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24 mai 2015 7 24 /05 /mai /2015 15:48

 

La publication de l’article de Jean Peyrelevade  dans « Les Echos » du 20 mai dernier : « L’euro indissoluble »  peut faire l’étonnement du juriste ou de l’historien le plus modeste.

Le titre est lui-même curieux tant il est vrai que les affaires humaines sont instables : Il n’y aurait pas d’histoire et d’historiens si ces affaires relevaient de la simple génétique. Le fonctionnement de la ruche est d’ordre génétique et l’organisation de cette dernière inchangée depuis des dizaines de millénaires….mais l’ordre monétaire est lui soumis à la grande histoire des hommes et donc l’indissolubilité d’une monnaie, n’est qu’une expression politique de fort grande légèreté, tant l’histoire monétaire nous prouve le contraire.

 Il est vrai toutefois que monsieur Peyrelevade a pu être abusé par des juristes qui dans des publications de la Banque de France ont osé écrire que « Le droit monétaire a inscrit l’irréversabilité du remplacement des anciennes monnaies et de l’Ecu par l’euro dans la contrainte du droit »[1]. Comment un juriste  peut-il être aussi éloigné de la connaissance des réalités humaines ?

Beaucoup plus grave est le fait que monsieur Peyrelevade, en égratignant un collègue, Jacques Sapir affirme haut et fort dans son texte  que la « lex Monetae » ne pourrait sérieusement s’opposer à la déferlante des créanciers étrangers qui seraient victimes de la fin de l’euro.

 Un point de droit doit lui être rappelé afin qu’il puisse tenter de corriger son propos dans les colonnes des Echos.

Il faut tout d’abord rappeler que la lex monetae est un principe de droit international coutumier rappelé par deux arrêts de la cour de justice de la Haye du 19 juillet 1929. Il faut aussi rappeler qu’il s’agit  d’une règle de portée universelle reposant sur le principe de souveraineté des Etats en matière monétaire, ce qui signifie qu’elle s’applique à tous, aux étrangers comme aux nationaux. A ce titre elle est une loi de police, c’est-à-dire une loi dont l’observation est nécessaire pour la sauvegarde de l’organisation politique, sociale et économique du pays. Cela signifie en conséquence, qu’à priori, les clauses particulières de certains contrats entravant l’exercice de ce pouvoir de police, pourraient-elles mêmes être frappées de nullité par le souverain.

Dans ce contexte juridique à très forte odeur de souveraineté, certes très mal appréciée par les défenseurs de la mondialisation, on pourrait imaginer une forme de désuétude de la lex monetae. Ce serait oublier que la fin du système de Bretton-Woods décidée par le président Nixon le 15 aout 1971, n’a jamais été juridiquement contestée : lex monetae oblige. Et que l’introduction de l’euro s’est réalisée sous son couvert il y a fort peu de temps. En effet, le  règlement N° 1103/97 du Conseil du 17 juin 1997, est venu rappeler que « l’introduction de l’euro n’a pas pour effet de modifier les termes d’un instrument juridique ».

On peut certes opposer à ces deux exemples des arguments solides. Qui aurait oser contester, dans la réalité, quel Etat ,  quelle banque centrale, la décision du président de l’Etat le plus puissant de la planète ?  Dans le même ordre d’idée le règlement N°1103/97 ne pouvait être contesté dans le cadre de la construction de la nouvelle réalité monétaire, une construction ne lésant à priori aucun créancier dans un climat d’optimisme jubilatoire généralisé.

Pour autant la lex monetae a toujours été acceptée même au cas de pays de taille réduite procédant à des modifications de parité désagréables pour les créanciers de dettes souveraines. Aucun Etat n’est venu protéger ses ressortissants - épargnants victimes dans ses achats de produits financiers incorporant  de la  dette souveraine étrangère dévaluée- en exigeant des compensations de l’Etat dévaluateur. Aucune juridiction ne s’est risquée à contester le pouvoir régalien qui consiste à modifier les caractéristiques voire la dénomination de la monnaie souveraine.

A cet égard, les questions classiques de « déséquilibre des contrats » (droit français) ou de « frustration » (droit anglais) ne sont pas de mise et s’il existe un risque en raison de la souveraineté monétaire, c’est l’acheteur qui doit prendre la précaution de se couvrir au regard du taux de change. Il en est de même des clauses de « harship »  (clauses de « nouvelles circonstances ») qui ne seraient guère opposables aux Etats. Ajoutons que le risque se trouve déjà compensé dans le taux de l’intérêt qui incorpore la prime de risque.

On voit mal également une juridiction s’embarquer sur le terrain d’une lex monetae disparue en raison de la disparité de la souveraineté monétaire inscrite dans les Traités européens. La fin de l’euro faisant disparaitre les traités correspondants, la souveraineté  retrouvée serait en conséquence  la renaissance de ce qui lui est rattaché : la lex monetae .

Bien évidemment on peut imaginer que d’innombrables acteurs tenteront de mobiliser nombre de juridictions. C’est sans doute exact et Jean Peyrelevade a raison. Sauf que le retrait éventuel de la France de la zone euro correspondrait tout simplement à sa disparition…d’où une multiplication gigantesque des contestations qu’aucune machine judiciaire ne saurait absorber, si ce n’est pour rappeler la loi monétaire attachée à la souveraineté de chaque Etat. Les dettes souveraines ne sont pas  quantitativement modifiées par la variation d’une dénomination et d’un taux de change.

On peut toutefois imaginer une libéralité introduisant un régime de faveur pour les créanciers en dette souveraine dévaluée, celle que nous avons proposée dans un article précèdent[2]. On peut en effet imaginer que la fin de l’euro serait aussi vraisemblablement le retour de l’autorité publique sur sa banque centrale. Ce retour signifierait la possibilité de monétiser toutes les créances, en particulier souveraines  sur la base du nouveau taux de change. Nous renvoyons ici le lecteur au texte proposé sur le blog. Au-delà il nous faut conclure.

Conclusion :

Monsieur Peyrelevade craint que la dévaluation correspondant à l’abandon par la France de l’euro, correspondrait à une augmentation de sa dette publique externe équivalente à la dévaluation, soit selon ses chiffres plusieurs centaines de milliards supplémentaires. Cela est complètement inexact, et la France pourra opposer, comme tous les pays du monde qui ont connu cette circonstance,  la lex monetae de toujours.  Nous suggérons au quotidien Les Echos, d' autoriser Monsieur Peyrelevade à corriger des erreurs graves, lesquelles s’ajoutent à la propagande  générale qui engendrent chez  les citoyens de fausses croyances et de fausses peurs à très fort pouvoir contagieux.

 

 

 

[1] https://www.banque-france.fr/fileadmin/user_upload/banque_de_france/archipel/publications/bdf_bm/etudes_bdf_bm/bdf_bm_108_etu_2.pdf . Il s’agit d’un article du Bulletin de la Banque de France (N° 108, Décembre 2002) signé par Jean Christophe Cabotte et Anne-Marie Moulin.

[2] Cf. : http://www.lacrisedesannees2010.com/article-les-conditions-d-un-demantelement-reussi-de-la-zone-euro-92063917.html

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commentaires

B
En Grèce, le bank run s'accélère.<br /> <br /> En avril 2009, les dépôts bancaires étaient de 240 milliards d'euros. Aujourd'hui, ils sont de 133,7 milliards d'euros.<br /> <br /> Lisez cet article du site bloomberg.com :<br /> <br /> En Grèce, les retraits d'argent s'accélèrent en avril.<br /> <br /> Les dépôts bancaires ont atteint leur niveau le plus bas depuis septembre 2004, soit 133,7 milliards d'euros.<br /> <br /> Les retraits d'argent des épargnants grecs se sont accélérés en Avril, au moment même où un bras de fer entre la coalition anti-austérité au pouvoir et ses créanciers a aggravé les doutes quant à l'avenir de la Grèce dans la zone euro.<br /> <br /> Les dépôts des ménages et des entreprises ont chuté à 133,7 milliards d'euros en Avril. Ils étaient de 138,6 milliards d'euros en Mars. C'est une baisse mensuelle de 3,6 %. Les dépôts représentent 100 milliards d'euros de moins qu'en Septembre 2009, a déclaré aujourd'hui la banque centrale de Grèce. Depuis le début de la campagne électorale qui a propulsé le parti Syriza au pouvoir, les retraits d'argent atteignent 31 milliards d'euros, soit 18,8 % du total des dépôts.<br /> <br /> Les dépôts privés sont tombés à leur plus bas niveau depuis Septembre 2004, en raison des craintes que la querelle entre le gouvernement grec et ses bailleurs de fonds mènera à un retour à la drachme, ou alors à la confiscation de l'épargne des déposants.<br /> <br /> Les banques grecques ont perdu l'accès aux marchés des capitaux ainsi que l'accès aux opérations de financement ordinaires de la Banque centrale européenne, au milieu d'un bras de fer entre le gouvernement et ses créanciers sur les conditions attachées à l'actuel plan de sauvetage. <br /> <br /> Les banques grecques ont déjà obtenu plus de 80 milliards d'euros d'Assistance de Liquidité en Urgence (ELA) accordés par la Banque centrale de Grèce pour boucher le trou des retraits d'argent et pour rester à flot. <br /> <br /> Le graphique du bank run en Grèce est ici :<br /> <br /> http://www.bloomberg.com/news/articles/2015-05-29/greek-bank-deposits-bleeding-worsens-in-april#media-1
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B
Le 29 mai 2005, il y a dix ans, c'était le référendum sur le traité établissant une constitution pour l'Europe.<br /> <br /> Le 29 mai 2005, le peuple français vote « non » à la constitution européenne avec 54,67 % des suffrages exprimés. <br /> <br /> Pourtant, la classe politique et la classe médiatique avaient appelé à voter « oui ».<br /> <br /> 464 députés, 266 sénateurs, 22 présidents de région, les Eglises, les dirigeants syndicaux, les dirigeants patronaux, les grands intellectuels, les grands éditorialistes des journaux, les grands éditorialistes des radios, des télévisions, les élites universitaires, les enseignants des grandes écoles avaient appelé à voter oui. <br /> <br /> Les élites avaient appelé à voter oui. La nouvelle aristocratie avait appelé à voter oui. <br /> <br /> Et pourtant, malgré toute cette propagande médiatique en faveur du oui, le peuple a dit non. <br /> <br /> Le peuple a voté pour son intérêt.<br /> <br /> Dernière pulsion de vie. <br /> <br /> Dernier désir de vie.<br /> <br /> Baroud d’honneur.<br /> <br /> Chant du cygne. <br /> <br /> A la sortie des urnes, l’institut de sondage TNS-SOFRES a interrogé 1 500 personnes sur leur vote. <br /> <br /> http://www.tns-sofres.com/etudes-et-points-de-vue/le-referendum-du-29-mai-2005<br /> <br /> Le profil des votants :<br /> <br /> Qui a voté non ?<br /> <br /> 1- 96 % des sympathisants d’extrême-droite (FN + MNR) ont voté non.<br /> 2- 95 % des sympathisants du Parti Communiste ont voté non.<br /> 3- 81 % des ouvriers ont voté non.<br /> 4- 79 % des chômeurs ont voté non.<br /> 5- 65 % des Français âgés de 35 à 49 ans ont voté non.<br /> 6- 64 % des sympathisants des Verts ont voté non.<br /> 7- 61 % des Français sans préférence partisane ont voté non.<br /> 8- 60 % des employés ont voté non.<br /> 9- 59 % des sympathisants du Parti Socialiste ont voté non.<br /> 10- 59 % des Français âgés de 25 à 34 ans ont voté non.<br /> 11- 59 % des Français âgés de 18 à 24 ans ont voté non.<br /> 12- 56 % des professions intermédiaires ont voté non.<br /> 13- 55 % des commerçants, artisans, chefs d’entreprise, ont voté non.<br /> <br /> Je précise que l'extrême-gauche, les partis trotskistes avaient appelé à voter non. Les gaullistes du mouvement « Debout La République » avaient eux-aussi appelé à voter non. <br /> <br /> Deux chiffres retiennent mon attention. 81 % des ouvriers ont voté non. 79 % des chômeurs ont voté non. Ce sont les classes populaires qui ont le plus voté non. <br /> <br /> Enfin, les jeunes de 18 à 24 ans ont voté non à 59 %. <br /> <br /> Qui a voté oui ?<br /> <br /> 1- 76 % des sympathisants de l’UDF ont voté oui.<br /> 2- 76 % des sympathisants de l’UMP ont voté oui.<br /> 3- 63 % des Français de 65 ans et plus ont voté oui.<br /> 4- 62 % des cadres et des professions intellectuelles ont voté oui.<br /> 5- 60 % des retraités ont voté oui.<br /> 6- 41 % des sympathisants du Parti Socialiste ont voté oui.<br /> <br /> En clair : les sympathisants démocrate-chrétiens (UDF), les sympathisants de la droite non-gaulliste et libérale (UMP), la moitié (même pas la moitié : 41 %) du Parti Socialiste, les baby-boomers, les vieux, les plus de 65 ans, et les riches. <br /> <br /> Comme d’habitude, la nouvelle aristocratie est pour la construction européenne.<br /> <br /> Quels sont les cinq endroits de France où le oui fait ses plus gros scores ? <br /> <br /> Réponse : ce sont les cinq endroits les plus riches de France !<br /> <br /> 1- Neuilly-sur-Seine : 82,51 % de oui !<br /> 2- Paris, 7ème arrondissement : 80,52 % de oui !<br /> 3- Paris, 16ème arrondissement : 80,03 % de oui !<br /> 4- Paris, 8ème arrondissement : 79,67 % de oui !<br /> 5- Paris, 6ème arrondissement : 79,41 % de oui !<br /> <br /> http://www.interieur.gouv.fr/sections/a_votre_service/resultats-elections/rf2005/index.html<br /> <br /> La construction européenne est anti-sociale.<br /> <br /> La construction européenne est anti-populaire.<br /> <br /> La construction européenne est anti-démocratique.<br /> <br /> Elle doit être détruite.
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B
Le 5 juin, la Grèce doit rembourser 302,833 millions d'euros au FMI.<br /> <br /> Le 12 juin, la Grèce doit rembourser 340,687 millions d'euros au FMI.<br /> <br /> Le 16 juin, 567,812 millions d'euros.<br /> <br /> Le 19 juin, 340,687 millions d'euros.<br /> <br /> Total : en juin, la Grèce doit rembourser 1,552 milliards d'euros au FMI.<br /> <br /> Mais il y a un petit problème : la Grèce est en faillite.<br /> <br /> Solution ( ? ) au problème : <br /> <br /> La Grèce va emprunter quelques milliards d'euros supplémentaires au FMI. Ensuite, avec cet argent, la Grèce pourra rembourser 1,552 milliards d'euros au FMI au mois de juin.<br /> <br /> Rappel :<br /> <br /> En tout, la Grèce doit rembourser 32,1 milliards d'euros au FMI.<br /> <br /> Mardi 26 mai :<br /> <br /> Grèce : Varoufakis appelle les créanciers à se mettre d'accord.<br /> <br /> http://www.romandie.com/news/Grece--Varoufakis-appelle-les-creanciers-a-se-mettre-daccord_RP/596779.rom
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L
quelle clarte bravo
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