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17 janvier 2023 2 17 /01 /janvier /2023 15:26

Ce sont évidemment les gros utilisateurs d’électricité qui vont être le plus lourdement impactés par un prix de marché qui s’aligne comme nous l’avons vu sur le cout marginal, et ici un cout relevant d’une dérive géopolitique incontrôlée. D’où la grande question concernant le renouvellement des contrats qui a beaucoup mobilisé les pouvoirs publics à propos des boulangers incapables de régler des factures d’électricité hors de portée de leurs modestes ressources.

Le cout marginal générateur du prix jugé inaccessible est très élevé mais surtout il concerne une part non négligeable de la quantité d’électricité produite dans le pays. La cause fut abordée dans les points 3, 4 et 5 des conclusions de la première partie du présent article. Le temps n’est plus où le monopole EDF disposait de très grandes capacités faisant que le cout marginal, le cas échéant élevé sur énergies fossiles, ne concernait que des plages très restreintes. Absence de marché et cout marginal contenu sur plages restreintes faisait que le prix de vente offert aux consommateurs pouvait oublier ce qui n’était qu’une anomalie brève : le prix pouvait rester stable et en congruence avec un cout unitaire moyen beaucoup plus faible. Une telle politique de prix assortie de mesures incitatives pour limiter les pics de demande, et donc l’émergence d’un cout marginal prohibitif, était la marque du monopole de l’époque, Et un monopole capable de couvrit l’ensemble de ses couts.

 L’argument selon lequel la France peut aujourd’hui ne pas s’aligner sur l’Allemagne est donc très discutable : l’ex monopoleur  s’est métamorphosé en une entité réduite que l’on saigne, et, aujourd’hui, le cout marginal est devenu à court et moyen terme incontrôlable.

Certes on peut être interventionniste et ne pas accepter le marché, mais il est très difficile pour la puissance publique de combler la totalité du surcout. Et bien évidemment cela relève des choix antérieurs vus dans les mêmes 3,4 et 5 points de nos conclusions : EDF est devenu un « Gulliver enchainé » amoindri dans ses capacités d’innovation et d’investissement, et les fournisseurs alternatifs ne sont que des entités, en mode start-up, captrices de rentes et très éloignées de l’investissement réel. Le poids de ces fournisseurs est devenu considérable dans la fourniture d’électricité puisque bénéficiant de la subvention EDF sous forme ARENH (quelque 25% de la production nucléaire totale) et de la subvention publique sous la forme d’aide à l’éolien ( un cumul de quelque 35 milliards d’euros). Sauf exceptions, telles Total Energie ou Engie, ces fournisseurs restent marginaux dans la production. Au mieux ils ne produisent qu’une partie (probablement moins de la moitié) des 17% des électrons produit par des éoliennes alors qu’ils brassent des quantités considérables d’électrons (somme de l’ARENH, de l’éolien maitrisé et des achats sur les marchés de détail et de gros).  Dans la situation géopolitique du printemps 2022, ces fournisseurs marginaux et parasites d’EDF seront victimes des contrats passés avec leurs clients à un moment où les prix de gros vont connaitre une fulgurante ascension. Concrètement ils ont proposé des prix adossés à l’ARENH en pensant s’approvisionner à partir de prix stables sur les marchés, tout en continuant à bénéficier de la subvention publique sur l’éolien. Au-delà, il est probable que tous n’ont pas cru devoir s’assurer par des produits de couvertures leur permettant de bénéficier d’une sécurité financière en cas de hausse. Ils ne peuvent donc aujourd’hui que proposer des contrats plus ou moins alignés sur les couts marginaux devenus astronomiques et ce sans profondeur financière sur les marchés de couverture.

Avant la présente crise ils pouvaient très largement concurrencer l’ancien monopoleur dont ils tiraient les électrons à prix subventionnés (ARENH), d’où l’augmentation de leur part de marché et la perte de clients chez EDF dans des proportions allant jusqu’à 100000 usagers chaque mois. C’était l’époque où les prix de l’électricité engendré par  des molécules était bas, et que l’on pouvait avec les perspectives de North stream 2 spéculer sur des marchés à terme baissiers. De quoi être bien meilleur qu’EDF. Tout change avec la guerre et dès le printemps 2022 les fragiles fournisseurs simples spéculateurs sont en danger. Au nombre de 43 fin 2021, l’hécatombe est rude et on ne sait plus très bien quelle est l’exacte situation aujourd’hui, puisque 12 ont suspendu les mises en circulation de nouveaux contrats, que 4 ont cessé toute activité en France, et que 2 éloignent dans le temps l’activation d’éventuels futurs contrats.

 

Le gouvernement français tente de se débattre au milieu d’intérêts et de croyances contradictoires. Il ne peut en particulier abandonner les très petites entreprises qui, telles les métiers de bouche, assurent encore le maillage des territoires. L’abandon serait politiquement dangereux. Il ne peut non plus accepter la quasi disparition des simples fournisseurs et laisser se redéployer une situation de quasi monopole pour EDF, l’ARENH disparaissant faute de preneurs de subventions ou se concentrant sur de vrais producteurs concurrents qu’EDF pourrait beaucoup légitimement dénoncer (Total Energie, Engie). D’où la décision d’un « entre-deux » avec la fixation d’un prix maximal de 280 euros l’unité pour l’ensemble de l’année 2023. Bien évidemment ce prix reste très élevé et supposera une intervention publique dont la réalité reste à explorer. En particulier le gouvernement français devra par le biais de son régulateur (CRE) faire le tri entre les fournisseurs. Il lui faudra aussi veiller au bon dégonflement de  la bulle financière développée par le fonctionnement d’un marché de l’électricité, question qui n’est guère abordée  dans les débats. Cette bulle largement engendrée par le modèle économique des fournisseurs aujourd’hui en très grande difficulté, a pu représenter jusqu’à 20 fois le volume des électrons physiques et se trouve logée dans de nombreux produits financiers. Elle se trouve aussi en dehors du périmètre des prérogatives du CRE, d’où le silence qui lui est associé.

Le gouvernement français veut une réforme du marché de l’électricité et semble prêt à entrer en conflit avec l’Allemagne qui ne veut en aucune façon abandonner l’idée de marché. Il se donne 6 mois pour y parvenir. Ce même gouvernement est hélas très mal armé. Très mal armé idéologiquement car très proche du néolibéralisme qui a entrainé le dépeçage d’EDF-GDF : le personnel politico-administratif responsable du dépeçage est toujours au pouvoir et continue probablement de croire au marché. Très mal armé matériellement car la France est bel et bien entrée en situation de dépendance énergétique : il faut être fort pour négocier. Affaire à suivre.

 

 

 

 

 

 

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