Variations historiques des formes d'Etat et correspondances en termes de dette, de monnaie, de structure des banques centrales et de dette publique
Formes de l’Etat | Formes de la dette envers l’Etat | Formes de la monnaie | Formes de la banque centrale/Formes d’action de l’Etat | Réalité et importance de la dette publique |
Despotisme radical | infinie | Absence ou monnaies primitives | Peuple fournisseur infini | Nulle ou inter étatique |
Despotisme avec émergence du droit : version1 | Infinie mais contestée : dette privée comme externalité négative | Outils de comptage + monnaie de simple circulation | Idem+ annulation régulière des dettes privées pour maximiser la créance publique | Nulle ou inter étatique |
Despotisme avec émergence du droit : version 2 | finie | Norme monétaire métallique = richesse accumulable loi d'airain | La mine de métal fonctionne comme banque centrale | Nulle ou inter étatique |
Etat moderne Partage des outils de la contrainte publique | Finie mais contestée et partagée | Norme monétaire métallique= richesse accumulable | Hôtel des monnaies surestarie/dépréciation Premières banques centrales modernes | Importante et le plus souvent intra étatique |
Marchés politiques actifs et démocratie de moyennisation (compromis fordien) | finie | Renouvellement de la norme monétaire et libération vis à vis de la loi d'airain Richesse accumulable
| Généralisation des banques centrales modernes | Rapide réduction |
Marchés politiques actifs et démocratie contestée=mondialisation | Finie mais contestée et partagée | Retour à la loi d’airain de la monnaie et privatisation Richesse accumulable | Séparation des banques centrales vis-à-vis des États | Rapide augmentation en intra et/ou en inter étatique |
Le présent tableau permet de disposer d'une vue synthétique pour comprendre le monde tel qu'il est. Il faut le lire à partir du paradigme de l'Etat tel que je l'utilise généralement dans le blog, à savoir une entité historiquement engendrée par le fonctionnement normal des collectivités humaines, entité dont les moyens - ce que nous appelons la "contrainte publique"- sont gérés à titre privé , et parfois mis à la disposition de tel ou tel groupe social, par des entrepreneurs politiques. Parce que fondamentalement prédatrice, l'entité Etat prélève des ressources sur les communautés contraintes. Ce qu'on appelait "sacrifice" à l'aube de l'humanité a pu ainsi devenir au cours de la longue histoire, dette de vie, dette de sang, dette de travail, impôt, etc. En même temps avec la transformation des formes de L'Etat, la prédation fût partagée entre entrepreneurs politiques et groupes dominants, pour finalement aboutir à des formes d'Etat providence qui ont pu correspondre aux "30 glorieuses" et à ce que les économistes ont appelés le "Fordisme", et aujourd'hui sa forme extrêmement dégradée qu'est la mondialisation.
Si à l'origine la monnaie était un instrument de coopération efficace n'assurant que la simple circulation sans jamais devenir réserve de valeur, elle s'est plus tard transformée en "extériorité", et à ce titre, est devenue une structure voisine de l'Etat. Et le plus souvent existe une loi d'airain de la monnaie comme il existe une loi d'airain de l'Etat. cela signifie que l'humanité croit généralement en une rareté des signes monétaires, et une rareté vécue comme aussi naturelle et objective que ne l'ait l'Etat. Seule la période dite démocratique de l'aventure étatique ,a pu correspondre à une libération vis à vis de la loi d'airain de la monnaie.
Parce qu'extériorité semblable à celle des Etats, la monnaie fait l'objet d'enjeux gigantesques, et l'idée de banque centrale est probablement aussi vieille que l'Etat lui même. Les Etats et leurs entrepreneurs politiques, ont du se battre pour contrôler la prédation qui pouvait aussi passer par la monnaie. D'où l'annulation des dettes privées, en concurrence avec la rente publique, par le pouvoir politique durant toute l'antiquité: Mésopotamie, Grèce, Rome,etc. D'où aussi une étrange resemblance entre le "complexe militaro monétaire" de l'antiquité, avec contrôle des mines de métal au profit du paiement des soldes militaires , et celui d'aujourd'hui, où la puissance militaire américaine repose sur une création monétaire dépourvue de loi d'airain. C'est aussi avec la fin des surestaries abusive, le seigneuriage, la dilution des monnaies etc. qu'à pu s'établir un Etat plus moderne, et une prédation mieux partagée avec ceux qui allaient devenir des rentiers: la dette ne fonctionne plus qu'au profit de la puissance des entrepreneurs politiques, mais se trouve redistribuée au profit des rentiers. la démocratie, stade de l'aventure étatique qui semble s'éloigner aujourd'hui , a pu être en raison de son large partage des outils de la contrainte publique, une période très difficile pour les rentiers, et très favorable aux bénéficiaires de l'Etat providence. cette période est aussi celle d'un contrôle strict des banques centrales par les entrepreneurs politiques.
Et derrière cette architecture, se dresse la réalité de ce qu'on appelle la "dette publique". Elle était évidemment nulle dans les premières formes de l'Etat: c'était le peuple qui était soumis à la dette infinie de l'esclavage. Lorsque le despotisme se fait plus modéré, des échanges marchands peuvent être initiés, et la dette privée peut commencer à concurrencer la dette publique. Plus tard la concurrence sera vive entre entrepreneurs politiques et banquiers, et le jeu sera souvent collectivement perdant, notamment dans le moyen -âge européen. Il faudra attendre les banques centrales modernes pour améliorer le résultat du jeu et en particulier la banque centrale anglaise, qui de fait, assurera la victoire définitive sur Napoléon. La fin précaire de la loi d'airain, et la mise sous tutelle des banques centrales, étouffera au vingtième siècle le jeu de la rente et de la dette publique qui lui est associée. Le basculement vers la mondialisation, comme nouvel équilibre des marchés politiques, dictera la fin de la mise sous tutelle des banques centrales, et une croissance considérable de la dette publique. Et avec elle le retour de l'âge d'or de la rente. la dette publique longtemps gigantesque, mais finalement anéantie, retrouve le déploiement qui était le sien jusqu'au début du 19ième siècle.