Depuis la publication du billet, de nombreux lecteurs sont intervenus pour le critiquer et en améliorer son contenu.
Une première série de critiques concerne les prélèvements fiscaux auxquels les entreprises françaises sont assujetties dans des proportions bien plus grandes que dans la moyenne de la zone euro (18% du PIB contre 11% dans le reste de la zone). Un tel écart entraine aussi des taux de marge en France beaucoup plus faibles (32% contre 43% dans le reste de la zone) avec bien évidemment des conséquences sur l’investissement. Ces différences sont à examiner de près.
En premier lieu, les prélèvements en pourcentages sont d’autant plus élevés que la production est plus faible. Si le PIB français était plus élevé, à besoins de prélèvements fiscaux identiques en masse, le taux de prélèvement serait plus faible. Inversement, comme la croissance allemande est devenue structurellement plus élevée, on comprend que, cette année, la pression fiscale allemande va continuer de baisser ce qui va aggraver l’écart entre les deux pays. Ce qui compte, dans cette affaire de pourcentage de prélèvement, est autant le numérateur (masse prélevée) que le dénominateur (PIB). Ajoutons par ailleurs que la masse prélevée doit logiquement diminuer si le PIB est plus élevé en raison de besoins sociaux moindres ( moins de chômage, moins d’exclus, etc.) De fait la continuelle montée des prélèvements obligatoires en France est largement due à l’insuffisance de la croissance. Et si les prélèvements allemands commencent à diminuer c’est en raison d’une conjoncture de croissance plus élevée.
En second lieu, le poids des prélèvements résulte aussi du mode de gestion du coût de la reproduction de la force de travail. En France, le salarié reçoit le prix de sa reproduction immédiate : de quoi se nourrir, se loger, etc, en achetant directement sur le marché les biens et services nécessaires à la reproduction de la vie. Par contre, les coûts indirects de la reproduction de la vie : allocations familiales, chômage, maladie , vieillesse, etc. sont quasi entièrement socialisés et passent très majoritairement par la machinerie de la puissance publique. Depuis très longtemps mais surtout depuis la crise, ce coût est payé par les entreprises (prélèvements fiscaux et sociaux) et par de la dette émise par l’Agence France Trésor et par la CADES. Dans beaucoup d’autres pays de la zone, les salariés reçoivent davantage que le prix de la reproduction immédiate de la vie. A ce titre, au-delà de l’achat classique de biens et de services, ils doivent se livrer à l’achat moins classique de la reproduction de la vie lorsque les dits salariés sont malades, sont âgés, etc.
Si donc, il existe une grande différence dans le niveau de prélèvements publics obligatoires cela résulte de ces 2 causes : production davantage bloquée en France et mode spécifique des modalités concrètes de gestion du coût de la reproduction de la force de travail.
Parce que dans l’idéologie macronienne ce sont les prélèvements publics obligatoires qui expliquent la faiblesse de la production, il faut les diminuer en affaissant globalement les charges indirectes liées à la reproduction de la force de travail. Comme il est difficile de s’attaquer au salaire direct en raison des rigidités du marché du travail, ( difficile de supprimer les conventions collectives, les contrats à durée indéterminées, etc) , on s’attaque aux retraites, à la sécurité sociale, la valeur des logements etc.
La seconde série de critiques concerne la dette elle-même. C’est bien la dette publique de la France -et bien sûr toutes les autres dettes publiques- qui, nourrissant les soi-disant cigales…,nourrissent en retour des entreprises allemandes produisant beaucoup plus que les débouchés nationaux du pays. Sans ces dettes, les salariés français ne pourraient pas acheter les marchandises allemandes. La dette publique est donc bien ce qui permet d’équilibrer un monde fort mal organisé[JCW1] où les excédents et déficits commerciaux ne sont en aucune façon pris en considération. Mais cette fort mauvaise organisation nourrit magnifiquement la finance puisque plus de dettes c’est aussi plus de rente, avec par exemple 41 milliards d’intérêts pour le budget français de 2017 pour un déficit global de 67 milliards.
Un monde mieux organisé est ce que nous tenterons d’examiner dans la seconde partie du billet. Toutefois il est clair que la rente sur la dette publique n’est en aucune façon justifiée par des lois générales universelles et intemporelles. L’histoire nous apprend qu’il n’en fut pas toujours ainsi, ce qui nous permet de renvoyer le lecteur vers un livre très éclairant et trop méconnu[1]. Maintenant la théorie « Néochartalienne » de la monnaie confirme l’histoire, ce qui nous renvoie à d’autres publications[2]. Enfin le simple bon sens débouche sur l’étonnement : comment se fait-il que les Etats acceptent de payer un loyer sur leur propre monnaie ?
Pour comprendre ce qui est une évidence masquée, prenons une image : le lecteur connait-il un univers où il serait juridiquement interdit au propriétaire d’un verger d’en récolter les fruits et où , dans le même temps, il lui serait assignée l’obligation d’acheter les fruits d’un propriétaire voisin ? Il est bien clair que dans un monde remis sur ses pieds ce serait sur injonction du Trésor, et bien sûr sous contrôle démocratique, à la banque centrale d’émettre de la monnaie , une monnaie non artificiellement appuyée sur une dette.