La politique économique du nouveau Président sera un chemin difficile pour parvenir à l’objectif de réindustrialisation avec comme conséquence attendue l’équilibre des comptes extérieurs du pays.
Le plan d’investissements au titre des infrastructures (1000 milliards de dollars) associé à la diminution des prélèvements fiscaux aura d’abord pour effet d’augmenter la demande interne avec une réponse tardive en matière d’offre. La raison en est que le vrai chômage massif qui se cache dans un taux d’activité anormalement faible, est logiquement long à résorber : remotivation pour le travail de ceux qui ont quitté les statistiques du chômage, requalification des travailleurs, etc. Il s’en suivra logiquement un accroissement du déséquilibre extérieur accompagnant celui des comptes publics ( 6 à 7 % du PIB). Il s’agit là du destin quasi-naturel des pays devenus sous industrialisés. Avec toutefois une exception de taille dans le cas américain, à savoir la conquête d’une indépendance énergétique par la relance de l’extraction des huiles de schiste devenues aujourd’hui rentables à moins de 45 dollars le baril.
La fin du libre-échange et l’apparition de barrières douanières notamment vis à vis de la Chine, de l’UE et du Mexique, n’entrainera pas un retour facile à l’équilibre en raison de conséquences sur les taux de change : chute du cours des devises des pays fournisseurs, hausse du dollar en raison de la hausse des taux d’intérêt américains initiée par une dette publique croissante. Une variation des taux qui viendra limiter l’effet-prix des taxes. Il n’est donc pas évident que le double mouvement des droits de douane et des taux de change affaisse les importations. Par contre la hausse du dollar, elle-même affectée par la possible politique de hausse des taux de la FED (La FED restera-t-elle indépendante ?) devrait affecter la compétitivité américaine au regard des exportations.
Même à moyen terme il est donc très difficile de dire que le retour à l’équilibre extérieur sera assuré. L’échec du Trumpisme, s’il devait se produire, serait bienvenu pour le reste du monde globalement- et parfois considérablement- excédentaire au regard des USA ( Le déficit US au regard de la chine représentait 2% du PIB américain en 2016, au regard de l’Allemagne, il est de 0,8%). Sachant que le déficit US est de 2,95% du PIB, il est facile d’imaginer l’effet boule de neige d’une telle contraction avec le reste du monde, notamment la Chine ( Excédent de 3,55 % de son PIB) et l’Allemagne ( 7,81% de son PIB, et plus précisément 2% de son PIB sur les seuls USA) qui ne pourraient en aucune façon redéployer leur mercantilisme sur les autres pays eux-mêmes touchés par le retour à l’équilibre américain. Pensons, par exemple, au Japon qui lui aussi dispose d’un lourd excédent sur les USA (0,4% du PIB américain) ou le Mexique qui assure 80% de ses exportations avec son voisin du Nord, soit plus de 25% du PIB de ce pays réellement très dépendant des USA.
Mais si le monde doit souhaiter un échec du nouveau Président, c’est aussi pour une autre raison, à savoir la raréfaction de cette liquidité internationale que reste le dollar. Rappelons que le dollar n’est devenue monnaie de réserve que dans la mesure où après le second conflit mondial il était la seule monnaie convertible - certes au seul niveau des banques centrales- en métal précieux, et monnaie assise sur la puissance incontestée des USA. Cette condition ne fut hélas pas suffisante, et il fallait au-delà permettre des transferts massifs de dollars sur le reste du monde pour assurer les débouchés d’une énorme machine économique construite en temps de guerre. Cette période fut celle du « dollar gap », période de pénurie de liquidité internationale compensée par des transferts dont aussi des dépenses militaires massives sur l’ensemble de la planète. Cette période devait s’achever au tout début des années 60 avec les premiers déficits extérieurs et l’apparition de « balances dollars » nourrissant la liquidité internationale, et période que l’on a désignée « dollar glut ». Depuis l’équilibre extérieur ne fût plus jamais réalisé, une réalité qui devait faire le nid de la mondialisation à venir.
Si donc, les USA devaient connaitre, sans aucune concertation, le retour à l’équilibre, c’est un monde plus cloisonné d’Etats-nations qui devrait émerger, et un monde relativement dépourvu en liquidité devant assurer un commerce international qui, sans doute plus réduit, resterait néanmoins considérable. Comme le retour à une monnaie de réserve nouvelle supposerait l’émergence d’une très grande puissance déficitaire, on ne voit pas quelle monnaie pourrait prendre la succession du dollar. De là à penser que derrière la nouvelle politique américaine il y a le retour du plan Keynes de Bretton-Woods avec son célèbre « Bancor », il y a un pas que l’on ne saurait aujourd’hui franchir.