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13 octobre 2021 3 13 /10 /octobre /2021 08:32

Dans un article précédent nous avons constaté que les grandes questions du pays (social, économique, environnemental, géopolitique) supposait de disposer de moyens colossaux qu’une finance - majoritairement abonnée à de simples jeux spéculatifs protégés par monétisation abusive de la  banque centrale- ne peut rassembler. Le préalable à la question des programmes au titre de l’élection présidentielle est donc la construction de la matière première de base de la reconstruction du pays c’est-à-dire la finance.

Et parce que toute reprise en mains de la finance est faite d’opérations techniquement risquées et politiquement extrêmement dangereuses, il convient d’aborder la question avec une extrême prudence. Au-delà de l’objectif de reconstruction du pays, le respect de l’épargnant doit-être garanti. Cela passe par une infrastructure financière complètement arrimée aux objectifs de reconstruction, concrètement un outil de circulation de la valeur d’abord rationalisé, mais aussi complétement sécurisé, et apportant de la visibilité aux diverses étapes d’une reconstruction politiquement  planifiée.

Rationalisation :

Une circulation de la valeur rationalisée passe par l’observation d’un existant devenu très peu fiable. Notre infrastructure financière est composée d’un système bancaire chargé - au-delà du simple stockage de monnaie- de l’essentiel des échanges d’argent que ce soient des paiements, des crédits, de la circulation nationale et internationale des capitaux, etc. Dans ce système, ou cette infrastructure, circule de la monnaie comme dans le réseau électrique circule de l’électricité. Aujourd’hui la circulation monétaire - essentiellement depuis la crise de 2008- se déroule de façon dangereuse avec des banques dont la solvabilité n’est pas clairement assurée. Un peu comme si les pylônes du réseau de circulation de l’électricité étaient d’une fragilité inquiétante. Qui plus est, la monnaie circulante peut être source de thrombose, avec une Union Bancaire qui reste enlisée et un marché fragmenté. Elle peut être également source de fuites y compris sous la forme de retraits massifs de billets, retraits  qui consacrent la méfiance au regard du système. Cette méfiance est elle-même justifiée par des ratios inquiétants avec une cotation qui, malgré les récentes hausses et les rachats d’actions, représentent une valeur toujours inférieure à la valeur comptable nette. De ce point de vue, l’idéal de rationalisation serait la généralisation de la monnaie numérique de banque centrale qui ferait de cette dernière l’infrastructure moderne de la circulation de la valeur. Tous les acteurs disposeraient d’un compte sous forme numérique à la banque centrale, ce qui rendrait obsolète, aussi bien le marché monétaire, que  la circulation des billets. Sa mise en place moderniserait bien davantage les systèmes de paiements qui se manifestent aujourd’hui avec les néo-banques et la forte accélération de la numérisation des processus. La rationalisation passe donc par l’édification d’une infrastructure nouvelle de circulation de la valeur passant par la monnaie numérique de la  Banque de France et faisant de cette dernière son acteur principal. Bien évidemment cette rationalisation entrainera de considérables résistances de la part d’un système bancaire qui deviendra - au moins partiellement- inutile et qui devra, comme il y a plusieurs dizaines d’années avec les produits assurantiels, découvrir de nouvelles frontières , ce qu’on appelle le « Beyond Banking » ou « l’au-delà de la banque »  . Mais on sait que les marchands de chandelles n’ont pas facilement accepté l’apparition de l’ampoule électrique.

Sécurisation :

Politiquement il conviendra dans un projet présidentiel de ne voir la rationalisation que dans la mesure où elle va apporter une sécurisation complète à toute circulation de la valeur. En effet, il faudra bien expliquer que le vieux système que nous connaissons est d’autant plus dangereux qu’un compte bancaire n’est qu’une créance sur une banque qui peut faire défaut. Circonstance renforcée par  la menace grandissante de la préférence pour un « Bail-in » plutôt qu’un « Bail-Out ». A l’inverse, un avoir en monnaie numérique de banque centrale, est un actif sûr puisqu’une banque centrale ne peut faire défaut. Et un actif sûr qui peut être rémunéré par décision administrative aux seules fins de respecter l’épargnant.

La sécurisation viendra aussi pour l’Etat si la grande transformation proposée inclue l’extinction progressive d’un marché de la dette publique toujours soumis aux jeux spéculatifs sur les spreads de taux. Cela passe par un système bancaire chargé d’une mission de service public avec en particulier l’achat obligatoire de bons du Trésor. La dépense publique nourrit des comptes qui assurent un retour vers le Trésor. Cette extinction progressive apportera une sécurisation nouvelle : voir réduire progressivement la grande dépendance vis-à-vis du  reste du monde et aboutir à la  situation de celle du Japon où 90% de la dette publique est interne. A noter que cette extinction est également porteuse de sécurisation pour les autres pays européens et l’Europe toute entière. En effet les investisseurs des pays frugaux (Allemagne, Pays-Bas, etc.) n’auront plus à craindre de voir leurs capitaux exposés dans un pays à solvabilité menacée. De la même façon, Bruxelles n’aura plus à imposer de politiques restrictives entrainant une croissance anormalement faible pour toute la zone et une balance extérieure courante dont l’excédent (plus de 3% de PIB) est un boulet pour le reste du monde. Notons enfin que globalement la sécurisation vient raboter les jeux spéculatifs qui se nourrissent d’une insécurité par le biais de juteuses opérations de couverture de risques. Des risques qu’il faut reporter sans fins sur un marché du risque devenu tentaculaire, avec en particulier des produits dérivés, des positions nues, etc., et qui devra devenir politiquement maitrisé.

Visibilité :

Les banques, comme l’Etat, désormais sécurisées reçoivent la mission de fournir les moyens de la reconstruction dans tous les domaines définis par le législateur : décarbonisation planifiée et mesurée, respect d’objectifs de réindustrialisation et de transformation de l’agriculture, indicateurs de contraction des chaines de la valeur, indicateurs de recul de la polarisation, respect des objectifs de reconstruction et d’élargissement du complexe militaro-industriel, amélioration mesurée du système de formation et du système de santé, réintégration du pays dans le peloton de tête de la recherche mondiale, disparition du chômage avec augmentation générale du taux d’activité, indicateurs de santé sociale et sociétale,   etc. Cette visibilité suppose un contrôle strict de l’activité des banques et des administrations qui coopèrent avec les acteurs de base de la reconstruction : entreprises privées, entreprises publiques, associations, etc.

Chacun des objectifs est négocié avec les acteurs de base et le suivi de chacun d’entre eux donne lieu à des débats publics.

Rationalisation, sécurisation, et visibilité doivent permettre de nourrir des investissements dont la seule limite n’est en aucune façon financière mais la faisabilité matérielle. Dispose-t-on des compétences et de la capacité matérielle au redéploiement d’un très grand volume de travail humain, soit probablement celui de plusieurs millions de personnes ?

La réponse est bien entendu dans la remobilisation de tous les acteurs autour du projet de refondation, projet  évitant à la France de rejoindre la culture anglosaxonne et de rester dans la sienne tout en répondant aux grands enjeux de demain.

Principaux points du message à diffuser durant la campagne.

Le candidat réellement soucieux des questions financières s’engage à permettre à tous les français, mais aussi à tous les utilisateurs de monnaie, d’ouvrir un portefeuille feuille numérique à la banque de France. Cette nouvelle liberté est celle de la fin de la monnaie simple créance. Elle est aussi la possibilité d’échapper à l’ancienne circulation des billets et pièces devenue incompatible avec les nouvelles exigences sanitaires. Le candidat présente la mesure comme modernisation, sécurisation et simplification du réseau de circulation de la valeur. La banque de France doit ainsi devenir la banque sécurisée de tous les français. Le candidat insiste beaucoup sur le fait que déjà les projets de création de monnaie numérique de banque centrale sont à l’étude au niveau de la BCE et de nombreuses autres banques centrales. Il précise simplement qu’il veut aller au-delà et prendre appui sur ces monnaies nouvelles pour nourrir un projet ambitieux de reconstruction du pays. Il insiste également beaucoup sur le fait qu’il s’agit d’une entorse à l’indépendance de la Banque de France, entorse qui de fait sera acceptée par Bruxelles en raison des solutions qu’elle apporte au risque d’un éclatement de l’euro. C’est évidemment la partie la plus difficile dans la communication du projet.

 

Le candidat s’engage en contrepartie à interdire les cryptomonnaies privées sources de déstabilisation des comptes bancaires classiques mais aussi d’activités spéculatives et délictueuses. Il insiste sur le fait que déjà plusieurs milliards d’euros ont disparu des comptes bancaires français et se sont transformés en crypto-monnaies privées insaisissables.

 Il s’engage également à limiter le déplacement de fonds  des comptes bancaires classiques vers les portefeuilles numériques. Il s’engage toutefois sur une montée en puissance des portefeuilles numériques dont le contenu, à terme,  deviendra la monnaie de base entièrement sécurisée et rémunérée par un taux de l’intérêt administrativement décidé. Les comptes classiques deviendront progressivement des comptes d’épargne rémunérés, sur lesquels se fondera des financements au titre de la reconstruction. Dans ce cadre les banques se verront confiées une mission de service public. Le candidat, toujours prudent, proposera une enveloppe de 5 année pour aboutir à la mutation  progressive du système bancaire.

La protection temporaire apportée au système bancaire sera toutefois assortie de nouvelles contraintes. Les dépenses publiques au titre de la reconstruction qui se déverseront sur les comptes bancaires seront pour partie le support de bons du Trésors obligatoirement  achetés par les banques. Ce retour obligatoire vers le Trésor permettra à court terme de réduire, puis à plus long terme de faire disparaitre le marché de la dette publique. Le terme proposé par le candidat sera lui aussi fixé à 5 ans. En contrepartie et toujours dans le cadre du respect strict des objectifs généraux de reconstruction, les banques pourront bénéficier de contrats de création monétaire fixés conjointement par la banque de France et l’Etat au titre des investissements programmés.

Le projet général de reconstruction développera des externalités favorables aux pays frugaux (excédentaires). Le redressement favorise le mouvement général des dépôts européens vers la France, ce qui vient soulager les soldes Target 2 et rassurer tous les pays excédentaires. De quoi assurer certes, à partir d’un non-respect de l’indépendance de la Banque centrale, une union des transferts que la zone refuse avec obstination….De quoi aussi retarder sinon gommer la question des taux de change et donc celle de l’Euro…. Comme quoi la généralisation d’une monnaie numérique de banque centrale peut soulager les erreurs de cheminement dans la construction européenne. Techniquement cette union artificielle des transferts est difficilement communicable dans une campagne électorale, mais le candidat peut simplifier les choses en parlant d’une correction des négligences dans le processus historique de la construction européenne.

Le candidat insistera sur la séparation qu’il introduit dans la réforme entre les activités de marché (spéculation) et les activités de service public considérablement renforcées par la nouvelle infrastructure monétaire. S’agissant des premières il n’existe pas d’opposition fondamentale à ce que les activités de haut de bilan se maintiennent. Simplement elles tiendront compte des objectifs généraux de la reconstruction. Par contre les secondes seront progressivement limitées par la volonté de diminuer le périmètre des jeux spéculatifs consommateurs d’une épargne elle-même  carburant de la reconstruction. A titre d’exemple le candidat doit s’engager à supprimer le marché de l’électricité qui au-delà d’un gaspillage de moyens humains, technologiques et financiers ( débats invraisemblables sur la « taxonomie » ou réalité institutionnelle tout aussi invraisemblable appelée  «ARENH ») a eu pour résultat un prix de l’électricité déconnecté de son coût unitaire moyen et des retards dans les technologies de demain (EPR, SMR, réacteurs à sels fondus, etc.)

Remarques conclusives

Il est bien évident qu’un tel projet risque de développer un effet contagion à l’échelle de la zone. Avec des effets pervers, par exemple celui pour des Etats imprévoyants de jouer pleinement le jeu de la théorie monétaire moderne reposant sur la fausse souveraineté permise par un Euro bizarrement devenu protection. Par exemple la Grèce pourrait en revenir aux choix festifs qui étaient les siens avant la crise de 2015. A terme cela suppose probablement de revoir les traités.

Une question très importante est celle de la gouvernance de la banque de France devenue surpuissante. A cet égard une telle réforme doit impérativement refonder le code monétaire et financier avec l’objectif général d’un contrôle authentiquement démocratique garant des libertés fondamentales. On ne peut en effet oublier que la nouvelle « technologie monétaire » met fin à « l’argent liberté » contenu dans des billets disparus.

Plus généralement la grande question sera de savoir si l’effet contagion pourra corriger les effets de polarisation entre excédentaires et déficitaires ou s’il finira par faire disparaitre l’euro.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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