Fondamentalement la grande crise est celle de l’effondrement des bricolages spontanément mis en place pour maintenir le paradigme finissant des 30 glorieuses. Ce que l’on peut aussi appeler l’effondrement du « fordisme devenu boiteux ». Ce qui correspond aussi à un effondrement du holisme correspondant et l’épanouissement d’un individualisme radical.
Principales étapes :
1) Construction et privatisation des autoroutes de la finance avec totale liberté de circulation (années 70-80).
2) La mondialisation devient pour les grandes entreprises préférable à l’ancien partage des gains de productivité (depuis les années 70 jusqu’à aujourd’hui).
3) Maintien des revenus et du volume de la demande globale par « artificialisation de la plus value relative » : baisse de la valeur des biens importés issus de la mondialisation et construction des grands déséquilibres extérieurs (années 80, processus en voie de modération aujourd’hui)
4) Maintien des revenus et du volume de la demande globale par la magie financière : endettement croissant des ménages (années 90 jusqu’à aujourd’hui).
5) Maintien du volume d’activités des Etats- Providence par la magie financière (depuis la fin des souverainetés monétaires jusqu’à aujourd’hui).
6) Consommation croissante de marchandises internationales à partir de revenus non produits, avec en conséquences : divergence croissante entre citoyen en voie de disparition, salarié devenu davantage précaire ou flexible, et consommateur consumériste et parfois chômeur (depuis les années 80 jusqu’à aujourd’hui).
7) Crise financière comme crise de surendettement (depuis l’été 2007 avec aggravation progressive depuis).
8) Crise des Etats devenus incapables d’assumer leurs dettes et leurs « fonctions protectrices » (prise de conscience aigüe depuis 2010).
Derrière ces étapes existent des groupes d’acteurs : financiers qui prendront une place centrale au terme de la mise en place des autoroutes de la finance ; grands industriels qui auront la capacité de s’arracher aux contraintes du fordisme ; petits entrepreneurs ; distributeurs, acteurs essentiels dans la chaîne de l’artificialisation de la plus value relative ; salariés ; consommateurs ; et bien sûr tout ce qui relève du personnel politico-administratif. Sans oublier que l’ensemble de ces acteurs se trouve plongé dans l’océan de la mondialisation, océan fortement peuplé d’acteurs nouveaux.
Les résultats du jeu des acteurs constituent chacune des étapes de la grande crise. Et ces résultats ne sont évidemment pas prédéterminés : l’humanité reste, aujourd’hui comme hier, complètement aveugle. Ils sont simplement le compromis de l’instant, compromis qui assure le pouvoir à ceux que nous appelons les entrepreneurs politiques du moment. Et, évidemment, le compromis n’est pas durable car ce qui caractérise une grande crise, c’est que le futur ne peut plus être la reconduction, même remaniée, du passé.
Il n’y aura pas de retour vers les glorieuses et, ces trente cinq dernières années (1975-2010), correspondent au bricolage des acteurs en recherche du maintien du présent. Sauf peut être pour la finance qui a du vivre la période des glorieuses, comme insupportable répression, et fût l’acteur révolutionnaire de la période suivante. Probablement pour le pire.
Ce qui caractérise une grande crise est le sentiment de l’impasse. En particulier impasse des Etats aujourd’hui, avec des entrepreneurs politiques qui doivent « relancer » mais en même temps assurent la déflation. Impossibilité de laisser les déficits, mais impossibilité de tirer la demande par des exportations nouvelles pour tous. Si tous exportent, qui achètera alors que la réduction des déficits est une diminution des demandes globales de tous ? Et une relance par redistribution du partage salaires /profit est impensable en mondialisation : la demande globale du pays qui s’y aventurerait serait complètement siphonnée par les concurrents. Et comment créer un régulateur au dessus des Etats lorsque les marchés politiques restent d’essence nationale, ont tendance à se multiplier plutôt qu’à se fédérer ?
Au total, impasse du jeu global des acteurs qui fait émerger des états de plus en plus dégradés du monde des humains. Jeu global animé par des intérêts mais aussi des représentations du monde, telle celle figurant dans les théories économiques dominantes. Impasse qui est, en conséquence, aussi d’ordre épistémologique à l’instar de celle des mathématiciens grecs qui à partir de leur vision sur le concept de nombre seront dans l’impossibilité d’exprimer numériquement la diagonale du carré. Il n’y avait pas de solution pour calculer la diagonale du carré. Il fallait pour cela une autre vision du concept de nombre. Il n’y a pas de solution à la crise des années 2010 dans le paradigme d’aujourd’hui. Tout doit être réinventé.
Bonnes vacances à toutes et à tous.