Nous avons souligné dans notre dernier texte[1] qu’une réaction possible des banques, au taux de dépôt négatif imposé par la BCE sur les excédents de réserves obligatoires ( 0,3% encore aujourd’hui), était le report des charges sur des tiers.
Ainsi pouvait-on envisager un taux négatif sur les dépôts des clients, lesquels manifesteraient leur « préférence pour la liquidité » et transformeraient tout ou partie de leurs dépôts en billets de banque. Et c’est cet effet pervers potentiel qui serait à la base de l’idée de la suppression de la liquidité : il n’y aurait plus de monnaie disponible dans les poches des citoyens, les banques devenant leur souverain maitre.
La BCE a raison de s’intéresser aux effets pervers car le marché découvre toujours d’autres occasions possibles de résister à sa politique jugée calamiteuse par les banques. Si « l’impôt » n’est – pas trop élevé- puisque selon les « Echos », la charge annuelle du taux négatif sur réserves ne représente que moins de 10% du profit des banques européennes qui y sont assujetties[2]- il faut néanmoins le contourner. Et si on peut partiellement en reporter les charges sur des clients démunis de billets désormais interdits, il serait possible simultanément de contourner les dites charges en transformant les réserves excédentaires en billets déposés dans des coffres forts…..C’est ce que propose le groupement bavarois des caisses d’épargne, prêt à louer un service de coffres-forts pour un coût global évalué à 0,18%....soit moins que le coût imposé par la BCE….
Les banques deviendraient ainsi schizophrènes : elles souhaitent la suppression des billets pour les clients mais par pour elles-mêmes. On peut faire confiance à la BCE : elle n’acceptera pas un tel détournement de son pouvoir et interdira pour les banques elles-mêmes les liquidités. La BCE restera un Etat surplombant la montagne de cadavres des vrais Etats qui n’ont plus rien à dire sur la monnaie, un outil qui fut naguère l’une des pièces centrales de leur pouvoir.
Les petits jeux sur la monnaie ne concernent que les banquiers entre-eux lesquels continueront à se battre avec les outils de l’idéologie d’un intérêt général totalement invisible. Une bataille dont le sol est jonché de cadavres étatiques.
[1] http://www.lacrisedesannees2010.com/2016/03/peut-on-accepter-le-projet-europeen-de-fin-de-l-argent-liquide.html
[2] Cf « Les Echos » du 7 mars 2016 qui croit pouvoir préciser que le taux négatif n’aurait couté jusqu’ici que 1,25 milliards aux banques et ne représenterait annuellement que 2,9 milliards si le taux devait passer à -0,5%.