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17 juin 2014 2 17 /06 /juin /2014 04:00

 

La souveraineté  étant  l’affirmation qu’il n’existe aucun droit au-dessus du droit national a sans doute conduit le monde à des situations difficiles. Dans un système juridique national, les externalités issues des pratiques quotidiennes des acteurs sont gérables et le sont par le droit interne : les atteintes aux droits de propriété qu’elles génèrent sont internalisées. Tel est le sens de l’article 1384 du code civil en France. Mais tel n’est évidemment pas le cas dans l’ordre des souverainetés issues des constructions westphaliennes. Il n’existe pas d’article 1384 dédommageant un Etat des externalités subies et provoquées par un autre Etat. D’où des situations conflictuelles, des arrangements qu’on appelle « accords » ou « Traités », mais aussi des guerres.

Impérialisme ou exercice normal de la souveraineté ?

L’âge de l’Etat-Nation démocratique,  n’a pas mis fin- sauf, peut-être, en ce qui concerne les Etats de la Communauté Européenne- à la souveraineté westphalienne. Ainsi les USA aujourd’hui, considèrent que leur sécurité nationale, est menacée par des Etats Voyous, externalité qu’il faut gérer par tout un ensemble de mesures juridiques dont celles de l’embargo. Il en découle que toute action, en provenance de tout acteur privé ou public diminuant les effets de l’embargo transforme ses auteurs en ennemis des USA.

Si l’ennemi est un souverain, l’externalité est gérée par des mesures de rétorsion, mesures en théorie efficaces si le cout de ces dernières  est supérieur aux avantages du non-respect de l’embargo.

Si l’ennemi est un acteur privé, l’externalité n’est compensable que si les mesures de rétorsion sont envisageables concrètement, c’est-à-dire matériellement. En particulier si l’ennemi, en tant qu’acteur privé,  n’est pas présent sur le territoire américain, il est difficile de l’atteindre, surtout si cet ennemi se trouve physiquement logé dans le périmètre d’un Etat souverain réputé ami.

Impérialisme (politique) ou délit (juridique)?

Dans le cas de la BNP il est maintenant établi que la banque a allégé les effets de l’embargo sur le Soudan, l’Iran et Cuba. Il est donc logique que les USA réagissent. Les défenseurs de la BNP affirment que la rétorsion envisagée n’est guère acceptable car les USA auraient une vision extraterritoriale de leur souveraineté. D’où l’argument souvent invoqué dans la grande presse, de l’impérialisme américain dont le dollar serait l’un des bras armés.

On sait aujourd’hui que l’argument est faux puisqu’une chambre de compensation américaine située physiquement aux USA, a été mobilisée par la filiale newyorkaise de la BNP et que les traces des opérations correspondantes ont été maquillées, afin de ne pas attirer l’attention des autorités de surveillance et de régulation. Les Etats-Unis ne font qu’appliquer le principe de souveraineté. Avec toutefois des précautions juridiques relevant de la démocratie et du respect des droits de l’homme puisqu’aucun salarié, ou dirigeant, de la filiale américaine de la BNP n’a subi de violences. De la même façon, le patrimoine américain de la BNP n’a pas été menacé de saisie. On peut, certes, critiquer les USA sur un autre terrain : le politique, mais l’argument juridique est inattaquable car décision souveraine.

Du point de vue maintenant de la BNP, une activité légale, le financement du négoce de matières premières, effectuée en toute légalité au regard des droits européens, développe néanmoins des externalités au détriment des USA. Les USA ne peuvent invoquer l’article 1384 du code civil français pour obtenir réparation. Ils sont toutefois fondés à appliquer leurs lois puisque les transactions ont mobilisé des infrastructures financières sur leur territoire. Une législation concernant la sécurité de la nation américaine est ainsi contournée par un acteur privé : ce dernier doit être sanctionné.

Mieux, l’externalité invoquée n’est pas de nature civile ou simplement commerciale puisqu’il s’agit d’un problème de sécurité intérieure des USA. On comprend ainsi, que l’affaire est autrement plus grave que celle relevant généralement de l’article 1384. On comprend aussi pourquoi l’administration américaine veut dépasser la simple sanction d’une personne morale, pour en arriver à exiger des têtes. L’argument français selon lequel la même administration américaine serait plus conciliante avec les banques américaines de Wall Street ne tient pas, et les considérables sanctions financières de 2013 ne sont que financières et ne concernent que des personnes morales, pour des délits simplement économiques et délits ne portant pas atteinte à la souveraineté. Aucun dirigeant de banque n’oserait outrepasser la législation sur la sécurité intérieure des Etats-Unis. Nul ne saurait s’attaquer à la souveraineté américaine sans de redoutables sanctions personnelles. A ce titre les USA restent le modèle d’Etat-Nation au sens westphalien.

Sanctionner une personne morale ou sanctionner une personne physique ?

Les personnes morales sont pilotées par des personnes physiques, et ce sont des personnes physiques qui depuis maintenant près de 10 ans ont de fait, et sans doute indirectement,  menacé la sécurité intérieure des USA. La raison d’un tel choix n’est évidemment pas d’ordre politique et les dirigeants de la BNP ne souhaitent pas importuner les Etats-Unis. Elle est en revanche complètement financière : le règlement d’exportations soumises à embargo est une activité beaucoup plus rémunératrice que les autres. Il s’agit donc bien d’un délit et d’un délit portant sur la sécurité intérieure d’un Etat. On peut donc penser que les autorités américaines dans cette  affaire ont une position relativement modérée. Logiquement les responsables de la BNP devraient être extradés et pénalement sanctionnés.

Cette dernière solution serait au demeurant équitable, car une sanction financière lourde sur les comptes de la personne morale BNP développerait des externalités à l’échelle macroéconomique en particulier sur la France. On peut comprendre les mesures de rétorsion américaines sur la base du non-respect de l’embargo. On comprendrait moins  que ces mesures de rétorsion entrainent des externalités sur des acteurs complètement étrangers au problème posé. Des sanctions pénales sur des personnes physiques sont la seule réponse acceptable au problème posé.

De la grande confusion des esprits

Malheureusement l’ordre juridique ne permet pas cette solution juste tandis que l’ordre politique et idéologique français ajoute à la confusion.

Sur le plan strictement juridique, les délinquants se servent du manteau de la personne morale pour cacher leurs actions : le ou les délinquants ont agi au nom de la personne morale qui est ainsi seule coupable. Et il est impensable d’imaginer les mandataires agir contre les mandatés puisque dans l’ordre politico/idéologique du moment, la BNP apparait comme victime et non coupable : les entrepreneurs politiques français, à la quasi-unanimité,  cherchent à défendre la Banque et présentent l’affaire, comme une ingérence américaine. Simultanément,  des relais d’opinions considèrent que ces mêmes entrepreneurs politiques ne défendent pas suffisamment la souveraineté de la  France face à l’impérialisme américain. De quoi regretter le bon vieux temps où la France, Etat-Nation souverain, considérait comme inacceptable ingérence, les débats des Nations Unies portant sur le drame algérien de l’époque de la quatrième république. D’autres relais encore, croient pouvoir mobiliser des travaux académiques sur la nécessaire « élasticité du droit de la finance » pour implorer la clémence du procureur américain…

Pendant ce temps, à l’abri  d’une telle confusion des esprits, assis sur des rémunérations indécentes et maintenant mal acquises, les délinquants continuent et continueront de s’adonner à leur besogne…..  La sanction ne sera probablement que financière, ne concernera probablement que la personne morale… Quant à  ces possibles effets systémiques, ils seront payés par la collectivité. On ne change pas une équipe qui gagne !

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commentaires

B
A propos de la bulle sur les marchés actions, lisez cet article :<br /> <br /> Hallucinant : les banques centrales achètent massivement des actions.<br /> <br /> La présidente de la Fed, Janet Yellen, a confirmé la semaine dernière la baisse des injections de liquidité dans l’économie. Le Quantitative easing diminue de 10 milliards de dollars par mois<br /> depuis décembre 2013, et il est ainsi passé de 85 milliards l’année dernière à 35 milliards au mois de juillet, pour une extinction complète à la rentrée, normalement. Cette disparition progressive<br /> du QE se justifie, selon Yellen, par une reprise de l’économie qu’elle entrevoit en 2015-2016…<br /> <br /> Dans le même temps, elle a pourtant revu à la baisse la prévision de croissance pour 2014 (entre 2,1 et 2,3 % au lieu des 3 à 3,5 initialement prévus). En fait depuis la crise de 2008, les<br /> prévisions de croissance du PIB américain par la Fed sont systématiquement revues à la baisse, mais cela n’empêche pas cet optimisme irréel de l’institution monétaire…<br /> <br /> Cette croissance anémique, cette reprise sans cesse reportée, et cette baisse du QE devraient inquiéter les marchés actions, pourtant on ne note rien d’inquiétant pour le moment. Comment expliquer<br /> cela ? Un élément de réponse déterminant nous est apporté par le Financial Times (repris par Zero Hedge) qui cite une étude du Official Monetary and Financial Institutions Forum (OMFIF).<br /> L’information est stupéfiante : les banques centrales investissent sur les marchés actions, elles le font secrètement et pour des montants qui les placent parmi les principaux investisseurs<br /> mondiaux. Cela ne correspond pas du tout à leur fonction, elles se trouvent en plein conflit d’intérêt, étant donné qu’elles conduisent la politique monétaire, mais qu’importe. Par contre, elles<br /> contribuent artificiellement à la hausse des cours, et c’est tout l’objectif recherché.<br /> <br /> Les banques centrales n’agissent pas toujours en leur nom, mais au travers de filiales comme, par exemple, "l’Administration d’Etat des devises étrangères de la Chine", qui fait partie de la Banque<br /> de Chine, et qui est devenue la plus importante structure publique au monde détentrice d’actions. Parfois elles le font en leur nom, comme les banques centrales de Suisse (qui peut investir 15% de<br /> son bilan en actions) ou du Danemark (qui détient 500 millions de dollars d’actions). L’OMFIF a identifié 400 investisseurs publics répartis dans 162 pays qui détiennent au total 29.000 milliards<br /> de dollars d’actions…<br /> <br /> Pour donner un ordre de grandeur, ce chiffre équivaut à presque deux fois la dette fédérale américaine. A un tel niveau, il est évident que cette intervention pousse les actions à la hausse,<br /> autrement dit que les banques centrales contribuent à former une énorme bulle sur les marchés financiers.<br /> <br /> Manipulation, mensonge, dissimulation, les mots manquent, les théoriciens du complot sont dépassés ! Absolument rien ne justifie qu’une banque centrale acquière des actions, et dans une telle<br /> quantité, cela ne correspond en rien à sa mission qui est de veiller à la stabilité de la monnaie et du système financier. Ce comportement traduit plutôt une fuite en avant, une volonté de créer un<br /> environnement optimiste par la progression des indices boursiers, de façon à inciter les ménages à consommer et les entreprises à investir, pour enfin enclencher une reprise économique. Mais<br /> celle-ci n’arrive pas et, entretemps, la bulle sur les marchés actions continue de gonfler. Tout cela va très mal se terminer.<br /> <br /> https://www.goldbroker.com/fr/actualites/hallucinant-banques-centrales-achetent-massivement-actions-527
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B
Mercredi 25 juin 2014 :<br /> <br /> L'EIIL et al-Qaida fusionnent dans la principale localité à la frontière syro-irakienne (ONG).<br /> <br /> Les deux frères ennemis, l'État islamique d'Irak et du Levant (EIIL) et le Front al-Nosra, la branche syrienne d'al-Qaida, ont décidé de fusionner à Bou Kamal, la principale localité frontalière<br /> entre la Syrie et l'Irak, a indiqué aujourd'hui une ONG.<br /> <br /> L'acte d'allégeance du Front al-Nosra à l'EIIL permet à ce dernier d'être désormais des deux côtés de la frontière puisqu'il contrôle déjà la localité frontalière d'Al-Qaïm en Irak, selon<br /> l'Observatoire syrien des droits de l'homme (OSDH).<br /> <br /> http://www.lefigaro.fr/flash-actu/2014/06/25/97001-20140625FILWWW00094-l-eiil-et-al-qaida-fusionnent-dans-la-principale-localite-a-la-frontiere-syro-irakienne-ong.php<br /> <br /> L'EIIL et al-Qaida commencent à fusionner ? <br /> <br /> Ouh la la …<br /> <br /> Faire le plein.<br /> <br /> Je vais aller faire le plein de ma bagnole, vite, très vite.<br /> <br /> Je sens que le prix du pétrole va bientôt exploser.
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B
L'OCDE vient de publier ses prévisions : 11 pays sont en faillite.<br /> <br /> <br /> Le Japon, la Grèce, l'Italie, le Portugal, l'Irlande, la France, Chypre, l'Espagne, la Belgique, les Etats-Unis, le Royaume-Uni vont se déclarer en défaut de paiement.<br /> <br /> <br /> La question est :<br /> <br /> "QUAND ces 11 pays vont-ils se déclarer en défaut de paiement ?"<br /> <br /> <br /> Prévisions de l'OCDE :<br /> <br /> A la fin de l'année 2014, la dette publique du Japon atteindra 229,6 % du PIB.<br /> <br /> La dette publique de la Grèce atteindra 188,7 % du PIB.<br /> <br /> La dette publique de l'Italie atteindra 147,2 % du PIB.<br /> <br /> La dette publique du Portugal atteindra 141,3 % du PIB.<br /> <br /> La dette publique de l'Irlande atteindra 133,1 % du PIB.<br /> <br /> La dette publique de la France atteindra 115,1 % du PIB.<br /> <br /> La dette publique de l'Espagne atteindra 108,5 % du PIB.<br /> <br /> La dette publique de la Belgique atteindra 106,8 % du PIB.<br /> <br /> La dette publique des Etats-Unis atteindra 106,2 % du PIB.<br /> <br /> La dette publique du Royaume-Uni atteindra 101,7 % du PIB.<br /> <br /> Mais l'OCDE ne parle pas de Chypre :<br /> <br /> Au 31 décembre 2013, la dette publique de Chypre était de 18,442 milliards d’euros, soit 111,7 % du PIB.<br /> <br /> (La dette publique de l'Argentine est de 45 % du PIB.)<br /> <br /> http://alternatives-economiques.fr/blogs/gadrey/2014/06/19/la-grosse-dette-qui-monte-qui-monte%E2%80%A6-vers-un-%C2%AB-defaut-%C2%BB-partiel/
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