Reprenant les propos de Daniel Stelter ("Endling the era of Ponzi Finance" dans Perspectives de décembre dernier, Jean Marc Vittori claironne à nouveau des raisonnements qui ne sont qu'une série d'inexactitudes (Les Echos du 15 janvier). le refrain est toujours le même:
le monde développé aurait emprunté sur la richesse de demain pour financer la consommation d'aujourd'hui, ce qui laisse un lourd fardeau aux généations futures et réduit le potentiel de croissance future.
La première erreur est que nous retrouvons ici, la problématique des choix individuels inter-temporels que nous exposent tous les manuels de base de l'enseignement de l'économie. Effectivement, le consommateur dont la "fonction utilité" - comme on dit dans les manuels- est telle qu'il est amené à consommer davantage que son revenu, se devra d'emprunter, ce qui limitera sa consommation future. Sauf que le raisonnement des manuels correspondants, se déroule dans le paradigme de la microéconomie, et que le raisonnement claironné dans tous les médias, est censé relever de la macroéconomie, une macroéconomie faite de la simple sommation des résultats micro économiques.
A l'échelle macroéconomique il existe des institutions (monnaie, banques, Etats, etc) qui bousculent les raisonnements additifs assimilant le tout comme la simple somme des partis.
C'est que la consommation à crédit- par exemple des ménages américains qui font leurs courses chez Wal-Mart, et de l'Etat américain qui achète des F35 chez Lockeed- correspond à une production, qui eut été fort dépourvue de débouchés sans la dette privée et publique. Argument qui ne peut évidemment apparaitre, lorsque l'on raisonne dans le cadre conceptuel de la micoéconomie.
Et loin d'affirmer stupidement, que l'on consomme trop avec de la dette, et qu'il faudra rembourser en travaillant davantage, le raisonnement non additif, nous fait penser que probablement les richesses produites - et invendables faute de dettes nouvelles - n'ont pas donné lieu à une distribution de revenu suffisante, une distribution en quantité et en qualité telle, que l'offre globale à l'échelle de la planète, soit assurée de rencontrer une demande globale qui lui soit égale.
Effectivement, la production chinoise est beaucoup trop importante par rapport à des débouchés muselés par des salaires trop faibles. Et effectivement les revenus salariaux américains sont bloqués par la concurrence asiatique. C'est donc la configuration, de la mondialisation - c'est à dire ses caractéristiques -qui empêche la demande globale de se hisser au niveau de l'offre. Sans doute pourrions- nous dire qu'à la faiblesse des salaires, doit correspondre des profits élevés et des revenus de la propriété très élevés. Mais, l'épargne qui en est la contrepartie, se transforme plus facilement dans le champs de l' investissement spéculatif que dans celui de la réalité économique. Toutes choses concrètement vérifiées tant leur visibilité est énorme.
De cette première erreur découle bien sûr toute la fausseté du raisonnement. Si les prémisses du raisonnement sont fausses, alors il en est de même des conclusions.
Ainsi, la dette n'est pas vraiment un fardeau pour les générations futures. L'avenir serait autrement bouché si la dette n'existait pas: déjà trop faible, l'investissement n'existerait plus, si la tendance générale à la surproduction, devait se concrétiser matériellement en l'absence de toute opération de crédit supplémentaire aux particuliers et aux Etats.
Et, surtout, la croissance future serait bien plus lourdement handicapée dans un contexte où l'investissement ( en l'absence de besoins d'amortissement et de simple remplacement, eu égard à la surproduction généralisée de marchandises) serait limité à celui entrainé par l'innovation. La dette privée et publique croissante, n'est ainsi que le prix à payer de l'actuelle configuration de la mondialisation.
Son avenir est ainsi tout tracé sur une courbe croissante, courbe qui ne peut rester telle que par le recours à la monétisation. Chemin que semble parcourir les grandes banques centrales du monde, amenées à connaître une véritable rupture épistémologique. A moins d'une mise en cause réelle des caractéristiques de la présente mondialistion, et en particulier la construction d'écluses permettant - et imposant- à tous les Etats acteurs de la mondialisation, l'équilbre de toutes les balances extérieures.
Le caractère grossièrement erroné de raisonnements, qu'on ne cesse de rabacher partout dans les médias, et qu'on reprend au niveau de toutes les conversations, est bien sûr un blocage dans la prise de conscience et le dépassement de la grande crise. Blocage qui profite tout aussi certainement aux bénéficiaires de l'actuelle mondialisation. Il est néanmoins assez difficile à contester, tant il est vrai que chacun effectue le raisonnement au simple niveau individuel. Chacun, journaliste, citoyen, voire économiste - mais là les choses deviennent plus graves- raisonne dans le cadre de ce qui ,savamment, correspond à la question des choix intertemporels: oui si on consomme davantage que ce que l'on gagne, alors l'avenir est effectivement sombre. Mais comment expliquer simplement que le global n'est pas l'addition des singuliers?