Jacques Delpla et Olivier Gourinchas proposent une allocation chômage commune à la zone euro.
L'idée n'est pas neuve et se trouvait être un axe important du "rapport du groupe de réflexion Union Economique et monétaire 1980" rapport publié par la commission européenne le 8 mars 1975, et groupe piloté à l'époque par Robert Marjolin. A l'époque le groupe estimait - Page 34 du rapport- que "les possibilités de réequilibrage entre pays de la communauté doivent être considérablement renforcées. A son avis une approche efficace consisterait en l'introduction d'un système communautaire d'allocations de chômage".
La monnaie unique n'était pas encore de ce monde, et l'europe de l'époque se trouvait infiniment plus réduite et plus homogène, mais le raisonnement se voulait déjà mundellien. l'annexe du rapport se voulait beaucoup plus précis encore et évoquait la nécéssité de transferts massifs de revenus entre zones économiques et donc aussi entre pays. Le projet reposait sur des principes précis: création d'une caisse européenne financée par des prélèvements sur les salariés et les entreprises, création d'une allocation communautaire s'ajoutant aux prestations nationales des systèmes déjà en place. Sans oublier le symbole: les prélèvements européens devaient être visibles sur la fiche de paye, d'où sa préférence à toute forme de solidarité opaque dont celle évoquée de prélèvement sur la TVA. Le fédéralisme européen devait ainsi s'enraciner aux fins de créer une conscience européenne.
Inutile d'insister sur les suites qui furent données au rapport Marjolin, et les années qui suivirent furent celles de l'immersion de l'europe dans la mondialisation. A l'époque la monnaie unique restait un rêve dont les contours n'étaient pas encore dessinés. Pourtant Robert marjolin et ses collègues connaissaient déjà les conditions nécéssaires à la mise en place d'une telle monnaie.
Jacques Delpla et Olivier Gourinchas, sans évoquer les réflexions européennes des années 70, reprennent l'idée d'alloction chômage européenne avec la création d'un fonds capitalisant un Point de PIB. Si le financement du fonds n'est pas clairement explicité, il viendrait en complément et en substitution partielle des assurances chômage existantes dans la zone euro. De quoi, par conséquent, transférer des fonds vers le sud de la zone particulièrement touchée par le chômage. la nouveauté , par rapport aux réflexions et propositions de Robert Marjolin , est toutefois que l'accés à l'allocation européenne de chômage serait conditionnée à la transformation du contrat de travail: les salariés du sud seraient invités à accepter un contrat de travail européen ( à construire) moins rigide que celui en vigueur aujourd'hui. Nous retrouvons la formule à la mode mais assez peu utilisée: il s'agit "d'acheter" les réformes souhaitées plutôt que de les imposer. Et pense t-on, avec une réforme , deux effets: un transfert de fonds depuis les zones prospères vers les zones en difficultés, et un potentiel productif amélioré pour ces dernières.
Pour autant, le problème du sud de la zone, est moins une question de flexibilité du travail, qu'une question de déséquilibre extérieur impulsé par un taux de change inadapté. Ces pays ne parviendront pas à l'équilibre extérieur par davantage de flexibilité. Dans un cadre de monnaie unique, les acteurs ont effectué des choix individuellement efficients: produire dans le sud des marchandises internationalement échangeables est couteux, et il vaut mieux y installer des unités de distribution de marchandises aisément importables et commercialisables en raison d'une monnaie forte.
Dans les pays de sud, il ya donc de la place pour la grande distribution, mais certainement fort peu de place pour de l'industrie. Or ce sont les industries qui assurent les exportations, et en revanche, la distribution qui assure les importations. Double cause d'un même incorrigible déficit extérieur.
Si maintenant davantage de transferts provenant d'une allocation de chômage européenne se manifeste, il s'agira d'un vrai cadeau pour la distribution importatrice et d'un geste neutre pour une industrie se devant d'être ultra compétitive du fait de la monnaie unique.
Non, l'allocation de chômage européenne n'est pas mundellienne, elle permet simplement de prolonger l'agonie de certains des passagers clandestins de la zone. Agonie faite aussi de stagnation du PIB, car seules les activités industrielles générent de la création et des rendements croissants porteurs de croissance économique. Des activités industrielles qui se heurtent pour ces pays au mur de l'euro.
L'armée des experts étrangers chargée de "reconstruire l'Etat Grec" a tort de s'étonner d'une consommation bien supérieure (près de 75% du PIB) à la moyenne européenne (moins de 58% de PIB): ce fait n'est que la conséquence logique d'une monnaie complètement inadaptée à la situation de la Grèce.