Dans un contexte économique devenu très difficile, la campagne électorale française tourne au cauchemar.
Effectivement le contexte est devenu très difficile et les chiffres pour l'année 2016 du commerce extérieur (déficit de 48,1 milliards contre 45,7 en 2015, et ce, dans un environnement de baisse des prix du pétrole) confirment que Le CICE budgétairement très coûteux n'a eu que peu d'effet pour le rétablissement de la compétitivité du pays. Mieux, hors énergie et matériel militaire, le déficit n'a fait que régulièrement s'aggraver depuis 2013. A cela il faut opposer la croissance des excédents allemands désormais atteints de gigantisme: 297 milliards d'euros en 2016 (en augmentation de 15% sur l'année antérieure). cela fait de l'Allemagne le pays le plus excédentaire du monde, dépassant même la Chine qui, elle, voit son excédent s'effondrer en passant de 293 à 245 milliards d'euros entre 2015 et 2016.
Dans ce contexte de divorce croissant du prétendu couple franco-allemand - déficit de 48,1 contre excédent de 297 milliards d'euros - il est clair que les programmes des différents candidats apparaissent d'une grande frilosité. Abordant souvent des détails indignes au regard de l'enjeu, saupoudrant des mesures sans réflexion ni envergure réparties sur des centaines de propositions, ils masquent les vrais problèmes dont la solution pourrait assurer le retour d'une ambition, qui est d'abord celle de refaire société en reconstruisant une immense classe moyenne aujourd'hui disparue.
Au delà des candidats qui proposent de rejoindre l'Allemagne par une austérité croissante, qui ne peut entrainer que l'aggravation d'une situation déjà difficile - la dévaluation interne comme seul moyen d'un retour à la compétitivité - il y a ceux qui croyant renverser la table proposent une TVA sociale supposée rétablir l'équilibre. Ce type de mesure peut tout au plus protéger contre l'hyper mercantilisme agressif, mais outre son impact sur les coûts internes, il ne peut rétablir la compétitivité externe.
Seuls 2 candidats proposent le rétablissement de la souveraineté monétaire, mais proposition quasiment honteuse - apparaissant comme mesure glissée sous des centaines d'autres- dans un contexte de quasi peur d'une police politique affirmant brutalement que le retour à la monnaie nationale serait ruineux. Proposition honteuse donc car ayant conscience de ses effets sur les marchés financiers dès leur annonce... aussi délicate soit cette dernière.
Pour autant, on ne peut proposer une vraie ambition qu'en posant la question de manière ouverte, car nul programme de reconstruction du vivre ensemble, un tant soit peu crédible et approximativement chiffré, ne peut être cohérent sans passer par la clé de voûte de la monnaie.
C'est bien en raison d'un taux de change complètement inadapté qu'a pu se constituer le double mur du déficit d'un côté et de l'excédent de l'autre. Double mur mis en avant par le nouveau secrétaire d'Etat au commerce américain. Il n'est donc pas sérieux, dans un contexte de retour à la monnaie nationale, d'évoquer un programme de mesures prétendument chiffrées. Le retour d'un taux de change initie un prix général à partir duquel tous les autres prix vont s'exprimer et à partir desquels des choix de politique économique vont pouvoir s'initier. Comment en effet parler de façon détaillée de fiscalité, ou de dépenses publiques, si tout doit au préalable être modifié par ce prix pivot qu'est le taux de change, charriant nécessairement des taux d'intérêt, des nouvelles modalités de financement du Trésor, de nouveaux chemins de réduction de la dette, etc.?
Les candidats souverainistes devraient par conséquent abandonner leur programme pour expliquer le comment et le pourquoi du rétablissement de la souveraineté monétaire.
L'exercice n'est pas simple car il consiste à expliquer les vraies mesures à prendre pour assurer dans des conditions de sécurité suffisantes le passage d'un monde qui ne peut plus assurer le maintien d'une large classe moyenne - donc un monde faisant face à des désordres sociaux croissants et bientôt incontrôlables - en un monde où la qualité du vivre ensemble se trouve progressivement rétablie.
A cet égard, nous ne changeons pas d'avis. Il est impératif que les candidats souverainistes expliquent clairement la situation: le grand écart à l'intérieur de la zone euro, l'effondrement de l'investissement sur toute la zone, l'excessive épargne de la zone (Près de 3% en 2016), la disparition des flux financiers intra-zone, la polarisation massive de la société dans tous les pays victimes de l'euro, la montée des rancœurs entre pays, la BCE devenue planche à billets, etc.. Cette campagne d'explication et d'objectivation de la réalité doit être au cœur des programmes. Et elle est essentielle en raison de la disparition générale de la raison au profit de la montée des émotions.
Mais les programmes doivent aussi expliquer comment s'y prendre pour changer les choses sans développer la panique provoquée par l'anticipation de la dévaluation: spread de taux, thésaurisation en billets, ouvertures de comptes en zone mark, krach obligataire, disparition de tout investissement, sur importations de précaution, gel à l'étranger du produit des exportations, spéculations sur les marchés à termes, etc.
Prévenir la panique avant l'élection présidentielle, c'est:
- Placer au centre des débats la planche à billets dont il sera négocié la réorientation de ses bénéficiaires : l'économie réelle sous la forme d'investissements massifs publics et privés ( de quoi faire disparaître l'excès d'épargne de la zone), la diminution de la dette publique, la sanctuarisation de l'Etat-providence, la création massive d'emplois générés par l'investissement. A ce niveau les candidats peuvent se passer de chiffres mais ne peuvent s'abstraire de la qualité des raisonnements.
- s'engager sur la négociation avec la seule Allemagne en proclamant haut et fort que la modification du statut de la BCE permettant la réorientation fondamentale de son activité est la seule possibilité pour le sud de la zone de continuer à lui appartenir.
Bien évidemment, les candidats souverainistes doivent aussi savoir que cette négociation est impossible pour les allemands et que, dans ces conditions, en cas de victoire à l'élection présidentielle, la réquisition de la banque de France interviendra sans délai, avant même tout épanouissement de la panique, y compris en s'affranchissant de la légalité européenne. Une telle décision, par son caractère souverain entrainera l'effondrement complet de la zone avec le rétablissement d'un mark réévalué à hauteur d'environ 30%, ce qui permettra d'en finir avec la mercantilisme allemand.
Mais aussi une telle décision permettra de donner crédit à l'objectif fondamental de refaire société à l'intérieur de chaque nation. Au delà elle permettra aussi de reconstruire une collaboration entre nations européennes sur une base de coopération. Les taux de change étant rétablis la compétitivité meurtrière à l'intérieur de la zone au profit de la seule Allemagne avec ses dangers majeurs aura disparu.
Bien évidemment, il faudra gérer les débuts difficiles de ce monde nouveau, et le nouveau président ne pourra guère pratiquer la langue de bois. Reconstruire une immense classe moyenne paisible ne sera pas une promenade de santé, mais le début du chemin qui y mène sera au moins emprunté, et surtout du sens sera retrouvé.