Nous reprenons ici une récente vidéo (Thinkerview) présentant le point de vue d'Hevé Machenaud ancien directeur exécutif du groupe EDF. Sa réflexion concernant l'ARENH et les fournisseurs d'électricité est exposée entre 1h16 et 1h31. Hervé Machenaud s'interroge bien sûr à cette volonté de créer un marché européen de l'électricité et y voit une forte pression de l'Allemagne bien décidée à tuer le nucléaire français.. Nous voudrions ci-dessous apporter quelques compléments de réflexion sur le scandale de l'ARENH qu'il dénonce..
Ce dispositif censé être la porte d'entrée d'un marché qu'il fallait créer est précisément l'outil d'une violence juridique, symbolique et économique.
Concrètement l'ARENH est une obligation légale de céder 25% de l'électricité nucléaire d'EDF à tout fournisseur ayant décidé de s'investir sur le nouveau marché et apportant la preuve d'un portefeuille de clients acheteurs d'électricité. Les fournisseurs -jusqu'à près d'une centaine avant la crise et beaucoup moins aujourd'hui- se répartissaient le volume d'ARENH proportionnellement au portefeuille. Bien évidemment il ne s'agit pas officiellement d'une subvention puisqu'il existe un prix fixé par l'administration. De nombreux débats se sont déroulés y compris au niveau de la Cour des Comptes pour s'interroger sur le prix. S'agit-il d'un cout complet, y compris le cout du démantèlement des centrales, ou d'un prix ne permettant pas à EFD de couvrir ses couts? Sans entrer dans le débat, il suffisait de voir au niveau du régulateur, c'est à dire la CRE, pour constater que la demande dépassait largement le quota ARENH, preuve que le prix était et reste extraordinairement intéressant. Il s'agit donc d'un détournement de valeur d'une richesse produite par EDF, laquelle est pourtant une entreprise que l'on veut classique en la plongeant dans le bain de la concurrence. Il s'agit donc d'un détournement, d'un délit, couvert par l'administration et que les surveillants de l'Etat de droit ( Conseil d'Etat et Conseil Constitutionnel) n'ont pas voulu repérer.... ce qui ne peut que décrédibiliser les institutions. Ce détournement est devenu scandale lorsqu'avec la crise, EDF s'est vu imposé un montant accru d'ARENH, détournement nouveau entrainant une pénurie pour l'entreprise et obligeant cette dernière à acheter à des prix ahurissants de quoi satisfaire sa propre clientèle.
Symboliquement l'ARENH est insupportable pour les équipes de l'entreprise y compris ses dirigeants puisque l'on détourne de la valeur pour l'offrir à des concurrents nouveaux qui n'ont sauf de très rares cas '(Total Energies ou Engie) aucune compétence spécifique en matière industrielle. La seule compétence des équipes de ces concurrents n'est que de révéler une habileté commerciale et spéculative puisque désormais le bien électricité n'est plus qu'un actif marchand sur lequel peut se construire une multitude d'actifs financiers d'un montant très supérieur à l'actif réel.... On s'éloigne de la question de l'énergie pour entrainer dans la finance spéculative les jeunes générations dont le talent pourrait se déployer sur les réalités économiques. L'ARENH c'est aussi le rétrécissement des emplois productifs et la promotion des activités inutiles voire nuisibles. C'est sans doute la critique la plus grave.
La réalité est d'autant plus scandaleuse dans sa violence que l'on cherche à promouvoir les lois du marché sans en connaitre les règles profondes. Rappelons en effet qu'un marché quelconque suppose la liberté de contracter pour tous les participants et le strict respect des droits de propriété sur les biens échangés. Sur les marchés classiques dans un Etat qui se dit de droit, les acteurs ne font l'objet d'aucune violence entrainant la limitations des droits de propriété. Le marché de l'électricité ne respecte pas ces axiomes de base: nul respect des acteurs et nul respect de la propriété de ce qui est échangé.
Je laisse la place à Hervé Machenaud. Bonne écoute.