Monsieur Trump considère que le déséquilibre des échanges entre les Etat-Unis et l’Allemagne est le fait d’un taux de change inadapté, concrètement, un euro trop faible par rapport à la puissance exportatrice de l’Allemagne. Cette attaque a le mérite de souligner que l’Allemagne se cache derrière une monnaie trop faible alors que le mark aujourd’hui disparu aurait bénéficié d’un taux plus élevé freinant les exportations. Plus clairement dit, l’Allemagne serait un passager clandestin de la monnaie unique.
L’attaque signifie que le président américain chercherait à faire disparaitre la monnaie unique. C’est la raison pour laquelle nous avons vu fleurir des explications différentes et surtout militantes concernant le formidable excédent allemand.
Globalement, on comprendra qu’il s’agit de préserver l’euro et de considérer que l’excédent n’est pas dû à un taux de change inapproprié. La première réaction de défense a consisté à dire que le raisonnement du président américain est empiriquement erroné : L’Allemagne bénéficiait déjà d’un excédent au cours d’une période 2005-2008 où l’euro était considéré comme surévalué. L’argument ne tient pas si on considère que ce n’est pas l’euro qui est en cause mais son caractère irréaliste par rapport à l’économie allemande. Quel que soit le cours de l’euro, sauf des cas extrêmes, l’Allemagne est toujours bénéficiaire puisque c’est son taux de change réel par rapport à l’euro qui est en cause. Il est exact que lorsque le cours de l’euro est très élevé, la compétitivité allemande souffre un peu…mais beaucoup moins que l’ensemble de ses partenaires de l’UE dont l’efficience productive est plus faible. L’Allemagne prendra donc des parts de marché sur ses concurrents quel que soit le cours de l’euro, qui en soit n’est pas un problème.
En s’affranchissant de ce premier argument erroné on peut aller plus loin dans l’examen des autres points avancés par tous les défenseurs de la monnaie unique. Essentiellement 3 points sont mis en avant : l’importance de l’épargne, la politique budgétaire et le niveau de gamme élevé des productions manufacturières.
S’agissant du premier point, l’excédent extérieur n’est que le surplus exportable, contrepartie d’une dépense faible et donc d'une épargne trop élevée. L’argument est comptablement imparable mais la chaine causale l’est moins. On pourrait tout aussi bien considérer qu’à la production élevée correspond des revenus distribués élevés et donc une épargne plus élevée. Le surplus de production par rapport à la demande globale, donc le surplus exportable provenant lui du rapport qualité/prix dans lequel se retrouve taux de change et effet de gamme. Constater une épargne élevée n’est pas un mécanisme explicatif de l’excédent. Il existe d’autres causalités possibles.
S’agissant de la politique budgétaire prudente qui viendrait limiter l’absorption et donc contribuer à l’élévation du surplus exportable, là aussi ll y a constatation comptable sans explication suffisante. On peut tout aussi bien affirmer que l’importance de la production génère des rentrées fiscales abondantes et des dépenses sociales limitées en raison d’un taux d’emploi corrélé à celui de la production. De quoi présenter un budget excédentaire qui est le résultat d’un surplus exportable et non l’inverse. Ce qu’on appelle traditionnellement "soldes jumeaux" est une corrélation et ne correspond pas à des liens de causalité directs dans un ensemble complexe.
S’agissant enfin du troisième argument celui de la qualité manufacturière, il faut reconnaitre qu’il est le plus sérieux et qu’il correspond à des qualités techniques mesurables et donc objectives. Pour autant, lorsqu’un pays connait un tel avantage compétitif, son solde extérieur devient excédentaire et le cours de sa monnaie doit lui aussi monter, à moins que les pays clients soient amenés à procéder à un ajustement monétaire sous la forme d’une dévaluation. Modifications de taux qui contribuent au rééquilibrage des comptes extérieurs.
Au total la mobilisation des officines qui défendent la monnaie unique est bien obligée de se soustraire de certaines exigences qui, pourtant, garantissent la qualité mais aussi les justes prudences dans les raisonnements. Mais l’urgence est là et la digue des arguments faciles ou bricolés doit l’emporter sur l’honnêteté de la raison.