économie française de bénéficier de sa rente nucléaire, ce qui nous renvoie à l’exposé et à l’analyse de la configuration du secteur de l’électricité en France.

La construction historique de la dépendance française en matière électrique

Nous avons souvent souligné sur le blog le caractère extraordinairement efficient de l’entreprise EDF, une entreprise qui, fonctionnant hors marché jusqu’au début des années 2000, permettait de transférer aux utilisateurs sa rente nucléaire. 58 réacteurs très largement amortis permettaient d’irriguer le pays et surtout son industrie avec des coûts de l’électricité parmi les plus bas du monde. A titre d’exemple, les prix français étaient régulièrement 65% inférieurs aux prix allemands. Bien évidemment il pouvait y avoir un coût marginal parfois très élevé, mais les pointes correspondantes étaient amorties au sein d’une politique tarifaire administrativement décidée dans un cadre hors marché. A la fin des années 90 le programme nucléaire français fut arrêté et les compétences associées à l’édification des 58 réacteurs furent progressivement réduites dans un contexte de fort rejet du nucléaire. Une telle logique était déjà la marche vers la dépendance car il était évident que l’outil allait vieillir au sein d’un paradigme intellectuel nouveau s’épanouissant à Bruxelles : il faut mettre fin aux monopoles publics. La suite est connue : les exportations d’électricité, considérables encore au début des années 2000 (77TWH en 2002, soit environ 20% de la production totale) vont s’effondrer progressivement pour arriver à un solde négatif de 16 TWH en 2022… L’entreprise la plus compétitive du monde dans son secteur devient souffreteuse… On pourrait multiplier les chiffres avec par exemple un recul de la part du nucléaire dans le total de la production française qui après avoir monté jusqu’à 79% en 2005 ne cesse de reculer pour atteindre 63% en 2022. Bien évidemment, l’indicateur le plus important reste la production totale d’électricité nucléaire qui, après avoir dépassé les 400 TWH au début des années 2000 s’effondre à 279 TWH en 2022. La dépendance s’inscrit donc dans des choix qui allant d’une volonté politique de soumission (fin du monopole) jusqu’aux conséquences ultimes en matière de marché (mise en place en 2010 de l’ARENH qui est de fait une vente forcée à prix réduit d’une partie du nucléaire à de simple  fournisseurs devenant juridiquement des compétiteurs). Avec parfois des situations proprement scandaleuses comme celle obligeant EDF à acheter à prix léonins des KWH sur le marché de gros (près de 600 euros/MWH) qu’il faudra revendre à perte à des clients qui, après avoir fui le monopole, viennent s’y réfugier (été 2022).

Le bilan du choix de la dépendance est donc une perte de savoirs et surtout de savoirs faire associée à un étranglement politiquement décidé de la rentabilité. De quoi comprendre le résultat de 2022 (17,9 milliards d’euros de perte).

Sur un plan plus analytique, les choix historiques reviennent  à réduire le volume de la rente nucléaire de plusieurs façons :

-- par la diminution résultant de la priorité de réseau aux énergies non renouvelables

-- par la diminution imposée par les problèmes de maintenance liés aux savoir-faire (jusqu’à plus de la moitié des réacteurs au repos au cours de l’hiver 2022/2023)

-- par le transfert de la rente restante dans le cadre de l’ARENH (30% de la production 2023 à 42 euros/TWH).

Ce dernier point doit être compris comme bien davantage qu’un partage de rente restante avec les fournisseurs alternatifs, puisque le prix de vente est probablement significativement inférieur au coût de production réel pour les nouvelles centrales (EPR). Ainsi le CFD conclu avec les autorités britanniques pour les centrales d’Hinkley Point   fixe un prix garanti de 106,7 euros/MWH, tandis qu’EDF estime aujourd’hui à environ 120 euros/MWH le prix permettant de couvrir les investissements pour les nouveaux réacteurs. Au total, le parc existant qui doit être rénové (grand carénage), suppose un coût de fonctionnement très supérieur à 42 euros/MWH.

Au final il est probable que les choix et décisions historiques ont abouti à la disparition de la rente nucléaire. C’est donc en étant dépourvus d’un plan B que les négociateurs français ont dû accepter le maintien du faux marché de l’électricité au terme de la négociation le 17 octobre dernier.

Ce qu’il eut été rationnel d’exiger.

Les historiens s’interrogeront demain sur la grande peur allemande correspondant au parc nucléaire français et à ses performances engendrant une surcompétitivité de l’industrie française par rapport à l’industrie allemande. De fait, par le biais du grand marché, l’opposition radicale des allemands au nucléaire français a déjà tué la rente nucléaire française.  Il n’y avait pas, à se méfier des interlocuteurs français demandant seulement une meilleure place à l’intérieur du marché européen de l’électricité. Au lieu de négocier un accès aux CFD pour le nucléaire existant, il eut été préférable, pour la France de décider d’un cadre national pour  un CFD global chargé de préserver et reconstruire la rente nucléaire au profit des utilisateurs. Concrètement il fallait imposer un prix administré remplaçant l’ARENH et, bien sûr, un prix beaucoup plus élevé que celui de l’ARENH. Bien évidemment les interconnexions resteraient fondamentales et l’électricité pourrait être vendue et achetée par tous les acteurs européens. Si maintenant en particulier l’hiver (le chauffage des logements est en France beaucoup plus mobilisateur d’électricité, et cela fut historiquement une conséquence de la construction des 58 réacteurs nucléaires), il faut, pour EDF et d’autres acteurs, acheter à prix élevés sur le marché de gros, le prix de revente correspondant ne sera plus un prix de marché mais le prix administrativement décidé. Le CFD jouerait  et l’Etat assurerait la compensation. Pour les fournisseurs alternatifs, les électrons étant homogènes ils ne pourraient plus faire d’offres mirifiques et devraient se contenter de jouer à l’intérieur du prix administré. Ils perdraient ainsi la matière première de l’actuelle gigantesque spéculation. La logique de la priorité sur le réseau ne pourrait plus être automatique et devrait être payée sur la base du coût de l’effacement d’autres acteurs et bien sûr pour le principal d’entre eux c’est-à-dire EDF. Le respect des droits de propriété des uns et des autres serait ainsi respecté. Et c’est sur cette seule base que l’on pourrait oublier les calculs fantaisistes et établir les vrais coûts de l’électricité selon les filières. C’est aussi sur cette base que l’on pourrait clairement identifier les producteurs/fournisseurs efficients et les autres qui le sont moins et se contentent encore de capter la rente nucléaire par le biais de l’ARENH.

Globalement, le prix administré doit être plus élevé que celui de l’ARENH et plus faible que le prix moyen de l’électricité en Europe. De quoi rétablir progressivement l’efficience d’EDF tout en maintenant l’avantage d’une énergie moins chère que dans le reste de l’Europe. Le coût marginal entrainant l’envolée des prix serait en termes de volume très contenu et ne concernerait  que la contrainte extérieure : c’est l’Etat qui compense le surcoût sur les importations d’électricité et protège producteurs et utilisateurs français.

 L’accord conclu le 17 octobre repose encore sur le respect de coûts marginaux faiseurs de prix globaux possiblement aberrants qui, il est vrai, peuvent être néanmoins plus ou moins cadenassés par des CFD. La logique de l’accord du 17 octobre détruit le lien fondamental qui devrait normalement exister entre coûts unitaires moyens et prix de vente unitaire de l’électricité. Une décision qui ne permet pas de s’extirper d’une économie de rente. Mais il est vrai que rebâtir une économie de l’électricité rationnelle suppose que l’on s’extirpe des règles européennes. Non seulement l’accord du 17 octobre est étranger à tout bon sens mais il ne permettra pas à l’Allemagne de freiner une peur qui l’amènera à exiger de Bruxelles une surveillance toute particulière sur  les CFD français appliqués au Nucléaire. La France ne va-t-elle pas profiter de ceux-ci pour cacher une aide interdite par les Traités à EDF ? Il est plus que temps de voir la France renouer avec un minimum de dignité.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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20 octobre 2023 5 20 /10 /octobre /2023 09:07

La circulation de l’argent entre les divers acteurs du jeu économique reste compliquée et donc coûteuse pour la collectivité. Elle était naturellement compliquée et coûteuse à l’époque de la monnaie métallique. Elle le restera avec l’apparition des billets de banques. Elle le restera encore à l’époque des chèques et cartes de paiement. Elle le reste aujourd’hui avec le téléphone devenu porte-monnaie. Encore aujourd’hui la mobilité de l’argent suppose des intermédiaires chargés de sa circulation sécurisée. Il faut en général au moins 2 banques, l’une faisant déplacer l’argent d’un compte à débiter vers l’autre qui va le recevoir et ainsi créditer un autre compte. Et comme la circulation de l’argent est le fait d’une multitude d’acteurs différents, rien ne dit qu’elle sera, à chaque instant équilibrée pour chacune des banques mobilisées. Ainsi la banque A peut devoir créditer des comptes pour un montant supérieur à ce qu’elle devra débiter sur d’autres comptes. Si elle-même ne dispose pas de suffisamment de liquidités apparaissant sur un autre compte dont elle est titulaire, elle devra emprunter auprès d’autres banques qui, elles, ont la chance de connaître un solde excédentaire sur les opérations décidées par les acteurs économiques. Plus simplement exprimé, la circulation de la monnaie dans une infrastructure faite d’entités indépendantes - les banques- connaissent des fuites ou innondations monétaires permanentes qu’il faut en permanence contrôler. Face à la circulation nécessairement désordonnée des ordres des acteurs économiques, il faut donc créer un marché où vont s’échanger les créances et dettes de l’instant. Concrètement, cela s’appelle encore aujourd’hui le marché monétaire. Les coûts correspondants à cette circulation faisant intervenir ces intermédiaires que sont les banques sont au fond des coûts de logistique, des coûts de transport. D’autres coûts interviennent car l’argent se métamorphose et peut prendre la forme d’espèces, voire de devises étrangères. D’où la présence d’un autre intermédiaire qui sera la banque centrale elle-même productrice des dites espèces. Cela suppose donc que les banques soient titulaires d’un compte à la banque centrale, compte qui pourra aussi être utilisé dans la gestion de la circulation de la monnaie entre banques. Ainsi quand la banque A devient momentanément déficitaire vis-à-vis de la banque B en raison des décisions d’échanges entre les acteurs économiques, la banque centrale pourra débiter le compte de A et créditer celui de B. Encore des coûts de simple logistique et de transport. Et bien sûr on peut imaginer que les distributeurs d’espèces qu’il faut alimenter, sécuriser et entretenir sont un élément important dans la chaine des coûts.

Les nouvelles technologies peuvent bien sûr assurer des gains de productivité et par exemple les banques en lignes sont censées alléger la chaîne des coûts. Elles restent toutefois bloquées par l’architecture générale supposant l’existence de comptes dans des établissements en concurrence. Elles le sont davantage encore avec la difficile gestion des espèces.

Mais le problème se complique car les banques qui assurent la circulation de l’argent se servent aussi de cet argent comme matière première d’accroissement de la valeur et donc de profit. Nous y reviendrons.

En attendant, un examen lucide du circuit compliqué de la circulation de la valeur mais aussi des règles correspondantes,  nous invite à suggérer l’éviction des banques au profit de la seule banque centrale. En effet, on peut imaginer que cette dernière fasse disparaître les très couteûses espèces au profit d’un porte-monnaie électronique, mais aussi fasse transférer tous les comptes de tous les acteurs économiques dans sa propre comptabilité. Que l’on soit entreprise, ménage, institution financière ou même Trésor public, tous disposeraient d’un compte à la banque centrale devenue infrastructure unique de circulation de la valeur. Une telle révolution ferait évidemment largement disparaître le marché monétaire. Simultanément, la chaine logistique plus légère serait aussi complètement sécurisée. En particulier il n’y aurait plus de « bank-run » , c’est -à- dire des moments de panique au cours desquels chacun se précipite au guichet pour retrouver son capital. En effet, la banque centrale ne peut connaître, par construction, de risque d’insolvabilité.

Comment du point de vue des acteurs économiques un tel dispositif fonctionnerait ?

1 - Une banque centrale assurant le fonctionnement du réseau monétaire.

Toutes les relations des entreprises avec leurs correspondants relèveraient d’un jeu d’écriture entre leurs comptes à la banque centrale et les comptes de tous les correspondants situés eux-mêmes à la-dite banque centrale. Chaque écriture se matérialisant par un débit et un crédit d’un même montant au passif de la banque. Cela signifie que la circulation monétaire n’en transforme pas son montant. La nouvelle banque centrale devient ainsi le logisticien unique dans la circulation monétaire. On passe ainsi d’un réseau fragmenté par l’existence d’une pluralité bancaire - une fragmentation risquée en raison de possibles maillons faibles - à un réseau unique et complètement sécurisé. Les titulaires d’un compte à la Banque centrale - en principe tous les acteurs du jeu économique- ne sont plus de simples créanciers pouvant perdre leurs avoirs liquides mais de réels propriétaires. Les droits de propriété sur la monnaie sont enfin garantis.

Au niveau international, la banque centrale gère les entrées et sorties de devises. Elle crédite et débite un compte en devises pour chaque entité et bien évidemment se trouve actrice sur le marché des changes. Le marché monétaire largement disparu au niveau interne reste au niveau externe et donc un marché monétaire entre banques centrales persiste.

2 - Statut des nouvelles banques.

Les banques désormais dépourvues de toute responsabilité en matière de logistique monétaire et des coûts correspondants peuvent continuer à développer leurs autres activités donc en particulier les opérations de crédit. Un crédit à un particulier ou entreprise se matérialiserait par un crédit au bénéficiaire sous la forme, d’un abondement sur le compte du particulier ou de l’entreprise figurant au passif de la banque centrale, et d’un débit sur le compte de la banque à la banque centrale. Nous constatons ici que le crédit n’est en aucune façon porteur de création monétaire, ce qui n’est pas le cas des opérations de crédit dans la configuration présente de l’architecture monétaire et financière. Rappelons en effet qu’aujourd’hui, un crédit est un abondement de compte qui se matérialise par une création monétaire. Et cette création monétaire en vue d’un profit (le taux de l’intérêt associé) peut s’opérer tant que la banque responsable du crédit ne se trouve pas gênée par une entrée en déficit permanent vis-à-vis des autres banques sur le marché monétaire. En effet une création monétaire massive de la part d’une banque crée mécaniquement une fuite de monnaie vers d’autres banques (le bénéficiaire du crédit effectue des paiements envers des acteurs disposant de comptes sur d’autres banques). Dans le nouveau dispositif proposé, les banques peuvent consentir  des crédits, mais seulement à partir de leur compte à la banque centrale, un compte qui sera débité pour créditer le compte du client. Bien évidemment, une banque pourrait solliciter un prêt à la banque centrale aux fins d’élargir son activité de distribution de crédits, mais une telle opération est une création monétaire de la banque centrale et non de la banque elle-même. On constate donc que la nouvelle logistique monétaire coupe la fonction bancaire traditionnelle : les banques ne peuvent plus créer de monnaie. La conclusion est donc qu’elles deviennent des établissements financiers comparables aux établissements non bancaires.

3 -  Le Trésor.

Toutes ses opérations figurent sur le bilan de la banque centrale, laquelle crédite les bénéficiaires de la dépense publique et débite les sommes correspondantes sur le compte du Trésor. Si le Trésor s’endette, le montant emprunté sera crédité sur son compte et va correspondre à des débits sur les comptes à la banque centrale de ceux des acteurs qui auront acheté de la dette publique. Sans création monétaire nouvelle par la banque centrale, l’endettement du Trésor correspond à une épargne de la part des autres acteurs. Précisément, comment désormais concevoir la création monétaire ?

4 - La nouvelle création monétaire.

Répétons que la création monétaire est jusqu’à présent le fait des banques et de la banque centrale. Logiquement, elle contribue à développer la croissance  sauf comme ce fut le cas avec les QE   où la monnaie supplémentaire reste stockée dans les systèmes financiers et ne font qu’alimenter une logique de casino.

Si dans le nouveau système, la banque centrale ne devait pas créer de monnaie la croissance serait freinée par la rareté monétaire. L’expression monétaire de chaque marchandise serait amenée à décroître, d’où un risque de déflation et de thésaurisation : pourquoi acheter et investir dans un monde où les actifs correspondants vont perdre de la valeur ? La banque centrale nouvelle formule se trouverait ainsi chargée d’une croissance de la masse monétaire adaptée à la croissance économique elle-même. N’étant que le grand logisticien de la circulation de la valeur, elle ne pourrait créer de la monnaie pour elle-même et devenir agent investisseur. Il faudrait donc qu’elle abonde les comptes figurant à son passif pour créer de la monnaie et autoriser la croissance. Bien évidemment, le volume créé tient aussi compte des relations économiques internationales, relations  pouvant introduire des fuites de capitaux en cas d’émission excessive.

Bien sûr la banque centrale pourrait créditer le compte du Trésor, un abondement sans dette correspondante et donc sans charge de la dette pour lui et les contribuables. Bien évidemment un contrôle démocratique doit être mis en place pour éviter tous les opportunismes politiques concernant des dérives vers les facilités monétaires. La règle de base étant que la contribution au Trésor privilégie les seuls investissements collectivement discutés. Une autre règle de base serait que les contributions au trésor soient muselées par la croissance économique réelle.

Dans un cadre semblable, la banque centrale serait autorisée à abonder les comptes des banques classiques. La création de monnaie correspondante au profit du système bancaire se trouverait quantitativement limitée au taux de croissance de l’économie réelle. Et une limitation à l’intérieur d’une fourchette afin d’autoriser des actions de régulation de la conjoncture. Les banques bénéficieraient d’un traitement égal, ce qui veut dire un abondement monétaire proportionnel à la part de marché de chaque banque. Les banques seraient évidemment libres de négocier les prêts avec les demandeurs de crédits. Rationaliser l’infrastructure monétaire n’est pas mettre fin à la concurrence et au libéralisme. Comme RTE (gestionnaire du réseau de transport de l’électricité) dispose du monopole de transport de l’électricité sans mettre fin à la concurrence entre producteurs, la banque centrale disposerait du monopole de transport de la monnaie sans toucher aux règles de la concurrence.

Ajoutons que les banques seraient aussi autorisées à négocier des emprunts auprès de la banque centrale comme auprès de tous les acteurs économiques. La fonction d’intermédiation traditionnelle serait donc garantie.

  1. - Le bilan coût /avantage du modèle proposé.

Il est un coût considérable pour la finance qui verrait une réduction draconienne de son terrain de jeu : impossibilité de transformer le bien commun qu’est la monnaie en matière première privée providentielle et porteuse de profit ; forte limitation du poids de  la gestion de la dette publique, le Trésor pouvant emprunter à la banque centrale, mais pouvant aussi recevoir de la monnaie sans dette. Au-delà, il est évident qu’une partie de la machinerie bancaire deviendrait complètement inutile.  Nous n’entrons pas ici dans le débat sur la banque universelle, mais il est clair qu’une telle transformation y mettrait fin..

Il est un avantage pour les piliers de l’économie réelle : répercussions sur la fiscalité de la baisse du coût des activités du Trésor ; possibilité de financer sans dette la « réparation » de l’environnement : aspect fondamental car il est aujourd’hui impensable de rembourser un capital (coûts de la protection du climat, de l’environnement, etc.) avec les intérêts correspondants alors qu’il n’y a pas de production supplémentaire ; probable diminution globale du coût de l’endettement avec marges de compétitivité plus importante à l’international, et donc perspectives alléchantes en termes d’IDE.

Il est aussi un avantage pour les ménages : la monnaie figurant sur les comptes bancaires cesse de n’être qu’un créance, toujours porteuse de risque et redevient la pleine propriété de ses détenteurs.

Plus globalement le projet est adaptable aux grands choix sociétaux : il est libéral au sens classique, et il peut devenir l’outil d’un réel interventionnisme…avec le risque qu’un déficit de contrôle démocratique puisse le transformer en un outil du totalitarisme. De ce point de vue, nous recommandons de suivre de près les travaux présents des banques centrales dans le projet MDBC (monnaie digitale de banque centrale).

Pour notre part nous souhaitons simplement que la monnaie renoue avec son caractère de bien commun.

 

 

 

 

 

 

 

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1 octobre 2023 7 01 /10 /octobre /2023 13:04

Des informations et faits nouvaux justifient la republication de notre texte en date du 1/10/2023).. Entre la dette et le climat il faudra effectivement choisir et être sérieux. On pourrait ajouter qu'il faudra aussi choisir sériusement entre la dette et l'UE...

En 2022 l'Institut de l'Economie pour le climat (14 CE) nous précise que les investissements climat ont franchi le cap des 100 milliards d'euros et que 2023 serait encore une année de hausse...toutefois fortement entravée par la hausse du cout du crédit et le renchérissement du cout des projets. Le même institut précise qu'il faudrait dans ce contexte, pourtant plus difficile, investir beaucoup plus au cours des prochaines années: au moins 58 milliards d'euros suppélemntaires. Or ces investissements sont appuyés sur une partie publique de moyens financiers à hauteur d'un tiers. Le déficit budgétaire pour l'année 2023 dépasse les prévisions de 2 milliards d'euros et les réductions de dépenses pour 2025 (12 milliards de prévus) devront être renforcées. La conclusion est que le fiancement de la transition est rigouresement impossible...sauf à changer complètement de modèle.

Le modèle de la dette interdit la protection du climat mais il interdit aussi tout passage à une économie de guerre pour soutenir l'Ukraine. L'Allemagne s'oppose au renouvellement de la "facilité européenne de paix" qui permettait un financement européen d'une partie des dépenses militaires ( achat de matériel neuf pour compenser les stocks partis vers l'Ukraine). La même Allemagne s'oppose à tout mécanisme de soutien collectif au profit de ce même pays. C'est dire qu'il n'y aura pas de commandes européennes groupées pourtant nécessaires pour justifier le financement des investissements dans l'industrie de l'armement. Les banques refusent tout crédit nouveau aux entreprises productrices de matériel militaire sans appui public, ce qui empêche le passage concret à une économie de guerre. Parce que l'Allemagne bloque, nous allons tenter d'utiliser les fonds de livret A, sans percevoir les effets d'éviction évidents sur le marché de l'immobilier....

Entre la dette, l'Europe et l'aide à l'Ukraine il faudra choisir. Hélas la configuration des marchés politiques ne permettra pas de choix rationnel et l'industrie financière restera encore, au moins à court terme, la gagante des décisions prises: nous continueront à parler de la dette.

Notre texte publié le 1/10/2023 rest d'actualité. Bonne lecture. 

Les débats budgétaires révèlent les énormes difficultés du pays : coûteux réarmement, coûteuses mises à niveau des infrastructures sanitaires, coûteuses mises à niveau des infrastructures énergétiques, etc.. et déjà la perspective d’un appel  à l’endettement public de plus de 285 milliards d’euros pour la prochaine année budgétaire. Une somme qu’il faut comparer avec des recettes attendues de l’ordre de 375 milliards d’euros. Observons que dans un tel contexte les dépenses au titre de l’environnement et du climat seraient de l’ordre de 7 milliards tandis que les besoins au titre d’un respect des contraintes de l’environnement se montent selon le rapport Pisani Ferry à 66 milliards…

Cet écart entre besoins et moyens ne concerne pas que la France. Sa levée repose sur un dogme, celui de disponibilités financières qui ne se conçoivent que dans le cadre de l’émission d’un actif devenant créance de celui qui en est propriétaire. Clairement, on accroit un stock de nouveaux ou anciens endettés et de nouveaux ou anciens créanciers.

La dette, outil inapproprié pour protéger un bien commun.

Cette pratique, reliant par contrat endettés et créanciers, est légitime dans le cadre de relations entre personnes privées. On ne peut en effet imaginer – en dehors de relations strictement personnelles et extra-économiques - qu’un acteur puisse financer un autre sans une reconnaissance de dette. De ce point de vue, même une action est une dette de l’entreprise vis-à-vis de son propriétaire. Simplement, elle peut être de nulle valeur en cas de mauvaises affaires et dans cette circonstance, selon le langage des professionnels, on dira que les « capitaux propres sont mangés ». 

Mais cette pratique n’est pas légitime pour la gestion de ce qu’on appelle les biens communs à reconstruire. En effet, si la température de la planète est un bien collectif à préserver, on voit mal des dépenses de simple préservation être assurées par des créanciers qui, au-delà du remboursement du titre acquis, exigent également une rémunération du capital investi. Clairement, les investissements au titre de l’environnement ne sont pas du capital créant de la valeur. Ils sont simplement du capital qui n’en détruit pas. Ils ne peuvent donc pas être financés par de la dette classique, celle qui relie investisseurs et créanciers dans le cadre de contrats classiques entre personnes privées –entreprises émettant des titres- ou entre personnes publiques et personnes privées (Etat émettant des titres publics). De ce point de vue, les 7 milliards de dépenses prévues au titre de l’environnement ne peuvent être légitimement dépensés à partir de la nouvelle dette anticipée au titre de l’année 2024

Comment mobiliser du capital sans dette ?

Il faut donc imaginer des émissions de capital sans dette, c’est-à-dire l’équivalent d’un don. La pratique de l’évergétisme relevant d’une autre époque, il faut donc imaginer non pas des dons de capital par des personnes privées mais des dons  de la part de la collectivité. Clairement, mobiliser des moyens concrets au profit de l’environnement suppose aussi une mobilisation concrète de moyens financiers qui ne soient pas de la dette. Même une obligation perpétuelle reste une dette à honorer et le temps n’est plus où cette dernière pouvait - comme naguère aux Pays-Bas - financer la protection des sols par des digues anti-inondations. Face à la question posée : la réponse qui vient à l’esprit est donc simple : la voie de l’impôt serait l’unique solution. Cette voie est pour autant largement impensable en raison de la concurrence fiscale entre Etats soumis aux contraintes de la mondialisation….même finissante.  De ce point de vue, les sociétés occidentales simplement peuplées d’individus déliés sont plus mal loties que la Grèce antique ou Rome qui -elles aussi démunies sur le plan fiscal-  bénéficiaient d’un évergétisme impensable chez nous aujourd’hui. Par exemple la générosité de Total Energie, avec son prix maximal de 1,99 euros pour le sans plomb, n’a rien à voir avec le Ptolémée III du troisième siècle av. JC. Elle se trouve même en être le contraire.

Une création monétaire non inflationniste et protégeant un bien commun

 Au-delà d’une fiscalité impraticable, la meilleure solution aujourd’hui est tout simplement la création monétaire, non pas celle des banques qui n’est qu’une dette mais celle de la banque centrale mobilisée par son Etat.

Concrètement, la Banque de France est invitée à créditer le compte du Trésor par une inscription à son passif. Afin d’éviter une centralisation dangereuse, on peut même imaginer un compte spécial de la banque de France au profit de chaque banque, compte figurant à l’actif de ces dernières et compte fléché au profit du seul environnement. Seuls les dossiers solides en matière d’environnement seraient susceptibles de financement sans dette, soit par l’Etat (compte du Trésor à la banque centrale), soit par les banques (leur compte spécial à la banque centrale). Il s’agirait par conséquent d’une subvention spéciale « climat » ou « environnement ». Bien évidemment, au terme du processus la richesse réelle n’augmente guère et se trouve en théorie simplement préservée : le bien commun climat ou environnement est protégé.  Toutefois en termes de PIB, tel qu’il est calculé aujourd’hui (somme de valeurs ajoutées), il y aurait croissance comptable : protéger le climat ou l’environnement est, bêtement, une valeur ajoutée au sens simplement comptable. Cela signifie qu’au final  l’émission monétaire sans dette ne déboucherait sur aucune inflation spécifique.

Reste le grand problème de l’acceptation d’un tel dispositif par les autorités européennes. Posons simplement la question du choix entre survie de l’humanité et dette.

 

 

 

 

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