En allant à l’essentiel, le pacte de responsabilité -présenté le 14 janvier dernier par le Président de la République - est un échange de productivité publique (administrative et sociale) contre des marges plus grandes pour les entreprises. En effet la fin des cotisations familiales serait financée par moins de dépenses à volume inchangé de services publics, ce qui signifie des marges plus élevées contre des rendements plus élevés dans la sphère publique.
Sans inventaire, et donc de façon très approximative, cet échange n’est pas irréaliste, puisque cela suppose - pour réussir une exonérations de 35 milliards d’euros de charges- un gain de productivité d’environ 3% (les dépenses publiques totales se montant à environ 1200 milliards d’ euros).
Toutefois la vraie question est celle des conséquences macroéconomiques d’un tel échange.
Conséquence 1
En première lecture l’augmentation de la productivité administrative et sociale développe – en première vague- 2 effets directs : une hausse des marges et une baisse de la dépense publique pour un même montant.
Le second effet est clairement récessif puisque la demande globale va s’en trouver affectée : moins d’achats par les administrations et moins de dépenses de salaires pour des fonctionnaires et assimilés moins nombreux.
La question est donc de savoir si le premier effet est porteur d’une demande globale accrue venant compenser, voire surcompenser l’effet récessif qui vient d’être mis en évidence.
Conséquence 2
La hausse des marges devient - de fait - des gains de productivité pour les entreprises, gains qui peuvent développer, selon les choix des entreprises au moins 3 effets de seconde vague : baisse de prix des biens et services produits (du revenu est donc distribué aux acheteurs) ; hausse des salaires (du revenu est distribué aux producteurs directs) ; hausse des profits des entreprises (du revenu est mis en réserve ou distribué aux propriétaires et actionnaires).
Reste à savoir comment se trouvent répartis les gains de productivités et ce qu’ils deviennent. D’où une troisième vague de conséquences.
Conséquence 3
Si les gains de productivité sont entièrement redistribués aux salariés, une hausse de la demande globale vient compenser l’effet récessif, et ce à priori pour un montant semblable. Peu de changements macroéconomiques interviennent et la croissance reste ce qu’elle était avant toute décision.
Si les gains de productivité sont entièrement redistribués vers les profits, l’effet de récession n’est gommé que si les profits sont entièrement investis (dépenses de RD + investissements) et viennent alimenter une demande nouvelle de biens d’équipements. Cette hypothèse laisse toutefois une grande interrogation : comment justifier des investissements nouveaux alors que la demande globale diminue ? Question très justement posée par Philippe Murrer dans son dernier article de La Tribune.
Si les gains de productivité sont cédés aux consommateurs (entreprises et ménages), il y a ici hausse du pouvoir d’achat pouvant déclencher de nouvelles conséquences en termes de demande : la quatrième.
Conséquence 4
Les choses deviennent ici plus complexes car le revenu distribué sous la forme d’une baisse des prix peut affecter la demande domestique mais aussi la demande étrangère.
Si en raison d’une élasticité/prix faible de la demande étrangère (les marchandises nationales ne sont pas qualitativement très intéressantes), le revenu n’est redistribué qu’à l’intérieur de l’espace domestique, nous retrouvons le cas de figure où un effet d’expansion vient simplement compenser un effet récessionniste.
Si maintenant l’élasticité/prix de la demande étrangère est très élevée, l’effet d’expansion de la demande globale peut devenir très important et dépasser l’effet de récession. Avec un entrainement vertueux possible : la demande internationale augmentant, l’investissement se trouve justifié, investissement développant un nouvel effet d’expansion.
S’agissant de la France, il est clair que les élasticité/prix sont variables et que certains secteurs disposent de réels avantages à l’exportation pour peu qu’il soit possible de diminuer les prix en diminuant les charges. Au total le chemin de la baisse des prix à l’exportation est le seul qui puisse surcompenser les effets récessionnistes de la baisse des dépenses publiques proposée par le Président de la République.
Conclusions
Clairement, on ne peut reprocher à un gouvernement de veiller à une amélioration de la productivité dans les activités publiques. En termes simples cela signifie la diminution du cout unitaire du service rendu, de quoi par conséquent produire encore plus de biens publics à pression fiscale constante.
Par contre on perçoit bien au terme du raisonnement très simple que nous venons de mener qu’une modification du taux de change serait autrement efficace, une efficacité pouvant même renforcer la puissance créatrice de services publics.
Si en effet une baisse du taux de change, calculée pour générer une marge globale supplémentaire de 35 milliards d’euros pour les entreprises était décidée, il serait aisé de retrouver la croissance… ce qui n’empêcherait nullement de veiller par ailleurs à la productivité des services publics.
Toutefois nous retombons ici sur le sujet de l’euro dont chacun sait qu’il correspond à un débat interdit…