La vidéo proposée ci-dessous est une bonne illustration et un bon résumé de la douzaine d'articles consacrés à la crise énergétique que nous avons publié sur le blog cette année. Loïk Le Floch-Prigent interrogé par Marianne analyse avec précision et grande simplicité l'histoire de l'effondrement énergétique de la France. Rappelons que monsieur Le Floch- Prigent fut président de Gaz de France et PDG d'Elf Aquitaine pendant de très nombreuses années.
L'intérêt de l'interview est qu'il fait remonter très loin les causes de la marche vers l'effondrement d'un dispositif qui était de loin le plus performant de la planète jusqu'au début du présent siècle. C'est en effet en pleine fin de cohabitation et en pleine compétition entre Chirac et Jospin - 13 mars 2002- que la France décide droite et gauche rassemblée, de se conformer -dans une rencontre de chefs d'Etat européens à Barcelone- à la volonté Bruxelloise en renonçant aux monopole des services publics. Ces grands serviteurs de l'Etat qu'étaient les ,ingénieurs du couple EDF-GDF savaient déjà que la construction rationnelle et ultraperformante menée depuis la seconde guerre mondiale se terminait en cette fin d'hiver 2002. L'ère des grands organisateurs chère à James Burnham s'achevait et le pouvoir ne supportait plus ce que l'on appelait à cette époque "l'Etat EDF". Les grands ingénieurs devaient laisser la place au grand marché. A partir de ce moment tout devenait clair et l'industrie de l'énergie devait s'asseoir dans un toboggan:
- La concurrence devait laisser une place grandissante aux énergies renouvelables dont l'intermittentes pouvait -pensait-on - être contenue par la magie du marché.
- L'électricité n'étant pas stockable il fallait Parallèllement construire autant de puissance que celle de ces nouvelles énergies pour assurer l'équilibre entre électrons appelés et électrons produits. D'où le propos de Le Floch- Prigent selon lequel l'éolien massif suppose un recours tout aussi massif au gaz. D'où un stock global de capital installé plus lourd et donc des rendements globaux plus faibles.
- l'équilibre instantané et obligatoire, entre énergie appelée et énergie produite dans un contexte de concurrence imposée, suppose la naissance de marchés à terme dont la liquidité doit-être impérativement assurée par la financiarisation et la naissance des titres correspondants. D'où, au- delà du cout marginal comme prix directeur, l'immersion de l'industrie de l'énergie dans la spéculation financière.
- La concurrence devenue obligatoire dans un contexte où EDF reste de loin le meilleur suppose la création d'un marché artificiel dans lequel baignera des entreprises tout aussi artificielles. Il faudra près d'une dizaines d'années pour son accouchement (Loi NOME de janvier 2010) et rendre possible le ponctionnement d'EDF par le dispositif ARENH que nous avons longuement discuté. Désormais EDF sera privé des amortissements souhaitables lesquels deviendront les couts et résultats des entreprises artificielles. Le Floch Prigent évoque cela très simplement avec l'exemple d'un boulanger.
-Parce qu'artificiel le marché de l'énergie ne peut tenir que fortement encadré par une bureaucratie complexe à l'échelle de l'entreprise mais aussi à l'échelle du pays et à celle de l'Europe. Des milliers d'emplois improductifs mais de haut niveau sont ainsi crées et vont concourir à l'affaissement du dispositif.
- L'entreprise EDF est invitée à entrer pleinement dans la concurrence internationale. Il s'agit d'acquérir en toute hâte la culture mondialiste des grandes entreprises internationales et d'oublier le parc électro nucléaire français que l'on ne peut plus entretenir et qui doit être progressivement abandonné.
- La perte progressive de toutes les compétences fera que toute renaissance sera très difficile, d'où des délais planifiés 2 fois plus importants aujourd'hui pour construire une centrale qu'il y a trente ans. L'affaissement du pays est donc durable et concerne plusieurs générations.
Arrêtons de commenter ce qui devient le prochain drame français et laissons parler Monsieur Le floch-Prigent.
Bonne écoute.